CA Versailles, 12e ch., 16 novembre 2023, n° 22/00203
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Organon France (Sasu)
Défendeur :
Laboratoires Bouchara - Recordati (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Thomas
Conseillers :
M. Dusausoy, Mme Meurant
Avocats :
Me Dontot, Me Thill Tayara, Me Pele, Me Dupuis, Me Labarbe
EXPOSE DU LITIGE
La société Organon France (ci-après la société Organon) est un laboratoire pharmaceutique qui commercialise des médicaments biologiques en oncologie, immunologie, santé de la femme, et, en particulier, un médicament qui a bénéficié d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) le 12 septembre 2014, délivrée par l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (l'ANSM), sous le nom de Liptruzet pour le traitement de l'hypercholestérolémie.
Ce médicament tend, selon la société Organon, à réduire le taux de "mauvais cholestérol" et les substances grasses contenues dans le sang. Il repose sur l'association fixe de deux hypolipidémiants (l'atorvastatine et l'ézétimibe) utilisée jusqu'alors individuellement.
La société Laboratoire Bouchara-Recordati (ci-après la société Bouchara) est également un laboratoire pharmaceutique qui commercialise des spécialités pharmaceutiques relatives au traitement des allergies, des maladies infectieuses, respiratoires ou cardiovasculaires et, notamment, un médicament autorisé le 3 août 2020 par l'ANSM, sous le nom de Reselip, également pour le traitement de l'hypercholestérolémie.
Ce médicament, selon la société Bouchara, poursuit la même finalité (baisse du taux de cholestérol), il est composé des mêmes molécules également en association (l'atorvastatine et l'ézétimibe) avec la particularité de se présenter, en complément d'un régime alimentaire, comme un traitement de substitution chez les adultes affectés d'une hypercholestérolémie primaire ou d'une dyslipidémie mixte déjà contrôlée par ces deux principes actifs (l'atorvastatine et l'ézétimibe) en concomitance.
L'avis du 4 novembre 2020 de la Commission de la Transparence (CT) qui évalue l'apport des spécialités en vue de leur prise en charge par la sécurité sociale, indique que les spécialités du Reselip, associations fixes d'ézétimibe (10 mg) et d'atorvastatine (10, 20, 40 ou 80 mg), « sont, en complément d'un régime alimentaire, des médicaments de 2ème intention indiqués en traitement de substitution chez les patients adultes ayant une hypercholestérolémie primaire (familiale hétérozygote et homozygote et non familiale) ou une dyslipidémie mixte déjà contrôlée par l'ézétimibe et l'atorvastatine administrés de façon concomitante à la même posologie ».
Le 25 février 2021, la société Organon a adressé au pharmacien responsable de la société Bouchara un courrier de mise en garde sur la conformité de la communication de son médicament Reselip à la réglementation en vigueur.
Le 3 mars 2021, la société Bouchara a été autorisée par l'ANSM à utiliser la fiche posologique (dite Fiche 1) auprès des professionnels de santé pour promouvoir le Reselip, ce qui a été fait à compter du 22 mars 2021.Elle a commercialisé ce médicament à compter du 28 avril 2021.
Le 23 avril 2021, le conseil de la société Organon a mis en demeure la société Bouchara de cesser la diffusion de messages contenus dans la Fiche 1.
Le 29 avril 2021, la société Bouchara a sollicité un second visa d'une seconde fiche de posologie du médicament Reselip (Fiche 2) auprès de l'ANSM.
Le 4 mai 2021, la société Organon a déposé une requête, auprès du président du tribunal de commerce de Nanterre afin d'être autorisée à assigner la société Bouchara en référé d'heure à heure.
Par ordonnance du 5 mai 2021, il a été fait droit à cette demande.
Par ordonnance du 16 juin 2021, le président du tribunal de Nanterre a dit n'y avoir lieu à référé.
La Fiche 1 n'est plus diffusée depuis le mois de juillet 2021. Elle a été remplacée par une nouvelle version dénommée Fiche 3 ayant obtenu un visa de l'ANSM le 23 juin 2021.
Le 16 juillet 2021, la société Organon a sollicité du président du tribunal de commerce de Nanterre l'autorisation d'assigner au fond la société Bouchara à bref délai.
Le 22 juillet 2021, la société Organon a été autorisée à assigner la société Bouchara à l'audience du 9 septembre 2021.
Par acte d'huissier en date du 27 juillet 2021, la société Organon a fait assigner la société Bouchara devant le tribunal de commerce de Nanterre afin de faire cesser les actes de concurrence déloyale à l'occasion de la promotion du Reselip.
