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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 29 novembre 2023, n° 22/03287

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

I@D France (Sasu)

Défendeur :

ORPI Essonne 91 (GIE)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Depelley, M. Richaud

Avocats :

Me Baechlin, Me Assemat, Me Tesler

T. com. Paris, du 24 janv. 2022, n° 2021…

24 janvier 2022

FAITS ET PROCEDURE

Le groupement d’intérêt économique Orpi Essonne 91 (ci-après, « le GIE Orpi ») a pour objet la coordination des agences, la mutualisation de certains services et l’établissement de règles communes d’exercice de la profession d’agent immobilier. Intégré au réseau ORPI qui regroupe 1 200 établissements exerçant la profession d’agent immobilier sur l’ensemble du territoire national, il est constitué de 49 agences implantées en Essonne et dans le Val-de-Marne.

La SAS I@D France, créée en mai 2008, se présente comme un réseau de proximité dématérialisé de mandataires immobiliers indépendants. Fonctionnant sans agence, elle est titulaire d’une carte professionnelle de transactions immobilières tandis que ses conseillers, au nombre de 14 000, disposent d’une attestation de mandataire en immobilier délivrée par la Chambre de commerce et d’industrie de Melun.

Imputant à la SAS I@D France divers manquements à la règlementation encadrant l’activité d’agent immobilier caractérisant des actes de concurrence déloyale au détriment des autres opérateurs économiques du secteur de l’immobilier, le GIE Orpi a, après avoir vainement tenté un règlement amiable du litige par courrier du 14 septembre 2018, assigné cette dernière par acte d’huissier signifié le 23 octobre 2018 devant le tribunal de commerce de Melun en réparation de ses préjudices.

Par jugement du 16 décembre 2020, le tribunal de commerce de Melun s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris à qui le dossier de l’affaire a été transmis en application de l’article 82 du code de procédure civile.

Par jugement du 24 janvier 2022, le tribunal de commerce de Paris a statué en ces termes :

- « dit que I@D France a commis des actes de concurrence déloyale vis-à-vis du

GIE ORPI ESSONNE ;

- condamne I@D France à se mettre en accord avec la législation sur la conformité et le respect des barèmes d’honoraires dans les 3 mois suivant ce jugement sous astreinte de 500 € par infraction constatée durant une période de 6 mois ;

- condamne I@D France à verser à GIE ORPI ESSONNE la somme de 25.000€ à titre de dommages et intérêts ;

- déboute I@D France de sa demande reconventionnelle ;

- déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- condamne I@D France à verser au GIE ORPI ESSONNE la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du CPC ;

- rappelle que l’exécution provisoire est de droit ;

- condamne I@D France aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 € dont 11,60 € de TVA ».

Par déclaration reçue au greffe 10 février 2022, la SAS I@D France a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 17 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation pour défaut d’exécution présentée par le GIE Orpi sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile faute pour le jugement entrepris d’être assorti de l’exécution provisoire.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 juin 2023, la SAS I@D France demande à la cour, au visa des dispositions des articles 31 du code de procédure civile, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, de l’arrêté du 10 janvier 2017 relatif à l’information des consommateurs par les professionnels intervenant dans une transaction immobilière et de l’article L 420-1 du code de commerce :

- de recevoir la SAS I@D France en son appel, de la dire bien fondée et, y faisant droit, d’infirmer le jugement du tribunal de commerce de paris du 24 janvier 2022 en ce qu’il a débouté (dans le corps du jugement) la SAS I@D France de ses « exceptions d’irrecevabilité » ;

- à titre principal, de :

- juger l’action du GIE Orpi irrecevable pour défaut d’intérêt à agir ;

- juger l’action du GIE Orpi irrecevable car contraire au principe nemo auditur et décharger la SAS I@D France de toutes condamnations ;

- à titre subsidiaire, d’infirmer le jugement du tribunal de commerce de paris du 24 janvier 2022 en ce qu’il a :

- dit que la SAS I@D France a commis des actes de concurrence déloyale vis-à-vis du GIE Orpi ;

- condamné la SAS I@D France à se mettre en accord avec la législation sur la conformité et le respect des barèmes d'honoraires dans les 3 mois suivant le jugement sous astreinte de 500 euros par infraction constatée durant une période de 6 mois, cette injonction étant mal-fondée et en tout état de cause sans objet depuis le 31 mars 2022 ;

- condamné la SAS I@D France à verser au GIE Orpi la somme de  25 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- débouté la SAS I@D France de sa demande de voir juger que les agences membres du GIE Orpi que ce dernier indique représenter ne respectent pas leurs obligations en matière d’affichage de barème et de sa demande de voir le GIE Orpi condamné à lui verser la somme de de 20 000 euros au titre de l’absence de publication de barème ;

- débouté la SAS I@D France de sa demande de voir le GIE Orpi condamné à lui verser la somme de de 10 000 euros au titre de la pratique de ristournes systématiques et massives sur les honoraires pratiqués ;

