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Décisions

CA Dijon, 1re ch. sect. 2, 28 novembre 1990, n° 381/90

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

M. Rosard

Défendeur :

Mme Mathieu

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avoué :

M. Gerbay

Avocat :

Me Hausmann

CA Dijon n° 381/90

27 novembre 1990

Exposé de l'affaire

Suivant acte dressé par devant notaire le 9 février 1973, Monsieur Vital Mathieu et Madame Elisabeth Robert, son épouse, ont donné à bail à loyer à Monsieur Michel Rosard un local à usage professionnel ou commercial situé au rez-de-chaussée de la résidence Fort Carré sise à Saint-Dizier (Haute-Marne), 37 rue Maréchal de Lattre de Tassigny.

Consenti pour une durée de neuf années ayant commencé à courir le 1er juin 1970, ce contrat de location s'est prolongé par tacite reconduction en l'absence de congé signifié avant le 1er janvier 1979.

Faisant grief d'une sous-location et de cessions irrégulières, Monsieur et Madame Vital Mathieu ont, suivant acte extrajudiciaire signifié le 27 novembre 1987, donné congé à Monsieur Michel Rosard pour le 31 mai 1988.

La validité de ce congé délivré en application des dispositions de l'article 9-1 du décret du 30 septembre 1953 a été reconnue par le tribunal de grande instance de Chaumont, qui, par jugement contradictoire du 16 novembre 1989, a:

-  rejeté la demande d'annulation du congé dont Monsieur Michel Rosard l'avait saisi le 26 juillet 1988,

-  dit que le congé en cause sortirait son plein effet,

-  ordonné l'exécution provisoire de ces dispositions,

-  dit que Monsieur Michel Rosard doit payer à Monsieur et Madame Vital Mathieu la somme de 4 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

-  et rejeté le surplus de la demande.

Appel de cette décision a été relevé par Monsieur Michel Rosard qui conteste à nouveau les Irrégularités invoquées comme motifs de refus de renouvellement du bail.

Monsieur Michel Rosard soutient en effet que l'accord donné par Monsieur vital Mathieu à la cession opérée entre Monsieur et Madame Alain Huppert et Monsieur et Madame Georges Galea les 2 avril et 13 juin 1984 vaut ratification des sous-locations et cessions qui avaient été réalisées antérieurement et qui ne peuvent dont plus constituer de légitimes motifs de refus de renouvellement du contrat de location.

Monsieur Michel Rosard prétend en outre que Monsieur Vital Mathieu est bien intervenu à l'acte notarié authentifiant la cession que Monsieur et Madame Georges Galea ont consentie à Monsieur Frédéric Parmentier le 27 décembre 1985 et qu'il ne peut remettre en cause la régularité de cette transaction.

Cet appelant conclut donc à la réformation du jugement entrepris, à la nullité du congé délivré le 27 novembre 1987, ainsi qu'au paiement d'une somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Reconnaissant que le premier d'entre eux a donné son accord à la sous-location du 21 mai 1976 ainsi qu'aux cessions des mois de mai 1979 et avril 1984, Monsieur et Madame Vital Mathieu maintiennent par contre qu'ils n'ont jamais été appelés à concourir à l'acte de cession constaté par l'acte notarié établi le 27 décembre 1975 et que ce manquement aux obligations légales et contractuelles du preneur constitue un motif légitime de refus de renouvellement du contrat de bail.

Ces bailleurs concluent ainsi à la confirmation du jugement entrepris, ainsi qu'à l'allocation d'une somme complémentaire de 4 000 F en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Relevant des contradictions entre d'une part l'attestation délivrée par Maître Hausmann le 26 septembre 1988 certifiant l'absence d'intervention de Monsieur et Madame Vital Mathieu à l'acte de cession du 27 décembre 1985, et, d'autre part, l'expédition conforme de l'acte de cession reçu par ce même notaire le 27 décembre 1985 faisant mention de l'intervention de Monsieur Vital Mathieu, Monsieur Michel Rosard propose à titre subsidiaire l'audition de cet officier ministériel ainsi que la communication, sous astreinte, des actes de cession des mois de mai 1979 et avril 1984.