Par jugement du 21 décembre 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- Débouté la société Organon de sa demande de dire que la fiche promotionnelle « Reselip ézétimibe + atorvastatine - association fixe - 1 comprimé/jour », dans ses deux versions, n'était pas conforme aux règles encadrant la publicité des médicaments, notamment les articles L. 5112-2, R. 5122-1 et R. 5122-9 du code de la santé publique, les recommandations publiées par l'ANSM en matière de publicité pour les médicaments et la charte d'information par démarchage ou prospection visant à la promotion des médicaments,
- Débouté la société Organon de sa demande de dire que la fiche promotionnelle « Reselip ézétimibe + atorvastatine - association fixe - 1 comprimé/jour », dans ses deux versions, présente la spécialité Reselip de manière trompeuse au sens de l'article L. 121-2 du code de la consommation,
- Débouté la société Organon de toutes ses demandes,
- Débouté la société Bouchara de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Condamné la société Organon à payer à la société Bouchara la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société Organon aux dépens.
Par déclaration du 12 janvier 2022, la société Organon a interjeté appel du jugement.
Moyens
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 6 juin 2023, la société Organon demande à la cour de :
- Enjoindre à la société Bouchara d'avoir à communiquer les échanges qu'elle a eus avec l'ANSM concernant les modifications demandées par cette dernière quant au contenu de la fiche Version 2, dans un délai qui ne saurait être supérieur à 2 semaines, et ce, sous astreinte de 1.500 € par jour de retard ;
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 21 décembre 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société Bouchara de sa demande de condamnation de la société Organon au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
- Par voie de conséquence, juger que l'action de la société Organon est fondée et ne constitue pas une action abusive ;
- Débouter la société Bouchara de sa demande reconventionnelle visant à faire condamner la société Organon à lui verser la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Débouter la société Bouchara de l'ensemble de ses demandes, prétentions, fins et conclusions ;
En conséquence, statuant à nouveau, de :
- Juger que la version 1 de la fiche promotionnelle « Reselip ézétimibe + atorvastatine - association fixe - 1 comprimé/jour » n'est pas conforme au libellé de l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité Reselip® et à sa place, dans la stratégie thérapeutique, et partant aux règles encadrant la publicité pour les médicaments, notamment les articles L. 5122-2, R. 5122-1 et R. 5122-9 du code de la santé publique ;
- Juger que la version 1 de la fiche promotionnelle « Reselip ézétimibe + atorvastatine - association fixe - 1 comprimé/jour » présente la spécialité Reselip® de manière trompeuse au sens de l'article L. 121-2 du code de la consommation ;
- Juger que les visiteurs médicaux de la société Bouchara s'adonnent, auprès des professionnels de santé, à de la publicité trompeuse en vantant des propriétés non reconnues de la spécialité Reselip® et à la propagation d'une publicité comparative illicite au sens de l'article L. 122-1 du code de la consommation en procédant à une comparaison de Reselip® et Liptruzet® sur leurs seuls prix,
En conséquence :
- Enjoindre à la société Bouchara d'attester que la version 1 de la fiche promotionnelle « Reselip ézétimibe + atorvastatine - association fixe - 1 comprimé/jour » n'est plus diffusée depuis le 1er juillet 2021, que ce soit par ses réseaux de visite médicale, externe comme interne, ou par tout préposé ou tout tiers, ou tout autre mode de diffusion ;
- Enjoindre à la société Bouchara de prendre l'engagement formel de tout mettre en œuvre pour que la version 1 de la fiche promotionnelle « Reselip ézétimibe + atorvastatine - association fixe - 1 comprimé/jour » ne soit pas diffusée à compter de la date de l'arrêt à intervenir ;
- Interdire à la société Bouchara d'utiliser, dans quelque support promotionnel que ce soit, à destination de quelques professionnels de santé que ce soit, ainsi que dans tout dossier de presse, en visite médicale, à l'occasion de quelque congrès que ce soit, ou en toute autre circonstance, tout message tendant à comparer Liptruzet® et Reselip®, et à présenter la spécialité Reselip® comme permettant une réduction ou une chute du LDL-cholestérol, immédiatement à compter de la date de l'arrêt adopté en vertu du présent acte, ce sous astreinte de 2.000 € par jour de retard et par exemplaire ;
- Condamner la société Bouchara à verser à la société Organon la somme de 1.427.000 €, à parfaire selon la date de cessation des pratiques et l'effet de rémanence constaté à hauteur de 50 %, majorée des intérêts de retard applicables à la date de l'arrêt à intervenir, pour toute la période allant du 28 avril 2021 (date de début de commercialisation de Reselip®) jusqu'au paiement intégral des sommes destinées à réparer le préjudice subi par la société Organon ;
- Condamner la société Bouchara aux dépens de l'instance avec bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile dont distraction au profit de Me Dontot, JRF & Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- Condamner la société Bouchara (i) à rembourser à la société Organon France la somme de 10.000 € au titre de la condamnation de première instance et (ii) à payer à la société Organon France la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 13 juin 2023, la société Bouchara demande à la cour de :
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a débouté la société Organon de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et l'a condamnée à verser la somme de 10.000 € à la société Bouchara au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- L'infirmer en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de condamnation de la société Organon pour procédure abusive,
Statuant de nouveau :
- Juger que l'action de la société Organon est abusive ;
- Condamner en conséquence la société Organon à verser à la société Bouchara la somme de 50.000 € en réparation du préjudice causé,
En tout état de cause,
- Débouter la société Organon de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner la société Organon au paiement de la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société la société Organon aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 juin 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
Motivation
MOTIFS
À titre liminaire, la cour rappelle qu'elle ne statue pas sur les demandes de "Dire", de "Dire et juger" ou de "Juger" qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
La cour ne se prononce que sur les prétentions exprimées au dispositif des écritures des parties.
