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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 22 novembre 2023, n° 22/19275

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Shark Robotics (SARL), Elwedys (SAS)

Défendeur :

Angatec (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Bohee, Mme Barutel

Avocats :

Me Allerit, Me De Malafosse, Me Etevenard, Me Joly

TJ Paris, du 7 nov. 2022, n° 22 /51514

7 novembre 2022

EXPOSE DU LITIGE

La société Shark Robotics se présente comme spécialisée dans la conception et la fabrication de robots terrestres destinés à assister l'homme au cours de différentes missions.

Elle exploite notamment les brevets dont est propriétaire la société Elwedys et en particulier les demandes de brevets suivants :

la demande de brevet français n° FR 2 101 454 déposée le 16 février 2021 et ayant pour titre « Robot équipé d'un dispositif agencé pour recevoir des capteurs de grandeurs physiques et transmettre des informations relatives aux grandeurs physiques » publiée le 19 août 2022 (BOPI 2022-33),

la demande de brevet français n° FR 2 111 102 déposée le 19 octobre 2021 et qui se veut une demande complémentaire de la précédente, ayant le même titre (« Robot équipé d'un dispositif agencé pour recevoir des capteurs de grandeurs physiques et transmettre des informations relatives aux grandeurs physiques ») et la même date de publication au BOPI: 19 août 2022 (BOPI 2022-33),

la demande de brevet français n° FR 2 108 020 déposée le 23 juillet 2021 intitulée « Dispositif de distribution d'oxygène sur un lieu d'intervention », publiée le 27 janvier 2023 ( BOPI 2023 -04). Le 16 septembre 2023 , l'INPI a indiqué délivrer le brevet.

La société Angatec se présente comme spécialisée dans la conception de robots d'assistance opérationnelle et de lutte contre l'incendie.

Soupçonnant que des modules complémentaires du robot TEC 800 de la société Angatec reproduisait les revendications des demandes de brevets précitées, les sociétés Elwedys et Shark Robotics l'ont, par une lettre du 2 novembre 2021, mise en demeure de cesser d'offrir à la vente ces produits. Par courrier en réponse du 11 novembre 2021, la société Angatec a contesté les faits en cause.

C'est dans ce contexte que les sociétés Elwedys et Shark Robotics ont, par acte d'huissier du 6 janvier 2022, fait assigner la société Angatec en référé devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris aux fins qu'il ordonne, sous astreinte, à cette société, de cesser tout acte de fabrication, de promotion, de distribution ou de commercialisation de ses dispositifs Air Tank Support et Support for sensor devices, ou de tout autre produit ou dispositif contrefaisant les demandes de brevets FR 2 101 454, FR 2 111 102 et FR 2 108 020, dès le prononcé de l'ordonnance.

Par une ordonnance de référé du 7 novembre 2022, dont appel, le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris a :

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes des sociétés Elwedys et Shark Robotics ;

Rejeté la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par la société Angatec ;

Condamné les sociétés Elwedys et Shark Robotics aux dépens ;

Condamné les sociétés Elwedys et Shark Robotics à payer à la société Angatec la somme de 10 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Rappelé que la décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire.

Le 16 novembre 2022, les sociétés Elwedys et Shark Robotics ont interjeté appel de cette ordonnance.

Par un avis du 20 décembre 2022, l'affaire a été fixée à bref délai pour l'audience du 3 octobre 2023 .

Dans leurs dernières conclusions récapitulatives numérotées 4, notifiées le 18 septembre 2023 , les sociétés Elwedys et Shark Robotics, appelantes, demandent à la cour de :

Vu les articles 7, 114, 122, 561 et suivants, 700 et 910-4 et suivants du code de procédure civile

Vu les articles L. 613-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle,

Vu les pièces versées au débat,

Recevoir les sociétés Shark Robotics et Elwedys en leur appel et les déclarer bien fondées.

Y faisant droit

Réformer l'ordonnance dont appel.

Statuant de nouveau

Juger que la société Elwedys est titulaire des demandes de brevets FR2101454, FR2111102 (publiées sous le numéro FR3119827 et FR3119787), et FR2108020 (publiée sous le numéro FR3125430) et que seule la société Shark Robotics est autorisée à les exploiter.

