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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 13 juillet 2023, n° 23/04003

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Unedic Délégation AGS CGEA IDF Ouest

Défendeur :

LGHA Auto (SAS), Alliance (SAS), Selarl BCM (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Baumann

Conseiller :

Mme Bonnet

Avocats :

Me Wolff, Me Croze, Me Dupuis, Me Ladire, Me Minet

T. com. Nanterre, du 19 juin 2023, n° 20…

19 juin 2023

Par jugement du 7 juillet 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SAS LGHA auto en désignant la SAS Alliance, prise en la personne de maître [W] [T] et la Selarl BCM, prise en la personne de maître [C] [G], respectivement en qualité de mandataire et d'administrateur judiciaires.

Dans le cadre de la période d'observation, l'Unédic délégation AGS CGEA IDF Ouest (l'AGS) a avancé différentes sommes et déclaré des créances à titre superprivilégié, privilégié et chirographaire.

Par ordonnance du 20 avril 2023, le juge-commissaire désigné dans la procédure collective a autorisé la constitution optionnelle de classes de parties affectées afin de présenter un projet de plan de redressement.

Suivant courrier circulaire du 28 avril 2023, l'administrateur judiciaire a informé les créanciers de l'autorisation donnée par le juge-commissaire de constituer des classes de parties affectées et a sollicité des créanciers la transmission, dans les dix jours de la réception du courrier, des éventuels accords de subordination, le tout à peine d'irrecevabilité, conformément aux dispositions des articles L. 626-30 et R. 626-55 du code de commerce.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 3 mai 2023, l'AGS a répondu à l'administrateur judiciaire qu'il n'était, légalement, pas envisageable qu'elle soit une partie affectée et soit rattachée à une classe de parties affectées.

Par courrier du 24 mai 2023 reçu le 30 mai par l'AGS, l'administrateur judiciaire a transmis à chaque partie affectée le projet de plan de redressement et leur a soumis les modalités de répartition en classes et de calcul des voix correspondant aux créances ou aux droits affectés leur permettant d'exprimer un vote.

L’administrateur judiciaire a procédé à la répartition des parties affectées au sein des classes suivantes:

- classe l : classe super privilégiée,

- classe 2: classe privilège général du Trésor public, des caisses de sécurité sociale et des salaires,

- classe 3 : classe chirographaire sans garantie tierce,

- classe 4 : classe chirographaires titulaires d'une garantie tierce.

Les créances détenues par l'AGS ont été réparties de la manière suivante :

- 257 209,40 euros en classe n°1,

- 36 739,00 euros en classe n°2,

- 4 051,52 euros en classe n°3.

Par requête réceptionnée par le greffe du tribunal de commerce de Nanterre le 8 juin 2023, l'AGS a contesté sa qualité de partie affectée.

Par ordonnance du 19 juin 2023, le juge-commissaire a déclaré recevable la requête de l'AGS mais l'a rejetée.

Il a jugé que l'AGS, subrogée dans les droits des salariés, ne bénéficie pas de la transmission du droit de ne pas être affectée par le projet de plan de redressement établi en présence de classes de parties affectées au motif qu'il s'agit d'un droit attaché à la personne du salarié.

Par déclaration en date du 22 juin 2023, l'AGS a interjeté appel partiel de cette ordonnance.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 5 juillet 2023, elle demande à la cour de :

- juger et déclarer recevable et fondé son appel ;

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a jugé recevable sa contestation sur sa qualité de partie affectée dans le cadre du redressement judiciaire de la société LGHA Auto ;

- réformer l'ordonnance en ce qu'elle l'a déboutée de sa contestation au motif que le droit de ne pas être affecté au titre des créances résultant des contrats de travail serait un droit exclusivement attaché à la personne des salariés, insusceptible de transmission par voie de subrogation ;

statuant à nouveau,

- juger fondée sa contestation de sa qualité de partie affectée, en ce que le droit de ne pas être affecté au titre des créances résultant des contrats de travail lui bénéficie ;