- débouté la SAS I@D France de sa demande tendant à voir juger que l’action engagée par les membres du GIE Orpi à travers ce dernier est constitutive d’une pratique anticoncurrentielle au sens de l’article L 420-1 du code de commerce et débouté la SAS I@D France de sa demande tendant à le voir condamner à verser à la SAS I@D France la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts afin de réparer le préjudice que cette dernière subit du fait des pratiques anticoncurrentielles prohibées mises en œuvre par le GIE Orpi et ses membres ;

- condamné la SAS I@D France à verser au GIE Orpi la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- « rappelé que l'exécution provisoire est de droit » alors que l’instance a été introduite avant 2020 ;

- condamné la SAS I@D France aux dépens ;

- de débouter le GIE Orpi de l’ensemble de ses demandes, le GIE Orpi n’apportant pas la preuve d’un quelconque acte de concurrence déloyale de la SAS I@D France ;

- de rejeter l’ensemble des demandes indemnitaires formulées par le GIE Orpi ;

- de rejeter les demandes d’injonction du GIE Orpi mal-fondées et en tout état de cause sans objet depuis le 31 mars 2022, et de décharger la SAS I@D France de toutes condamnations ;

- de condamner le GIE Orpi à verser à la SAS I@D France la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts afin de réparer le préjudice que cette dernière subit du fait des pratiques anticoncurrentielles prohibées mises en œuvre par le GIE Orpi et ses membres ;

- condamner le GIE Orpi à verser à la SAS I@D France la somme de de 20 000 euros au titre de l’absence de publication de barème ;

- condamner le GIE Orpi à verser à la SAS I@D France la somme de de 10 000 euros au titre de la pratique de ristournes systématiques et massives sur les honoraires pratiqués ;

- en tout état de cause, de :

- débouter le GIE Orpi de l’ensemble de ses demandes ;

- condamner le GIE Orpi à payer à la SAS I@D France 25 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- condamner le GIE Orpi aux dépens d’appel dont distraction au profit de la SCP Jeanne Baechlin.

En réponse, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 2 août 2022, le GIE Orpi demande à la cour, au visa des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, de la loi Hoguet du 2 janvier 1970, de l’article L 121-1 du code de la consommation et de l’arrêté du 10 janvier 2017,de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de paris le 24 janvier 2022 en toutes ses dispositions ;

- débouter la SAS I@D France de l’ensemble de ses demandes ; - condamner la SAS I@D France à verser au GIE Orpi la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l’instance.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2023. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l’arrêt sera contradictoire en application de l’article 467 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1°) Sur la recevabilité de l’action

Moyens des parties

Au soutien de ses fins de non-recevoir, la SAS I@D France expose que le GIE Orpi, qui ne peut exercer aucune activité lucrative pour lui-même conformément à l’article L 251-1 du code de commerce :

- n’a pas d’intérêt personnel à agir puisqu’il n’est pas agent immobilier, se « situe en dehors de tout processus économique qui pourrait se dérouler sur le marché de l’immobilier » et n’est ainsi pas un concurrent ;

- ne dispose ni d’un mandat ni d’une habilitation législative pour agir au nom de la défense des intérêts particuliers de chacun de ses membres ou de ceux, collectifs, de la profession puisqu’il n’est pas une organisation professionnelle, un syndicat ou une association de consommateurs au sens des articles L 490-10 du code de commerce, L 2132-3 du code du travail et L 621-1 du code de la consommation, et que ses statuts ne précisent pas qu’il pourrait agir dans ce but.

Elle ajoute que ses membres ne respectant pas la législation dont le GIE Orpi lui impute la violation (affichage des barèmes et campagnes massives de réductions de prix), le principe nemo auditur fait obstacle à son action.

En réponse, le GIE Orpi explique que, le statut de la victime étant indifférent, l’action en concurrence déloyale peut être intentée par un GIE chargé de la promotion commerciale de ses membres et de la défense de leurs intérêts professionnels, ainsi que le prévoient ses statuts qui se réfèrent à ceux de la société coopérative Orpi France qui visent la défense de l’image du réseau Orpi. Contestant agir en défense de l’intérêt collectif de la profession d’agent immobilier, il ajoute ne pas avoir à justifier d’un mandat de ses membres, celui-ci découlant de leur adhésion. Il conteste toute violation par ses membres des règles liées à l’affichage des barèmes et souligne le caractère marginal de cette faute éventuelle par rapport aux griefs en débat.

Réponse de la cour

Conformément aux articles 30 à 32 du code de procédure civile, l’action, qui est le droit pour l'auteur d'une prétention d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée et pour son adversaire celui de discuter son bien-fondé, est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir étant irrecevable.

L’intérêt, comme de la qualité, à agir, condition de recevabilité de l’action, n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bienfondé de l'action, condition de son succès (en ce sens, confirmant une position constante : 1 Civ., 27 novembre 2019, n° 18-21.532).