Condamner la société Angatec à payer aux sociétés Shark Robotics et Elwedys une provision de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon :

Des revendications 1, 2, 3, 4 et 6 des demandes de brevets FR2101454 et FR2111102 (publiées sous le numéro FR3119827), par le dispositif appelé Support for sensor devices d'Angatec,

Et des revendications 1, 2, 3, 5 et 6 de la demande de brevet FR2108020 (publiée sous le numéro FR3125430) par le dispositif appelé Air Tank Support d'Angatec.

Interdire à la société Angatec tout acte de fabrication, de promotion, de distribution ou de commercialisation de ses dispositifs Air Tank Support et Support for sensor devices ou de tout autre produit ou dispositif contrefaisant les revendications des demandes de brevets FR2101454, FR2111102 publiées sous le numéro FR3119827 et FR3119787, et FR2108020 (publiée sous le numéro FR3125430) à compter du prononcé de l'arrêt à venir, et ce sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée.

Ordonner la saisie de tous les dispositifs Air Tank Support et Support for sensor devices ou de tout autre produit ou dispositif contrefaisant les demandes de brevets FR2101454, FR2111102 publiées sous le numéro FR3119827, et FR2108020 (publiée sous le numéro FR3125430) fabriqués ou en cours de fabrication par la société Angatec ou ses sous-traitants.

Ordonner la saisie de tout documents et justificatifs, contractuels, commerciaux et comptables concernant l'exploitation des dispositifs Air Tank Support et Support for sensor devices ou de tout autre produit ou dispositif contrefaisant les demandes de brevets FR2101454, FR2111102 publiées sous le numéro FR3119827 et FR3119787, et FR2108020 (publiée sous le numéro FR3125430).

Nommer un huissier de justice afin de procéder à la saisie précitée.

Ordonner la saisie conservatoire de tous les comptes bancaires de la société Angatec.

Juger irrecevables comme étant des demandes nouvelles de la société Angatec les prétentions suivantes :

Ordonner la publication aux frais exclusifs des sociétés Sharks Robotics et Elwedys du communiqué judiciaire suivant : « Par décision du [.], la Cour d'Appel de Paris a débouté les sociétés ELWEDYS et SHARK ROBOTICS de leurs actions en contrefaçons de brevets à l'encontre de la société ANGATEC et de ses modules « Air Tank Support » et « Support for sensor devices » » dans 3 journaux et revues de presse française au choix discrétionnaire de la société Angatec et aux frais exclusifs de la société Elwedys et Shark Robotics et ce, sans que le coût de chaque publication n'excède la somme de 4 500 euros H.T augmentée de la T.V.A au taux en vigueur au jour de la facturation, somme qui devra être consignée entre les mains de Madame le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris dans le délai de 48 heures à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Monsieur le Président de la Cour d'Appel de Paris dira que Madame le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris attribuera cette somme sur production de la commande de ces publications.

Ordonner la publication complète de l'arrêt à intervenir sur les sites Internet habituels des sociétés Shark Robotics et Elwedys et ce avec un lien hypertexte apparent sur la première page dans une police d'une taille 30 au moins mentionnant : « Par décision du [.], la Cour d'Appel de Paris a débouté les sociétés Elwedys et Shark Robotics de leurs actions en contrefaçons de brevets à l'encontre de la société ANGATEC et de ses modules « Air Tank Support » et « Support for sensor devices » » Et ce, pendant une durée de six mois aux seuls frais des sociétés Shark Robotics et Elwedys sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision

Fixer le point de départ des astreintes prononcées à l'expiration du délai de 48 heures à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et s'en réserver expressément la liquidation;

Autoriser la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir sur les sites Internet de la société Angatec ;

Juger irrecevables pour estoppel la demande de la société Angatec « Déclarer irrecevable l'ensemble des demandes, fins et conclusions des sociétés Shark Robotics et Elwedys pour défaut de brevets délivrés opposables à la société Angatec ».

