CA Douai, 17 janvier 2008, n° 06/2813
DOUAI
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
SOGECLO (SARL)
Défendeur :
TRANSPORTS DIGOINNAIS (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avoués :
SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, SCP CARLIER-REGNIER
Attendu que la société SOGECLO, spécialiste de l'enrobage par un filtre textile de tuyaux de drainage fournis par la société BERRYPLAST, a interjeté appel aux fins d'infirmation, débouté de la société TRANSPORTS DIGOINNAIS, constatation de la prescription annale en ce qui concerne les transports des 11 et 19 mai 2004 (signification de l'ordonnance d'injonction de payer le 25 mai 2005), plus subsidiairement réduire la demande à la somme de 11. 148, 50 euros HT prix de la facturation du voiturier, reconventionnellement, condamner la société de transports à lui payer 23. 500, 20 euros de dommages et intérêts avec compensation avec le prix des transports réclamés, en tout état de cause, lui accorder 2. 500 euros de frais irrépétibles ; elle fait valoir qu'elle n'est ni expéditrice ni destinataire de ces tuyaux, que ses tampons apposés sur les lettres de voiture indiquent : " dépôt ", la marchandise étant retournée le plus souvent le jour même au fournisseur qui l'a lui même expédiée à ses clientes, que les quatre factures litigieuses du transporteur mentionnent outre les numéros de commande B04 mois... les termes " Produits BERRYPLAST expédiés depuis ISSOUDUN (36) vers votre société + retour " de telle sorte que l'action directe du paiement du voiturier de l'article L 132-8 du code de commerce n'est pas applicable (CA CAEN 2 décembre 2004 No 03 / 2358 DANZAS-CA BOURGES 14 mai 2002 No 416-CA MONTPELLIER 23 avril 2002 No 02 / 226283 ; que pour partie, la société de transports a sous-traité 15 voyages du 3 juin au 31 août 2004 inclus pour un total de 11. 800 euros HT ne lui permettant pas de réclamer paiement direct ; subsidiairement, elle rappelle que la garantie du paiement direct ne porte que sur le prix convenu entre l'expéditeur BERRYPLAST et le transporteur, la charge de la preuve en incombant à ce dernier ; que les transports des 11 et 19 mai 2004 de 1. 030 euros HT l'unité sont prescrits faute de n'avoir été réclamés qu'à partir de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer le 25 mai 2005, plus subsidiairement, sur le quantum réclamé, que pour les transports sous-traités, le transporteur qui réclame sur le fondement de l'article L 132-8 du code de commerce ne peut réclamer que la partie concernant les transports effectués par le sous-traitant et pas la marge ou la commission soit 11. 148, 50 euros HT et non 11. 800 euros HT comme réclamé ; qu'enfin, le transporteur ne verse pas de certificat d'irrecouvrabilité ; reconventionnellement, elle soutient que le transporteur avait pour gérant M. Jean François Y... qui était aussi directeur général de la SA HOLDING Y... présidée par M. Alain Y..., ce dernier étant le représentant de ladite société au conseil d'administration de la société BERRYPLAST mise en redressement judiciaire le 30 novembre 2004 sur dépôt de cessation des paiements à cette date puis en liquidation judiciaire le 23 février 2005 par le tribunal de commerce de CHATEAUROUX (pas de dépôt des comptes sociaux au greffe en 2003...), qu'un salarié du transporteur a été détaché quelques mois au sein de la société BERRYPLAST, que le transporteur a continué à se laisser affréter tablant sur le paiement du fret par le garant, n'hésitant pas à écrire que la société BERRYPLAST a continué à payer ses factures de juillet à novembre 2004, ce qui constitue l'aveu de sa connivence avec le donneur d'ordres, la société BERRYPLAST, qui aurait dû en effet imputer les règlements reçus sur les créances les plus anciennes qu'elle détenait sur son affréteur or ce sont justement celles-là dont le transporteur réclame le paiement au prestataire (mai à juillet 2004) ; que ces fautes provoquant son préjudice doivent entraîner l'allocation de dommages et intérêts équivalents au montant réclamé et compensation ; elle rappelle qu'elle a un impayé de 30. 500 euros HT du fait de la procédure collective de la société BERRYPLAST ;
Attendu que la société de transports DIGOINNAIS sollicite la confirmation, 3. 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et 3. 000 euros pour frais irrépétibles, rappelant que l'article L 132-8 du code de commerce ne distingue pas selon que le destinataire de la marchandise a qualité de destinataire réel, d'intermédiaire ou de transitaire mais doit être seulement celui à qui physiquement la marchandise a été remise (CA ORLÉANS 11 mai 2006 No 2006 / 30859) (CA PARIS Ch. 5-28 septembre 2006 No 2006 / 316512 et 16 novembre 2005 No 05 / 287754) ; que peu importe les relations juridiques entre la société BERRYPLAST et la société SOGECLO, que cette dernière ait la qualité de façonnier, il suffit que la lettre de voiture mentionne comme destinataire celui contre lequel le transporteur agit en paiement ; l'esprit de la loi Gayssot étant de permettre le paiement par celui qui a bénéficié nécessairement du transport sans lequel elle n'aurait pu facturer sa prestation à la société BERRYPLAST ; elle soutient que le commissionnaire (pour les 11. 