Décisions
CA Paris, Pôle 6 - ch. 2, 23 novembre 2023, n° 23/02543
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/02543 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHNYL
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Mars 2023 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Créteil - RG n° 22/00280
APPELANTE
Madame [G] [Z]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
INTIMÉE
S.A.S. CORSAIR
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Julien MICHELLET-GIUDICELLI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame LAGARDE Christine, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Paule ALZEARI, présidente
Eric LEGRIS, président
Christine LAGARDE, conseillère
Greffière lors des débats : Mme Alicia CAILLIAU
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Alicia CAILLIAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Corsair (ci-après la 'Société') est une compagnie aérienne spécialiste des vols long-courriers, particulièrement de/vers les départements d'Outre-mer.
Par contrat à durée indéterminée en date du 8 novembre 2019, Mme [G] [Z] a été engagée au sein de la Société en qualité de chef adjoint pôle [Localité 3], statut cadre, coefficient 510, niveau IX de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien.
Par avenant en date du 18 décembre 2020, Mme [Z] a été promue au poste de responsable opérations sol.
En dernier lieu, elle percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 6 778 euros.
Dans le contexte de la crise sanitaire, un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) a été conclu avec les syndicats représentatifs afin de mettre en place une nouvelle organisation conduisant notamment à la suppression de postes au sein de la direction des opérations sol.
Mme [Z] a été licenciée pour faute grave par courrier daté du 20 octobre 2022.
Par requête réceptionnée le 9 novembre 2022, Mme [Z] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Créteil aux fins de voir condamner la Société, au titre d'un licenciement nul, à sa réintégration sous astreinte et un rappel de salaire, faisant état de son statut de lanceur d'alerte.
Par ordonnance de référé contradictoire rendue le 13 mars 2023, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :
« Dit n'y avoir lieu à référé concernant la rupture du contrat de travail de Madame [Z]
- Déboute Madame [Z] de l°ensemble de ses demandes ;
- Ordonne à Madame [Z] la restitution des données téléchargées, à leur propriétaire, la compagnie CORSAIR, sous astreinte de 15 euros par jour de retard à compter du trentième jour suivant la notification de la présente ordonnance ;
- Interdit à Madame [Z] de faire usage des données téléchargées internes à la société CORSAIR ;
- Déboute la Compagnie CORSAIR du surplus de ses demandes reconventionnelles ».
Mme [Z] a interjeté appel de la décision le 27 mars 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 22 mai 2023, Mme [Z] demande à la cour de :
«Vu les articles L 1152-1 et suivants du Code du travail,
Vu les articles R. 1455-5 et suivants du Code du travail,
Vu les articles L 131-1 et suivants du Code de procédures civiles d'exécution,
Vu l'article 145 du Code de procédure civile,
Vu loi n°20166-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite loi Sapin 2,
Vu les articles L 1132-1 et suivants du Code du travail,
Infirmer l'Ordonnance de référé rendue le 13 mars 2023 par la Formation de Référés du Conseil des Prud'hommes de Créteil (RG R 22/00280) en ce qu'elle :
- Doit n'y avoir lieu à référé concernant la rupture du contrat de travail de Madame [Z],
- Débouté Madame [Z] de l'ensemble de ses demandes et notamment de voir déclarer son licenciement nul ; d'obtenir sa réintégration complète avec rappel de salaires et délivrance des bulletins de salaires correspondants, le tout sous astreinte ainsi que l'allocation d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Ordonné à Madame [Z] la restitution des données téléchargées, à leur propriétaire, la compagnie Corsair, sous astreinte de 15 euros par jour de retard à compter du trentième jour suivant la notification de la présente ordonnance,
- Interdit à Madame [Z] de faire usage des données téléchargées internes à la société Corsair
Statuant à nouveau,
- Juger que le licenciement pour faute grave de Madame [G] [Z] est nul car il a été pris pour sanctionner l'alerte lancée par Madame [Z] les 8 août et 17 octobre 2022.