Sur la concurrence déloyale,
La société Organon reproche à la société Bouchara la diffusion d'un document, dénommé « Fiche1 » assurant la promotion du produit Reselip®, qu'elle estime contraire à la réglementation applicable, constitutive de concurrence déloyale, ayant eu pour effet de déporter les prescriptions vers le Reselip® au détriment de son propre produit le Liptruzet®.
Elle rappelle, en premier lieu, que la cour est compétente, sans restriction, pour connaître de l'affaire, la délivrance d'un visa délivré par l'ANSM à la Fiche 1 étant inopérant sur la mise en cause de la responsabilité de la société Bouchara au titre de la concurrence déloyale.
Elle fait valoir, en second lieu, que cette Fiche 1 attribue à tort au Reselip® un effet sur la réduction et la chute du LDL-C (taux de "mauvais" cholestérol) par :
- l'utilisation de propriétés pharmacologiques sans conséquence clinique validée, alors que seules les propriétés pharmacologiques (contenues dans la section 5.1 du résumé des caractéristiques du produit « RCP ») qui ont une conséquence clinique validée, c'est-à-dire reprises dans l'indication autorisée de la spécialité (telle que figurant à la section 4.1 du RCP), peuvent être utilisées comme axes de communication majeurs,
- l'utilisation de l'annexe III de l'AMM alors que seule l'annexe I peut être utilisée à des fins promotionnelles, sans respecter l'avis de la Commission de la Transparence (CT) alors que l'article L. 5122-2 du code de la santé publique dispose que la publicité doit respecter les dispositions de l'AMM ainsi que les stratégies thérapeutiques recommandées par la Haute Autorité de Santé, à savoir l'avis rendu par la Commission de la Transparence.
Elle soutient , en troisième lieu, que cette Fiche 1 n'indique pas clairement que le Reselip ® ne convient pas à un traitement initial alors que les recommandations de l'ANSM précisent que l'indication et la place de la spécialité dans la stratégie thérapeutique, telle que validée par la Commission de Transparence, doivent être présentées conjointement sur tout support promotionnel, dès lors que l'avis de la Commission de Transparence précise ou restreint l'indication de la spécialité.
Elle dénonce, en quatrième lieu, certaines mentions trompeuses contenues dans cette Fiche 1 qui présentent le Reselip comme un bénéfice pour les patients alors même qu'aucune autorité compétente ne lui a reconnu une telle qualité, et qu'en particulier la Commission de la Transparence précise dans son avis qu'il n'apporte pas de progrès ni d'amélioration du service médical rendu (SMR).
Elle constate, enfin, la non-conformité du discours des visiteurs médicaux de la société Bouchara à la réglementation notamment :
- en ce qu'il prête au Reselip® des propriétés non avérées, ou opère une comparaison illicite, au regard de l'article L. 122-1 du code de la consommation, entre Liptruzet® et le Reselip® alors que ce dernier n'est pas le générique de Liptruzet®,
- ou met en œuvre une pratique promotionnelle globale trompeuse, au sens de l'article L. 121-2 du code de la consommation qui définit comme trompeuse toute pratique portant sur les caractéristiques essentielles d'un bien (y compris sur ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation) qui repose sur des présentations fausses ou de nature à induire en erreur puisqu'il ressort des études sur le terrain qu'elle produit que les praticiens ont mémorisé des propriétés non avérées de Reselip® qui constituent l'un des leviers de sa prescription.
La société Bouchara sollicite la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il a écarté sa demande au titre de la procédure abusive, et sollicite à cet égard la condamnation de la société Organon à 50.000 euros. Elle soutient n'avoir commis aucune faute comme le premier juge l'a retenu.
Elle expose que la Version 1 de la Fiche Posologique (Fiche 1) a été diffusée conformément à l'autorisation de l'ANSM octroyée le 3 mars 2021 et que ce visa suffit à exclure toute tromperie de sa part.
Aucune infraction ne saurait donc lui être reprochée, que ce soit au regard des dispositions du code de la santé publique ou au regard de celles du code de la consommation dès lors qu'elle a mis en œuvre la promotion de son médicament dans les strictes limites de l'autorisation qui lui avait été donnée par l'autorité de contrôle compétente.
La présentation des documents promotionnels et des différentes mentions qui y figurent relève en effet du contrôle exclusif de l'ANSM au regard des dispositions du code de la santé publique (articles L. 5122-2 et R. 5122-1).
Elle fait valoir, pour les mêmes raisons, que la diffusion d'une fiche posologique validée par l'ANSM ne peut caractériser une «pratique commerciale trompeuse» au sens de l'article L. 121-2 du code de la consommation, étant rappelé qu'il s'agit d'un délit intentionnel.