- juger qu'elle ne peut être une partie affectée par un plan de redressement, en ce qu'elle est titulaire de créances résultant de contrats de travail insusceptibles de toute affectation ;

- juger que ses créances en ce qu'elles résultent de contrats de travail ne peuvent être intégrées à des classes de parties affectées ;

- en conséquence, l'exclure et exclure les créances qu'elle détient dans le cadre de la procédure collective de la société LGHA auto des parties affectées et des classes de parties affectées ;

- débouter les organes de la procédure collective de leurs contestations subsidiaires tendant à restreindre la subrogation aux seules créances superprivilégiées et, partant, tendant à voir juger qu'elle ne peut être affectée au titre de ses créances privilégiées et chirographaires ;

- subsidiairement, réformer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté sa contestation, et statuant à nouveau, l'exclure et exclure les créances superprivilégiées qu'elle détient dans le cadre de la procédure collective de la société LGHA auto des parties affectées et des classes de parties affectées ;

- condamner solidairement la société LGHA auto, la Selarl BCM ès qualités et la Selarl Alliance ès qualités à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 4 juillet 2023, la société LGHA auto, la société Alliance et la Selarl BCM, ces dernières ès qualités, demandent à la cour de :

- débouter l'AGS de l'ensemble de ses demandes ;

à titre principal,

- juger que le droit de ne pas être affecté par le plan issu de l'article L. 626-30 IV du code de commerce est un droit attaché à la personne du salarié, en tant que tel intransmissible à l'AGS par voie de subrogation ;

- juger que le droit de ne pas être affecté par le plan issu de l'article L. 626-30 IV du code de commerce n'est pas un accessoire de la créance, et n'est par conséquent pas transmis à l'AGS par voie de subrogation ;

- par conséquent, confirmer l'ordonnance en date du 19 juin 2023 ;

à titre subsidiaire,

- juger que le droit de l'AGS de ne pas être affectée par le plan issu de l'article L. 626-30 IV du code de commerce ne peut porter que sur les créances pour lesquelles cette dernière est subrogée dans le droit des salariés, soit un montant de 219 620,72 euros ;

en tout état de cause,

- condamner l'AGS à payer à la société LGHA auto la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'AGS aux entiers dépens de l'instance.

Dans son avis notifié par RPVA le 29 juin 2023, le ministère public demande à la cour de confirmer en tous points l'ordonnance. Il fait valoir que la règle prévue au IV de l'article L. 626-30 du code de commerce a vocation à protéger un droit alimentaire et doit en conséquence être qualifié de droit attaché à la personne du salarié. Il soutient que l'AGS n'est subrogée que dans les droits des salariés au titre des créances qu'elle prend en charge et ne peut à ce titre se prévaloir des droits attachés à la personne du créancier initial qui ne lui ont pas été transférés en application de l'article 1346-4 du code civil. Il rappelle l'enjeu de la qualification de partie affectée et relève que le gouvernement estime sans aucune ambiguïté dans son rapport relatif à l'ordonnance du 15 septembre 2021 que l'AGS ne peut être qualifiée de partie affectée en application du IV de l'article L 626-30 du code de commerce dans sa rédaction issue de ladite ordonnance mais soutient que cette exclusion est limitée aux seules créances liées au contrat de travail, et ne vise donc pas d'autres créances prises en charge comme d'éventuels dommages et intérêts, et dans lesquelles l'AGS est effectivement subrogée en application de l'article L 3253-16 du code de travail. Il conclut que seules les créances d'arriérés de salaires sont concernées, et qu'il n'est donc pas possible d'exclure de manière générale et absolue la qualification de partie affectée de l'AGS.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 juillet 2023.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Aucun moyen n'étant soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer recevable l'appel de l'AGS.

