CA Lyon, civ. 3, 12 janvier 2006, n° 04/04557
LYON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
PROTRANS INTERNATIONAL (SNC)
Défendeur :
CEDILAC (SA)
La société CEDILAC fabrique et conditionne des produits alimentaires à base de lait et de ses dérivés, ainsi que des boissons alimentaires telles que des jus de fruits. La société ORJUS a pour activité la distribution de boissons alimentaires notamment des jus de fruits. La société CEDILAC et la société ORJUS ont été en relation d'affaires pendant plusieurs années dans le cadre d'un contrat de façonnage, la société CEDILAC assurant la reconstitution et/ou le conditionnement des jus de fruits commercialisés par la société ORJUS à partir d'ingrédients fournis par cette dernière. Dans le cadre de ce contrat, la société ORJUS a assumé l'organisation et le coût du transport de concentrés de jus de fruits. Pour ce faire, elle a affrété la société PROTRANS INTERNATIONAL, en qualité de commissionnaire de transport. La société ORJUS ayant laissé des factures impayées auprès de la société PROTRANS INTERNATIONAL, celle-ci a réclamé à la société CEDILAC le règlement des factures soit la somme de 62 310, 49 ç sur la base de l'article L 132-8 du code de commerce.
Par lettre recommandée du 6 mai 2002, la société CEDILAC s'est opposée à cette demande en expliquant ne pas être destinataire des marchandises, mais simple réceptionnaire et domiciliataire de la société ORJUS dans le cadre d'un contrat de façonnage.
Par jugement du 27 juin 2002, le tribunal de commerce de PARIS a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société ORJUS.
Par acte du 17 juillet 2002, la société PROTRANS INTERNATIONAL a assigné la société CEDILAC devant le tribunal de commerce de LYON en paiement des factures. Par acte du 18 juin 2003, elle a appelé en cause et en garantie la société CANDIA aux fins de la voir condamner in solidum avec la société CEDILAC.
Les deux procédures ont été jointes.
Par jugement du 15 juin 2004, le tribunal de commerce de LYON a: - débouté la société PROTRANS INTERNATIONAL de l'ensemble de ses demandes; - condamné la société PROTRANS INTERNATIONAL à verser la somme de 2 000 ç à la société CEDILAC et la somme de 2 000 ç également à la société CANDIA en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 1er juillet 2004, la société PROTRANS INTERNATIONAL a interjeté appel de ce jugement.
Vu l'article 455 alinéa 1er du nouveau code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret no 98- 1231 du 28 décembre 1998;
Vu les prétentions et les moyens développés par la société PROTRANS INTERNATIONAL dans ses conclusions du 15 octobre 2004, tendant à obtenir la condamnation in solidum des sociétés CEDILAC et CANDIA à lui payer la somme de 44 247, 72 ç outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ainsi que 3 000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, aux motifs que la société CEDILAC est bien destinataire au sens de l'article L 132-8 du code de commerce, qu'elle peut en bénéficier en qualité de commissionnaire de transport, que si la société CEDILAC et la société CANDIA sont deux personnes morales différentes, elles utilisent le même nom commercial, que les deux sociétés entretiennent volontairement la confusion entre elles;
Vu les prétentions et les moyens développés par la société CEDILAC et la société CANDIA dans leurs conclusions du 28 février 2005, tendant à obtenir la confirmation du jugement entrepris outre 2 000 ç de dommages et intérêts et 2 000 ç chacune en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, aux motifs que le destinataire a nécessairement la qualité de partie au contrat de transport, que tel n'est pas le cas de la société CEDILAC, simple
réceptionnaire, que seule la société ORJUS avait la qualité de destinataire, que seul le voiturier peut exercer l'action directe en paiement prévue par l'article L 132-8 du code de commerce, que la société CANDIA est totalement étrangère à la présente affaire; subsidiairement que les factures présentées à destination de ROTTERDSAM ne concerne en rien la société CEDILAC; MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que l'article L 132-8 du code de commerce dispose que le voiturier a une action directe en paiement de ses prestations à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix du transport;
Attendu que si l'article précité ne vise expressément que le voiturier, le commissionnaire de transport, quand il a payé le voiturier, est subrogé dans ses droits; que la société PROTRANS INTERNATIONAL, dont il n'est pas contesté qu'elle a agi en tant que commissionnaire de transport, est fondée à agir en paiement contre l'expéditeur ou le destinataire;
Attendu qu'au regard du contrat de transport, a seul la qualité de destinataire celui qui figure comme tel sur le document de transport; que c'est ce destinataire désigné par l'expéditeur que le transporteur a seul à connaître, même s'il sait qu'il n'est pas le destinataire final; que, d'après les lettres de voiture internationales versées aux débats, la société CANDIA apparaît comme destinataire; qu'en l'espèce, le fait que la société ORJUS soit le destinataire final des marchandises après reconstitution et/ou conditionnement des jus de fruits par la société CANDIA, n'a pas d'incidence sur la qualification juridique du destinataire telle que rappelée ci-avant; que le destinataire au sens du droit des transports est bien celui chez lequel les marchandises sont livrées dans le cadre du contrat de transport, ici la société CANDIA;
Attendu que la société CANDIA et la société CEDILAC sont deux personnes juridiques différentes; que toutefois sur les lettres de voiture, elles apparaissent indifféremment l'une à la place de l'autre; que lorsque la société CANDIA est mentionnée comme destinataire, c'est le timbre de la société CEDILAC qui apparaît à côté de la signature de la personne habilitée à recevoir les marchandises; que, dans ces conditions, elles seront condamnées in solidum, la solidarité se présumant en matière commerciale;
Attendu que les intérêts au taux légal sont de droit ; que la capitalisation des intérêts doit être accordée aux parties qui la demandent dès lors que les conditions de l'article 1154 du code civil sont remplis; qu'elle est accordée à compter de la première demande soit le 17 juillet 2002;
Attendu que l'équité commande que la totalité des frais irrépétibles ne soit pas laissée à la charge de la société PROTRANS INTERNATIONAL ; qu'il lui sera alloué 2 500 ç à ce titre;
Attendu que les sociétés CANDIA et CEDILAC, qui succombent, seront condamnées in solidum aux dépens;
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
Réforme la décision entreprise en toutes ses dispositions;
Et statuant à nouveau,
Condamne in solidum les sociétés CANDIA et CEDILAC à payer à la société PROTRANS INTERNATIONAL la somme de 44 247, 72 ç outre intérêts au taux légal avec capitalisation à compter du 17 juillet 2002;
Condamne in solidum les sociétés CANDIA et CEDILAC à verser à la société PROTRANS INTERNATIONAL la somme de 2 500 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.