L’action en concurrence déloyale, action banale, est largement ouverte à toute personne qui se prétend victime d’un dommage causé par une activité déloyale, peu important l’existence, ou non, d’une situation de concurrence effective entre les parties (en ce sens, Com. 10 novembre 2012, n° 1-25.873).

Contrairement à ce que soutient la SAS I@D France, un groupement d’intérêt économique n’est pas par nature extérieur à tout processus économique : si, au sens de l’article L 251-1 du code de commerce, son but n’est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même mais de faciliter ou de développer l'activité économique de ses membres et d’en améliorer ou d’en accroître les résultats, et si son activité est nécessairement auxiliaire par rapport à celle de ses membres à laquelle elle se rattache, il n’en exerce pas moins une activité qui lui est propre et qui peut avoir une nature commerciale indépendamment de la qualité de ses membres. Ainsi, le GIE, qui jouit de la personnalité morale à compter de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, peut faire de manière habituelle et à titre principal tous actes de commerce pour son propre compte conformément à l’article L 251-4 du même code, la qualité de commerçant du GIE Orpi n’étant d’ailleurs pas en débat.

Le GIE exerce son activité conformément à son objet et dans le cadre fixé par ses statuts constitutifs. Par analogie avec l’appréciation de la qualité et l’intérêt à agir d’une association, qu’autorise la continuité des formes sociales posée par l’article L 251-18 du code de commerce, il peut, même hors habilitation législative et en l’absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, agir en justice non seulement en défense de son activité, mais également au nom des intérêts collectifs qui entrent explicitement dans son objet social (en ce sens, pour une association, 1 Civ., 18 ère septembre 2008, n° 06-22.038 ; et, pour un GIE exerçant une action en concurrence déloyale en défense de son activité propre, Com., 9 décembre 1997, n° 94-20.734). Le moyen tiré du défaut d’habilitation légale n’est dans cette logique pas pertinent.

Et, aux termes de l’article 2 de ses statuts, le GIE Orpi a notamment pour objet d’ « étudier et mettre en œuvre tous moyens propres à défendre et servir les intérêts professionnels de ses membres dans l’intérêt commun de ces derniers et de la

Coopérative », celle-ci, qui fédère le réseau d’agents immobiliers exerçant sous l’enseigne Orpi, ayant elle-même pour objet, aux termes de l’article 3 de ses statuts, d’assurer la défense de l’intérêt du réseau par la poursuite de toute procédure contre des tiers ou des associés (pièces 1 et 35 du GIE Orpi). L’activité propre du GIE Orpi coïncide ainsi avec la protection des intérêts professionnels de ses membres. Aussi, ce dernier a qualité et intérêt pour agir en concurrence déloyale, non en représentation individuelle de chacun de ses membres, le moyen tiré du défaut de mandat étant de ce fait inopérant, mais pour faire cesser une pratique illicite, ici le non-respect des dispositions de la loi Hoguet et des arrêtés relatifs à l’information des consommateurs qui s’imposent à ceux-ci, et obtenir réparation de l’atteinte aux intérêts qu’il défend statutairement.

Enfin, le GIE Orpi ayant une personnalité morale propre et exerçant une activité à titre personnel, les fautes éventuelles de ses membres n’affectent pas son droit d’agir, la référence à l’adage nemo auditur, qui n’est pertinent que pour limiter les restitutions consécutives à l’annulation d’un acte pour immoralité de sa cause (en ce sens, 1 Civ., 17 ère juillet 1996, n° 94-14.662), étant inopérante.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté, dans sa motivation au moins, la fin de non-recevoir opposée par la SAS I@D France.

2°) Sur la concurrence déloyale

Moyens des parties

Au soutien de son appel, la SAS I@D France :

- reconnaît l’illicéité tenant à l’affichage sur son site internet entre avril 2017 et mai 2018 d’un barème non conforme à l’article 2 I de l’arrêté du 10 janvier 2017 en ce qu’il fixait, exclusivement pour la tranche comprise entre 1 et 100 000 euros, un forfait maximal de 10 000 euros et non un pourcentage du prix. Elle estime néanmoins que cette irrégularité est à « relativiser » à raison de sa courte durée, de l’absence d’affichage de leur propre barème par différents membres du réseau Orpi, du défaut de conséquence négative pour le consommateur qui était correctement informé et de la modification de l’arrêté du 10 janvier 2017 par celui du 26 janvier 2022 qui impose désormais l’affichage des prix maximums. Elle en déduit que cet acte n’a pu causer aucun préjudice au GIE Orpi ;

- précise que, si les barèmes qu’elle affiche sont individualisés et contextualisés pour tenir compte des spécificités des territoires, elle en définit seule la teneur, ses agents commerciaux, dont le nombre n’est pas limité par la loi, se contentant de les appliquer et les sommes perçues lui étant exclusivement versées. Elle précise qu’elle affichait autant de barèmes que d’agents jusqu’à l’entrée en vigueur de l’arrêté du 26 janvier 2022 qui, autorisant l’annonce de prix maximums, permet l’adoption d’un « barème national maximal » ;

