Cass. com., 1 février 2011, n° 09-72.309
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 15 octobre 2009), que la société Maisons du Monde a confié à la société Argillier Frères des transports de marchandises entre les points de vente de son réseau ; que la société Argillier Frères s'est substituée d'autres transporteurs qui ont été payés directement par la société Maisons du Monde ; que le 22 février 2005, la société Argillier Frères a été mise en liquidation judiciaire, M. X... étant désigné liquidateur ; que M. X..., ès qualités, a assigné la société Maisons du Monde et la société Distrimag, en paiement du prix des transports impayés ;
Attendu que la société Maisons du monde fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X..., ès qualités, une somme de 236 275,40 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2005 et capitalisation des intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que l'expéditeur, partie au contrat de transport liant le commissionnaire, le transporteur principal et l'ensemble des transporteurs substitués, est régulièrement libéré de sa dette à l'égard du commissionnaire et du transporteur principal par le paiement réalisé entre les mains de celui auquel a été effectivement sous-traité l'exécution du transport ; qu'en retenant que les paiements effectués par la société Maisons du Monde entre les mains des sous-traitants que la société Argillier Frères s'était intégralement substitués pour l'exécution des opérations de transport, n'étaient pas libératoires, la cour d'appel a violé l'article L. 132-8 du code de commerce ;
2°/ que l'expéditeur ne doit garantie qu'au seul transporteur effectif, en sorte qu'il ne saurait être contraint à payer une seconde fois le prix de transport au commissionnaire ou au transporteur principal lorsqu'il s'est directement libéré entre les mains du transporteur effectif ; qu'en décidant que les paiements réalisés par la société Maisons du Monde entre les mains des sous-traitants que la société Argillier Frères s'était intégralement substitués pour l'exécution des opérations de transport, ne dispensaient pas la société Maisons du Monde de payer une seconde fois le prix du transport entre les mains cette fois du transporteur principal non exécutant, les juges d'appel ont violé l'article L. 132-8 du code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt retient, d'abord, que le paiement d'un transporteur sous-traitant par l'expéditeur ou le destinataire libère ces derniers de leur dette à l'égard de ce transporteur, en qualité de garants du paiement du fret au sens de l'article L. 132-8 du code de commerce, mais pas de la dette contractuelle à l'égard du donneur d'ordre qui reste impayé ; que l'arrêt retient, ensuite, qu'il ne peut être invoqué de compensation entre une dette contractuelle à l'égard d'une société en redressement judiciaire ou liquidation judiciaire, la société Arguillier Frères, et une créance subrogatoire, connexe et réciproque, détenue par le créancier, la société Maisons du Monde, ayant son origine antérieurement au jugement d'ouverture, que si cette créance est elle-même née avant l'ouverture de la procédure collective ; que l'arrêt retient, enfin, que tous les paiements directs des transporteurs sous-traitants ont été faits par la société Maisons du Monde après le 25 janvier 2005, date du jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Argillier Frères ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement déduit, sans avoir à répondre au moyen inopérant visé par la deuxième branche, que ces paiements n'avaient pas d'effet libératoire à l'égard de la société Argillier Frères et ne pouvaient opérer une compensation ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Maisons du Monde aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X..., ès qualités, la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la société Maisons du monde.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Maisons du Monde à payer à Me X..., ès qualités, une somme de 236.275,40 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2005 et capitalisation des intérêts,
AUX MOTIFS QUE les transports ainsi facturés (à hauteur de 238.441,40 euros) étant explicitement reconnus par la SAS Maisons du Monde dans son tableau récapitulatif susvisé, comme ayant été commandés par elle, à ce prix et exécutés par la SARL Argillier Frères ou ses sous-traitants, sont donc dus par elle, sauf à ce qu'elle justifie d'un paiement libératoire ; qu'en l'espèce ce paiement n'est invoqué par elle qu'au titre de l'article L. 132-8 du Code de commerce, auprès des transporteurs sous-traitants de la SARL Argillier Frères, et son caractère libératoire est contesté par le liquidateur judiciaire ; qu'en premier lieu, l'expéditeur ou le destinataire ne peut invoquer le bénéfice de la garantie de paiement résultant des dispositions de l'article L. 132-8 du Code de commerce à l'encontre du voiturier, seul bénéficiaire de la garantie légale offerte par ce texte, même par voie de subrogation lorsqu'il a payé un transporteur sous-traitant