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Décisions

CA Agen, 1re ch., 22 novembre 2023, n° 22/00457

AGEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Continental Automobile (SARL)

Défendeur :

BMW France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauclair

Conseillers :

M. Benon, Mme Fouquet

Avocats :

Me Llamas, Me Fagot, Me Athanaze, Me Drigo, Me Saint Germain Peny, Me Gregoire, Me Serreuille

CA Agen n° 22/00457

21 novembre 2023

EXPOSÉ DU LITIGE

Vu l'appel interjeté le 9 juin 2022 par la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILE à l'encontre d'un jugement du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 3 mai 2022. La signification de la déclaration d'appel a été délivrée à la personne de M. [T] par acte du 3 août 2022.

Moyens

Vu les conclusions de la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILE en date du 27 février 2023 et les conclusions du 9 septembre 2022 signifiées à étude le 23 septembre à M. [T]

Vu les conclusions de M. [O] [B] en date du 28 novembre 2022.

Vu les conclusions de la SA BMW FRANCE en date du 20 juin 2023.

Vu l'ordonnance de clôture du 28 juin 2023 pour l'audience de plaidoiries fixée au 11 septembre 2023

Le 7 juillet 2015, M. [O] [B] a signé avec la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILE, un bon de commande portant sur un véhicule de marque BMW modèle 520 DA Excellis moteur Diesel, immatriculé [Immatriculation 8], mis en circulation le 2 mars 2011, ayant un kilométrage de 78.100 km, au prix de 23.966,50 euros. Ce document précisait l'existence d'une garantie "Opteven" pour une durée de 12 mois. Une facture a été établie le 15 juillet 2015, date à laquelle M. [B] a pris livraison du véhicule.

Ce véhicule avait été précédemment acquis par la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILE auprès de la société ABM [Localité 11], concessionnaire BMW à [Localité 11], avant d'être loué à M. [G] [T] jusqu'à sa revente à M. [B].

Le 13 juin 2016, le véhicule est tombé en panne et a été remorqué jusqu'au garage BMW de la TESTE DE BUCH qui a diagnostiqué la nécessité de remplacer le joint à lèvres de l'entraînement de la pompe du liquide de refroidissement ainsi que le remplacement des 2 chaînes de distribution pour un prix, selon devis, de 5.505,68 euros.

N'ayant pu obtenir de la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILE la prise en charge de cette réparation, M. [B] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance d'AGEN qui, par ordonnance du 28 mars 2017, a ordonné une expertise confiée à M. [V] qui a déposé son rapport le 22 août 2017.

Par acte d'huissier en date du 29 janvier 2018, M. [B] a assigné la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILE en indemnisation de ses préjudices. Par acte d'huissier en date des 10 et 12 avril 2018, la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILE a assigné la SA BMW FRANCE et M. [G] [T] en intervention forcée.

Par ordonnance en date du 3 octobre 2018 le juge de la mise en état a accordé une provision de 6.989,55 euros à M. [B] et rejeté la demande d'expertise complémentaire.

Par jugement en date du 3 mai 2022, le tribunal judiciaire d'AGEN a notamment :

- ordonné la mise hors de cause de la société BMW FRANCE ;

- ordonné la mise hors de cause de M. [G] [T] ;

- dit que la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILE est tenue à la garantie des vices cachés au titre de la panne survenue le 13 juillet 2016 ;

- condamné la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILE à payer à M. [O] [B] les sommes de :

- débouté la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILE de sa demande en nullité du rapport d'expertise ;

- débouté M. [O] [B] de sa demande en responsabilité contractuelle à l'égard de la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILE ;

- condamné la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILE à payer à M. [O] [B] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILE à payer à la société BMW FRANCE la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILE à payer à M. [G] [T] la somme de 1.500 euros au litre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILE aux dépens de l'instance, en ce y compris les frais de l'expertise judiciaire ;

- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

Pour statuer en ce sens le tribunal a retenu que :

- le dire de la SARL était tardif et a été rejeté à bon droit, l'expertise est régulière.

- la panne n'entre pas dans le domaine de la garantie contractuelle.

- le véhicule est atteint d'un vice caché.

- le préjudice de M. [B] a été réparé au vu de ses justificatifs.

- aucune demande n'est formée contre la société BMW FRANCE ou M. [T].

Tous les chefs du jugement sont expressément critiqués dans la déclaration d'appel à l'exception de celui ayant débouté M. [O] [B] de sa demande en responsabilité contractuelle à l'égard de la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILE.

La SARL CONTINENTAL AUTOMOBILE demande à la cour dans le dispositif de ses écritures reprenant ses moyens, de :

- réformer le jugement entrepris des chefs visés à la déclaration d'appel

- statuant à nouveau,

- juger que le rapport d'expertise judiciaire du 22 août 2017 ne permet pas de déterminer avec certitude la cause du vice allégué par M. [B],

- juger que l'action en garantie des vices cachés est infondée, les conditions légales n'étant pas réunies en l'espèce,

- juger que les préjudices subis et les sommes réclamées à ce titre par M. [B] ne sont pas justifiés.

