Cass. com., 25 octobre 2023, n° 22-16.907
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Bélaval
Avocat général :
Mme Guinamant
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Duhamel
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 mars 2022), le 5 septembre 2017, la société Sporting club de [Localité 3] (le SC [Localité 3]) a été mise en liquidation judiciaire, M. [H] étant désigné liquidateur.
2. L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Corse (l'URSSAF) a déclaré sa créance qui a été partiellement admise.
3. Par une requête au juge-commissaire, l'URSSAF a demandé à être nommée contrôleur. Cette demande a été rejetée par une ordonnance du juge-commissaire du 27 avril 2021. L'URSSAF a formé un recours contre cette ordonnance.
Recevabilité du pourvoi contestée par la défense
4. Selon l'article L. 661-6, I, 1°, du code de commerce, les jugements ou ordonnances relatifs à la nomination des contrôleurs ne sont susceptibles que d'un appel du ministère public et, selon l'article L. 661-7 du même code, il ne peut être exercé de pourvoi en cassation contre les arrêts rendus en application du premier. Il n'est dérogé à cette règle, comme à toute autre règle interdisant ou différant un recours, qu'en cas d'excès de pouvoir.
5. L'URSSAF a formé un pourvoi contre l'arrêt confirmant le jugement ayant rejeté le recours et confirmé l'ordonnance du juge-commissaire.
6. Ce pourvoi n'est recevable que si un excès de pouvoir est caractérisé.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement ayant dit son opposition formée à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge-commissaire recevable, l'ayant déboutée de son recours, fins et conclusions et ayant confirmé par substitution des motifs l'ordonnance en date du 27 avril 2021, alors « que selon l'article L. 621-10 du code de commerce, les administrations financières, les organismes et les institutions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 626-6, dont les organismes de sécurité sociale, sont désignés contrôleurs s'ils en font la demande ; que cette désignation est de droit ; qu'il s'ensuit le juge-commissaire, et sur opposition le tribunal de commerce, n'ont pas le pouvoir de rejeter une telle demande pour un motif d'opportunité ; qu'en retenant que ces dispositions ne prescrivaient aucune désignation de plein droit et que le tribunal de commerce avait pu refuser de désigner l'URSSAF Corse comme contrôleur dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société Sporting club de [Localité 3], pour des motifs d'opportunité tenant à la perte d'intérêt d'une telle désignation trois ans après le début de la procédure quand la vérification du passif était finalisée et la défense des intérêts des créanciers assurée par les liquidateurs et au danger que celle-ci présentait eu égard à la procédure en nullité de la période suspecte pendant devant le tribunal de commerce de Lyon et à laquelle l'URSSAF Corse était partie, la cour d'appel a consacré un excès de pouvoir et violé l'article L. 621-10 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 621-10, alinéa 2, du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-1 du même code, et les principes régissant l'excès de pouvoir :
8. Le premier texte dispose que les administrations financières, les organismes et institutions mentionnés au premier alinéa de l'article L. 626-6, sont désignés contrôleurs s'ils en font la demande.
9. Pour rejeter le recours formé par l'URSSAF contre l'ordonnance du juge-commissaire, l'arrêt énonce qu'en l'absence de disposition impérative, le texte susvisé ne prescrit aucune désignation de plein droit et en déduit qu'en refusant de désigner l'URSSAF en qualité de contrôleur, aux motifs qu'une telle désignation, demandée trois ans après le début de la procédure alors que la vérification du passif était achevée, présentait un danger eu égard à la procédure en nullité de la période suspecte pendante devant le tribunal à laquelle l'URSSAF était partie, le tribunal n'a ni empiété sur les prérogatives du législateur, ni pris une décision qu'il n'avait pas légalement le pouvoir de prendre, ni refusé de statuer sur la demande qui lui était présentée, et n'a commis aucun excès de pouvoir.
10. En statuant ainsi, alors qu'en refusant de désigner contrôleur l'URSSAF, qui en avait fait la demande, le juge-commissaire et le tribunal ont commis un excès de pouvoir, et la cour d'appel, qui a consacré cet excès de pouvoir, a violé le texte et les principes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.