- reconnaît la pratique d’un prix inférieur à celui affiché pour deux mandats de vente conclus en 2017 mais conteste en avoir tiré le moindre avantage et la qualification de pratique commerciale trompeuse puisque les prix affichés étaient alors des prix maximums, par hypothèse susceptibles de variation à la baisse, des remises ponctuelles pouvant toujours être négociées et accordées ;

- dénie aux pièces produites pour démontrer l’irrégularité des mentions des annonces locatives toute valeur probante, les fautes éventuelles de ses agents commerciaux ne pouvant quoi qu’il en soit lui être imputées puisqu’ils sont indépendants et responsables de leur activité au sens de l’article L 134-1 du code de commerce.

Subsidiairement, elle soutient que le préjudice allégué, en réalité hypothétique, n’est démontré ni en son principe ni en sa mesure, le GIE Orpi n’étant pas un acteur économique concurrent disposant d’une clientèle. Elle ajoute que l’injonction ordonnée par le tribunal a été privée d’objet par l’adoption d’un barème unique à compter du 31 mars 2022.

En réponse, le GIE Orpi explique que la SAS I@D France a violé la règlementation applicable à la profession d’agent immobilier en :

- jusqu’au mois de mai 2018, affichant sur son site internet, pour la tranche de vente de 1 à 100 000 euros, un « forfait maximum » et non des prix effectivement pratiqués au sens de l’article 2 de l’arrêté du 10 janvier 2017, le consommateur, peu important qu’il subisse ou non un préjudice, n’étant ainsi pas en mesure de déterminer à l’avance le montant des honoraires dus à l’agence ;

- à compter du mois de mai 2018, pratiquant des honoraires individualisés pour chacun de ses agents commerciaux en violation de l’article 4 de la loi Hoguet du 2 janvier 1970 qui leur interdit de définir eux-mêmes leurs tarifs, de recevoir personnellement des sommes d’argent au titre de l’activité d’agent immobilier et d’assurer la direction d’un bureau secondaire. Il indique que ces prérogatives sont propres aux agents immobiliers ainsi que l’a confirmé la Direction départementale de la protection des populations de l’Essonne qui, interrogée sur cette pratique, a précisé que les « agents commerciaux [ne pouvaient] proposer des barèmes d’honoraires distincts de ceux qui s’appliquent aux agents immobiliers qui les habilitent et pour le compte desquels ils agissent en exécution d’un mandat ». Il ajoute que regroupant 14 000 mandataires indépendants dont elle ne peut effectivement contrôler l’activité sur l’ensemble du territoire, elle s’affranchit de la législation sur les bureaux secondaires. Il précise que, si l’arrêté du 26 janvier 2022, entré en vigueur le 1 avril 2022, er postérieurement au jugement entrepris, permet désormais de n’afficher que les honoraires maximums pratiqués, il n’autorise pas l’utilisation de barèmes individualisés par les mandataires ;

- facturant des honoraires distincts de ceux affichés dans son barème (réduction avoisinant 50 %) en violation de l’article L 121-1 du code de la consommation prohibant les pratiques commerciales trompeuses, alors que les remises ne peuvent être consenties qu’à titre exceptionnel sans trop s’éloigner des conditions affichées. Il en déduit que le consommateur est trompé en ce qu’il croit bénéficier d’importants rabais alors que les prix du barème sont artificiellement augmentés ;

- publiant en ligne des annonces locatives ne mentionnant pas correctement les honoraires à la charge du locataire en violation de l’article 4 de l’arrêté du 10 janvier 2017, l’abréviation « HCL » n’étant autorisée que pour les supports physiques.

Le GIE Orpi précise qu’un préjudice s’infère nécessairement de la commission d’actes de concurrence déloyale et que les fautes de la SAS I@D France, qui troublent le jeu normal de la concurrence et incitent les différents acteurs du marché à violer la loi, lui causent un trouble commercial, son image étant ternie en ce que les consommateurs perçoivent ses membres comme des intermédiaires aux prestations plus coûteuses et moins flexibles, et un préjudice économique résidant dans un détournement de clientèle.

Réponse de la cour

En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 (anciennement 1382 et 1383) du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

L’action en concurrence déloyale est une modalité particulière de mise en œuvre de la responsabilité civile délictuelle pour fait personnel de droit commun. Elle suppose ainsi la caractérisation d’une faute, d’une déloyauté appréciée à l’aune de la liberté du commerce et de l’industrie et du principe la libre concurrence, ainsi que d’un préjudice et d’un lien de causalité les unissant. A ce titre, si une situation de concurrence effective n’est pas une condition préalable de sa mise en œuvre (en ce sens, Com. 10 novembre 2012, n° 1-25.873, déjà cité), l’absence d’incidence prouvée de la faute sur la situation du demandeur à l’action fera obstacle à la caractérisation du préjudice et du lien de causalité (en ce sens, Com. 16 mars 2022, n° 20-18.882). Et, si le préjudice s’infère d’un acte de concurrence déloyale, la victime doit prouver l’étendue de son entier préjudice (en ce sens, Com. 12 février 2020, n° 17-31.614). Dans ce cadre, le juge, tenu de réparer intégralement tout préjudice dont il constate le principe (en ce sens, Com., 10 janvier 2018, n° 16-21.500), apprécie souverainement son montant dont il justifie l’existence par la seule évaluation qu’il en fait sans être tenu d’en préciser les divers éléments (en ce sens, Ass. plén., 26 mars 1999, n° 95-20.640).

