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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 23 novembre 2023, n° 22/12665

AIX-EN-PROVENCE

Ordonnance

Autre

PARTIES

Demandeur :

Corest (SARL)

Défendeur :

Alp'Azur Hotels (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vincent

Avocats :

Me Domenach, Me Boulan, Me Degomme, Me Bornens

CA Aix-en-Provence n° 22/12665

22 novembre 2023

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 4 mai 2022, le tribunal de commerce de Marseille a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- Déclaré la Sarl Corest recevable en ses demandes à l'encontre de la Sarl Alp'Azur Hôtels ;

- Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la Sarl Alp'Azur Hôtels ;

- Constate que la Sarl Alp'Azur Hôtels a rompu brutalement ses relations commerciales établies avec la Sarl Corest, qu'en tenant compte de la durée de 20 ans des relations commerciales et du poids de 10% dans l'activité de la Sarl Corest, un préavis de sept mois est conforme au préjudice subi ;

- En conséquence, condamné la Sarl Alp'Azur Hôtels à payer à la Sarl Corest sept mois de marge brute, soit la somme de 32.186 €, avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2020, date de la mise en demeure, ainsi que la somme de 2.000 € au titre des dispositions de 'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté la Sarl Corest de ses demandes au titre du préjudice d'image et du préjudice moral ;

- Condamné la Sarl Alp'Azur Hôtels aux dépens ;

- Rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires.

Par acte du 23 septembre 2022, la Sarl Corest a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 20 juin 2023, puis reprises par conclusions notifiées le 19 septembre 2023, la Sarl Alp'Azur Hôtels a saisi le conseiller de la mise en état, faisant valoir que :

- La présente Cour n'a pas le pouvoir juridictionnel pour connaître du litige, les articles D442-3, L442-1, L442-4 et L442-6 III, alinéa 5 du code de commerce donnant compétence exclusive à la cour d'appel de Paris pour connaître des appels portés contre les jugements statuant sur la rupture brutale de relations commerciales établies ;

- Il ne peut être fait droit à la demande de renvoi devant la cour d'appel de Paris, le conseiller de la mise en état n'étant pas saisi d'une exception d'incompétence mais d'une fin de non-recevoir résultant de son défaut de pouvoir juridictionnel ;

- La demande subsidiaire de désistement d'instance formulée par la Sarl Corest a été présentée postérieurement au présent incident, de sorte qu'elle est en droit de ne pas accepter ce désistement.

Au visa des articles 122 du code de procédure civile, L442-6 III alinéa 5, L442-1, L442-4 et D442-3 du code de commerce, elle demande ainsi au conseiller de la mise en état de :

- Déclarer le défaut de pouvoir juridictionnel de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour connaître de l'appel d'un jugement ayant statué sur la rupture brutale des relations commerciales établies ;

- En conséquence, déclarer irrecevable l'appel formé par la Sarl Corest contre le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille le 4 mai 2022 ;

- Débouter la Sarl Corest de l'ensemble de ses demandes ;

- La condamner à verser à la Sarl Alp'Azur Hôtels la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la Sarl Corest aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Me Françoise Boulan, membre de la Selarl Lexavoué Aix-en-Provence, avocat associé, aux offres de droit ;

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 29 août 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Sarl Corest réplique que :

- Après avoir interjeté appel devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, elle a par la suite interjeté appel devant la cour d'appel de Paris aux fins de régularisation, cette dernière étant seule compétente pour connaître de ce litige, de sorte qu'elle est bien fondée à solliciter le renvoi de la cause et des parties devant la cour d'appel de Paris, et à titre subsidiaire, le désistement de l'instance au motif qu'un nouvel appel a été interjeté devant la cour d'appel de Paris.

Au visa des articles L442-4, D442-3 et D442-4 du code de commerce, elle sollicite du conseiller de la mise en état de :

- A titre principal, ordonner le renvoi de la cause et des parties devant la cour d'appel de Paris,

- A titre subsidiaire, donner acte du désistement de son appel devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence par la Sarl Corest, au motif qu'un nouvel appel a été interjeté par la cour d'appel de Paris ;

- Réserver les éventuelles demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

MOTIFS

En vertu de l'article D. 442-3 du code de commerce, pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes sont les juridictions de première instance de Marseille, Bordeaux, Tourcoing, Fort-de-France, Lyon, Nancy, Paris et Rennes et seule la cour d'appel de Paris est compétente pour connaître des appels formés contre les décisions rendues par ces juridictions.

L'inobservation de ces textes qui sont d'ordre public était sanctionnée par une fin de non-recevoir qui devait être soulevée d'office par application de l'article 125 du code de procédure civile, en raison du défaut de pouvoir de la juridiction saisie (Com., 24 septembre 2013, pourvoi n° 12-21.089, Bull. 2013, IV, n° 138). Toutefois, désormais (Com. 18 octobre 2023, pourvoi n°21-15.378), la règle découlant de l'application combinée des articles L. 442-6, III et D. 442-3 du code de commerce, désignant les seules juridictions indiquées par ce dernier texte pour connaître de l'application des dispositions du I et du II de l'article L. 442-6 précité, institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir, cette règle étant d'application immédiate.

En l'espèce, la Sarl Corest se prévaut d'une rupture brutale des relations commerciales établies avec la Sarl Alp'Azur au visa des dispositions de l'ancien article L.442-6 I 5° et du nouvel article L442-1II du code de commerce. Si le tribunal de commerce de Marseille était bien compétent en application des dispositions précitées pour connaître de cette demande, seule la cour d'appel de Paris est compétente pour statuer en cas d'appel de la décision rendue par le tribunal de commerce de Marseille.

En application des dispositions précitées, la présente cour d'appel n'a pas pouvoir pour statuer sur l'appel susvisé, et par conséquent, il convient, de renvoyer l'affaire pour le tout devant la cour d'appel de Paris.

Les demandes relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront réservées.

PAR CES MOTIFS

Le Conseiller de la mise en état, statuant publiquement et contradictoirement,

Ordonne le renvoi de l'affaire enrôlée sous le numéro RG 22-12665 devant la cour d'appel de Paris,

Réserve les demandes relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.