- en conséquence, débouter M. [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires et de son appel incident,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté M. [B] de sa demande de condamnation de la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILE au titre de la garantie contractuelle et de sa demande d'indemnisation de préjudice relatif au coût des travaux réparatoires, aux primes d'assurance, à la prise en charge du coût du crédit, et à la perte de la cote ARGUS.

- débouter la SA BMW France et M. [T] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires,

- condamner M. [B] à la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [B] aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire et les frais éventuels d'exécution dont distraction pour cause d'appel au profit de Maître David LLAMAS.

M. [O] [B] demande à la cour de :

- débouter CONTINENTAL AUTOMOBILES de toutes ses demandes, fins et conclusions

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILES à lui verser les sommes de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté :

- statuant à nouveau,

* à titre principal,

- juger que CONTINENTAL AUTOMOBILE est tenue de la garantie contractuelle sur le fondement de l'article 1134 et 1141 et suivants du code civil.

- condamner CONTINENTAL AUTOMOBILES à lui en sus des sommes ci-dessus à confirmer, les sommes suivantes :

* à titre subsidiaire, si le tribunal (sic) estimait qu'il n'y a pas lieu à engager la responsabilité contractuelle de la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILES.

- juger que la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILE est tenue à la garantie des vices cachés au titre de la panne survenue le 13 juillet 2016 sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil.

- condamner SARL CONTINENTAL AUTOMOBILES à lui payer en sus des sommes ci-dessus à confirmer, les sommes suivantes :

- et en tout état de cause, condamner la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILES à lui payer la somme de 4.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance et la condamner à régler tous les frais irrépétibles et les dépens exposés par la SA BMW France et Monsieur [T].

La SA BMW FRANCE demande à la cour de :

- constater que ni la Société CONTINENTAL AUTOMOBILES, ni M. [B], ni M. [T] ne forment de demandes à son encontre.

- déclarer, le cas échéant, irrecevables toutes parties de leurs éventuelles demandes dirigées à son encontre, s'agissant de demandes nouvelles,

- en tout état de cause, confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

Y ajoutant, condamner la Société CONTINENTAL AUTOMOBILES à lui verser la somme de 3.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'appel.

M. [T] n'a pas constitué avocat.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Motivation

MOTIFS DE LA DÉCISION

La déclaration d'appel et les conclusions de la partie appelante ont été signifiées à M. [T] à sa personne pour la déclaration d'appel et à étude pour les conclusions, indiquant à la partie intimée que faute pour elle de constituer avocat dans un délai de 15 jours à compter de celle-ci, elle s'exposait à ce qu'un arrêt soit rendu contre elle sur les seuls éléments fournis par son adversaire. La partie intimée n'a pas constitué avocat, il sera donc statué par arrêt réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 473 du code de procédure civile.

La cour ne doit, par application de l'article 472, alinéa 2, du code de procédure civile, faire droit à la demande de celui-ci que dans la mesure où elle l'estime régulière, recevable et bien fondée, et en examinant les motifs accueillis par le jugement, la cour retient les éléments de fait constatés par le premier juge à l'appui de ces motifs.

Aucune demande n'est formulée contre la société BMW devant la cour.

1- Sur l'expertise :

Devant la cour la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILES ne soutient plus la nullité du rapport d'expertise. Elle soutient au fond que les constatations de l'expert ne permettent pas d'établir l'existence du vice caché.

Cependant, elle ne sollicite pas de contre-expertise et n'appelle pas en la cause le tiers auquel elle impute la panne.

2- Sur le vice caché :

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il ressort des constatations techniques de l'expert que l'immobilisation du véhicule résulte de la rupture de la chaîne de distribution. La cause de cette rupture provient de l'absence de renouvellement de l'huile moteur, ce qui limite le refroidissement des pièces mobiles du moteur et provoque une usure prématurée des pièces mécaniques, à chaque mise en fonctionnement du moteur. L'usure a débuté bien avant la cession du véhicule à M. [B]. L'origine de cette rupture est directement liée à l'entretien du véhicule, les dents des pignons des arbres à cames, entraînées par la chaîne sont usées prématurément, ce qui démontre une absence de révision et de suivi de ce véhicule. Les chaînes de distribution avec tendeur hydraulique sont des pièces d'usure sur lesquelles le garage peut intervenir dans la préparation du véhicule associée à la cession du véhicule.

La SARL CONTINENTAL AUTOMOBILES produit les factures d'entretien du véhicule par M. [T] :

- facture du 4 juillet 2012 à 22.600 km avant la mise en location : les mentions portées sur cette facture ne permettent pas d'identifier le garage ayant procédé à l'opération, il ne comporte pas le nom du propriétaire ni le cachet du garage. Cette pièce est insuffisante à établir la réalité des opérations d'entretien avancées.

- une facture IMPERIAL CONTRÔLE à 48.000 km en date du 23 octobre 2013 mentionne une vidange moteur et un remplacement du filtre à huile sans mention des références de l'huile employée.

- une facture du 30 avril 2015 à 73.322 km qui reste taisante sur la qualité de l'huile employée.

