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Décisions

Cass. com., 15 novembre 1994, n° 92-19.155

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Bordeaux, du 2 juill. 1992

2 juillet 1992

Attendu, selon l'arrêt attaqué que la société " Overseas Reefer Services " (ORS), ayant pour représentant légal M. X..., a affrété le navire " El Septimo ", propriété de la société " Compania Coruesa de Navigacion " (Coruesa), et dont l'assureur et le réassureur étaient respectivement les sociétés " Nacional Hispanica Aseguradora " (Hispanica) et " Standard Steamschip Owner's Protecting Identity Association " (Standard), pour le transport de pommes de Port-Vendée à Dubaï ; que la charte-partie contenait une clause compromissoire donnant compétence à la chambre d'arbitrage de Londres ; qu'à la suite du chargement sur le même navire d'une cargaison de poires et d'oeufs devant voyager à température différente, les chargeurs, et notamment le GIE Sofrexoeuf ont émis des " lettres d'indemnité " par lesquelles ils garantissaient l'armateur " de toute réclamation pouvant résulter du chargement des marchandises " ; qu'à la suite d'avaries aux cargaisons constatées à l'arrivée, la société Coruesa a été condamnée au paiement d'indemnités par une juridiction de Dubaï ; que, statuant à la demande de la société Coruesa, une juridiction arbitrale londonienne, sur le fondement de l'exécution du contrat d'affrètement, a décidé que " le risque des condamnations prononcées à Dubaï incombait aux affréteurs ", c'est-à-dire à la société ORS ; que le tribunal de commerce de Morlaix, saisi par l'assureur et le réassureur du navire, a condamné la GIE Sofrexoeuf au paiement d'une indemnité envers eux ; que la saisie conservatoire du navire " Osiris I ", propriété de la société " Constance Navigation " (Constance) a été autorisée par un arrêt confirmatif de la cour d'appel de Bordeaux ; qu'enfin, la société Coruesa, ainsi que l'assureur et le réassureur, ont assigné devant le tribunal de commerce de Bordeaux la société Constance en paiement de dommages-intérêts, ainsi qu'en validation de la saisie du navire " Osiris I " ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Constance et ORS font grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable l'intervention volontaire de la société ORS, alors, selon le pourvoi, qu'il résulte des motifs mêmes de l'arrêt que l'instance tendait à obtenir paiement par la société Constance de la dette de la société ORS, et qu'il existait, selon la cour d'appel, une " communauté d'intérêts " entre elles, si bien que ces motifs caractérisaient l'intérêt de la société ORS à intervenir à titre accessoire pour montrer que " sa " prétendue dette, que l'on voulait faire supporter à la société Constance, dette qui ne lui incombait pas, et qui avait été réglée par les responsables ; qu'ainsi la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 330 et 554 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la société ORS, qui n'était pas partie au jugement, ne pouvait en demander l'infirmation comme elle le faisait dans ses conclusions, l'arrêt retient qu'elle ne justifiait d'aucun intérêt à intervenir, son seul objectif affirmé étant de " fournir des renseignements pour étayer la thèse de la société Constance, extérieure au litige de transport en cause et cependant condamnée en ses lieu et place par les premiers juges à en réparer les conséquences " ; qu'ainsi la cour d'appel, qui a déclaré irrecevable l'intervention volontaire de la société ORS, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1842 du Code civil ;

Attendu que, pour condamner la société Constance au paiement de dommages-intérêts en exécution d'une obligation incombant à la société ORS, l'arrêt retient que les sociétés Constance et ORS sont des sociétés de façade apparaissant comme des unités d'exploitation d'une même entreprise commerciale ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans caractériser la fictivité de l'une ou de l'autre de ces sociétés, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard du texte légal susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.