Le chef de la décision qui a déclaré recevable la requête de l'AGS n'a pas été déféré à la cour au terme de la déclaration d'appel. En l'absence d'appel incident sur ce point, la cour n'en est pas saisie en sorte qu'elle n'a pas à statuer de ce chef.

* sur la contestation de l'AGS

L'AGS, après avoir rappelé les textes du code de commerce relatifs aux classes de parties affectées, les dispositions des articles 1346-4 du code civil et L. 3253-16 du code du travail, et cité un extrait du rapport au président de la République ainsi que des articles de doctrine, soutient que les créances qu'elle détient résultent de contrats de travail et ne peuvent être affectées par le projet de plan et incluses au sein d'une quelconque classe de parties affectées. Elle fait valoir qu'en faisant référence aux 'créances' et non aux 'salariés' et / ou aux 'salariés titulaires de créances résultant du contrat de travail', le législateur n'a pas entendu distinguer selon que les créances résultant du contrat de travail sont détenues par un salarié ou par un tiers, rappelant le principe selon lequel 'là où la loi ne distingue pas, il n'y a pas lieu de distinguer'. Elle prétend que c'est donc une exclusion basée sur la nature des créances qui a été voulue par le législateur et non une exclusion basée sur l'identité et /ou les caractéristiques du créancier titulaire de la créance et qu'en rejetant sa contestation, le juge-commissaire, en distinguant selon que les créances résultant de contrats de travail sont détenues par les salariés ou par un tiers, a créé de toute pièce une distinction que le législateur n'a ni prévue, ni voulue.

Elle fait valoir ensuite que la décision du juge-commissaire est contraire au sens et à la portée de la disposition légale impérative d'ordre public qui est claire et non équivoque et qui n'a pas vocation à être interprétée. Elle souligne que la notion de droits exclusivement attachés à la personne du salarié retenue par le juge-commissaire pour motiver sa décision n'est pas définie par la loi et que la Cour de cassation a jugé en premier lieu que le superprivilège avait vocation à se transmettre par voie de subrogation et n'était pas un droit exclusivement attaché à la personne du salarié et en second lieu que le bénéfice de la garantie des salaires a vocation à se transmettre par voie de subrogation et n'est pas un droit exclusivement attaché à la personne du salarié. Ensuite, l'AGS évoque des articles de doctrine et des décisions récentes qu'elle cite et qui retiennent que le superprivilège ouvre un droit à remboursement sur les premières rentrées de fonds prévu par l'article L. 625-8 du code de commerce, lequel, nonobstant son caractère dérogatoire à la discipline collective des créanciers, se transmet des salariés à l'AGS par voie de subrogation. Elle ajoute que la position adoptée par les organes de la présente procédure collective est opposée à celle d'autres administrateurs judiciaires 'qui reconnaissent clairement l'impossibilité d'affecter les créances résultant du contrat de travail et l'AGS'.

Elle fait état également du caractère inconciliable entre la position des intimées sur les plans de droit commun et celle concernant les plans avec classes de parties affectées.

Enfin, en réponse au moyen développé par les intimées consistant à considérer que le droit de ne pas être affecté ne serait, en toute hypothèse, pas un accessoire de la créance, elle soutient que le droit de ne pas être affecté est un droit qui a pour finalité de favoriser le recouvrement des créances salariales en ce qu'il évite d'être soumis aux dispositions des plans (délais ou remises) et correspond donc à la notion d'accessoire de créance développée par les intimées.

