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Décisions

Cass. com., 5 juillet 2023, n° 21-21.115

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Angers, du 25 mai 2021

25 mai 2021

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 25 mai 2021), la société Texatop a vendu à la société Merien un moule, d'un poids de 5 300 kg, et une bobine d'acier, d'un poids de 1 200 kg, la vente étant stipulée « départ usine ». La société Merien en a confié le transport à la société Transports Coué, commissionnaire de transport, qui s'est substituée la société Transports Montaville. Le 24 septembre 2014, au cours du transport, le moule a chuté de la semi-remorque et a été endommagé.

2. La société Helvetia compagnie suisse d'assurances (la société Helvetia), subrogée dans les droits de son assurée, la société Merien, a assigné en remboursement des sommes versées à cette dernière la société Texatop, la société Transports Montaville et l'assureur de celle-ci, la société AXA France IARD (la société AXA), qui ont appelé en garantie les sociétés Texatop et Transports Coué. Cette dernière a assigné en garantie les sociétés Texatop, Transports Montaville et AXA.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Helvetia fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes qu'elle a formées contre la société Texatop et de limiter à la somme de 12 190 euros la condamnation prononcée in solidum à l'encontre de la société Transports Montaville et de son assureur, la société AXA, alors « qu'en dépit du choix par les parties d'une "vente départ d'usine", le vendeur qui assume la responsabilité des opérations de chargement doit répondre des conséquences dommageables de leur exécution défectueuse ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la société Texatop, qui a signé la lettre de voiture en qualité d'expéditeur remettant, a procédé seule aux opérations de chargement dont l'exécution défectueuse, en l'absence de calage et d'arrimage de la marchandise, a été la cause exclusive des dommages subis par le matériel livré à la société Merien ; qu'en déboutant la société Helvetia de son action en responsabilité à l'encontre de la société Texatop au motif inopérant que l'outil était vendu "départ usine", ce qui signifiait que le vendeur ne se chargeait pas du transport, la cour d'appel a violé les articles 7.2 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique dans sa version applicable au litige, 1382, devenu 1240, du code civil et L. 132-8 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 132-8 du code de commerce et 7.2 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique, dans sa version applicable au litige :

4. Il résulte de ces textes qu'en dépit de la conclusion d'une vente « départ d'usine », le vendeur qui, ayant signé la lettre de voiture en qualité d'expéditeur-remettant et y ayant apposé son cachet, procède lui-même aux opérations de chargement, calage et arrimage du bien vendu, en assume la responsabilité et doit répondre, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, des conséquences dommageables de leur exécution défectueuse.

5. Pour rejeter les demandes formées contre la société Texatop, l'arrêt retient que la société Merien a demandé à la société Transports Coué d'organiser le déplacement, conformément à ses engagements contractuels pris à l'égard de la société Texatop en vertu du contrat de vente qui les lie et selon lequel l'outil était vendu « départ d'usine », ce qui signifie que le vendeur ne se charge pas du transport. Il ajoute que si la société Texatop a, dans les faits, procédé aux opérations de chargement, ce ne peut être que comme représentant de la société Transports Coué, donneur d'ordre, en vertu de l'article 7.2 du contrat type qui prévoit que les opérations de chargement, calage et arrimage d'un envoi supérieur à 3 tonnes sont exécutées par le donneur d'ordre ou par son représentant sous sa responsabilité, c'est-à-dire sous la responsabilité du donneur d'ordre.

6. En statuant ainsi, alors qu'il ne résulte pas de l'arrêt que la société Texatop aurait indiqué sur la lettre de voiture qu'elle aurait agi pour le compte d'un tiers, la cour d'appel, qui a relevé que la société Texatop figurait sur la lettre de voiture en qualité d'expéditeur-remettant et qu'elle avait effectué elle-même les opérations de chargement et de calage des outils vendus, a violé les textes susvisés.

Sur le second moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. La société Helvetia fait grief à l'arrêt d'avoir limité à la somme de 12 190 euros la condamnation prononcée in solidum à l'encontre de la société Transports Montaville et de son assureur, la société AXA, alors « qu'aux termes de l'article 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique, dans sa rédaction applicable au litige, l'indemnité que le transporteur est tenu de verser pour la réparation des dommages résultant de la perte totale ou partielle ou de l'avarie de la marchandise, ne peut excéder, pour les envois égaux ou supérieurs à trois tonnes, 14 euros par kilogramme de poids brut de marchandises manquantes ou avariées pour chacun des objets compris dans l'envoi, sans pouvoir dépasser, par envoi perdu, incomplet ou avarié, quels qu'en soient le poids, le volume, les dimensions, la nature ou la valeur, une somme supérieure au produit du poids brut de l'envoi exprimé en tonnes multiplié par 2 300 euros ; que selon l'article 2.1 du contrat type, l'envoi est la quantité de marchandises, emballage et support de charge compris, mise effectivement, au même moment, à la disposition du transporteur et dont le transport est demandé par un même donneur d'ordre pour un même destinataire d'un lieu de chargement unique à un lieu de déchargement unique et faisant l'objet d'un même contrat de transport ; qu'en calculant le plafond de l'indemnité par tonnes de marchandises endommagées et non sur le tonnage total de l'envoi, la cour d'appel a violé l'article précité dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2.1 et 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999, portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique :

8. Selon le second de ces textes, le transporteur est tenu de verser une indemnité pour la réparation de tous les dommages justifiés dont il est légalement tenu pour responsable, résultant de la perte totale ou partielle ou de l'avarie de la marchandise. Pour les envois égaux ou supérieurs à trois tonnes, elle ne peut excéder 14 euros par kilogramme de poids brut de marchandises manquantes ou avariées pour chacun des objets compris dans l'envoi, sans pouvoir dépasser, par envoi perdu, incomplet ou avarié, quels qu'en soient le poids, le volume, les dimensions, la nature ou la valeur, une somme supérieure au produit du poids brut de l'envoi exprimé en tonnes multiplié par 2 300 euros.

9. Selon le premier, l'envoi est défini comme la quantité de marchandises, emballage et support de charge compris, mise effectivement, au même moment, à la disposition d'un transporteur et dont le transport est demandé par un même donneur d'ordre pour un même destinataire d'un lieu de chargement unique à un lieu de déchargement unique et faisant l'objet d'un même contrat de transport.

10. Il en résulte que, pour le transport de marchandises chargées au même lieu en vue d'un déchargement en un lieu unique pour le même destinataire, le plafond de l'indemnité mise à la charge du transporteur doit être calculé sur le poids brut de l'ensemble du chargement et non sur le poids brut de la seule marchandise sinistrée.

11. Pour limiter à 12 190 euros la condamnation prononcée in solidum à l'encontre de la société Transports Montaville et de son assureur, la société AXA, l'arrêt, après avoir écarté l'existence d'une faute inexcusable, retient qu'en application de la limitation de responsabilité prévue à l'article 21 du contrat type général, la société Transports Montaville ne peut être tenue que d'une indemnité limitée à 12 190 euros (soit 5,3 tonnes X 2 300 euros) sur la base du poids en tonne de la marchandise sinistrée qui est de 5,3 tonnes, le calcul devant être fait sur le poids brut du seul moule avarié et non sur la base du poids brut de l'ensemble de l'envoi, bobine comprise, même si c'est un poids d'ensemble qui a été indiqué dans l'ordre d'affrètement, précision étant donné qu'il y avait deux colis.

12. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la société Merien avait acheté à la société Texatop le moule et une bobine d'acier, chargés tous deux au même lieu et dont le transport avait été demandé à la société Transports Coué en vue d'un déchargement en un lieu unique pour le même destinataire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen unique du pourvoi incident

Enoncé du moyen

13. Les sociétés Transports Montaville et AXA font grief à l'arrêt de rejeter leur appel en garantie contre la société Texatop, alors « que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire avec le chef de l'arrêt cassé ; que la cassation qui interviendra du chef du premier moyen de cassation du pourvoi principal visant le dispositif de l'arrêt attaqué ayant rejeté les demandes de la société Helvetia contre la société Texatop, fondée sur la circonstance que la responsabilité de celle-ci ne pouvait être engagée ni en qualité d'expéditeur, ni de donneur d'ordre, entraînera la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs du dispositif de l'arrêt rejetant les demandes formées par la société Helvetia contre la société Texatop et limitant à 12 190 euros la condamnation prononcée in solidum contre les sociétés Transports Montaville et AXA entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif rejetant l'appel en garantie formé par ces dernières contre la société Texatop, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Portée et conséquences de la cassation

15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la société Helvetia contre la société Texatop entraîne en outre la cassation du chef de la condamnation de la société Texatop à garantir la société Transports Coué des condamnations prononcées contre elle, « en sa qualité de représentant de la société Transports Coué », qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par la société Helvetia contre la société Texatop, en ce qu'il limite à 12 190 euros la condamnation prononcée in solidum contre les sociétés Transports Montaville et AXA, en ce qu'il rejette l'appel en garantie formé par ces sociétés contre la société Texatop, en ce qu'il fait droit à l'appel en garantie de la société Transports Coué contre la société Texatop et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 25 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne la société Texatop aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Texatop, la condamne à payer à la société Helvetia compagnie suisse d'assurances la somme de 3 000 euros, et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.