Pour le surplus,

Confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a débouté la société Angatec de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Débouter en tout état de cause la société Angatec de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner la société Angatec au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions récapitulatives, numérotées 3, notifiées le 18 septembre 2023 , la société Angatec, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

A titre principal :

Déclarer irrecevable l'ensemble des demandes, fins et conclusions des sociétés Shark Robotics et Elwedys pour défaut de brevets délivrés opposables à la société Angatec ;

Confirmer l'ordonnance du 7 novembre 2022, rendue par Monsieur le Président du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a déclaré les sociétés Shark Robotics et Elwedys irrecevable dans leur action ;

A titre subsidiaire :

Déclarer irrecevable l'ensemble des demandes, fins et conclusions des sociétés Shark Robotics et Elwedys en raison de l'absence de notification des demandes de brevet à la société Angatec ;

A titre plus subsidiaire :

Débouter les sociétés Shark Robotics et Elwedys de l'ensemble des demandes, fins et conclusions en raison de la contestation sérieuse de l'activité inventive des demandes de brevet et pour défaut de proportionnalité des mesures sollicités ;

A titre très subsidiaire :

Débouter les sociétés Shark Robotics et Elwedys de l'ensemble des demandes, fins et conclusions en l'absence de toute démonstration du caractère prétendument contrefaisant des modules «Air Tank Support » et « Support for sensor devices » commercialisés par la société Angatec ;

Infirmer l'ordonnance du 7 novembre 2022 en ce qu'elle a rejeté la demande formée par la société Angatec en dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Condamner conjointement et solidairement les sociétés Shark Robotics et Elwedys au paiement de la somme de 25.000 euros au titre de la procédure abusive ;

En tout état de cause :

Débouter les sociétés Shark Robotics et Elwedys de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

Ordonner la publication aux frais exclusifs des sociétés Shark Robotics et Elwedys du communiqué judiciaire suivant : « Par décision du [.], la Cour d'Appel de Paris a débouté les sociétés Shark Robotics et Elwedys de leurs actions en contrefaçons de brevets à l'encontre de la société Angatec et de ses modules « Air Tank Support » et « Support for sensor devices » » dans 3 journaux et revues de presse française au choix discrétionnaire de la société Angatec et aux frais exclusifs des sociétés Shark Robotics et Elwedys et ce, sans que le coût de chaque publication n'excède la somme de 4 500 euros H.T augmentée de la T.V.A au taux en vigueur au jour de la facturation, somme qui devra être consignée entre les mains de Madame le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris dans le délai de 48 heures à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Monsieur le Président de la cour d'appel de Paris dira que Madame le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris attribuera cette somme sur production de la commande de ces publications.

Ordonner la publication complète de l'arrêt à intervenir sur les sites Internet habituels des sociétés Shark Robotics et Elwedys et ce avec un lien hypertexte apparent sur la première page dans une police d'une taille 30 au moins mentionnant : « Par décision du [.], la Cour d'Appel de Paris a débouté les sociétés Shark Robotics et Elwedys de leurs actions en contrefaçons de brevets à l'encontre de la société Angatec et de ses modules « Air Tank Support » et « Support for sensor devices » » Et ce, pendant une durée de six mois aux seuls frais des sociétés Shark Robotics et Elwedys sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision ;

Fixer le point de départ des astreintes prononcées à l'expiration du délai de 48 heures à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et s'en réserver expressément la liquidation;

Autoriser la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir sur les sites Internet de la société Angatec ;

Condamner les sociétés Shark Robotics et Elwedys au paiement de la somme supplémentaire de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner les sociétés Shark Robotics et Elwedys et aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Me Charles-Antoine Joly, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2023 .

Puis, par conclusions n°4 d'intimée, d'appel incident et de révocation de l'ordonnance de clôture, notifiées au RPVA le 27 septembre 2023 , la société Angatec demande à la cour de :

-REVOQUER l'ordonnance de clôture du 19 septembre 2023 au jour des plaidoiries maintenues au 03 octobre 2023 et ainsi, DECLARER recevables les présentes conclusions.

A titre principal :

-DECLARER IRRECEVABLE l'ensemble des demandes, fins et conclusions des sociétés SHARK ROBOTICS et ELWEDYS pour défaut de brevets délivrés opposables à la société ANGATEC,

- CONFIRMER l'ordonnance du 7 novembre 2022, rendue par Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a déclaré les sociétés SHARK ROBOTICS et ELWEDYS irrecevable dans leur action ;

A titre subsidiaire :

- DECLARER IRRECEVABLE l'ensemble des demandes, fins et conclusions des sociétés SHARK ROBOTICS et ELWEDYS en raison de l'absence de notification des demandes de brevet à la société ANGATEC ;

A titre plus subsidiaire :

- DEBOUTER les sociétés SHARK ROBOTICS et ELWEDYS de l'ensemble des demandes, fins et conclusions en raison de la contestation sérieuse de l'activité inventive des demandes de brevet et pour défaut de proportionnalité des mesures sollicités ;

