CA Orléans, ch. com., 22 février 2007, n° 06/02456
ORLÉANS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
FRANS BONHOMME (SAS)
Défendeur :
TRANSPORTS DIGOINNAIS (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avoués :
SCP LAVAL-LUEGER, SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE
Avocats :
SCP ROCHMANN FERRAND TOMASI, Cabinet FIDAL
Attendu, au préalable sur la procédure, que la société Transports digoinnais a conclu le jour de la clôture au rejet des écritures signifiées et déposées par la société Frans Bonhomme la veille de la clôture de l'instruction, trop tardivement pour qu'elle puisse, selon elle, y répliquer ; que cette demande sera accueillie ; qu'en effet, le 6 février 2007, la société Frans Bonhomme a rajouté une demie-page d'argumentation par rapport à ses conclusions antérieures du 20 décembre 2006, attendant trois semaines pour répliquer à celles de la société Transports digoinnais, dont elle avait connaissance dès le 17 janvier 2007 ; que le complément d'argumentation ayant pour objet, non seulement, de soutenir que l'action directe en paiement ne peut tendre à un double paiement, mais aussi pour contester l'affectation de règlements faits par la société Berryplast, ce qui nécessitait une réplique et des justificatifs qui ne pouvaient être fournis dans le bref délai restant jusqu'à la clôture, il y a lieu de rejeter des débats les conclusions signifiées le 6 février 2007 ;
Attendu, sur le fond, qu'il résulte des pièces au dossier que les prestations de transport dont il est demandé paiement dans la présente instance ont été effectuées sur les mois de mai et juin 2004, pour des montants TTC de 70.316,43 (mai) et 81.947,53 (juin), soit pour la somme totale réclamée de 152.263,96 ; que si les trois parties en cause, sociétés Berryplast, Transports digoinnais et Frans Bonhomme, sont convenues, à compter du 1er juillet 2004, que la société Frans Bonhomme, destinataire, réglerait directement le transporteur, les frais de transport étant déduits de la facture adressée par la société Berryplast à la société Frans Bonhomme, ce dont il résulte, et n'est d'ailleurs pas contesté, qu'auparavant, y compris pour les prestations ici en cause, les frais de transport étaient inclus dans le montant facturé, en port payé, par l'expéditeur, la société destinataire, au seul motif qu'elle réglait ainsi le prix du transport, ne peut s'opposer à l'action directe du transporteur fondée sur les dispositions de l'article L. 132-8 du Code de commerce ; qu'en effet, ce texte lui impose, même au prix d'un double règlement, de payer le transporteur qui n'a rien reçu de l'expéditeur ;
Que si le transporteur indique avoir encaissé plusieurs versements de la part de la société Berryplast, entre le 19 mai 2004 et le mois de novembre 2004, époque où la procédure collective de cette société a été ouverte, aucun élément ne démontre que ces versements auraient servi à apurer la dette de transport ici en cause, la société Berryplast ayant des retards de paiement antérieurs, et la société Frans Bonhomme, dans ses conclusions ici retenues, ne l'a pas prétendu ;
Que, contrairement à ce que soutient encore la société Frans Bonhomme, les prestations de mai et juin 2004 ici en cause n'étaient, d'après les factures qui requièrent une interprétation, pas payables comptant, mais par lettres de change à 60 jours fin de mois, le 10 du mois, ainsi qu'il est indiqué à la rubrique "mode de règlement" et que le seul fait, pour le transporteur, de n'avoir pas aussitôt averti la société Frans Bonhomme, dès les échéances des 10 août et 10 septembre 2004, du retard de paiement ainsi constaté ou de ne l'avoir pas informée lors de la négociation de l'accord de facturation de l'existence d'un arriéré ou de n'avoir pas, dans le bref délai restant à courir jusqu'à l'ouverture du redressement judiciaire poursuivi en paiement la société Berryplast, ne sont pas de nature à priver la société Transports digoinnais du bénéfice de la garantie de paiement résultant pour elle des dispositions de l'article L. 132-8 du Code de commerce, dont l'exercice ne suppose pas l'absence de faute ;
Qu'en revanche, il est certain qu'une réaction plus rapide du transporteur, dès août et septembre 2004, auprès du destinataire, avec lequel il venait justement de conclure un accord de facturation pour tenir compte des difficultés de la société Berryplast, aurait pu permettre à la société Frans Bonhomme, dûment informée du retard apporté au règlement des deux dernières factures de transport par l'expéditeur prenant encore à sa charge le port, et alors qu'elle-même ne devait pas payer la société Berryplast avant les 15 septembre et 15 octobre 2004, selon les échéances des factures de ventes correspondantes, de déduire aussitôt le port des règlements qu'elle devait effectuer à ces dates à la société Berryplast pour le verser directement à la société Transports Digoinnais ; que, par conséquent, sans être privée de la garantie de paiement de l'article L. 132-8 du Code de commerce, cette société a commis une faute envers la société Frans Bonhomme, l'exposant, alors qu'elle pouvait contribuer à l'éviter, à un double paiement ; que le préjudice résultant de cette faute ne s'analyse cependant qu'en une perte de chance, n'étant pas démontré avec certitude que la société Frans Bonhomme aurait, dès le 15 septembre 2004, déduit les frais de transport de ses factures pour les verser directement au transporteur, puisque, ainsi que le fait valoir ce dernier, avant la requête en injonction de payer ses réclamations amiables n'avaient suscité aucune réaction ni le développement de cet argumentaire ; que, dans les circonstances de la cause, il convient donc d'allouer à la société Frans Bonhomme des dommages-intérêts, mais seulement égaux à la moitié du montant de la créance de la société Transports digoinnais et d'ordonner compensation ;
Sur les demandes accessoires :
Attendu que chaque partie succombant en certains chefs de ses prétentions, y compris la société transports digoinnais, il n'existe pas de résistance abusive de la part de la société Frans Bonhomme et chacune d'elles supportera ses propres frais et dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT publiquement, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort :
REJETTE des débats les conclusions signifiées et déposées par la société Frans Bonhomme le 6 février 2007 ;
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société France Bonhomme à payer à la société Transports digoinnais la somme de 152.263,96 avec intérêts au taux légal depuis le 21 janvier 2005 et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive formée par cette dernière ;
MAIS L'INFIRME pour le surplus et CONDAMNE la société Transports digoinnais à payer à la société Frans Bonhomme, à titre de dommages-intérêts, la moitié du montant de la condamnation qui précède ;
ORDONNE compensation et restitution par la société Transports digoinnais à la société Frans Bonhomme du trop perçu en vertu de l'exécution provisoire du jugement entrepris avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt infirmatif du chef concerné ;
DIT que chaque partie supportera ses entiers frais et dépens de première instance et d'appel ;
ET le présent arrêt a été signé par M. Rémery, Président et Mme Fernandez, Greffier ayant assisté au prononcé de l'arrêt.