L'expert établit que l'usure des pièces est ancienne et antérieure à la cession à M. [B] de sorte que l'entretien effectué en vue de la vente litigieuse est sans emport sur la rupture de la chaîne de distribution.

L'usure précoce et la rupture de la chaîne de distribution sur un modèle de cette gamme et à un kilométrage de 112.428 kilomètres établissent l'existence d'un vice antérieur à la vente, qui ayant immobilisé le véhicule, l'a rendu impropre à sa destination.

Seul le démontage du moteur a permis de le constater, il était donc caché pour M. [B].

C'est à bon droit que le premier juge a appliqué la garantie des vices cachés et a ordonné la résolution de la vente sur ce fondement, le jugement est confirmé sur ce point.

3- Sur la garantie contractuelle :

La vente du véhicule à M. [B] était assortie d'une garantie contractuelle a souscrit auprès d'un tiers, OPTEVEN. Or, il est établi devant la cour que la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILES n'a pas souscrit ladite garantie auprès d'OPTEVEN. La SARL CONTINENTAL AUTOMOBILES doit donc répondre personnellement de cette garantie auprès de M. [B].

Les parties s'accordent pour considérer que la garantie contractuelle complémentaire est celle figurant au dos du bon de commande, conditions générales de vente, aucune autre police n'est versée aux débats.

L'article 7 des conditions générales de vente stipule que le véhicule bénéficie d'une garantie (voir au recto) pièces et main d'œuvre sur les organes de sécurité tels que définis à l'article 5, à l'exception des pneumatiques.

L'article 5 définit les organes de sécurité comme suit :

- les amortisseurs et organes de suspension,

- les organes de direction.

- le système de freinage.

- le système d'éclairage.

- les pneumatiques.

La chaîne de distribution ne rentre pas dans le champ contractuel de la garantie précisément circonscrit par les articles 7 et 5 de la police produite.

C'est donc à bon droit que le premier juge a écarté l'application de la garantie contractuelle.

Le jugement est confirmé sur ce point.

4- Sur la réparation du préjudice de l'acquéreur :

Aux termes de l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Le vendeur professionnel est présumé connaître les vices affectant la chose qu'il vend, la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILES est un professionnel de la vente automobiles, elle est présumée connaître le vice affectant le véhicule litigieux, elle est tenue au paiement de dommages intérêts envers M. [B].

Sur le coût des réparations, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a considéré que le coût des travaux s'établit selon facture de BAYERN AUTOMOBILES à la somme de 6.989,55 euros, somme qui doit être retenue dès lors que la facture de rachat de ce véhicule par ledit garage ne mentionne aucune compensation entre le coût des travaux de réparation et le prix de rachat du véhicule. La provision allouée par le juge des référés, effectivement réglée à couvert le paiement de cette somme. Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur le préjudice de jouissance : le véhicule a été immobilisé du 13 juin 2016, date de la panne au 27 mars 2018 date de sa revente au garage qui a effectué la réparation. L'expert chiffre à 12,00 euros par jour le montant de l'indemnité d'immobilisation, montant correspondant à un véhicule de la gamme à laquelle appartient une BMW 520. Le jugement est confirmé sur le montant de 12 x 652 = 7.806,00 euros.

La seule pièce produite par M. [B] relative à l'assurance du véhicule, règlement par l'assurance d'une somme de 1.080,00 euros au profit de M. [B], n'établit pas le montant du préjudice allégué de ce chef, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté cette demande.

M. [B] réclame le remboursement du crédit souscrit pour remplacer le véhicule litigieux : d'une part, le tableau d'amortissement produit mentionne "objet : prêt personnel classique" de sorte qu'il n'est pas établi que ce prêt a été employé à l'acquisition d'un nouveau véhicule, d'autre part l'acquisition de ce véhicule est faite en réparation du préjudice de jouissance réparé ci-dessus.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu que la perte de la cote ARGUS ne résulte pas du vice affectant le système de distribution mais de l'écoulement du temps et du kilométrage de sorte que M. [B] ne peut solliciter à la fois l'indemnisation d'une perte de jouissance et de la cote du véhicule sur la même période.

Sur le préjudice moral, M. [B] ne reprend pas ce poste dans le dispositif de ses dernières conclusions, la demande de ce chef est réputée abandonnée devant la cour.

Le jugement est donc confirmé en toutes ses dispositions.

5- Sur les demandes accessoires :

La SARL CONTINENTAL AUTOMOBILES et M. [B] succombent, chacun d'eux supporte la charge des dépens d'appel par lui avancés, l'équité commande qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL CONTINENTAL AUTOMOBILES succombe face à la société BMW, elle supporte la charge des dépens d'appel de la société BMW, augmentés d'une somme de 1.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant,

Condamne la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILES à payer à la SA BMW FRANCE la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile entre la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILES et M. [B],

Dit que la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILES et M. [B] supportent la charge des dépens d'appel par eux avancés.

Condamne la SARL CONTINENTAL AUTOMOBILES aux entiers dépens d'appel exposé par la SA BMW FRANCE.