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Décisions

Cass. com., 30 août 2023, n° 22-10.108

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Lefeuvre

Avocats :

Me Bertrand, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Montpellier, du 12 oct. 2021

12 octobre 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 12 octobre 2021) rendu sur renvoi après cassation (Com., 10 juin 2020, pourvoi n° 18-15.614), le 26 juin 2014, l'assemblée générale de la société anonyme Société internationale de transit (la société SIT), dont le capital était détenu à concurrence de 54 % par [T] [Z], 43,36 % par M. [B] [Z], 2,52 % par M. [I] [Z] et 0,12 % par Mme [G], a, par sa troisième résolution, décidé d'affecter la somme de 550 346 euros aux réserves.

2. Soutenant qu'elle était constitutive d'un abus de majorité, M. [B] [Z] a assigné [T] [Z], M. [I] [Z], Mme [G] et la société SIT en annulation de cette résolution et en condamnation de la société SIT à lui payer une provision d'un montant de 500 000 euros à valoir sur sa participation aux bénéfices.

3. [T] [Z] étant décédé en cours d'instance, M. [I] [Z] et Mme [G] ont repris celle-ci en ses lieu et place.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. M. [I] [Z] et Mme [G], agissant en leur nom personnel et en leur qualité d'héritiers de [T] [Z], et la société SIT font grief l'arrêt d'annuler, pour abus de majorité, la troisième résolution de l'assemblée générale du 26 juin 2014 et de rejeter leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, alors « que l'abus de majorité suppose, outre une atteinte portée à l'intérêt social, que la décision litigieuse aboutisse à une rupture d'égalité entre des actionnaires, au profit des majoritaires ; que l'avantage procuré aux actionnaires majoritaires, au détriment des actionnaires [minoritaires], doit donc présenter un lien avec la décision litigieuse ; que si le fait pour les actionnaires majoritaires de percevoir une rémunération peut révéler l'existence d'une rupture d'égalité à raison d'une décision de mise en réserve des bénéfices, c'est à la condition que cette rémunération soit injustifiée, excessive ou en tout cas qu'elle révèle une captation, au moins partielle, par les actionnaires majoritaires des bénéfices mis en réserves ; qu'en se bornant à mettre en avant le fait que les associés majoritaires avaient perçu, à raison de leurs fonctions de direction, des rémunérations ou des avantages [en] nature, sans rechercher si ces rémunérations étaient injustifiées ou excessives et si, partant, elles aboutissaient à ce que les sommes mises en réserve soient détournées, au moins partiellement, au profit des actionnaires majoritaires et au détriment de l'actionnaire minoritaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Pour annuler, pour abus de majorité, la troisième résolution de l'assemblée générale du 26 juin 2014, l'arrêt retient que la mise en réserve de la somme de 550 346 euros constitue, au préjudice de M. [B] [Z], actionnaire minoritaire, une rupture d'égalité dès lors que les associés majoritaires bénéficient, par leurs fonctions de direction au sein de la société, de rémunérations ou d'avantages en nature, dont lui-même ne bénéficiait pas au moment du vote de la résolution litigieuse, cependant que, détenant 43,36 % du capital social, il se trouvait privé de toute répartition de dividendes.

6. En se déterminant ainsi, sans constater que le montant des rémunérations versées aux actionnaires majoritaires et les avantages en nature dont ils bénéficiaient n'étaient pas justifiés au regard des fonctions de direction qu'ils exerçaient, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.