- Juger que le licenciement pour faute grave de Madame [G] [Z] est nul car il s'agit d'une mesure discriminatoire prise à l'égard d'une femme malade de 61 ans,
En conséquence,
- Condamner la Société Corsair à réintégrer Madame [G] [Z] sous astreinte de 1 000 euros par jour calendaire de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir jusqu'à sa complète réintégration dans les termes et conditions de son contrat de travail de responsable opérations sol,
- Condamner la Société Corsait au rappel de salaire courant à compter du 24 octobre 2022 jusqu'à sa complète réintégration dans les termes et conditions de son contrat de travail de responsable opérations sol,
- Condamner la Société Corsair avec remise des bulletins de salaires correspondant, courant à compter du 24 octobre 2022, sous astreinte de 1 000 euros par jour calendaire de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir jusqu'à sa complète réintégration dans les termes et conditions de son contrat de travail de responsable des opérations sol,
- Condamner la Société Corsair, sous astreinte de 1 000 euros par jour calendaire de retard à compter du prononcé de la décision, à remettre l'intégralité du courrier de Madame [Z] du 12 mai 2023 adressé à la Compagnie Corsair pour exécuter l'Ordonnance en ce qu'elle ordonnait la restitution des données téléchargées,
- Condamner la Société Corsair à payer Madame [G] [Z] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. ».
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 21 juin 2023, la Société demande à la cour de :
«1. Confirmer l'ordonnance rendue par le Conseil de prud'hommes de Créteil en ce qu'il a :
- Dit n'y avoir lieu à référé concernant la rupture du contrat de travail de Mme [Z] ;
- Débouté Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes ;
- Ordonné à Mme [Z] la restitution des données téléchargées, à leur propriétaire, la Compagnie Corsair, sous astreinte de 15 euros par jour de retard ;
- Interdit à Mme [Z] de faire usage des données téléchargées internes à la Compagnie Corsair.
2. Statuant à nouveau :
- Condamner Mme [Z] à la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner Mme [Z] aux entiers dépens. ».
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 septembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de réintégration pour nullité du licenciement du lanceur d'alerte
Mme [Z] fait valoir que ;
- la lettre de licenciement pour faute grave est consécutive à la mise en cause directe de la gestion du président qui a décidé de réduire de manière drastique l'équipe dédiée à la sécurité au sol faisant peser des risques aux passagers et aux salariés de la Société, et à la menace de révéler ces risques encourus à la DGAC de sorte qu'au regard de son statut de lanceur d'alerte, le licenciement est nul ;
- la Société n'a pas mis en place de procédures internes de recueil des signalements ou des révélations de sorte qu'au sein de la Société l'alerte ne pouvait revêtir de formes prescrites ;
- lorsqu'elle évoque dans l'étude, des risques élevés pesant sur la sécurité, il s'agit de motifs raisonnables de penser que l'information divulguée est vraie et sa bonne foi ne peut pas être contestée ;
- elle n'a jamais été convoquée à un entretien préalable de licenciement de sorte qu'en l'absence de procédure de licenciement, la lettre de licenciement pour faute grave est la réponse à l'alerte qu'elle a effectué ;
- l'alerte du 11 octobre 2022 est le prolongement de l'étude communiquée le 8 août 2022 et elle a alerté sans succès son supérieur hiérarchique et les autres services dès le 20 octobre 2021 ;
- à la suite de la révélation et du signalement du 8 août 2022, elle a fait l'objet dans un premier temps de la procédure de rupture conventionnelle le 4 octobre 2022 et ensuite d'un licenciement pour faute grave alors qu'auparavant elle était bien évaluée.
La Société oppose que :
- le 24 novembre 2021, la direction a été alertée sur le comportement inadéquat de Mme [Z] compte tenu de son insubordination et de son opposition systématique, et en dépit d'une alerte formelle, la salariée a persisté dans ses agissements ;
- face à ce constat, elle a décidé d'opter pour une issue amiable en proposant une rupture conventionnelle et à l'issue du rendez-vous informel, le service informatique l'a alertée d'un téléchargement massif de documents dont certains sont protégés, de sorte qu'elle n'a eu d'autre choix que de licencier sa salariée par courrier du 6 octobre 2022 pour un entretien du 17 octobre 2022 ;
- par courrier du 11 octobre 2022 Mme [Z] a revendiqué son statut de lanceur d'alerte ;
- la protection conférée au lanceur d'alerte n'est pas applicable à Mme [Z] qui n'a jamais fait de signalement relevant des dispositions de la loi Sapin faute de préciser une quelconque violation ou infraction des règles liées à la sécurité des salariés ou des passagers ;
- sa salariée a été licenciée en raison de motifs objectifs étrangers à sa prétendue alerte.