invoquant à son égard le bénéfice de ces dispositions légales d'ordre public ; qu'il est ensuite de principe, ainsi que l'a rappelé la chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 4 octobre 2005, versé aux débats par les parties, que l'expéditeur, comme le destinataire, garant du paiement du prix du transport par application de l'article L. 132-8 du code de commerce, ne peut, à ce titre, se prévaloir d'une créance à l'égard du commissionnaire, tout comme du voiturier, qu'il n'a pas payé avant le jugement d'ouverture de la procédure collective dont celui-ci a fait l'objet ; que le paiement d'un transporteur sous-traitant par l'expéditeur ou le destinataire le libère de sa dette à l'égard de celui-ci, en qualité de garant légal du paiement au sens de l'article L. 132-8 du code de commerce mais pas de sa dette contractuelle à l'égard du donneur d'ordre impayé ; qu'il peut seulement dans ce cas, hormis l'hypothèse d'une procédure collective atteignant ce donneur d'ordre, lui opposer une compensation entre leurs créance et dette réciproques, tirée de la subrogation conventionnelle consentie à son profit par le sous-traitant payé directement ; que par ailleurs il ne peut être invoqué de compensation entre une dette à l'égard d'une société en redressement judiciaire ou liquidation judiciaire et une créance connexe réciproque détenue par son créancier, ayant son origine antérieurement au jugement d'ouverture, que si cette créance est elle-même née avant l'ouverture de la procédure collective, conformément aux dispositions combinées des articles L. 621-24 et L. 621-40 anciens, du code de commerce, à supposer en outre que la créance ait été régulièrement déclarée au passif, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence, de la part de la SAS Maisons du Monde et de la SAS Distrimag ; que la subrogation conventionnelle de la SAS Maisons du Monde ou de la SAS Distrimag par chacun des sous-traitants payés directement par elles, n'a pu avoir lieu que lors du paiement, conformément aux dispositions de l'article 1250 du code civil ; que dès lors il s'ensuit que la SAS Maisons du Monde, donneur d'ordre dans le contrat de transport, également expéditeur ou destinataire, ne peut invoquer le caractère libératoire ou la compensation des paiements subrogatoires effectués par elle ou son mandataire la SAS Distrimag, postérieurement au 25 janvier 2005, date du jugement d'ouverture de la procédure collective concernant la SARL Argillier Frères, auprès des transporteurs sous-traitants de celle-ci, pour des prestations dues à cette société ou à ses sous-traitants avant cette même date ; que Me X... conclut, sans être contredit, que ni la SAS Maisons du Monde si la SAS Distrimag n'ont déclaré de créance au passif de la SARL Argillier Frères, ni sollicité un relevé de la forclusion encourue, au motif qu'à la date d'ouverture de la procédure collective, aucune d'entre elles n'avait encore payé les transporteurs soustraitants de la société Argillier Frères et qu'elles n'avaient donc pas de créance à son égard ; qu'il ressort en effet de toutes les attestations des transporteurs sous-traitants et des copies des chèques établis, ainsi que des quittances subrogatives qui sont produites par la ASA Maisons du Monde ou la SAS Distrimag, que tous les paiements directs des transporteurs sous-traitants qu'elle invoque à l'égard de la SARL Argillier Frères, ont été faits après le 25 janvier 2005 et sont donc insusceptibles d'avoir eu un effet libératoire opposable à celle-ci ; qu'aucune compensation entre créances subrogatoires et dettes connexes n'a ainsi pu jouer avant l'ouverture de la procédure collective ;
1) ALORS QUE l'expéditeur, partie au contrat de transport liant le commissionnaire, le transporteur principal et l'ensemble des transporteurs substitués, est régulièrement libéré de sa dette à l'égard du commissionnaire et du transporteur principal par le paiement réalisé entre les mains de celui auquel a été effectivement sous-traité l'exécution du transport ; qu'en retenant que les paiements effectués par la société Maisons du Monde entre les mains des sous-traitants que la société Argillier Frères s'était intégralement substitués pour l'exécution des opérations de transport, n'étaient pas libératoires, la cour d'appel a violé l'article L. 132-8 du Code de commerce ;
2) ALORS QUE l'expéditeur ne doit garantie qu'au seul transporteur effectif, en sorte qu'il ne saurait être contraint à payer une seconde fois le prix de transport au commissionnaire ou au transporteur principal lorsqu'il s'est directement libéré entre les mains du transporteur effectif ; qu'en décidant que les paiements réalisés par la société Maisons du Monde entre les mains des sous-traitants que la société Argillier Frères s'était intégralement substitués pour l'exécution des opérations de transport, ne dispensaient pas la société Maisons du Monde de payer une seconde fois le prix du transport entre les mains cette fois du transporteur principal non exécutant, les juges d'appel ont violé l'article L. 132-8 du Code de commerce.