A titre très subsidiaire :

- DEBOUTER les sociétés SHARK ROBOTICS et ELWEDYS de l'ensemble des demandes, fins et conclusions en l'absence de toute démonstration du caractère prétendument contrefaisant des modules «Air Tank Support » et « Support for sensor devices » commercialisés par la société ANGATEC ;

- INFIRMER l'ordonnance du 7 novembre 2022 en ce qu'elle a rejeté la demande formée par la société ANGATEC en dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- CONDAMNER conjointement et solidairement les sociétés ELWEDYS et SHARK ROBOTICS au paiement de la somme de 25.000 euros au titre de la procédure abusive ;

En tout état de cause :

- DEBOUTER les sociétés SHARK ROBOTICS et ELWEDYS de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions.

-ORDONNER la publication aux frais exclusifs des sociétés SHARKS ROBOTICS et ELWEDYS du communiqué judiciaire suivant :

« Par décision du [.], la Cour d'Appel de Paris a débouté les sociétés ELWEDYS et SHARK ROBOTICS de leurs actions en contrefaçons de brevets à l'encontre de la société ANGATEC et de ses modules « Air Tank Support » et « Support for sensor devices » dans 3 journaux et revues de presse française au choix discrétionnaire de la société ANGATEC et aux frais exclusifs de la société ELWEDYS et SHARK ROBOTICS et ce, sans que le coût de chaque publication n'excède la somme de 4.500 euros H.T augmentée de la T.V.A au taux en vigueur au jour de la facturation, somme qui devra être consignée entre les mains de Madame le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris dans le délai de 48 heures à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Monsieur le Président de la Cour d'Appel de Paris dira que Madame le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris attribuera cette somme sur production de la commande de ces publications.

-ORDONNER la publication complète de l'arrêt à intervenir sur les sites Internet habituels des sociétés SHARK ROBOTICS et ELWEDYS et ce avec un lien hypertexte apparent sur la première page dans une police d'une taille 30 au moins mentionnant :

« Par décision du [.], la Cour d'Appel de Paris a débouté les sociétés ELWEDYS et SHARK ROBOTICS de leurs actions en contrefaçons de brevets à l'encontre de la société ANGATEC et de ses modules « Air Tank Support » et « Support for sensor devices »

Et ce, pendant une durée de six mois aux seuls frais des sociétés SHARK ROBOTICS et ELWEDYS sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision

- FIXER le point de départ des astreintes prononcées à l'expiration du délai de 48 heures à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et s'en réserver expressément la liquidation;

- AUTORISER la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir sur les sites Internet de la société ANGATEC ;

- CONDAMNER les sociétés SHARK ROBOTICS et ELWEDYS au paiement de la somme supplémentaire de 25.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- CONDAMNER les sociétés SHARK ROBOTICS et ELWEDYS et aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Me Charles-Antoine JOLY, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Il a été fait droit, lors de l'audience, à la demande de rabat de l'ordonnance de clôture afin de prendre en compte ces dernières écritures, avec une clôture des débats prononcée le 3 octobre 2023 .

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les faits de contrefaçon des demandes de brevets FR 2 101 454, FR 2 111 102 et FR 2 108 020

Les sociétés Shark Robotics et Elwedys critiquent la décision rendue en constatant que les parties sollicitaient un sursis à statuer, de sorte que le juge des référés ne pouvait écarter cette exception de procédure. Elles reprochent également au premier juge d'avoir relevé des moyens non soulevés par leur adversaire, la société Angatec n'ayant jamais invoqué le caractère disproportionné de leurs demandes ni, au demeurant, le rapport de recherche cité dans la décision, qui n'avait pas été produit aux débats, la société Angatec n'apportant, selon elles, aucune défense pour s'opposer à leurs prétentions.

Sur les fins de non-recevoir qui leur sont opposées, elles dénoncent le comportement de l'intimée qui s'est contredite à son détriment en concluant, tout à la fois, à la nécessité d'un sursis à statuer et à l'irrecevabilité de ses demandes. Elles soutiennent par ailleurs pouvoir agir en référé sur le fondement d'une demande de brevet, ayant qualité pour agir en contrefaçon et soulignent que subordonner l'action en référé à la délivrance du brevet revient à les priver des voies de recours nécessaires pour faire face à des situations d'urgence et, ce, alors que le juge des référés apprécie en tout état de cause le caractère proportionné ou non des mesures sollicitées, au regard de la vraisemblable validité du titre. Elles ajoutent avoir notifié les demandes de brevet à l'appelante, qui ont, en outre fait l'objet d'une publication et qui lui sont, dès lors, opposables et ce d'autant que la délivrance du brevet FR 2 108 020 est imminente et acquise.

