Cass. 3e civ., 7 septembre 2023, n° 21-14.283
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
Mme Aldigé
Avocat général :
Mme Guilguet-Pauthe
Avocats :
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 janvier 2021, n° RG 19/14784), par acte sous seing privé du 15 novembre 2011, M. [K] a donné à bail renouvelé à la société PV-CP Résidence Exploitation, par la suite dénommée la société PV résidences & resorts France puis PV Holding (la locataire) un logement dans une résidence de tourisme pour une durée de dix ans.
2. Le 23 mars 2015, la locataire a donné congé pour la deuxième échéance triennale.
3. M. et Mme [K] ont assigné la locataire en nullité du congé et en paiement des loyers jusqu'au terme du bail.
Recevabilité du pourvoi contestée par la défense
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur la recevabilité du pourvoi, sur l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats à l'audience publique du 7 février 2023, où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Thomas, greffier de chambre.
4. La société PV Holding, anciennement dénommée PV résidences & resorts France, conteste la recevabilité du pourvoi. Elle soutient qu'elle n'a pas qualité à se défendre compte tenu d'un apport partiel d'actif intervenu le 1er février 2021 au profit de la société PV exploitation France.
5. Une opération de cession partielle d'actif ne fait pas, en principe, disparaître la personne morale.
6. Toutefois, lorsque l'apport partiel d'actif a été placé sous le régime des scissions, il entraîne de plein droit la transmission universelle des biens, droits et obligations dépendant de la branche d'activité transférée. Ainsi, la société bénéficiaire de cet apport sous le régime de la scission acquiert la qualité de partie aux instances précédemment engagées par la société apporteuse, à laquelle elle se trouve substituée.
7. Il incombe aux parties d'alléguer qu'elles ont entendu placer l'opération d'apport partiel d'actif sous le régime des scissions.
8. La société PV Holding n'a pas invoqué la volonté des parties de procéder à un apport partiel d'actif selon le régime des scissions. ll ne ressort pas non plus des productions, et notamment de l'extrait K BIS de la société PV exploitation France, la mention que les actifs liés à la branche complète d'activité et autonome d'exploitations touristiques de résidence Pierre et Vacances ont été transférés sous le régime de la scission par la société PV résidences & resorts France, devenue la société PV Holding, à la société exploitation France.
9. En conséquence, le pourvoi formé contre la société PV Holding, partie devant les juges du fond dont la décision est attaquée, est recevable.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
10. M. et Mme [K] font grief à l'arrêt de juger que le congé délivré par la locataire prendra effet le 30 septembre 2017, de limiter la condamnation en paiement de la locataire à une certaine somme au titre des loyers échus entre le 30 septembre 2015 et le 30 septembre 2017, et de rejeter leurs autres demandes, alors « que l'article L. 145-7-1 du code de commerce énonce, sans préciser que la disposition ne s'appliquerait qu'aux baux initiaux et non aux baux renouvelés, que les baux commerciaux signés entre les propriétaires et les exploitants de résidences de tourisme mentionnées à l'article L. 321-1 du code du tourisme sont d'une durée de neuf ans minimum, sans possibilité de résiliation à l'expiration d'une période triennale ; qu'en jugeant que le preneur exploitant de résidence de tourisme pouvait résilier le bail commercial à l'expiration d'une période triennale pour les baux renouvelés au motif erroné que l'article L. 145-7-1 du code de commerce ne s'appliquerait qu'aux baux initiaux quand le texte ne prévoit pourtant pas cette distinction, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, la disposition susvisée. » Réponse de la Cour
11. Aux termes de l'article L. 145-7-1 du code de commerce, créé par la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, les baux commerciaux signés entre les propriétaires et les exploitants de résidences de tourisme mentionnées à l'article L. 321-1 du code du tourisme sont d'une durée de neuf ans minimum, sans possibilité de résiliation à l'expiration d'une période triennale.
12. Ce texte, qui déroge à la faculté de résilier le bail à échéance triennale, reconnue au locataire par l'article L. 145-4 du code de commerce, est d'ordre public et applicable aux baux en cours au jour de son entrée en vigueur (3e Civ., 9 février 2017, pourvoi n° 16-10.350, Bull. 2017, III, n° 19).
13. En l'absence de précision textuelle, il y a lieu de déterminer si cette impossibilité de résiliation à l'expiration d'une période triennale s'applique aux baux renouvelés.
14. Il résulte des travaux parlementaires que l'objectif poursuivi par le législateur est de rendre fermes les baux commerciaux entre l'exploitant et les propriétaires d'une résidence de tourisme classée afin d'assurer la pérennité de l'exploitation pendant une période initiale minimale de neuf ans.
15. Par ailleurs, selon l'article L. 145-12 du code de commerce, également d'ordre public (3e Civ., 2 octobre 2002, pourvoi n° 01-02.781, Bull. 2002, III, n° 194), sauf accord des parties pour une durée plus longue, la durée du bail renouvelé est de neuf ans, et les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 145-4 du même code, relatives au droit de résiliation du locataire et du bailleur, sont applicables au cours du bail renouvelé.
16. Il en résulte que l'article L. 145-7-1 du code de commerce n'est pas applicable aux baux renouvelés soumis au seul article L. 145-12 du même code.
17. Ayant constaté que le bail existant entre les parties était un bail renouvelé, la cour d'appel en a exactement déduit que l'article L. 145-7-1 du code de commerce ne s'appliquait pas.
18. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.