Cass. civ., 16 novembre 2023, n° 22-14.089
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
Mme Aldigé
Avocats :
SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 25 janvier 2022), le 13 mai 2003, M. et Mme [R] (les bailleurs) ont donné à bail à une
société, aux droits de laquelle est venue la société Saint-Jean de Monts (la locataire), une villa située dans une résidence
de tourisme exploitée par la locataire.
2. Le bail commercial comprenait une clause de renonciation de la locataire à son droit au paiement d'une indemnité
d'éviction.
3. Le 28 juin 2013, les bailleurs ont délivré à la locataire un congé avec refus de renouvellement, à effet au 31 décembre
suivant, sans offre d'indemnité d'éviction.
4. Le 1er juillet 2015, la locataire a assigné les bailleurs en annulation du congé, indemnisation du préjudice résultant de
sa dépossession et restitution des locaux loués ou, subsidiairement, en paiement d'une indemnité d'éviction.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La locataire fait grief à l'arrêt de déclarer valable le congé, sans droit au renouvellement ni indemnité d'éviction, délivré
le 28 juin 2013 de déclarer prescrite son action en nullité de la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction et de
rejeter ses demandes, alors « qu'il résulte de l'article 2 du code civil que la loi nouvelle régit les effets légaux des
situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées ; que l'article L.
145-15 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, qui a substitué à la nullité
des clauses, stipulations et arrangements ayant pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le
chapitre IV du code de code de commerce, leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours et aux baux
dont les effets ne sont pas définitivement réalisés lors de l'entrée en vigueur de cette loi ; que pour écarter la sanction du
caractère réputé non écrit de la clause par laquelle le preneur renonce par avance à l'indemnité d'éviction, l'arrêt attaqué
retient que l'article L. 145-15 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, ne
peut pas concerner le bail en cause en ce que la situation juridique qui lui était applicable s'est éteinte le 31 décembre
2013 par l'effet du congé comportant refus de renouvellement sans indemnité d'éviction ; qu'en statuant ainsi quand la
clause de renonciation à l'indemnité d'éviction avait pour effet de faire échec, à l'échéance du bail, au droit au
renouvellement et que la locataire a assigné les bailleurs, postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014,
en nullité du congé et en paiement d'une indemnité d'éviction dont les modalités restaient à définir, la cour d'appel a
violé l'article 2 du code civil et l'article L. 145-15 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18
juin 2014. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte de l'article 2 du code civil qu'une loi nouvelle ne saurait, sans rétroactivité, régir les effets des situations
juridiques définitivement réalisés avant son entrée en vigueur.
Page 2 / 4
Pourvoi N°22-14.089-Troisième chambre civile 16 novembre 2023
7. L'article L. 145-15 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, qui a substitué
à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-41 du code de
commerce leur caractère réputé non écrit, n'est pas applicable aux baux ayant pris fin avant l'entrée en vigueur de cette
loi sans ouvrir de droit au renouvellement du locataire.
8. Ayant constaté que le bail commercial stipulait une clause de renonciation du locataire à son droit au renouvellement
du bail et que le congé délivré par les bailleurs sans offre de renouvellement ni indemnité d'éviction avait mis fin au bail
le 31 décembre 2013, la cour d'appel a exactement retenu que la situation juridique s'était éteinte à cette date, soit avant
l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014 et que cette loi n'était pas applicable.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
10. La locataire fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'exception de nullité est perpétuelle ; que la société Saint-Jean de
Monts agissait non par voie d'action mais par voie d'exception en contestant l'application de la clause portant
renonciation du locataire à l'indemnité d'éviction invoquée par les bailleurs, qui lui avaient donné congé avec refus de
renouvellement du bail, pour s'opposer à la demande de paiement d'une indemnité d'éviction ; qu'en retenant que la
société Saint-Jean de Monts avait agi en l'espèce, non par voie d'exception, mais par voie d'action en ce qu'elle a saisi la
première juridiction d'une demande de paiement d'une indemnité d'éviction en se prévalant du statut d'ordre public des
baux commerciaux et en contestant ainsi l'application de la clause l'excluant, la cour d'appel a violé l'article L 145-60 du
code de commerce, ensemble le principe selon lequel l'exception est perpétuelle. »
Réponse de la Cour
11. La règle selon laquelle l'exception de nullité est perpétuelle ne peut être invoquée qu'en tant que moyen de défense
opposé à une demande d'exécution d'un acte irrégulièrement passé et non par le demandeur qui agit par voie d'action.
12. Ayant retenu que la locataire avait assigné les bailleurs en nullité du congé et de la clause de renonciation au
versement d'une indemnité d'éviction, la cour d'appel en a exactement déduit que la locataire avait agi par voie d'action,
de sorte qu'elle ne pouvait se prévaloir de l'exception de nullité.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.