a) Sur la caractérisation des fautes de la SAS I@D France

- Sur le barème affiché jusqu’au mois de mai 2018

Aux termes de l’article 2 de l’arrêté du 10 janvier 2017 relatif à l'information des consommateurs par les professionnels intervenant dans une transaction immobilière, en vigueur du 1 avril 2017 au 1 avril 2022, ces derniers sont tenus d'afficher les prix er er effectivement pratiqués des prestations qu'ils assurent, notamment celles liées à la vente, à la location de biens et à la gestion immobilière, en indiquant pour chacune de ces prestations à qui incombe le paiement de cette rémunération. Lorsque ces prix sont fixés en fonction de la valeur du bien vendu ou du montant du loyer, l'affichage doit indiquer le ou les montants prélevés, en précisant, le cas échéant, les tranches de prix correspondantes, et faire apparaître tous les éléments permettant de calculer les prix. Le cas échéant, une mention intelligible et figurant en caractère très apparents précise le caractère cumulatif des tranches entre elles.

La SAS I@D France ne conteste pas que, jusqu’au mois de mai 2018, le barème d’honoraires diffusé sur son site internet prévoyait un « forfait maximum de 10 000 € » pour la tranche de prix de vente compris entre 1 et 100 000 euros (pièce 2 du GIE Orpi non critiquée). Par définition, un forfait, fixation anticipée d’un prix par principe invariable pour une prestation, est décorrélé de la valeur du bien vendu. Et, celui annoncé étant un maximum et ne comportant aucune explication sur les motifs de ses modifications éventuelles, le consommateur, dont il est indifférent qu’il ait effectivement subi un préjudice ou non, n’est pas en mesure de déterminer à la lecture du barème le prix qui sera effectivement pratiqué en paiement de la prestation servie, peu important la pratique réelle de chaque agent. Cette incertitude vaut, « en cas d’inter-cabinet », pour les autres honoraires fixés qui ne sont à nouveau que des maximums et sont ainsi susceptibles, pour des causes indéterminées et indéterminables, de varier à la baisse sans possibilité d’en connaître par avance le montant (même pièce et pièce 10 du GIE Orpi reproduisant les mentions légales du site exploité par la SAS I@D France qui précisent que les commissions de ses agents ne peuvent « excéder les barèmes d’honoraires » qu’elle fixe).

Aussi, du 1 avril 2017 au mois de mai 2018, le GIE Orpi ne contestant pas la date er de la modification de ses barèmes par la SAS I@D France, cette dernière a violé l’article 2 de l’arrêté du 10 janvier 2017.

- Sur l’individualisation des barèmes et la direction de bureaux secondaires

En application des articles 3 et 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, le titulaire personne physique ou morale de la carte professionnelle peut habiliter toute personne justifiant d'une compétence professionnelle, de sa qualité et de l'étendue de ses pouvoirs dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat à négocier, s'entremettre ou s'engager pour son compte. Celle-ci ne peut néanmoins recevoir ou détenir, directement ou indirectement, des sommes d'argent, des biens, des effets ou des valeurs ou en disposer à l'occasion de l’activité d’agent immobilier et assurer la direction d'un établissement, d'une succursale, d'une agence ou d'un bureau.

Les impressions d’écran produites par le GIE Orpi, non contestées en leur date et en leur teneur (ses pièces 10 à 21), établissent que les barèmes de la SAS I@D France sont individualisés, définis de manière spécifique pour chacun de ses conseillers en immobilier et des secteurs géographiques au sein desquels ils agissent. Ainsi que le confirment les interprétations purement indicatives données par la direction départementale de la protection des populations de l’Essonne sur interrogation du GIE Orpi (sa pièce 34) et par la DGCCRF dans le cadre d’un échange avec un syndicat professionnel (pièce 12 de la SAS I@D France), qui ne sont en réalité pas contradictoires, l’agent commercial, contractuellement lié au titulaire de la carte professionnelle Transaction et exécutant des opérations immobilières pour le compte de l’agence immobilière qu’il représente en qualité de mandataire, quoique l’exercice de ses fonctions soit indépendant, ne peut facturer aux clients des honoraires distincts du barème affiché par son mandant. Cependant, le titulaire de la carte professionnelle peut enregistrer des mandats à des prix différents sous réserve que le consommateur ait préalablement été informé du tarif effectivement pratiqué par l’agent commercial mandaté. Ainsi, l’article 4 de la loi du 2 janvier 1970 n’interdit pas une adaptation des prix aux particularités locales et aux conseillers habilités et l’élaboration corrélative d’une pluralité de barèmes dès lors que ceux-ci ont fait l’objet d’un affichage préalable par l’agent immobilier, qui, seul, les détermine et encaisse directement les sommes versées par le client, et que les prix annoncés correspondent à ceux effectivement pratiqués.