Sur ce,
L'article 6 de la Sapin 2 dispose que :
«Un lanceur d'alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance.
Les faits, informations ou documents, quel que soit leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client sont exclus du régime de l'alerte défini par le présent chapitre ».
L'article 12 de cette loi ajoute :
« En cas de rupture du contrat de travail consécutive au signalement d'une alerte au sens de l'article 6, le salarié peut saisir le conseil des prud'hommes dans les conditions prévues au chapitre V du titre V du livre IV de la première partie du code du travail ».
L'article L. 1132-1 du code du travail prévoit notamment qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son âge, de son état de santé ou de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
A titre liminaire, la cour relève que si Mme [Z] vise dans le dispositif de ses conclusions l'article R. 1455-5 du code de procédure civile qui dispose que « dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend », elle ne développe aucun moyen dans ses conclusions au soutien de l'application de cet article.
Pour autant, les demandes telles qu'elles sont formulées par Mme [Z] tendant à voir ordonner sa réintégration du fait de la nullité du licenciement, seront examinées en application des dispositions susceptibles d'être mobilisées soit l'article R. 1455-6 du code de procédure civile qui dispose :
« la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».
En application de la disposition précitée, le trouble manifestement illicite résulte d'un fait matériel ou juridique qui constitue une violation évidente d'une norme obligatoire dont l'origine peut être contractuelle, législative ou réglementaire, l'appréciation du caractère manifestement illicite du trouble invoqué, relevant du pouvoir souverain du juge des référés.
Il ressort des pièces produites aux débats que par mail du 20 octobre 2021, Mme [Z] a demandé à sa supérieure hiérarchique M. [T], De pouvoir la «voir tranquillement pendant une quinzaine de minutes », la suite du mail faisant état de la répartition des tâches de travail et du fait que la direction des opérations sol ne pouvait pas tout prendre à sa charge.
Le 8 août 2022, Mme [Z] a adressé un mail à M. B., responsable de l'assurance qualité et sécurité des vols (SGS) :
« Bonjour [E], Je te remercie de bien vouloir trouver ci-attachée, l'étude de changement menée avec Lorraine suite au départ d'[Y] et au départ annoncé de [S]. Nous sommes à ta disposition pour te détailler les éléments de notre réflexion ».
Cette « étude du changement-Etude d'impact sur la sécurité » se présente sous la forme d'un document avec des mentions préremplies en tableaux et des cases à cocher ou des espaces à compléter. Cette étude, restituée par Mme [Z] comme étant une « réflexion » qui devait être détaillée avec M. B., faisait mention de risques portant sur la défaillance dans la veille réglementaire, le retard dans la production de supports, les software pas maintenus à jour et visait notamment à obtenir des ressources suffisamment dimensionnées et qualifiées.
Pour autant, force est de constater cependant, tout comme l'a relevé le conseil de prud'hommes, que tant dans le mail du 20 octobre 2021 que celui d'août 2022, Mme [Z] ne fait aucun signalement ayant pour objet d'alerter sur une quelconque violation des règles liées à la sécurité des salariés et des passagers.
A cet égard, l'unique attestation produite par Mme [Z] aux termes de laquelle Mme H (Lorraine) qui avait mené l'étude de changement, et qui depuis a quitté la Société, n'est pas davantage de nature à l'établir.
Il ressort des pièces produites aux débats que la Société a adressé à Mme [Z] un courrier de convocation à entretien préalable fixé au 17 octobre 2022, courrier daté du 6 octobre 2022, remis à La Poste le 7 octobre et présenté au domicile de Mme [Z] le 10 octobre 2022 ainsi que cela ressort de la lecture de l'avis de réception conforme aux renseignements relevés dans les étapes d'acheminement du courrier.
Par courrier recommandé avec accusé de réception électronique du 11 octobre 2022 Mme [Z] a écrit au président de la Société se déclarant lanceuse d'alerte et victime de discrimination en raison de son état de santé étant affectée d'une pathologie chronique. Dans ce courrier, elle fait mention de surcharge de travail du fait du non remplacement de personnels, de l'étude d'impact mentionnée ci-dessus, de deux « burnout » pour surmenage, de sa maladie, de son arrêt de travail et du fait que le 3 octobre 2022, Mme. M., et M. [T], lui ont « imposé » une procédure de rupture conventionnelle l'obligeant à quitter son poste.