Sur le fond, elles rappellent les droits de la société Elwedys sur les demandes de brevets en cause et estiment apporter la preuve des faits de contrefaçon des dispositifs commercialisés par la société Angatec, tout en relevant qu'il n'est pas rapporté la preuve d'une contestation sérieuse quant à leur validité.

La société Angatec soutient essentiellement que l'urgence ou l'absence de contestations sérieuses, requises au stade du référé, ne peuvent être caractérisées lorsque le titre lui-même n'a pas encore acquis la validité présumée de la délivrance, de sorte que les sociétés appelantes sont dépourvues du droit d'agir en référé. Elle rappelle à cet égard que la seule action possible prévue par les textes sur le fondement d'une demande de brevet est une action au fond dans le cadre de laquelle le sursis à statuer s'impose au juge dans l'attente de sa délivrance. Elle souligne que le juge des référés n'a pas statué extra petita en prononçant l'irrecevabilité des demandes, puisqu'elle ne concluait devant lui au sursis qu'à titre subsidiaire.

A titre subsidiaire, elle considère que, faute de lui avoir notifié les copies certifiées des demandes de brevet, les sociétés appelantes ne peuvent agir contre elle sur le terrain de la contrefaçon.

Sur le fond, elle estime qu'il existe une contestation sérieuse de la validité des demandes de brevet, les rapports de recherche mettant en avant un défaut d'activité inventive et oppose le caractère disproportionné en conséquence des mesures sollicitées.

Enfin, elle constate que les appelantes s'abstiennent de faire la moindre démonstration des faits de contrefaçon allégués.

Présentation du brevet

Concernant les demandes de brevets FR 2 101 454 et FR 2 111 102, ayant pour titre « Robot équipé d'un dispositif agencé pour recevoir des capteurs de grandeurs physiques et transmettre des informations relatives aux grandeurs physiques » publiées sous le numéro FR 3 119 827 et FR 3 119 787, sont opposées les revendications suivantes :

- Revendication 1 : robot présentant un ch âssis équipé de moyens de déplacement, ledit robot étant en outre équipé d'un dispositif et d'un appareil de mesure prévu pour mesurer des grandeurs physiques et équipé d'un écran configuré pour afficher les données physiques mesurées, ledit dispositif étant monté de manière amovible sur ledit ch âssis et comportant une embase prévue pour être verrouillée sur le ch âssis, ledit dispositif comportant en outre une caméra prévue et orientée pour imager des données présentes sur l'écran de l'appareil de mesure, ledit dispositif comprenant en outre des moyens de transmission à distance des données imagées par la caméra.

- Revendication 2 : Robot selon la revendication précédente, dans lequel des trous traversants sont formés dans l'embase pour le passage de broche à billes et prévus pour verrouiller ladite embase sur le ch âssis.

- Revendication 3 : Robot selon l'une des deux revendications précédentes, comportant en outre une sangle de fixation fixant l'appareil de mesure sur l'embase.

- Revendication 4 : Robot selon l'une quelconque des revendications précédentes, équipé en outre d'un bras de fixation sur lequel est montée la caméra.

- Revendication 6 : Robot selon l'une quelconque des revendications précédentes, dans lequel la caméra intègre en son sein lesdits moyens de transmission sans fil.

Concernant la demande de brevet FR 2 108 020 en cours de délivrance intitulé « dispositif de distribution d'oxygène sur un lieu d'intervention », sont opposées les revendications suivantes:

- Revendication 1 : Dispositif de distribution d'oxygène sur un lieu d'intervention comportant un ch âssis prévu pour loger en son sein au moins une bouteille d'oxygène, au moins un enrouleur prévu pour enrouler des flexibles entre des rouleaux, un circuit de distribution pour distribuer de l'oxygène contenu dans l'au moins une bouteille d'oxygène jusqu'au flexibles,

- Revendication 2 : Dispositif de distribution d'oxygène sur un lieu d'intervention selon la revendication précédente, dans lequel le ch âssis comporte en outre un dispositif de calage des bouteilles d'oxygène.