Elle soutient que le visa de l'ANSM fait obstacle à toute demande tendant à juger trompeuse une publicité ayant été jugée conforme aux exigences de santé publique et d'information fiable des professionnels de santé par l'ANSM.
Elle fait valoir que seule la preuve de faits distincts de concurrence déloyale caractérisée, comme l'existence de mentions dénigrantes dans une publicité ou le fait d'en tirer « un avantage concurrentiel anormal en dépassant les limites normales de son utilisation (') »peut fonder des demandes de réparation par un tiers, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Elle soutient que c'est à tort que la société Organon croit pouvoir déduire la preuve d'une concurrence déloyale à son égard du simple fait que l'ANSM a octroyé un nouveau visa en juin 2021 sur la base d'un nouveau document promotionnel. Elle expose que l'ANSM n'a pas révoqué, au sens de l'article L. 5122-9 du code de la santé publique, le visa qu'elle avait octroyé après examen de la version 1. L'ANSM a simplement accordé un nouveau visa, à la demande de la société Bouchara dans le cadre de l'examen d'une autre version de la Fiche Posologique, sans retirer le visa donné à la version précédente. Dans la mesure où une nouvelle version de la Fiche Posologique a été validée, la société Bouchara utilise cette nouvelle version et non plus celle qui avait été précédemment autorisée.
Elle sollicite de la cour que la société Organon soit déboutée de sa demande de communication des correspondances privées entre la concluante et l'ANSM, concernant les modifications demandées par cette dernière quant au contenu de la Fiche Version 2, sous astreinte.
Elle fait valoir que cette demande est infondée, d'une part, parce que ces correspondances sont confidentielles, d'autre part, sont sans pertinence pour la solution à apporter au litige dès lors que la société Organon ne forme aucune prétention portant sur la « Fiche version 2 » dont le contenu n'est pas contesté devant la cour.
Elle rappelle que les premiers juges ne se sont pas arrêtés au seul constat de la validation par l'ANSM de la Fiche 1. Ils ont également analysé le contenu de celle-ci au regard de l'AMM et de l'avis de la HAS pour considérer qu'aucune de ses mentions ne pouvait être jugée fautive à l'égard de la société Organon.
Elle fait valoir par ailleurs qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée au titre de la présentation orale de Reselip attribuée à ses visiteurs médicaux
Elle expose que la présentation orale de Reselip s'est faite en conformité avec la réglementation et que l'étude produite par la société Organon ne prouve ni la tromperie ni la publicité comparative illicite qu'elle lui impute.
Elle rappelle que pour retenir la qualification de tromperie, la jurisprudence impose de vérifier si la publicité en cause a eu un effet concret sur l'achat du médicament, autrement dit si elle a effectivement conduit à choisir ce médicament dans la croyance erronée qu'il était le générique d'un autre.
Elle fait valoir qu'elle n'a jamais présenté Reselip comme un générique de Liptruzet . Ainsi la société Organon ne démontre ni la tromperie, ni la publicité comparative illicite qu'elle lui impute.
*
La concurrence déloyale est le fait, dans le cadre d'une concurrence autorisée, de faire un usage excessif de sa liberté d'entreprendre, en recourant à des procédés contraires aux règles et usages, occasionnant un préjudice.
L'article L. 5122-2 du code de la santé publique prévoit que : « La publicité définie à l'article L. 5122-1 ne doit pas être trompeuse ni porter atteinte à la protection de la santé publique. Elle doit présenter le médicament ou produit de façon objective et favoriser son bon usage.
Elle doit respecter les dispositions de l'autorisation de mise sur le marché ainsi que les stratégies thérapeutiques recommandées par la Haute Autorité de santé. ».
L'article R. 5122-1 du code de la santé dispose notamment que : « Les éléments contenus dans la publicité pour un médicament doivent être conformes aux renseignements figurant dans le résumé des caractéristiques du produit mentionné à l'article R. 5121-21 ainsi qu'aux stratégies thérapeutiques recommandées par la Haute Autorité de santé mentionnées à l'article L. 5122-2. .... ».
L'article R. 5122-9 du même code stipule que : « Les informations contenues dans cette publicité doivent être exactes, à jour, vérifiables et suffisamment complètes pour permettre au destinataire de se faire une idée personnelle de la valeur thérapeutique du médicament.
Les citations, tableaux et autres illustrations empruntés à des revues médicales ou à des ouvrages scientifiques, qui sont utilisés dans la publicité, doivent être reproduits fidèlement et la source exacte précisée.
La publicité ne peut mentionner la position prise à l'égard d'un médicament par une autorité administrative ou une instance consultative d'une manière susceptible d'altérer le sens ou l'objectivité de cette position.
Toute mention écrite doit être parfaitement lisible. »
L'article L. 5122-9 du même code stipule notamment que : « La publicité pour un médicament auprès des membres des professions de santé habilités à prescrire ou à dispenser des médicaments ou à les utiliser dans l'exercice de leur art est soumise à une autorisation préalable de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé dénommée "visa de publicité".