La société débitrice et les organes de la procédure répondent que le droit de ne pas être affecté par le plan, qui est une dérogation à la discipline collective des créanciers, est un droit attaché à la personne du salarié qui ne peut par conséquent être transmis à l'AGS par voie de subrogation en application de l'article 1346-4 du code civil. Après avoir rappelé la notion de droits attachés à la personne, ils soutiennent que les droits permettant d'échapper à la discipline collective des créanciers sont des droits attachés à la personne du créancier et insusceptibles de transmission par voie de subrogation. Ils citent à cet égard des décisions de jurisprudence rendues en matière de droit des salariés au paiement sur les premiers fonds disponibles de la procédure collective en application de l'article L. 625-8 du code de commerce selon lesquelles les juges du fond en ont conclu que ledit droit est attaché à la personne du salarié et n'est par conséquent par transmis à l'AGS par voie de subrogation. Ils estiment que cette jurisprudence doit être est appliquée par analogie à tous les droits permettant aux salariés de déroger à la discipline collective de la procédure dès lors que ces droits ont été institués aux fins de protection de ces derniers, au regard notamment du caractère alimentaire de leurs créances.

Ils affirment que le droit de ne pas être affecté par le plan est un droit attaché à la personne du salarié puisque la règle dérogatoire à la discipline collective a été instituée aux fins de protection des salariés, finalité expressément prévue par la directive du 20 juin 2019, rappelant que conformément au droit applicable, les dispositions légales issues de la transposition d'une directive européenne doivent être interprétées au regard du texte et de sa finalité qui est de garantir une restructuration efficace des entreprises viables afin de leur permettre de poursuivre leur activité tout en préservant la personne du salarié des effets de la restructuration de l'entreprise en protégeant ses droits et libertés fondamentaux. Ils en concluent qu'à la lumière de la directive, le droit des salariés de ne pas être affecté par le plan doit ainsi être considéré comme ayant vocation à protéger les salariés et qu'il est par conséquent attaché à leur personne. Ils réfutent l'argumentation développée par l'AGS reposant sur des décisions de jurisprudence, estimant que les décisions citées sont hors sujet et rappellent que le législateur, en créant l'article L. 3253-21 du code du travail issu de la loi du 25 janvier 1985, suite à un arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation du 25 avril 1984, a consacré le caractère attaché à la personne de la garantie AGS. Ils font valoir également que la question des droits attachés à la personne du salarié n'est entrée dans le débat qu'en 2021, à la faveur des contentieux noués à la suite d'une modification unilatérale de la position de l'AGS concernant la restitution des frais de justice et que depuis, la doctrine a réétudié la question et considère à présent majoritairement que le droit issu de l'article L. 625-8 du code de commerce, et plus généralement tous droits dérogatoires à la discipline collective, sont des droits attachés à la personne du salarié.

Ils estiment qu'en tout état de cause, le droit de ne pas être affecté par le plan n'est pas un accessoire de la créance et ne peut donc pas être transmis à l'AGS, faisant valoir que le droit des salariés de ne pas être affectés par le plan, issu de l'article L. 626-30 IV du code de commerce, qui n'a pas pour finalité exclusive de servir le recouvrement de leur créance mais poursuit également une finalité de protection de la personne de son titulaire, ne peut être qualifié d'accessoire de la créance au regard des dispositions de l'article 1346-4 du code civil en sorte que ce droit n'a pas été transmis à l'AGS par voie de subrogation.

L'article L. 626-30 IV du code de commerce, issu de l'ordonnance n°2021-1193 du 15 septembre 2021 qui a transposé la directive européenne n°2019-1023 du 20 juin 2019, directive dite 'restructuration et insolvabilité', dispose que les créances résultant du contrat de travail ne sont pas affectées par le plan.

Il apparaît clairement que le texte de l'article L. 626-30 prend en considération, pour la composition des classes de parties affectées, la nature de la créance et non pas la qualité du créancier titulaire de la créance, cet article n'opérant aucune distinction selon que ces créances sont détenues par les salariés ou par des tiers.

Cette disposition de droit interne issue de la transposition de la directive est claire et ne nécessite pas d'être interprétée.

Il est constant que les avances consenties par l'AGS résultent du contrat de travail.

Le législateur, en prévoyant que les créances résultant du contrat de travail ne sont pas affectées par le plan, a donc entendu exclure des classes de parties affectées tant les salariés que l'AGS subrogée dans les droits des salariés.