La cour relève, tout comme le conseil de prud'hommes, que Mme [Z] n'a pas mentionné les règles qui n'auraient pas été respectées s'agissant de la sécurité aérienne, et qu'en outre ce courrier a été adressé alors que la procédure de licenciement décrite ci-dessus était initiée.
Dès lors, il résulte des considérations qui précèdent que Mme [Z] ne justifie pas de son statut de lanceur d'alerte au sens de l'article 6 de la Sapin 2 précité, ni davantage d'une procédure de licenciement qui aurait été initiée dans ce cadre, ni encore d'une absence de convocation à l'entretien préalable au licenciement, de sorte qu'il n'est justifié d'aucun trouble manifestement illicite qu'il y aurait lieu de faire cesser.
Sur la demande de réintégration du fait de la nullité du licenciement pour discrimination en raison de l'état de santé
Au soutien de cette demande, Mme [Z] fait valoir après le rappel de l'article L. 1132-1 rappelé plus haut :
« Madame [G] [Z] est :
o une femme,
o de 61 ans,
o malade car affectée du PTI.
Ses deux supérieurs hiérarchiques qui ont pris la décision de la licencier pour faute grave, Monsieur [T] puis le Président ont été informés de sa pathologie du PTI.
Ils sont des hommes soutenus par un Conseil d'administration dont la parité hommes/femmes n'est pas respectée.
Le licenciement pour faute grave est mis en œuvre après qu'elle ait porté à leur connaissance sa pathologie du PTI ».
Elle précise qu'après son licenciement en mars 2023 elle a eu un infarctus qui a rendu nécessaire son hospitalisation pendant plusieurs mois.
La société oppose qu'elle n'était pas informée de la pathologie de sa salariée.
Sur ce,
Il n'est pas contesté que Mme [Z] a fait l'objet d'arrêts de travail.
Mme [Z] a fait état de sa pathologie PTI dans son courrier du 11 octobre 2022, soit après l'engagement de la procédure de licenciement.
En tout état de cause, aucun élément réel et sérieux ne permet de laisser supposer que le licenciement a été initié en raison de l'état de santé de Mme [Z].
Dès lors, en l'absence de trouble manifestement illicite la demande de Mme [Z] ne pouvait être utilement accueillie de sorte que le conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point.
Sur le téléchargement des données et sur la restitution du téléchargement
Mme [Z] fait valoir que le juge prud'homal, en ayant ordonné la restitution de données téléchargées va à l'encontre des jurisprudences constantes sur l'appropriation de documents nécessaires à la défense de l'employé.
La société fait valoir que les téléchargements en cause ne concernent pas la messagerie électronique de Mme [Z] mais des documents sauvegardés sur le serveur de la compagnie et conclut que, outre le téléchargement massif de données lui appartenant, la direction avait reçu des plaintes relatives au comportement de Mme [Z] de sorte que l'ensemble des griefs du licenciement sont caractérisées.
Sur ce,
Il n'est pas contesté que le 3 octobre 2022, la Société a proposé à Mme [Z] de réfléchir à une rupture conventionnelle et que de retour à son bureau cette dernière a téléchargé, 2 583 documents et une alerte a été faite par le service informatique du fait de cette activité inhabituelle.
Mme [Z] ne s'explique cependant pas sur la nécessité de ce téléchargement massif pour assurer en justice la défense de ses droits alors qu'il ressort des échanges de courriels avec le service informatique que, notamment, des fichiers relatifs au plans de cabines et des listes de contacts ont été téléchargés, de sorte qu'ils ne se limitent pas aux seules données utiles à une éventuelle défense en justice.
Il en résulte un trouble manifestement illicite pour la Société qui sera utilement réparé par la mesure de restitution ordonnée par le premier juge et qui mérite confirmation de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [Z], qui succombe doit être condamnée aux dépens d'appel et déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera pas fait application de cet article au profit de l'intimée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme l'ordonnance entreprise ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [G] [Z] aux dépens d'appel ;
Condamne Mme [G] [Z] à payer à la société Corsair la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre.