Ce visa est délivré pour une durée qui ne peut excéder la durée de l'autorisation de mise sur le marché pour les médicaments soumis à cette autorisation.
En cas de méconnaissance des articles L. 5122-2 ou L. 5122-3, le visa peut être suspendu en cas d'urgence ou retiré par décision motivée de l'agence..... ».
La note du 18 mai 2021 émise et diffusée par l'ANSM, intitulée, « Le contrôle de la publicité des médicaments » dispose que :
« Pour tous Ies médicaments, qu'ils soient soumis à prescription médicale (sur ordonnance) ou non, l'ensemble des documents promotionnels destinés aux professionnels de santé et au public est soumis à un contrôle a priori par l'ANSM, c'est à dire avant toute diffusion. ...
Notre rôle [celui de l'ANSM] tient dans la sécurisation du message promotionnel qui doit être objectif et favoriser le bon usage afin de ne pas induire de mauvaises habitudes de prescription ou d'utilisation.
Nous veillons également à la conformité et la cohérence des supports promotionnels avec :
Ies évaluations et recommandations des autorités de santé;
Ies campagnes de bon usage ou programmes de santé publiques.
Les dispositions de contrôle varient en fonction de la cible des campagnes promotionnelles : professionnels de santé ou grand public.
L'ANSM fonde ses décisions notamment en fonction de la conformité de la publicité aux trois critères suivants (article L. 5122-2 du Code de la santé publique... ):
Le respect des dispositions de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) et des stratégies thérapeutiques recommandées par la Haute Autorité de santé (HAS) ;
Une présentation objective du médicament et de nature à favoriser son bon usage ;
La publicité ne doit pas être trompeuse, ni porter atteinte à la protection de la santé publique.
En cas d'avis favorable, la demande se traduit par l'octroi d'une autorisation préalable dénommée visa de publicité. En cas de manquements à ces critères, l'ANSM refusera la demande de visa de publicité. »[ndlc en gras dans le texte].
Il est de principe que la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que le juge judiciaire substitue sa propre appréciation à celle que l'autorité administrative porte sur les mêmes risques de santé publique avec pour conséquence, le cas échéant, de priver d'effet les autorisations que celle-ci a delivrées.
*
Il appartient à la société Organon, d'une part, de caractériser un manquement commis par la société Bouchara aux dispositions légales et réglementaires prévues par le code de la santé publique rappelées supra, d'autre part, de justifier le préjudice qui en est directement résulté pour elle-même.
- Sur le contenu de la Fiche 1 diffusée auprès des professionnels de santé.
Les griefs portés par la société Organon sur la Fiche 1 peuvent se résumer ainsi : le contenu de la Fiche 1 attribuerait à tort au Reselip® un effet sur la réduction et la chute du LDL-C (taux de 'mauvais' cholestérol) par l'utilisation de propriétés pharmacologiques sans conséquence clinique validée ; cette Fiche 1 utiliserait les dispositions de l'annexe III de l'AMM alors que seule l'annexe I peut être utilisée à des fins promotionnelles, au surplus sans respecter l'avis de la Commission de la Transparence (CT) ; la Fiche 1 n'indiquerait pas clairement que le Reselip ® ne convient pas à un traitement initial alors que les recommandations de l'ANSM précisent que l'indication et la place de la spécialité dans la stratégie thérapeutique, telle que validée par la Commission de Transparence, doivent être présentées conjointement sur tout support promotionnel, dès lors que l'avis de la Commission de Transparence précise ou restreint l'indication de la spécialité.
En application de l'article L. 5122-9 du code de la santé publique, la publicité destinée aux professionnels de santé fait l'objet d'une autorisation préalable de l'ANSM.
L'étude d'impact du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé explique l'intérêt de ce contrôle a priori ainsi : « L'instauration d'un contrôle a priori permet de s'assurer que toutes les publicités diffusées sont conformes au bon usage du médicament et à la réglementation issue du (code de la santé publique) avant la diffusion de la publicité. Ceci évite la diffusion de messages erronés qu'il n'est pas toujours possible de corriger dans l'esprit des professionnels de santé et qui peuvent entrainer des habitudes de prescription et générer des erreurs de prescription. » (Étude d'impact, Projet de loi AN no 3714, 2011-2012, p. 76)(souligné par la cour)
La note du 18 mai 2021 de l'ANSM précise l'étendue du contrôle exercé par cette dernière avant d'accorder ou de refuser un visa de publicité.
Il résulte de cette note que l'ANSM exerce un contrôle de conformité de la publicité promotionnelle qui lui est soumise, avec, notamment, Ies évaluations et recommandations des autorités de santé et Ies campagnes de bon usage ou programmes de santé publique ainsi qu'avec les dispositions de l'article L. 5122-2 du code de la santé publique qui prévoient qu'une publicité promotionnelle ne doit pas être trompeuse, ni porter atteinte à la protection de la santé publique, qu'elle doit présenter le médicament ou produit de façon objective et favoriser son bon usage ainsi que respecter les dispositions de l'autorisation de mise sur le marché et les stratégies thérapeutiques recommandées par les autorités sanitaires.