D'ailleurs, cette intention du législateur est clairement exprimée dans le rapport au président de la République relatif à l'ordonnance 2021-1193 du 15 septembre 2021, qui certes n'a pas de valeur normative, mais dans lequel il est précisé que 'retenant une option offerte par la directive (article 1er [5a]), le choix a été fait, au IV de l'article L. 626-30, d'exclure les créances résultant du contrat de travail du plan de restructuration soumis au vote des classes afin de préserver au mieux les droits des travailleurs. Il en résulte que l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salaires (AGS) subrogée dans les droits des créanciers bénéficiant d'une avance, n'est pas une partie affectée, ne participe pas aux classes de créanciers et ne peut donc être concernée par une application forcée interclasses.'

C'est donc vainement que les intimées invoquent les dispositions de l'article 1346-4 du code civil ou raisonnent par analogie avec des jurisprudences rendues par le tribunal de commerce de Paris qui concernent le droit d'être payé sur les premières rentrées de fonds en application de l'article L. 625-8 du code de commerce, étant observé que l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse également cité par les intimées (20 janvier 2023, n° 22/02135) est frappé de pourvoi.

Ainsi, les créances de l'AGS, subrogée dans les droits des salariés auxquels elle a consenti des avances, ne peuvent être affectées par le plan de redressement de la société LGHA auto en sorte que c'est à tort que le juge-commissaire a jugé que l'AGS ne bénéficiait pas de la transmission du droit de ne pas être affectée par le projet de plan de redressement au motif qu'il s'agirait d'un droit attaché à la personne du salarié, le débat sur le caractère exclusivement attaché à la personne du salarié étant inopérant tout comme l'argument tiré de l'accessoire de la créance.

Il convient par conséquent d'infirmer l'ordonnance qui a rejeté le recours de l'AGS.

* sur la demande subsidiaire des intimées

Rappelant qu'elle est sollicitée pour avancer le paiement de créances salariales, en lieu et place de l'employeur en procédure collective, sur le fondement des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, l'AGS précise qu'elle paie les dettes de l'employeur à l'égard des salariés et que par l'effet de la loi et de l'article 1346 du code civil, elle devient créancière de l'employeur en lieu et place des salariés désintéressés par les avances versées. Elle prétend que les créances qu'elle détient résultent donc bien du mécanisme de la subrogation légale et ce quelles que soient les créances salariales avancées. Elle relève que l'article L. 3256-16 du code de travail reprend le principe et le mécanisme de la subrogation légale et souligne que le texte n'indique pas que la subrogation ne concernerait que certaines catégories d'avances à l'exclusion d'autres en sorte qu'elle est subrogée dans les droits des salariés pour toutes les avances qu'elle réalise. Elle soutient que l'article L. 3253-16 2° du code du travail, pour les avances non superprivilégiées, ne fait que restreindre l'un des droits qui devrait résulter de la subrogation, à savoir le droit d'obtenir le remboursement immédiatement à l'encontre du débiteur puisque pour ces avances non superprivilégiées, le législateur lui impose d'être remboursée comme un créancier antérieur (et non immédiatement), ce qui n'exclut nullement le fait que sa créance résulte du mécanisme de la subrogation. Elle affirme que tous les droits et toutes les prérogatives attachés aux créances résultant des contrats de travail au sens de l'article L. 626-30 IV du code de commerce lui sont transmis par voie de subrogation dont le droit de ne pas être affectée et que le seul droit et la seule prérogative dont elle ne peut bénéficier est le droit au remboursement immédiat de ses avances non superprivilégiées, en redressement judiciaire, en application de l'article L. 3253-16 2° du code du travail. Elle en conclut qu'elle ne peut être une partie affectée dans le cadre du redressement judiciaire de la société LGHA auto et que toutes ses créances, quel que soit leur rang, ne peuvent être affectées ou intégrées à une ou plusieurs classes de parties affectées.