La Greffière, La Présidente,
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/02543 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHNYL
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Mars 2023 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Créteil - RG n° 22/00280
APPELANTE
Madame [G] [Z]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
INTIMÉE
S.A.S. CORSAIR
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Julien MICHELLET-GIUDICELLI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame LAGARDE Christine, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Paule ALZEARI, présidente
Eric LEGRIS, président
Christine LAGARDE, conseillère
Greffière lors des débats : Mme Alicia CAILLIAU
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Alicia CAILLIAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Corsair (ci-après la 'Société') est une compagnie aérienne spécialiste des vols long-courriers, particulièrement de/vers les départements d'Outre-mer.
Par contrat à durée indéterminée en date du 8 novembre 2019, Mme [G] [Z] a été engagée au sein de la Société en qualité de chef adjoint pôle [Localité 3], statut cadre, coefficient 510, niveau IX de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien.
Par avenant en date du 18 décembre 2020, Mme [Z] a été promue au poste de responsable opérations sol.
En dernier lieu, elle percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 6 778 euros.
Dans le contexte de la crise sanitaire, un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) a été conclu avec les syndicats représentatifs afin de mettre en place une nouvelle organisation conduisant notamment à la suppression de postes au sein de la direction des opérations sol.
Mme [Z] a été licenciée pour faute grave par courrier daté du 20 octobre 2022.
Par requête réceptionnée le 9 novembre 2022, Mme [Z] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Créteil aux fins de voir condamner la Société, au titre d'un licenciement nul, à sa réintégration sous astreinte et un rappel de salaire, faisant état de son statut de lanceur d'alerte.
Par ordonnance de référé contradictoire rendue le 13 mars 2023, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :
« Dit n'y avoir lieu à référé concernant la rupture du contrat de travail de Madame [Z]
- Déboute Madame [Z] de l°ensemble de ses demandes ;
- Ordonne à Madame [Z] la restitution des données téléchargées, à leur propriétaire, la compagnie CORSAIR, sous astreinte de 15 euros par jour de retard à compter du trentième jour suivant la notification de la présente ordonnance ;
- Interdit à Madame [Z] de faire usage des données téléchargées internes à la société CORSAIR ;
- Déboute la Compagnie CORSAIR du surplus de ses demandes reconventionnelles ».
Mme [Z] a interjeté appel de la décision le 27 mars 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 22 mai 2023, Mme [Z] demande à la cour de :
«Vu les articles L 1152-1 et suivants du Code du travail,
Vu les articles R. 1455-5 et suivants du Code du travail,
Vu les articles L 131-1 et suivants du Code de procédures civiles d'exécution,
Vu l'article 145 du Code de procédure civile,
Vu loi n°20166-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite loi Sapin 2,
Vu les articles L 1132-1 et suivants du Code du travail,
Infirmer l'Ordonnance de référé rendue le 13 mars 2023 par la Formation de Référés du Conseil des Prud'hommes de Créteil (RG R 22/00280) en ce qu'elle :
- Doit n'y avoir lieu à référé concernant la rupture du contrat de travail de Madame [Z],
- Débouté Madame [Z] de l'ensemble de ses demandes et notamment de voir déclarer son licenciement nul ; d'obtenir sa réintégration complète avec rappel de salaires et délivrance des bulletins de salaires correspondants, le tout sous astreinte ainsi que l'allocation d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Ordonné à Madame [Z] la restitution des données téléchargées, à leur propriétaire, la compagnie Corsair, sous astreinte de 15 euros par jour de retard à compter du trentième jour suivant la notification de la présente ordonnance,
- Interdit à Madame [Z] de faire usage des données téléchargées internes à la société Corsair
Statuant à nouveau,
- Juger que le licenciement pour faute grave de Madame [G] [Z] est nul car il a été pris pour sanctionner l'alerte lancée par Madame [Z] les 8 août et 17 octobre 2022.