- Revendication 3 : Dispositif de distribution selon l'une des deux revendications, dans lequel le circuit de distribution comporte une sortie disposée sur un axe entre les rouleaux, la sortie étant prévue pour être raccordée d'une part à une extrémité des flexibles, et d'autre part à l'au moins une bouteille d'oxygène.

- Revendication 5 : Système comportant : a. un robot R drone terrestre à chenille, à roue, ou flottant, disposant d'une plateforme P, b. un dispositif de distribution d'oxygène selon l'une quelconque des revendications précédentes, c. des moyens de fixations sans outils dudit dispositif sur ladite plateforme.

- Revendication 6 : Système selon la revendication précédente, dans lequel les moyens de fixation sont des broches à billes pour verrouiller le dispositif de distribution d'oxygène et la plateforme.

Sur l'irrecevabilité des demandes

L'article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle sur lequel les sociétés appelantes fondent leurs demandes dispose que « Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. (....)»

Par ailleurs, selon l'article L.613-1 du code de la propriété intellectuelle, «le droit exclusif d'exploitation mentionné à l'article L.611-1 prend effet à compter du dépôt de la demande».

Mais, l'article L.615-4 du même code précise que « Par exception aux dispositions de l'article L. 613-1, les faits antérieurs à la date à laquelle la demande de brevet a été rendue publique en vertu de l'article L. 612-21 ou à celle de la notification à tout tiers d'une copie certifiée de cette demande ne sont pas considérés comme ayant porté atteinte aux droits attachés au brevet. (') Le tribunal saisi d'une action en contrefaçon sur le fondement d'une demande de brevet sursoit à statuer jusqu'à la délivrance du brevet.»

Sur ce, il résulte de la lecture combinée de ces textes que si la loi française octroie au titulaire d'une demande de brevet un certain nombre de droits parmi lesquels celui d'agir au fond en contrefaçon (L.615-4), mais avec l'obligation pour le tribunal de surseoir à statuer jusqu'à la délivrance du brevet, elle ne prévoit nullement expressément la possibilité d'agir en référé sur le fondement d'une simple demande de brevet en application de l'article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle.

En outre, l'article L.615-3 relatif aux instances en référé qui autorise effectivement l'introduction d'une telle demande à toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon conditionne, cependant, l'exercice de cette action à l'existence d'un titre, celle-ci étant spécifiquement destinée à «prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre». Or, «les titres de propriété industrielle protégeant les inventions» sont énumérés à l'article L.611-2 du code de la propriété intellectuelle, qui vise en 1°, «les brevets d'invention délivrés pour une durée de vingt ans à compter du jour de la demande», sans mentionner la simple demande de brevet.

En conséquence, à défaut de justifier d'une atteinte à un titre au sens des articles L. 615-3 et L. 611-2 du code de la propriété intellectuelle, soit un brevet délivré, au jour où le juge des référé a statué, les sociétés Shark et Elwedys n'étaient pas recevables et fondées à présenter une telle demande.

Et il ne peut être reproché à la société Angatec de se contredire au détriment des sociétés appelantes en soulevant, en cause d'appel, l'irrecevabilité des demandes fondées sur une demande de brevet, alors que les fins de non-recevoir peuvent être opposées en tout état de cause selon l'article 123 du code de procédure civile et que le litige peut évoluer entre la décision rendue et l'instance d'appel, outre qu'en première instance, elle soulevait déjà une fin de non-recevoir et ne concluait, contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, que subsidiairement au sursis à statuer dans l'attente de la délivrance du brevet.

Sur le caractère sérieux des contestations et la vraisemblance de l'atteinte

Cependant, la cour, en raison de l'effet dévolutif de l'appel, doit nécessairement prendre en compte les faits survenus postérieurement à l'ordonnance attaquée, de sorte que la délivrance du brevet FR 2 108 020 (ci-après FR 020) permet aux appelantes de revendiquer désormais le bénéfice des dispositions de l'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle devant la cour, sous réserve de l'examen des contestations émises par la société Angatec.