Subsidiairement, elle demande à la cour de dire qu'elle ne peut être intégrée à une classe quelconque au titre de ses créances superprivilégiées et que, par voie de conséquence, sa créance globale superprivilégiée de 260 385,90 euros ne peut pas être affectée et que seules les autres créances seraient susceptibles d'être affectées et d'être intégrées dans des classes.

Les intimées répondent, au visa de l'article L. 3253-16 du code du travail, que l'AGS bénéficie de la subrogation dans les droits des salariés pour les créances avancées dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, pour les créances avancées au titre du superprivilège en procédure de redressement et de liquidation judiciaires (articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 du code du travail), dans l'hypothèse d'une conversion en liquidation judiciaire, dans la limite d'un mois et demi de travail pour les créances avancées (...) et que pour les autres avances, l'AGS bénéficie d'une créance de remboursement à l'égard du débiteur, sans pour autant bénéficier de la subrogation dans les droits des salariés. Les intimées font valoir que si l'on considère que le droit de ne pas être affecté par le plan issu de l'article L. 626-30 IV du code de commerce n'est pas un droit attaché à la personne du salarié et est par conséquent transmis à l'AGS par voie de subrogation, cette transmission ne peut intervenir que dans la limite de la subrogation de l'AGS dans le droit des salariés. Elles précisent que treize relevés de créances salariales ont été établis dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société LGHA auto et que seuls les trois premiers concernent des avances au titre des créances super privilégiées des salariés pour la somme totale de 219 620,72 euros, les autres relevés correspondant à des créances avancées par l'AGS résultant de la rupture de contrats de travail pour lesquelles cette dernière ne bénéficie pas de la subrogation en sorte que le droit de ne pas être affectée par le plan est limité à cette somme.

L'article L. 3253-16 du code du travail dispose que :

« Les institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 sont subrogées dans les droits des salariés pour lesquels elles ont réalisé des avances :

1° Pour l'ensemble des créances, lors d'une procédure de sauvegarde ;

2° Pour les créances garanties par le privilège prévu aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 et les créances avancées au titre du 3° de l'article L.3253-8, lors d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Les autres sommes avancées dans le cadre de ces procédures leur sont remboursées dans les conditions prévues par les dispositions du livre VI du code de commerce pour le règlement des créances nées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure. Elles bénéficient alors des privilèges attachés à celle-ci. »

Il résulte de ce texte que pour les sommes avancées par l'AGS, autres que celles avancées en sauvegarde, les créances superprivilégiées et les créances visées à l'article L. 3253-8, 3° du code du travail, la subrogation est exclue, l'AGS n'ayant droit qu'à leur remboursement comme un créancier antérieur.

Il s'ensuit que les créances avancées par l'AGS dans le cadre du redressement judiciaire de la société LGHA auto, autres que celles susvisées, pour lesquelles l'AGS n'est pas subrogée dans les droits des salariés, ne peuvent être considérées comme n'étant pas affectées par le plan.

Il convient par conséquent d'exclure les créances superprivilégiées et les créances avancées au titre du 3° de l'article L.3253-8 du code du travail détenues par l'AGS, dans le cadre de la procédure collective de la société LGHA auto, des classes de parties affectées.

Enfin, il n'appartient pas à la cour, dans le cadre de la présente instance, de fixer le montant des créances dont il s'agit.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de sa saisine,

Déclare l'appel de l'Unédic délégation AGS CGEA IDF Ouest recevable ;

Infirme l'ordonnance rendue le 19 juin 2023 par le juge-commissaire désigné dans la procédure collective de la société LGHA auto ;

Exclut les créances superprivilégiées et les créances avancées au titre du 3° de l'article L.3253-8 du code du travail détenues par l'Unédic délégation AGS CGEA IDF Ouest, dans le cadre de la procédure collective de la société LGHA auto, des classes de parties affectées ;

Rejette les autres demandes ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective ;

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.