- Juger que le licenciement pour faute grave de Madame [G] [Z] est nul car il s'agit d'une mesure discriminatoire prise à l'égard d'une femme malade de 61 ans,
En conséquence,
- Condamner la Société Corsair à réintégrer Madame [G] [Z] sous astreinte de 1 000 euros par jour calendaire de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir jusqu'à sa complète réintégration dans les termes et conditions de son contrat de travail de responsable opérations sol,
- Condamner la Société Corsait au rappel de salaire courant à compter du 24 octobre 2022 jusqu'à sa complète réintégration dans les termes et conditions de son contrat de travail de responsable opérations sol,
- Condamner la Société Corsair avec remise des bulletins de salaires correspondant, courant à compter du 24 octobre 2022, sous astreinte de 1 000 euros par jour calendaire de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir jusqu'à sa complète réintégration dans les termes et conditions de son contrat de travail de responsable des opérations sol,
- Condamner la Société Corsair, sous astreinte de 1 000 euros par jour calendaire de retard à compter du prononcé de la décision, à remettre l'intégralité du courrier de Madame [Z] du 12 mai 2023 adressé à la Compagnie Corsair pour exécuter l'Ordonnance en ce qu'elle ordonnait la restitution des données téléchargées,
- Condamner la Société Corsair à payer Madame [G] [Z] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. ».
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 21 juin 2023, la Société demande à la cour de :
«1. Confirmer l'ordonnance rendue par le Conseil de prud'hommes de Créteil en ce qu'il a :
- Dit n'y avoir lieu à référé concernant la rupture du contrat de travail de Mme [Z] ;
- Débouté Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes ;
- Ordonné à Mme [Z] la restitution des données téléchargées, à leur propriétaire, la Compagnie Corsair, sous astreinte de 15 euros par jour de retard ;
- Interdit à Mme [Z] de faire usage des données téléchargées internes à la Compagnie Corsair.
2. Statuant à nouveau :
- Condamner Mme [Z] à la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner Mme [Z] aux entiers dépens. ».
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 septembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de réintégration pour nullité du licenciement du lanceur d'alerte
Mme [Z] fait valoir que ;
- la lettre de licenciement pour faute grave est consécutive à la mise en cause directe de la gestion du président qui a décidé de réduire de manière drastique l'équipe dédiée à la sécurité au sol faisant peser des risques aux passagers et aux salariés de la Société, et à la menace de révéler ces risques encourus à la DGAC de sorte qu'au regard de son statut de lanceur d'alerte, le licenciement est nul ;
- la Société n'a pas mis en place de procédures internes de recueil des signalements ou des révélations de sorte qu'au sein de la Société l'alerte ne pouvait revêtir de formes prescrites ;
- lorsqu'elle évoque dans l'étude, des risques élevés pesant sur la sécurité, il s'agit de motifs raisonnables de penser que l'information divulguée est vraie et sa bonne foi ne peut pas être contestée ;
- elle n'a jamais été convoquée à un entretien préalable de licenciement de sorte qu'en l'absence de procédure de licenciement, la lettre de licenciement pour faute grave est la réponse à l'alerte qu'elle a effectué ;
- l'alerte du 11 octobre 2022 est le prolongement de l'étude communiquée le 8 août 2022 et elle a alerté sans succès son supérieur hiérarchique et les autres services dès le 20 octobre 2021 ;
- à la suite de la révélation et du signalement du 8 août 2022, elle a fait l'objet dans un premier temps de la procédure de rupture conventionnelle le 4 octobre 2022 et ensuite d'un licenciement pour faute grave alors qu'auparavant elle était bien évaluée.
La Société oppose que :
- le 24 novembre 2021, la direction a été alertée sur le comportement inadéquat de Mme [Z] compte tenu de son insubordination et de son opposition systématique, et en dépit d'une alerte formelle, la salariée a persisté dans ses agissements ;
- face à ce constat, elle a décidé d'opter pour une issue amiable en proposant une rupture conventionnelle et à l'issue du rendez-vous informel, le service informatique l'a alertée d'un téléchargement massif de documents dont certains sont protégés, de sorte qu'elle n'a eu d'autre choix que de licencier sa salariée par courrier du 6 octobre 2022 pour un entretien du 17 octobre 2022 ;
- par courrier du 11 octobre 2022 Mme [Z] a revendiqué son statut de lanceur d'alerte ;
- la protection conférée au lanceur d'alerte n'est pas applicable à Mme [Z] qui n'a jamais fait de signalement relevant des dispositions de la loi Sapin faute de préciser une quelconque violation ou infraction des règles liées à la sécurité des salariés ou des passagers ;
- sa salariée a été licenciée en raison de motifs objectifs étrangers à sa prétendue alerte.
