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Décisions

Cass. civ., 4 janvier 1887

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Barbier

Rapporteur :

M. Crépon

Avocat général :

M. Charrins

Avocats :

Me Dareste, Me Georges Devin

Toulouse, du 4 avr. 1883

4 avril 1883

LA COUR : - Sur le deuxième moyen - Attendu qu’il résulte des constatations de l’arrêt attaqué (Toulouse, 4 avr. 1883), que la commandite promise par Piccioni à la société Mathieu Lucchetti et comp. doit être exclusivement prise sur les biens dépendant de la liquidation de l’ancienne maison Vincent Piccioni de Saint-Thornas ;

Que les termes dans lesquels la cour de Toulouse constate cet engagement et dit qu’il doit être exécuté sont ceux du pacte social ;

Attendu, à la vérité, que l’obligation de verser la commandite prise sur les valeurs indiquées est un engagement dont Piccioni est tenu sur tous ses biens, en ce sens que s’il ne fait point les versements tels qu’il les a promis, s’il détourne ou fait détourner les valeurs qui doivent les fournir, l’exécution de son engagement pourra être poursuivie sur tous ses biens sans distinction ;

Mais attendu que cette conséquence de l’obligation de Piccioni n’est point méconnue par l’arrêt attaqué, dans lequel il est expressément déclaré que Piccioni pourrait être tenu sur ses biens personnels autres que ceux de la liquidation de Saint-Thomas, si sa responsabilité était engagée par une faute personnelle ;

Qu’en statuant ainsi qu’il l’a fait, l’arrêt attaqué n’a violé aucun des articles de loi visés par le pourvoi ;

Rejette ce moyen.

Mais sur le premier moyen et le moyen additionnel réunis ; - Vu l’art. 1315 c. civ. ; - Attendu qu’il suit de la règle posée par cet article que l’associé qui a promis de fournir une commandite doit prouver qu’il en a fait le versement dans les termes des conventions sociales ;

Attendu que l’arrêt attaqué ne constate pas que le versement de la commandite promise par Piccioni ait été, à aucune époque, effectué par lui ;

Qu’il énonce même dans ses motifs qu’en présence des présomptions contraires et des incertitudes existant sur la réalisation intégrale de la commandite, il est nécessaire d’ordonner une vérification de la double comptabilité Lucchetti et Vincent Piccioni;

Que le dispositif, d’une part, met la preuve du non-versement à la charge du syndic, et, d’autre part, donne à un expert mission de vérifier si la commandite s’élevant à 400.000 gourdes a été réellement versée dans la caisse de la société, et si elle était intégralement versée le 30 juin 1860 ;

Attendu que, pour imposer la charge de la preuve du non-versement au syndic de la faillite Lucchetti et comp., l’arrêt attaqué énonce que le syndic agit comme représentant de Lucchetti et comme mandataire de Piccioni ayant à rendre compte à celui-ci de la liquidation dont Lucchetti s’était chargé ;

Mais attendu que le syndic n’est point, au procès, le représentant de l’associé Lucchetti ; qu’il représente la société Lucchetti et comp. dont la personne morale est distincte de la personne des associés ;

Qu’il représente aussi la masse des créanciers de cette société qui a qualité pour demander au commanditaire le versement de la commandite promise ;

Qu’il remplit son devoir de demandeur en prouvant la promesse et en l’envoyant au commanditaire la charge de prouver sa libération ;

Attendu, d’autre part, que l’obligation prise par Lucchetti de faire gratuitement la liquidation de la maison Piccioni donne bien à celui-ci le droit de lui demander compte des suites de ce mandat ; mais qu’elle ne suffit point à libérer Piccioni de l’obligation de verser sa commandite ; qu’il doit encore établir vis-à-vis des créanciers sociaux que Lucchetti a pu faire la liquidation dont s’agit et qu’il I’a réellement faite ;  

Attendu, dès lors, qu’en ordonnant que la preuve du versement de la commandite est à la charge du syndic, l’arrêt attaqué a interverti l’ordre des preuves et violé la disposition de loi précitée ;

Attendu que cette erreur de l’arrêt attaqué porte sur l’objet même et sur le caractère de l’expertise ;

Que la cassation au chef qui concerne la preuve doit entraîner la cassation du chef qui a déterminé et réglé l’expertise ;

Attendu qu’il n’en est pas de même du chef relatif à la demande en restitution d’intérêts indûment perçus par Piccioni ; que, sur ce chef, l’arrêt attaqué déclare en fait comme d’ores et déjà établi par les pièces produites, que la somme réclamée n’est pas sortie de la caisse de la société, et n’a point été perçue par Piccioni ;

Attendu que cette déclaration souveraine ne peut être atteinte par la cassation d’un autre chef qui, au point de vue de la preuve, en est tout à fait distinct.

Par ces motifs, casse et annule, mais seulement au chef qui met à la charge du syndic la preuve relative du versement de la commandite et au chef qui ordonne l’expertise ; ... renvoie devant la cour d’Agen...