Cass. com., 30 octobre 2012, n° 11-22.917
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que des marchandises ayant été commandées par la société Maison Jeanjirard (le destinataire), la société Bellevret (l'expéditeur) en a confié l'acheminement à la société Pacquelet transports (le transporteur), qui, restée impayée du prix du transport, a obtenu une ordonnance d'injonction de payer à l'encontre du destinataire ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 110-3 et L. 132-8 du code de commerce ;
Attendu que l'expéditeur, le transporteur et le destinataire étant parties à une même convention ayant pour objet la même opération de transport, le prix dont le destinataire est garant du paiement auprès du transporteur est celui convenu entre ce dernier et l'expéditeur ;
Attendu que pour dire l'ordonnance d'injonction de payer caduque et de nul effet, le jugement retient qu'aucune preuve de consentement du prix entre l'expéditeur et le destinataire ne figure dans le dossier ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, pour l'exercice de l'action en garantie du paiement du prix du transport dirigée contre le destinataire, le transporteur justifiait du prix convenu avec l'expéditeur par l'envoi d'une facture à celui-ci, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles L. 110-3, L. 132-8 et L. 132-9 du code de commerce ;
Attendu que pour statuer comme il fait, le jugement retient que le prix, dont le destinataire est garant du paiement auprès du transporteur, ne figure pas sur les lettres de voiture qui ne répondent pas aux exigences de l'article L. 132-9 du code de commerce ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de voiture ne fait foi que jusqu'à preuve contraire de l'existence et des conditions du contrat de transport, le tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit l'opposition recevable sur la forme, le jugement rendu le 25 mai 2011, entre les parties, par le tribunal de commerce de Nevers ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de commerce d'Auxerre ;
Condamne la société Maison Jeanjirard aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Pacquelet transports la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Pacquelet transports
Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR dit l'opposition recevable sur la forme, et dit l'ordonnance d'injonction de payer du 21 septembre 2010 caduque et de nul effet et D'AVOIR condamné la société PACQUELET TRANSPORTS au paiement de frais irrépétibles et aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE «Sur la demande à titre principal : La livraison des 4 bennes de la Sté BELLEVRET a bien été effectuée le 29 mars 2010; La prestation n'a jamais été contestée ; Les lettres de voiture du 26 mars 2010 forment un contrat unique entre l'expéditeur, le voiturier et le destinataire ; Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire lesquels sont garants du prix du transport ; A l'examen de ces lettres de voiture le prix dont le destinataire est garant du paiement auprès du transporteur ne figure pas sur celles-ci ; Le contrat de transport est un contrat consensuel qui peut valablement se former même en l'absence de lettre de voiture ; Le prix dont le destinataire est garant du paiement auprès du transporteur est celui convenu entre ce dernier et l'expéditeur si celui-ci en apporte la preuve ; Aucune preuve de consentement du prix entre l'expéditeur et le destinataire ne figure dans le dossier ; Les lettres de voiture ne répondent pas aux prescriptions de l'article L132-9 du Code de Commerce; Dès lors le Tribunal dira que l'ordonnance en injonction de payer du 21 septembre 2010 est caduque et de nul effet. » ;
1) ALORS QUE l'expéditeur, le transporteur et le destinataire de la marchandise livrée étant parties à une même convention ayant pour objet la même opération de transport, le prix dont le destinataire est garant du paiement auprès du transporteur est celui convenu entre ce transporteur et l'expéditeur, sans qu'il ait besoin d'être mentionné dans la lettre de voiture ; qu'en l'espèce, dès lors qu'il constatait qu'un contrat de transport s'est formé par deux lettres de voiture du 26 mars 2010 entre la société BELLEVRET, expéditeur, la société PACQUELET TRANSPORTS, transporteur, et la société MAISON JEANJIRARD, destinataire, qui a accepté la marchandise livrée par la société PACQUELET TRANSPORTS, le tribunal ne pouvait débouter le transporteur de sa demande en paiement contre la société JEANJIRARD, destinataire et garant du prix, au motif inopérant qu'« aucune preuve de consentement du prix entre l'expéditeur et le destinataire ne figure dans le dossier », sans rechercher si le transporteur justifiait du prix convenu par l'envoi d'une facture n° 100174 datée du 31 mars 2010 à la société BELLEVRET, expéditeur, pour un montant de 1105,10 euros TTC ; qu'en statuant comme il a fait, le tribunal a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L 110-3 et L 132-8 du Code de commerce ;
2) ALORS QUE la garantie de paiement joue même si le contrat de transport n'a pas donné lieu à l'émission d'une lettre de voiture, dès lors qu'il est constant que le destinataire a réceptionné sans réserve la marchandise transportée sur l'ordre de l'expéditeur et, en cas de contestation du montant dû, le juge doit en fixer lui-même le prix ; qu'en l'espèce, dès lors que le tribunal a constaté qu'un contrat de transport s'est formé entre la société BELLEVRET, la société PACQUELET TRANSPORTS, le transporteur, et la société MAISON JEANJIRARD, le réceptionnaire, et que la prestation de transport a été exécutée le 29 mars 2010 auprès de cette dernière, qui a réceptionné sans réserve les bennes livrées, le tribunal ne pouvait dire que l'ordonnance d'injonction de payer du 21 septembre 2010 était caduque et de nul effet, au prétexte que les « lettres de voiture ne répondent pas aux prescriptions de l'article L 132-9 du Code de commerce » ; qu'en refusant de fixer le prix du transport, eu égard à la prestation exécutée par le transporteur, le tribunal de commerce a violé les articles L 132-8 et L 132-9 du Code de commerce et 1135 du code civil.