Sur ce,
L'article 6 de la Sapin 2 dispose que :
«Un lanceur d'alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance.
Les faits, informations ou documents, quel que soit leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client sont exclus du régime de l'alerte défini par le présent chapitre ».
L'article 12 de cette loi ajoute :
« En cas de rupture du contrat de travail consécutive au signalement d'une alerte au sens de l'article 6, le salarié peut saisir le conseil des prud'hommes dans les conditions prévues au chapitre V du titre V du livre IV de la première partie du code du travail ».
L'article L. 1132-1 du code du travail prévoit notamment qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son âge, de son état de santé ou de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
A titre liminaire, la cour relève que si Mme [Z] vise dans le dispositif de ses conclusions l'article R. 1455-5 du code de procédure civile qui dispose que « dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend », elle ne développe aucun moyen dans ses conclusions au soutien de l'application de cet article.
Pour autant, les demandes telles qu'elles sont formulées par Mme [Z] tendant à voir ordonner sa réintégration du fait de la nullité du licenciement, seront examinées en application des dispositions susceptibles d'être mobilisées soit l'article R. 1455-6 du code de procédure civile qui dispose :
« la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».
En application de la disposition précitée, le trouble manifestement illicite résulte d'un fait matériel ou juridique qui constitue une violation évidente d'une norme obligatoire dont l'origine peut être contractuelle, législative ou réglementaire, l'appréciation du caractère manifestement illicite du trouble invoqué, relevant du pouvoir souverain du juge des référés.
Il ressort des pièces produites aux débats que par mail du 20 octobre 2021, Mme [Z] a demandé à sa supérieure hiérarchique M. [T], De pouvoir la «voir tranquillement pendant une quinzaine de minutes », la suite du mail faisant état de la répartition des tâches de travail et du fait que la direction des opérations sol ne pouvait pas tout prendre à sa charge.
Le 8 août 2022, Mme [Z] a adressé un mail à M. B., responsable de l'assurance qualité et sécurité des vols (SGS) :
« Bonjour [E], Je te remercie de bien vouloir trouver ci-attachée, l'étude de changement menée avec Lorraine suite au départ d'[Y] et au départ annoncé de [S]. Nous sommes à ta disposition pour te détailler les éléments de notre réflexion ».
Cette « étude du changement-Etude d'impact sur la sécurité » se présente sous la forme d'un document avec des mentions préremplies en tableaux et des cases à cocher ou des espaces à compléter. Cette étude, restituée par Mme [Z] comme étant une « réflexion » qui devait être détaillée avec M. B., faisait mention de risques portant sur la défaillance dans la veille réglementaire, le retard dans la production de supports, les software pas maintenus à jour et visait notamment à obtenir des ressources suffisamment dimensionnées et qualifiées.
Pour autant, force est de constater cependant, tout comme l'a relevé le conseil de prud'hommes, que tant dans le mail du 20 octobre 2021 que celui d'août 2022, Mme [Z] ne fait aucun signalement ayant pour objet d'alerter sur une quelconque violation des règles liées à la sécurité des salariés et des passagers.
A cet égard, l'unique attestation produite par Mme [Z] aux termes de laquelle Mme H (Lorraine) qui avait mené l'étude de changement, et qui depuis a quitté la Société, n'est pas davantage de nature à l'établir.
Il ressort des pièces produites aux débats que la Société a adressé à Mme [Z] un courrier de convocation à entretien préalable fixé au 17 octobre 2022, courrier daté du 6 octobre 2022, remis à La Poste le 7 octobre et présenté au domicile de Mme [Z] le 10 octobre 2022 ainsi que cela ressort de la lecture de l'avis de réception conforme aux renseignements relevés dans les étapes d'acheminement du courrier.
Par courrier recommandé avec accusé de réception électronique du 11 octobre 2022 Mme [Z] a écrit au président de la Société se déclarant lanceuse d'alerte et victime de discrimination en raison de son état de santé étant affectée d'une pathologie chronique. Dans ce courrier, elle fait mention de surcharge de travail du fait du non remplacement de personnels, de l'étude d'impact mentionnée ci-dessus, de deux « burnout » pour surmenage, de sa maladie, de son arrêt de travail et du fait que le 3 octobre 2022, Mme. M., et M. [T], lui ont « imposé » une procédure de rupture conventionnelle l'obligeant à quitter son poste.