Or, les critiques de la société Organon, émises précisément au visa de l'article L. 5122-2 du code de la santé publique, portent sur le caractère trompeur de la Fiche 1 : attribution à tort au Reselip® d'un effet sur la réduction et la chute du LDL-C ; utilisation des dispositions de l'annexe III de l'AMM alors que seule l'annexe I peut être utilisée à des fins promotionnelles ; absence d'indication claire selon laquelle le Reselip ® ne conviendrait pas à un traitement initial ; mentions trompeuses qui présentent le Reselip comme un bénéfice pour les patients.
A cet égard, il n'est pas indifférent de relever que la lettre de mise en garde du 25 février 2021 de la société Organon à la société Bouchara (pièce 7 - Organon) porte sur la conformité du message à la réglementation applicable et aux stratégies thérapeutiques définies par les autorités de santé, en posant le principe que, selon la société Organon, la 'concurrence déloyale pourrait notamment découler d'une communication, quelle qu'en soit la forme, auprès des professionnels de santé, qui ne respecterait pas scrupuleusement le cadre permis par la réglementation, à savoir le strict libellé de l'AMM de Reselip et les stratégies thérapeutiques recommandées par la Haute Autorité de santé.'.(souligné par la cour)
Dans le même esprit, la lettre de mise en demeure du 23 avril 2021, adressée par le conseil de la société Organon à la société Bouchara, qui rappelle les griefs de la société Organon précédemment énoncés sur le contenu de la Fiche 1, s'achève par cette formulation : « En l'état, cette fiche posologique [ Fiche 1 ] ne favorise donc pas le bon usage du médicament. », en référence directe aux dispositions de l'article L. 5122-2 du code de la santé publique. (Souligné par la cour).
Il se déduit de ces constatations que la société Organon sollicite du juge judiciaire qu'il exerce un contrôle de conformité afin de constater que la Fiche 1 est trompeuse, qu'elle ne favorise pas le bon usage du médicament, ni ne respecte les dispositions de l'autorisation de mise sur le marché et les stratégies thérapeutiques recommandées par les autorités de santé publique alors que la loi réserve ce contrôle de conformité à l'ANSM et qu'une fois ce contrôle effectué celle-ci, en l'espèce, a délivré un "avis de publicité" sur la Fiche 1 qu'elle n'aurait pas émis si elle avait constaté l'existence de manquements commis par la société Bouchara à l'issue de ce contrôle au regard des dispositions de l'article L.5122-2 du code de la santé publique.
Le jugement entrepris sera confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté la société Organon de sa demande au titre de la concurrence déloyale fondée sur la Fiche 1.
- Sur la non-conformité du discours des visiteurs médicaux de la société Bouchara à la réglementation
La société Organon reproche aux visiteurs médicaux au service de la société Bouchara d'avoir tenu un discours auprès des professionnels de santé prêtant au Reselip des propriétés non avérées, à savoir un effet de réduction du taux de LDL-C en dissimulant la nécessité pour le patient d'être stabilisé par la prise concomitante des deux molécules (atorvastatine et ézétimibe) en violation de la réglementation applicable à la publicité pour les médicaments.
Elle dénonce, également, le discours comparatif tenu par les visiteurs médicaux entre son médicament le Liptruzet et le Reselip alors que la comparaison en termes de prix avec un médicament d'une autre spécialité n'est autorisée que dans le seul cas où elle concerne un médicament de référence et son générique alors que le Reselip n'est pas un générique du Liptruzet et que, selon les recommandations de l'ANSM, la publicité comparative ne peut porter que sur des spécialités ayant la même visée thérapeutique, la comparaison devant alors porter sur l'ensemble des propriétés essentielles des spécialités concernées, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, de sorte que la société Bouchara ne pouvait, au travers du discours de ses visiteurs médiacaux, procéder à une comparaison entre ces deux médicaments.
Elle expose, au visa de l'article L. 121-2 du code de la consommation, que la société Bouchara s'est rendue coupable d'une pratique promotionnelle globale trompeuse en ce que les professionnels de santé concernés ont mémorisé des propriétés non avérées du Reselip induisant ceux-ci en erreur les conduisant à prescrire ce médicament plutôt que le sien.
La société Bouchara remet en cause le caractère probatoire des études communiquées par la société Organon à l'appui de ses prétentions. Elle conteste toute faute au titre de la présentation orale du Reselip attribuée à ses visiteurs médicaux et le caractère illicite et trompeur de cette présentation.
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Il appartient à la société Organon de rapporter la preuve que les visiteurs médicaux au service de la société Bouchara ont tenu un discours non conforme à la réglementation applicable issue du code de la santé et/ou du code de la consommation.
Pour justifier de ses prétentions, la société Organon produit des études (IQVIA) (pièces 14, 15, 24, 25, 41 et 50 - Organon, ci-après les Etudes) qui, selon elle, démontreraient le caractère déloyal du discours tenu par les visiteurs médicaux de la société Bouchara qu'elle dénonce (mise en avant de propriétés non avérées ; comparatif de prix illicite ; pratique promotionnelle globale trompeuse).