Or, tous les barèmes litigieux sont diffusés exclusivement par la SAS I@D France sur son site internet, indice suffisant pour considérer en l’absence de tout élément contraire qu’elle en est l’auteur, et précisent que les honoraires lui sont directement versés (pièces 2 du GIE Orpi et 9 et 10 de la SAS I@D France). Les conseillers immobiliers mandatés par la SAS I@D France ne fixant pas eux-mêmes les barèmes qu’ils appliquent et ne recevant aucun fonds des clients au titre des opérations immobilières qu’ils réalisent pour son compte, la violation alléguée n’est pas caractérisée.

Il en est de même pour la direction de bureaux secondaires : contrairement à ce que soutient le GIE Orpi qui postule sans l’étayer une impossibilité de maîtrise des tarifs pratiqués qui ne peut se déduire du seul nombre des agents mandatés qui n’est pas limité par la loi, ces derniers n’apprécient pas individuellement les caractéristiques du marché fondant l’adaptation des barèmes puisque ceux-ci sont élaborés et affichés par la SAS I@D France sur son site internet et que rien ne prouve, hors hypothèse marginale des ristournes qui sera évoquée infra, que les prix effectivement réclamés soient différents. Ainsi, ils ne dirigent pas de bureaux secondaires et n’exercent pas des prérogatives attachées à la qualité d’agent immobilier.

Aussi, aucun acte de concurrence déloyale n’est caractérisé de ce chef.

- Sur la pratique de ristournes

En application de l’article L 121-1 2°c du code de la consommation dans sa version applicable, une pratique commerciale est trompeuse lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service.

L’article 2 de l’arrêté du 10 janvier 2017 déjà cité, les agents immobiliers sont tenus d'afficher les prix effectivement pratiqués des prestations qu'ils assurent, notamment celles liées à la vente, à la location de biens et à la gestion immobilière, en indiquant pour chacune de ces prestations à qui incombe le paiement de cette rémunération.

Le courriel du 19 septembre 2018 de clients mettant en concurrence diverses agences pour obtenir une réduction du montant de la commission prélevée lors d’une vente à intervenir n’étant pas probant faute de signature d’un mandat effectif confortant leur assertion (pièce 24 du GIE Orpi), le GIE Orpi prouve que deux mandats de vente isolés ont été conclus en septembre et décembre 2017 à des prix inférieurs à ceux fixés dans le barème affiché par la SAS I@D France (pièces 2, 4 et 5 du GIE Orpi).

Mais, le GIE Orpi reconnaît (page 17 de ses écritures) que cette pratique n’est pas systématique et que la concession d’une remise est acceptable à titre exceptionnel, l’arrêté du 10 janvier 2017 n’ayant pas pour objet d’interdire toute ristourne mais d’empêcher un agent de faire varier les prix sans information préalable du consommateur. Ce dernier sait, au regard des usages dont la réalité est admise par le GIE Orpi et est attestée tant par le courriel du 19 septembre 2018 qu’elle produit que par les rabais que ses propres membres annoncent à titre promotionnel (pièce 4 de la SAS I@D France), qu’un prix affiché ne pourra pas varier à la hausse mais est susceptible d’une libre négociation à la baisse. Aussi, il n’est pas trompé par la démarche qu’il peut au contraire espérer et provoquer et aucun effet d’appel susceptible de fausser la libre concurrence n’est caractérisé puisque le prix affiché, qui détermine la prise de contact avec l’agence, est supérieur à celui finalement payé.

Au regard du caractère très ponctuel de la pratique, rien ne permet de conclure à un accroissement artificiel des prix affichés pour laisser entendre au consommateur qu’il bénéficie d’un geste commercial en réalité inexistant, ce d’autant qu’à l’époque des faits, la SAS I@D France définissait, certes illégalement mais de manière transparente sur le plan de l’information du client et de ce fait déterminant pour apprécier une tromperie, des prix maximums.

En conséquence, aucune faute n’est imputable à la SAS I@D France de ce chef.

- Sur les mentions des annonces locatives

Aux termes de l’article 4 6° de l’arrêté du 10 janvier 2017 relatif à l'information des consommateurs par les professionnels intervenant dans une transaction immobilière, en vigueur du 1 avril 2017 au 1 avril 2022, toute publicité effectuée par ces derniers et relative à la location ou à la sous-location non saisonnière d'un bien déterminé, doit, quel que soit le support utilisé, indiquer le montant total toutes taxes comprises des honoraires du professionnel mis à la charge du locataire, suivi ou précédé de la mention « honoraires charge locataire », pouvant être abréviée en « HCL » sur les supports physiques.

