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Décisions

Cass. civ., 16 mai 1877

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mercier

Rapporteur :

M. Goujet

Avocat général :

M. Bedarrides

Avocats :

Me Bosviel, Me Colombel

Cass. civ.

15 mai 1877

LA COUR : - Vu l’art. 1845 c. civ. ; - Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que les demandeurs Lesaffre et Boutin, agissant en qualité de liquidateurs de la Société Naudin et Guinaudeau, réclamaient aux défendeurs : 1° la restitution d’une portion de la commandite de Bodin père, retirée de la caisse sociale par la dame de Rangot ; 2° le payement de 12,455 fr. 20 c. pour déficit de la commandite dudit Bodin provenait d’une majoration de 40 p. 100 de son apport en nature ; 3° et le remboursement d’une somme de 10,252 fr. 69 c. pour prélèvements indûment opérés par le même ;  

Que, la cour de Poitiers, sans méconnaître l’existence des créances dont il s’agit, a déclaré les demandeurs non recevables dans leur action par l’unique raison qu’elle était introduite dans l’intérêt exclusif des créanciers de la Société, que les liquidateurs d’une société ne représentaient pas ses créanciers, et que, dans l’espèce, aucun des associés ne pourrait intenter cette action parce que les actes signalés comme ayant diminué l’actif étaient le fait des deux associés en nom collectif accompli en faveur du seul commanditaire ou de ses représentants ;  

Que la Cour s’est donc fondée sur un motif de droit et non sur une restriction qui aurait, en fait, été apportée aux pouvoirs conférés dans la cause aux liquidateurs ; que, dès lors, la décision tombe sous le contrôle de la cour de cassation ;  

Attendu que les demandeurs étaient il est vrai, sans qualité pour exercer les droits des créanciers de la Société Naudin et Guinaudeaun mais qu’il leur appartenait de poursuivre le recouvrement de toutes les sommes dues à cette Société, et que les défendeurs n’étaient pas fondés à opposer à leur action, une fin de non-recevoir tirée des engagements particuliers des associés en nom collectif ;

Que si les conventions intervenues entre Bodin et les époux Randot, d’une part, Naudin et Guinaudeau, d’autre part, étaient de nature à motiver contre ceux-ci un recours en garantie des condamnations prononcées au profit de la Société, elles pouvaient empêcher cette dernière d’exiger le rétablissement de la commandite qui lui était due ;

Qu’en effet, toute société de commerce régulièrement formée constitue une personne morale ayant des droits complètement distincts de ceux des associés qui la composent ;

Que vainement on prétend que la dissolution de la société entrainant la disparition de l’être moral, le liquidateur n’est que le mandataire des divers associés ;

Qu’en réalité, la société dissoute continue à subsister pour sa liquidation, et que le liquidateur exerce en son nom les actions sociales ;  

D’où il suit, qu’en déclarant les défendeurs non recevables dans leur action en rétablissement de la commandite de Bodin, l’arrêt attaqué a méconnu les règles qui régissent les pouvoirs des liquidateurs de sociétés et violé l’art. 1845 c. civ. ci-dessus visé ;

Par ces motifs, casse.