Ces Etudes ont été commanditées par la société Organon dont elle affirme (page 27 de ses écritures) qu'il s'agissait de son seul moyen de preuve avant que la société Bouchara ne produise aux débats les "aides de visite" remises à ses vistieurs médicaux.
Dans le cadre d'une veille concurrentielle, le prestataire sollicité par la société Organon a procédé à « Une analyse de la communication développée par les laboratoires sur les produits promus dans l'univers thérapeutique concerné, telle qu'elle a été mémorisée par les médecins » auprès d'un "réservoir" de "700 Médecins Généralistes, 125 Cardiologues (V+H), 115 diabétologues (V+H)" en trois "vagues" annuelles : de janvier à mars ; d'avril à juin et de septembre à novembre de l'année considérée (pièce 23 - Organon) .
Les Etudes produites consistent en un relevé de "perceptions" (compétitive messages perception) constituées par des éléments de langage mémorisés par les praticiens à l'occasion d'un entretien avec un visiteur médical présentant le produit Reselip. Le prestataire propose une "reconstitution de visite" imaginaire, distinguant les généralistes des cardiologues, en agrégeant ces éléments, organisés par thèmes, en distinguant les éléments favorables ou défavorables pour chacun des deux médicaments concernés.
Ces "reconstitutions de visite" ne sauraient être considérées comme la transcription des propos tenus par le visiteur médical.
L'étude d'avril à juin 2021 ne concerne que 46 médecins généralistes et 25 cardiologues sans aucun diabétologue. (Pièce 14 - Organon)
L'étude de septembre à novembre 2021 ne précise pas le nombre de praticiens interrogés. (pièce 24 - Organon)
L'étude de janvier à mars 2022 révèle que le Reselip a été présenté à 30 généralistes et 23 cardiologues. (pièce 25 - Organon)
L'étude d'avril à juin 2022 indique que 30 généralistes et 18 cardiologues ont été démarchés à propos du Reselip.( pièce 41 - Organon)
L'étude de septembre à novembre 2022 porte sur le même nombre de généralistes (30) et de cardiologues (18) que l'étude précédente.
Les Etudes ne précisent pas le nombre de visiteurs médicaux ayant approché les praticiens au cours de ces périodes alors qu'un visiteur médical démarche, par hypothèse, plusieurs professionnels de santé dans son secteur.
A supposer que les propos litigieux contreviennent aux dispositions du code de la santé et de la consommation - ce qui est contesté et reste à démontrer-, le nombre de médecins praticiens interrogés (médecins généralistes : 46+30+30+30 ; cardiologues : 25+23+18+18 ) sur des périodes de 3 mois discontinues, d'avril 2021 à novembre 2022, n'est pas significatif et suffisant à démontrer que les visiteurs médicaux de la société Bouchara ont prêtés au Reselip des propriétés "non avérées", ou procédé à un comparatif de prix illicite ou adopté une pratique promotionnelle globale trompeuse caractérisant, ensemble ou séparément, l'existence de pratiques déloyales généralisées et intentionnelles suivies par la société Bouchara alors que cette dernière affirme sans être contestée que la France compte 102.466 généralistes et 7.175 cardiologues et alors que le prestataire déclare disposer pour effectuer ses études d'un 'réservoir' de « 700 Médecins Généralistes, 125 Cardiologues (V+H), 115 diabétologues (V+H) ».
La société Organon pour établir la pratique déloyale de la société Bouchara, tire argument (ses écritures page 38) de l'importance du déport (fondement de son préjudice) de prescriptions "indues" du Liptruzet en faveur du Reselip mesuré par un organisme (le GERS) à partir d'un échantillon de 3.000 médecins jusqu'en janvier 2022 puis ensuite par IQVIA sur la base de 1.800 médecins de villes (généralistes et cardiologues).
La société Organon ne peut justifier l'existence d'une faute a posteriori par la constatation d'un dommage (le déport) qu'elle qualifie de préjudice.
En outre, la cour relève le contraste entre le panel qui a servi à calculer le déport (3.000 praticiens puis 1.800) avec la petite taille de l'échantillon sur lequel reposent les Etudes, (136 généralistes, 84 cardiologues).
La société Organon qui a commandité les Etudes, ne produit aucun autre élément susceptible de corroborrer celles-ci alors qu'elles sont supposées justifier la pratique illicite et déloyale de la société Bouchara.
La société Organon verse une attestation du 5 octobre 2022 d'un cardiologue (Pièce 40 - Organon) établissant qu'un visiteur médical du réseau Bouchara aurait insisté pour qu'il prescrive le Reselip au lieu du Liptruzet qui n'était plus commercialisé, selon son interlocuteur ce qui n'est pas un élément de langage relevé par les Etudes.
Cette seule attestation apparaît nettement insuffisante à établir la réalité des dires de la société Organon.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé que la société Organon ne rapportait pas la preuve d'une communication illicite et trompeuse effectuée par les visiteurs médicaux de la société Bouchara sur le Reselip.