Pour établir la diffusion par la SAS I@D France d’annonces locatives irrégulières, le GIE Orpi produit en pièce 8 sept impressions d’écran (procédé en soi peu conforme au principe de la contradiction puisque le bordereau de pièces ne vise pas le nombre de documents communiqués sans numérotation propre sous cette pièce unique) dont la SAS I@D France conteste l’authenticité et la date.

Si, la publication, fait juridique, se prouve librement et si l’adage « nul ne peut se constituer de preuve à lui-même » ne lui est pas applicable en ce qu’il est dérivé de l’article 1315 du code civil (devenu 1353) régissant les seules obligations, soit les actes juridiques, la valeur de toute preuve du fait est laissée à l’appréciation souveraine du juge du fond qui doit être en mesure d’apprécier la véracité du contenu des pièces qui lui sont soumises en cas de contestation en considération d’éléments intrinsèques et extrinsèques.

Ainsi, et bien que la norme AFNOR NF Z 67-147 ne soit qu’un recueil de bonnes pratiques non obligatoire, une impression ou une capture d’écran d’un site internet n’a en soi pas plus de valeur en cas de contestation que l’affirmation d’une partie de même objet non étayée si la juridiction n’est pas en mesure de :

-définir le matériel utilisé, le système d'exploitation pouvant affecter le visionnage de la page web,

-connaître l’adresse IP de l'ordinateur utilisé qui identifie un matériel sur le réseau internet et permet de vérifier au moyen du journal de connexions du serveur interrogé les pages réellement consultées,

-s’assurer qu’une connexion directe entre l’ordinateur et le site visité a été établie et qu’ainsi tout serveur proxy est absent et que le protocole DNS n’implique aucune substitution de nom de domaine, que la mémoire cache du navigateur a été préalablement vidée et que l'ensemble des fichiers temporaires stockés sur l'ordinateur ainsi que les cookies et l'historique de navigation ont été supprimés, ces formalités permettant de vérifier la réalité de la connexion entre l’ordinateur et le site et que la page visitée est bien celle accessible en ligne lors de l’impression et non une page précédemment visitée gardée en mémoire cache et potentiellement inexistante à cet instant,

-déterminer avec certitude la date de la consultation et de l’impression et l’authenticité de son contenu pour avoir la garantie qu’aucune modification n’a été réalisée entre la consultation du site et l’impression de pages qui en sont issues.

Les impressions d’écran produites ne comportent pas de garantie sur la fiabilité et l’authenticité de leur contenu, aucune des formalités énumérées n’ayant été effectuées, ainsi que sur l’exactitude de leur date, le seul visible n’étant pas celle de l’annonce mais celle proposée par le système d’exploitation de l’ordinateur utilisé pour les consulter qui n’est pas nécessairement identique. Elles ne sont pas en elles-mêmes, à raison de la contestation de la SAS I@D France, des éléments probants.

En conséquence, aucune faute imputable à la SAS I@D France n’est démontrée à ce titre.

Ainsi, l’unique acte illicite commis par la SAS I@D France réside dans l’affichage de barèmes irréguliers entre le 1 avril 2017 et le mois de mai 2018, les griefs écartés par er le tribunal tenant au non-respect des obligations de compétence et de formation et à la publicité trompeuse caractérisée par l’intégration dans les biens à vendre de ceux sous compromis n’étant plus soutenus devant la Cour.

j) Sur la caractérisation et l’indemnisation des préjudices

Les faits illicites commis ayant cessé en mai 2018, aucune injonction de mise en conformité, quoi qu’il en soit inexécutable telle qu’elle a été ordonnée dans le jugement entrepris faute de norme de référence précisée dans le dispositif, ne se justifie. Ce dernier sera en conséquence infirmé de ce chef et la demande du GIE Orpi à ce titre rejeté.

La faute commise par la SAS I@D France, qui consiste à se soustraire à une règlementation commune pour attirer une clientèle susceptible d’être séduite par l’annonce d’une flexibilité dans la fixation des tarifs non partagée par les autres opérateurs économiques du secteur que sont les membres du GIE Orpi, cause à ce dernier, chargé statutairement de défendre et servir leur intérêt commun, un préjudice extrapatrimonial consistant dans un ternissement de son image, préjudice qu’il qualifie de trouble commercial. Ce dernier est réparable peu important les fautes éventuellement commises par ses membres, l’argument de la SAS I@D France opposé à ce titre étant ainsi inopérant.

En revanche, le GIE Orpi n’ayant aucune clientèle propre, le détournement allégué est par hypothèse inexistant. A supposer qu’il soit établi du chef de chacun de ses membres, il caractérise un préjudice individuel qui leur est personnel et dont il n’a pas qualité à poursuivre la réparation, sa demande étant de surcroît présentée en appel globalement et sans ventilation permettant une détermination de sa prétention au titre de ce dommage spécifique.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné la SAS I@D France à payer au GIE Orpi une somme de 25 000 euros en réparation de ses préjudices et la première sera condamnée à payer au second une somme de 8 000euros en réparation de son préjudice extrapatrimonial apprécié au jour le juge statue.