Par ailleurs, la cour rappelle que, conformément à l'article L.615-4 du code de la propriété intellectuelle, « les faits antérieurs à la date à laquelle la demande de brevet a été rendue publique ou à celle de la notification à tout tiers d'une copie certifiée de cette demande ne sont pas considérés comme ayant porté atteinte aux droits attachés au brevet. »

Or, il ressort des pièces produites que le brevet FR 020 opposé à la société Angatec a été publié le 27 janvier 2023 , et qu'une copie certifiée lui a été signifiée le 29 juillet 2022, soit bien postérieurement à la mise en demeure adressée le 2 novembre 2021, puis à l'assignation délivrée le 6 janvier 2022, de sorte que les faits antérieurs au 29 juillet 2022 ne peuvent être considérés comme ayant porté atteinte aux droits attachés au brevet.

S'agissant des faits postérieurs allégués, la cour constate que les robots argués de contrefaçon n'ont fait l'objet d'aucune mesure de saisie, les sociétés appelantes procédant par affirmations et basant essentiellement leur argumentation sur des photos extraites d'un procès-verbal de constat sur internet, aucun des produits n'étant communiqué.

Ainsi, si la photographie du dispositif de la société Angatec représente un ch âssis sur lequel sont fixées deux bouteilles d'oxygène, il n'est nullement démontré, comme le décrit la revendication 1 du brevet opposé, la présence « d'au moins un enrouleur prévu pour enrouler des flexibles entre des rouleaux, un circuit de distribution pour distribuer de l'oxygène contenu dans l'au moins une bouteille d'oxygène jusqu'au flexibles ».

Les sociétés appelantes ne démontrent pas davantage que le dispositif d'Angatec présente, comme dans la revendication 3 un « circuit de distribution [qui] comporte une sortie disposée sur un axe entre les rouleaux, la sortie étant prévue pour être raccordée d'une part à une extrémité des flexibles, et d'autre part à l'au moins une bouteille d'oxygène », se contentant dans leurs écritures d'invoquer la présence d'un « système de distribution ».

Il n'est pas davantage justifié de la reproduction de la revendication 6 s'agissant des moyens de fixation soit « des broches à billes pour verrouiller le dispositif de distribution d'oxygène et la plateforme. »

En conséquence, au regard de ces contestations sérieuses et de l'absence de vraisemblance des atteintes alléguées, il convient de dire n'y avoir lieu à référé. Pour ces motifs, il convient de confirmer l'ordonnance déférée.

Sur les demandes reconventionnelles

Les sociétés appelantes soulèvent l'irrecevabilité de la demande de publication sollicitée pour la première fois en cause d'appel par l'intimée, et présentée en outre hors délai selon elles. Elles estiment en tout état de cause que les demandes ne sont pas fondées, alors que la société ANGATEC ne constitue qu'une coquille vide qui a repris l'activité de la société TECDRON placée en liquidation judiciaire, en captant ses actifs.

La société Angatec estime que sa demande de publication de la présente décision ne constitue pas une demande nouvelle en appel et qu'elle n'est que le complément des demandes déjà formulées.

Elle ajoute être bien fondée à être indemnisée pour la procédure abusive intentée à son encontre, constitutive d'un acharnement selon elle, les sociétés appelantes tentant ainsi de déstabiliser un concurrente direct, justifiant en outre que la présente décision soit publiée.

Sur la recevabilité de la demande de publication

En vertu de l'article 910-4 du code de procédure civile, « à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. »

En l'espèce, la demande de publication formulée pour la première fois en cause d'appel par la société Angatec n'a pas été présentée dans les conclusions mentionnées à l'article 905-2 du code de procédure civile applicable à la procédure à bref délai mais postérieurement, de sorte que cette demande doit être déclarée irrecevable.

Sur le bien-fondé des demandes de dommages et intérêts

La cour rappelle que l'accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que le fait d'agir en justice ou d'exercer une voie de recours légalement ouverte est susceptible de constituer un abus. Or, la société Angatec ne démontre pas la faute commise par les sociétés Shark et Elwedys qui aurait fait dégénérer en abus leur droit d'agir en justice, les intéressées ayant pu légitimement se méprendre sur l'étendue de leurs droits. Elle ne justifie pas en outre de l'existence d'un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance déférée doit en conséquence être confirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande.

Sur les autres demandes

Les sociétés Elwedys et Shark, succombant, seront condamnées aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Maître Charles-Antoine JOLY, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Enfin, l'équité et la situation des parties commandent de condamner les sociétés Elwedys et Shark à verser à la société Angatec une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes de publication de la société Angatec,

Condamne les sociétés Shark Robotics et Elwedys aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés par Maître Charles-Antoine JOLY conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne les sociétés Shark Robotics et Elwedys à verser à la société Angatec une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.