Sur les injonctions et demandes d'interdiction formées par la société Organon.
La société Organon sollicite de la cour qu'elle enjoigne à la société Bouchara d'attester que la version 1 de la fiche promotionnelle « Reselip ézétimibe + atorvastatine - association fixe - 1 comprimé/jour » n'est plus diffusée depuis le 1er juillet 2021, que ce soit par ses réseaux de visite médicale, externe comme interne, ou par tout préposé ou tout tiers, ou tout autre mode de diffusion.
Elle demande, de plus, à la cour d'enjoindre à la société Bouchara de prendre l'engagement formel de tout mettre en « œuvre pour que la version 1 de la fiche promotionnelle Reselip ézétimibe + atorvastatine - association fixe - 1 comprimé/jour » ne soit pas diffusée à compter de la date de l'arrêt à intervenir.
La société Organon reconnaît dans ses écritures (paragraphe 26 - page 9) que la Fiche 1 n'est plus utilisée depuis juillet 2021 et qu'elle a été remplacée par une Fiche 3, la Fiche 2 n'ayant jamais été utilisée, de sorte que ces injonctions sont sans intérêt et que la solution retenue par la cour les rend sans objet.
La société Organon sollicite également de la cour qu'elle enjoigne, sous astreinte de 1.500 € par jour de retard, la société Bouchara de communiquer les échanges qu'elle a eus avec l'ANSM concernant les modifications demandées par cette dernière sur le contenu de la Fiche 2.
La société Organon n'explique pas en quoi cette injonction qui ne vise que la Fiche 2 serait utile, s’il y était fait droit, au soutien de ses demandes fondées uniquement sur le contenu de la Fiche 1 et qu'au surplus elle n'ignore pas que la Fiche 2 n'a pas été diffusée (cf supra).
La société Organon demande d'interdire à la société Bouchara d'utiliser, dans quelque support promotionnel que ce soit, à destination de quelques professionnels de santé que ce soit, ainsi que dans tout dossier de presse, en visite médicale, à l'occasion de quelque congrès que ce soit, ou en toute autre circonstance, tout message tendant à comparer Liptruzet® et Reselip®, et à présenter la spécialité Reselip® comme permettant une réduction ou une chute du LDL-cholestérol, immédiatement à compter de la date de l'arrêt adopté en vertu du présent acte, ce sous astreinte de 2.000 € par jour de retard et par exemplaire.
Il ne sera pas fait droit à cette demande au regard de la solution retenue par la cour.
Sur le préjudice,
La société Organon soutient avoir subi un préjudice du fait des pratiques déloyales de la société Bouchara puisque les études produites démontrent l'effet de la diffusion de la Fiche 1 sur les prescriptions de Reselip® se traduisant par le déport de prescriptions passé de plus de 50 % lorsque la Fiche 1 était diffusée, à 18 % en septembre 2021, quelques mois après l'arrêt de diffusion de la Fiche 1. Le déport persistant toutefois autour de 8 % depuis le mois de juin 2022 en raison de la poursuite du discours illicite des visiteurs médicaux de La société Bouchara. Elle fait valoir un préjudice de 1.427.000 € sur la période du 1er avril 2021 au 28 février 2023 établi conformément à la méthodologie de la cour d'appel de Paris.
La société Bouchara soutient que la société Organon ne prouve ni le préjudice ni le lien de causalité qu'elle invoque.
Elle relève que la société Organon a souvent varié dans son évaluation du préjudice. Elle souligne l'incohérence de la réclamation désormais fixée à une somme de 1.427.000 €, pour la période du 1er avril 2021 au 28 février 2023, alors que la diffusion de la Fiche Version 1 a cessé en juillet 2021. Elle critique la méthodologie suivie par la société Organon fondée sur une perte de résultat opérationnel. Elle met en cause l'évaluation non justifiée du pourcentage de prescriptions de Reselip à la place de Liptruzet. Elle indique que la perte qu'elle invoque est d'autant plus improbable que le Liptruzet est en forte dynamique d'évolution.
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Au regard de la soution retenue par la cour, il ne sera pas fait droit à la demande indemnitaire de la société Organon.
Sur la procédure abusive,
La société Bouchara considère la procédure engagée par la société Organon abusive procédant de l'acharnement judiciaire empreint d'un esprit de revanche dénué de toute objectivité. Elle sollicite une somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
La société Organon expose que la société Bouchara ne démontre aucun élément susceptible de caractériser un abus de procédure de sa part.
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La socité Bouchara ne rapporte pas la preuve d'un abus commis par la société Organon dans l'exercice de ses droits à ester en justice.
Le jugement qui a débouté la société Bouchara de sa demande sur ce point sera confirmé.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société Organon sera condamnée aux dépens d'appel.
La société Organon sera condamnée en appel à la somme de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 21 décembre 2021 en toutes ses dispositions,
Rejette toutes autres demandes,
y ajoutant,
Condamne la société Organon France aux dépens d'appel,
Condamne la société Organon France à la somme de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.