3°) Sur les demandes reconventionnelles subsidiaires

Moyens des parties

Au soutien de ses demandes reconventionnelles, la SAS I@D France expose que les agents que prétend représenter le GIE Orpi n’ont pas respecté les règles applicables à la publication et à la mise en œuvre des barèmes (agences d’Etrechy, d’Etampes et de Vigneux). Elle ajoute que l’action intentée, portée par un groupement dont les agences Orpi d’Essonne (Brétigny Immobilier, Montlhery Immobilier, Golf de Viry et Mastan Immobilier) se sont concertées pour pratiquer des prix identiques, a exclusivement pour objet la remise en cause de son modèle économique en lui interdisant, en violation de l’article L 420-1 du code de commerce, de pratiquer des tarifs adaptés aux spécificités des marchés locaux et des rabais ponctuels.

En réponse, le GIE Orpi conteste la réalité des fautes imputées à ses membres ainsi que celle d’une concertation caractéristique, à travers la seule action en justice, d’une pratique anticoncurrentielle. Elle ajoute que le préjudice allégué n’est pas prouvé.

Réponse de la cour

-Sur les fautes commises par les membres du GIE Orpi

En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 (anciennement 1382 et 1383) du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Le GIE Orpi ayant une personnalité juridique distincte de chacun de ses membres qui ne sont pas ses représentants et son action n’étant pas initiée en leur nom mais pour la défense des intérêts dont elle a statutairement la charge, les fautes éventuellement commises par ceux-ci ne peuvent être imputées à celui-là.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle de la SAS I@D France à ce titre.

-Sur les pratiques anticoncurrentielles

En application de l’article L 420-1 du code de commerce, sont prohibées même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à :

1° Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ;

2° Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;

3° Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;

4° Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.

Sans articuler clairement son argumentation, la SAS I@D France invoque, d’une part, le fait que l’action en elle-même caractériserait une pratique anticoncurrentielle en ce qu’elle serait destinée à évincer un acteur du marché en critiquant son modèle économique, et, d’autre part, la pratique de prix identiques par quatre agences Orpi (comparées deux à deux) exploitées par des sociétés distinctes.

L’action, qui est un succès partiel pour le GIE Orpi, n’ayant pas dégénéré en abus et n’étant pas destinée à restreindre l’accès au marché d’un nouvel entrant mais à faire respecter par tous les acteurs les règles communes qui s’imposent à eux, elle n’exprime aucune entente susceptible d’avoir un objet ou un effet anticoncurrentiel.

Par ailleurs, alors qu’une entente suppose la démonstration d’un concours de volontés, même tacite, la SAS I@D France déduit sa réalité de la pratique très isolée de prix identiques par deux agences de Brétigny-sur-Orge et Montlhery et par deux autres situées à Viry-Châtillon et Juvisy-sur-Orge dont elle souligne elle-même la proximité géographique qui peut induire des caractéristiques du marché communes. Ces éléments sont très insuffisants pour caractériser une entente, qui ne peut découler de la seule constitution d’un GIE dont rien n’indique qu’il intègre la fixation des prix dans « l’établissement de règles communes d’exercice de la profession » évoqué par l’article 2 de ses statuts, et un effet anticoncurrentiel quelconque.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la SAS I@D France à ce titre.

4°) Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.

Si la SAS I@D France succombe en son appel, constat qui justifie le rejet de sa demande au titre des frais irrépétibles et sa condamnation aux dépens d’appel, celui-ci aboutit néanmoins à une diminution importante des dommages et intérêts mis à sa charge.

Aussi, l’équité commande de rejeter la demande du GIE Orpi sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la Cour, sauf en ce qu’il a :

-implicitement déclaré recevable l’action du GIE Orpi ;

-rejeté l’intégralité des demandes reconventionnelles de la SAS I@D France ;

-condamné la SAS I@D France au titre des frais irrépétibles et des dépens ;

STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS, DIT que la SAS I@D France a violé du 1 avril 2017 au mois de mai 2018 l’article 2 de er l’arrêté du 10 janvier 2017 relatif à l'information des consommateurs par les professionnels intervenant dans une transaction immobilière en affichant des barèmes ne correspondant pas aux prix effectivement pratiqués ;

CONDAMNE en conséquence la SAS I@D France à payer au groupement d’intérêt économique Orpi Essonne 91 la somme de 8 000 euros en réparation de son préjudice extrapatrimonial, la demande de ce dernier étant rejetée pour le surplus ;

REJETTE la demande du groupement d’intérêt économique Orpi Essonne 91 au titre de la cessation des pratiques illicites ;

Y AJOUTANT,

REJETTE les demandes des parties au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la SAS I@D France à supporter les dépens d’appel.