800 euros de transports sous-traités) a qualité à se prévaloir de l'action directe du voiturier à l'encontre de l'expéditeur ; sur la demande reconventionnelle, elle dit qu'elle a agi dans le cadre d'une externalisation de la gestion des transports par la société BERRYPLAST détachant ainsi un de ses salariés, les relations commerciales étant par ailleurs normales (encours de la société BERRYPLAST faisant le quart de son chiffre d'affaires total, paiement à 60 jours, durée d'impayés de quatre mois-réclamations pour des transports effectués entre mai et août 2004-paiements par la société BERRYPLAST des factures entre juillet et novembre 2004) ; elle conteste l'attestation de M. Z...selon laquelle elle aurait aggravé la situation financière de la société BERRYPLAST ; elle sollicite l'application de l'article L 132-8 du code de commerce d'ordre public ;
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Sur l'application de l'article L 132-8 du code de commerce et la qualité d'expéditeur / destinataire de la société SOGECLO, alléguée par le transporteur :
Attendu que si sur les lettres de voiture le nom de la société SOGECLO apparaît
à la rubrique chargement ou déchargement (tout comme celui de la société BERRYPLAST), le tampon apposé par la société SOGECLO mentionne toujours " dépôt " suivi de l'adresse rue de la République à LAPUGNOY 62122 ; que les factures toutes émises le 31 décembre 2004 par le transporteur indiquent " transports du " (date)-" produits BERRYPLAST expédiés depuis ISSOUDUN (36) vers votre société + retour " suivis des numéros de commande et de leurs dates ; que le transporteur savait que la société SOGECLO était un lieu de chargement et de déchargement mais en aucun cas l'expéditeur ou le destinataire de la marchandise ; que la société SOGECLO n'apparaît pas comme le donneur d'ordre du transporteur ; qu'au surplus, le gérant de la société TRANSPORTS DIGOINNAIS, M. Jean François Y... est aussi le directeur général de la SA HOLDING Y..., administrateur de la société BERRYPLAST représentée par M. Alain Y... son président, ce dernier étant par ailleurs le dirigeant de la société de transports ALAIN Y... apparaissant comme sous-traitant d'un certain nombre de transports dont le paiement est réclamé dans le présent litige ; qu'il est reconnu d'une part qu'un salarié de la société des transports DIGOINNAIS a été détaché au sein de la société BERRYPLAST " dans le cadre d'une opération d'externalisation de l'activité transports " de celle-ci, d'autre part que de juillet 2004 à la cessation des paiements de la société BERRYPLAST le 30 novembre 2004 la société BERRYPLAST payait ses factures et transports alors que les factures dont le paiement est réclamé à la société SOGECLO sont relatives à des transports antérieurs (mai et juin 2004) ; que de par leur qualité de membres du conseil d'administration de la société BERRYPLAST et de transporteurs MM. Alain et Jean François Y... connaissaient la situation difficile du donneur d'ordres, l'absence de dépôt des comptes sociaux 2003 au greffe, etc... et ont organisé la période précédant le dépôt de bilan en conséquence ; que l'action directe voulue par le législateur pour permettre au voiturier qui a effectué sa prestation d'être payé par l'un quelconque de ceux qui en ont bénéficié au risque du double paiement, ne peut profiter au transporteur de mauvaise foi qui connaissait les difficultés de trésorerie du donneur d'ordre ;
Attendu, sur les transports sous-traités par la société TRANSPORTS DIGOINNAIS à la société ALAIN Y... ou à d'autres voituriers tels VECANORD, MAUFFREY NORD, que la société DIGOINNAISE ne justifie d'aucune subrogation lui permettant de se prévaloir de l'action directe pouvant appartenir à ses substitués dans le transport ; qu'au surplus, seul le coût facturé par le voiturier à son commissionnaire est garanti et non comme réclamé par la société DIGOINNAISE, les factures de celle-ci au client final ;
Qu'en conséquence le jugement sera infirmé pour avoir retenu dans ces conditions l'application de l'article L 132-8 du code de commerce ;
Sur les frais irrépétibles :
Attendu qu'il est équitable d'allouer à la société SOGECLO la somme de 2. 000
euros ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, en dernier ressort,
Infirme le jugement entrepris.
Statuant de ce chef,
Déboute la société TRANSPORTS DIGOINNAIS de ses demandes en paiement en tant que voiturier de la société BERRYPLAST en liquidation judiciaire et de commissionnaire de ladite société sur le fondement de l'action directe du voiturier à l'encontre de l'expéditeur ou du destinataire de la marchandise transportée.
Condamne la société TRANSPORTS DIGOINNAIS à payer 2. 000 euros de frais irrépétibles à la société SOGECLO.
Condamne la société TRANSPORTS DIGOINNAIS aux dépens de première instance et d'appel qui pourront pour ces derniers être recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.