La cour relève, tout comme le conseil de prud'hommes, que Mme [Z] n'a pas mentionné les règles qui n'auraient pas été respectées s'agissant de la sécurité aérienne, et qu'en outre ce courrier a été adressé alors que la procédure de licenciement décrite ci-dessus était initiée.
Dès lors, il résulte des considérations qui précèdent que Mme [Z] ne justifie pas de son statut de lanceur d'alerte au sens de l'article 6 de la Sapin 2 précité, ni davantage d'une procédure de licenciement qui aurait été initiée dans ce cadre, ni encore d'une absence de convocation à l'entretien préalable au licenciement, de sorte qu'il n'est justifié d'aucun trouble manifestement illicite qu'il y aurait lieu de faire cesser.
Sur la demande de réintégration du fait de la nullité du licenciement pour discrimination en raison de l'état de santé
Au soutien de cette demande, Mme [Z] fait valoir après le rappel de l'article L. 1132-1 rappelé plus haut :
« Madame [G] [Z] est :
o une femme,
o de 61 ans,
o malade car affectée du PTI.
Ses deux supérieurs hiérarchiques qui ont pris la décision de la licencier pour faute grave, Monsieur [T] puis le Président ont été informés de sa pathologie du PTI.
Ils sont des hommes soutenus par un Conseil d'administration dont la parité hommes/femmes n'est pas respectée.
Le licenciement pour faute grave est mis en œuvre après qu'elle ait porté à leur connaissance sa pathologie du PTI ».
Elle précise qu'après son licenciement en mars 2023 elle a eu un infarctus qui a rendu nécessaire son hospitalisation pendant plusieurs mois.
La société oppose qu'elle n'était pas informée de la pathologie de sa salariée.
Sur ce,
Il n'est pas contesté que Mme [Z] a fait l'objet d'arrêts de travail.
Mme [Z] a fait état de sa pathologie PTI dans son courrier du 11 octobre 2022, soit après l'engagement de la procédure de licenciement.
En tout état de cause, aucun élément réel et sérieux ne permet de laisser supposer que le licenciement a été initié en raison de l'état de santé de Mme [Z].
Dès lors, en l'absence de trouble manifestement illicite la demande de Mme [Z] ne pouvait être utilement accueillie de sorte que le conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point.
Sur le téléchargement des données et sur la restitution du téléchargement
Mme [Z] fait valoir que le juge prud'homal, en ayant ordonné la restitution de données téléchargées va à l'encontre des jurisprudences constantes sur l'appropriation de documents nécessaires à la défense de l'employé.
La société fait valoir que les téléchargements en cause ne concernent pas la messagerie électronique de Mme [Z] mais des documents sauvegardés sur le serveur de la compagnie et conclut que, outre le téléchargement massif de données lui appartenant, la direction avait reçu des plaintes relatives au comportement de Mme [Z] de sorte que l'ensemble des griefs du licenciement sont caractérisées.
Sur ce,
Il n'est pas contesté que le 3 octobre 2022, la Société a proposé à Mme [Z] de réfléchir à une rupture conventionnelle et que de retour à son bureau cette dernière a téléchargé, 2 583 documents et une alerte a été faite par le service informatique du fait de cette activité inhabituelle.
Mme [Z] ne s'explique cependant pas sur la nécessité de ce téléchargement massif pour assurer en justice la défense de ses droits alors qu'il ressort des échanges de courriels avec le service informatique que, notamment, des fichiers relatifs au plans de cabines et des listes de contacts ont été téléchargés, de sorte qu'ils ne se limitent pas aux seules données utiles à une éventuelle défense en justice.
Il en résulte un trouble manifestement illicite pour la Société qui sera utilement réparé par la mesure de restitution ordonnée par le premier juge et qui mérite confirmation de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [Z], qui succombe doit être condamnée aux dépens d'appel et déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera pas fait application de cet article au profit de l'intimée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme l'ordonnance entreprise ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [G] [Z] aux dépens d'appel ;
Condamne Mme [G] [Z] à payer à la société Corsair la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre.
La Greffière, La Présidente,