Discussion

Sur la validité du congé signifié le 27 novembre 1987:

Attendu, en droit, que les dispositions de l'article 9-1 du décret du 30 septembre 1953 permettent au bailleur de refuser le renouvellement du bail sans indemnité lorsqu'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant;

Attendu, en l'espèce, qu'il ressort des écritures déposées en cause d'appel par Monsieur et Madame Vital Mathieu que ces bailleurs n'invoquent désormais comme motif de refus de renouvellement que l'irrégularité de la cession que Monsieur et Madame Georges Galea ont consentie à Monsieur Parmentier le 27 décembre 1985;

qu'il est, dès lors, sans intérêt d'examiner la validité des sous-location et cessions antérieures à cette ultime transaction;

Attendu, en ce qui concerne les conditions de validité de la cession du droit au bail objet du contrat du 9 février 1973, qu'il est justifié qu'aux termes du bail qu'ils ont conclu le 9 février 1973, Monsieur et Madame Vital Mathieu d'une part et Monsieur Michel Rosard, d'autre part, ont expressément convenu, à l'article dix intitulé “cession et sous-location“;

- que le preneur ne pourrait céder son droit au bail ni sous-louer les locaux en dépendant sans le consentement exprès et écrit des bailleurs, sous peine de nullité de toutes cessions ou sous-locations...,

- et que, pour être valable, toute cession ou sous-location devra être constatée par acte notarié, en présence ou eux dûment appelés, des bailleurs...;

Or attendu, en ce qui concerne les conditions de conclusions de la cession du 27 décembre 1985, que Monsieur Michel Rosard ne justifie d'aucun écrit constatant l'accord donné par Monsieur et Madame Vital Mathieu à la cession projetée par Monsieur et Madame Georges Galea au profit de Monsieur Parmentier;

qu'il n'établit pas davantage avoir appelé Monsieur et Madame Vital Mathieu à intervenir à l'acte de cession;

Attendu, enfin, que Monsieur Michel Rosard ne rapporte pas la preuve de l'intervention de ces bailleurs à l'acte de cession en cause;

Attendu, en effet, qu'il résulte des énonciations des troisième et quatrième pages de l'acte de cession que Maître Hausmann a reçu le 27 décembre 1985 et qui, selon la copie produite par Monsieur et Madame Vital Mathieu, comprend quatre pages numérotées 086984 à 086987 revêtues du cachet “13 JAN 1988 SAINT-DIZIER“, des paraphes et signatures de Monsieur Georges Galea, de Madame Martine Ganner, de Monsieur Parmentier et de Maître Hausmann, que Monsieur Vital Mathieu n'est pas intervenu à cet acte de cession;

que ce défaut d'intervention des bailleurs est par ailleurs confirmé par Maître Hausmann qui a établi une attestation en ce sens le 26 septembre 1988 et qui a manifestement commis une erreur en délivrant l'expédition qui est invoquée par Monsieur Michel Rosard et qui, datée du 3 décembre 1988, ne comporte pas le nombre de lignes annulées tel que mentionné dans l'acte de cession signé par les parties susnommées;

que, sans qu'il soit utile de procéder à l'audition du notaire rédacteur de l'acte du 27 décembre 1985, il convient donc de retenir que la cession constatée par cet écrit est nulle en raison de la violation des dispositions de l'article 10 du contrat de location du 9 février 1973;

Attendu, en ce qui concerne les effets de cette irrégularité, que les premiers juges ont justement précisé que le vice affectant l'acte de cession du 27 décembre 1985 n'était pas réparable et que la mise en demeure exigée par les dispositions de l'article 9-1 du décret du 30 septembre 1953 n'était pas nécessaire;

qu'il y a donc lieu de reconnaître la légitimité du motif de refus de renouvellement (cession de droit au bail irrégulière) invoqué à l'appui du congé notifié le 27 novembre 1987 et de confirmer la décision validant ledit congé;

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile:

Attendu que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il serait inéquitable de laisser à Monsieur et Madame Vital Mathieu la charge intégrale des frais, non compris dans les dépens, que ceux-ci avaient exposés pour résister à l'action en contestation de congé introduite par Monsieur Michel Rosard et fixé à 4 000 F la somme à leur allouer en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

qu'il importe de confirmer également leur décision sur ce point et, compte tenu des frais irrépétibles engagés en cause d'appel, d'accorder aux intimés une somme complémentaire de 4 000 F;

Par ces motifs

La Cour:

-  confirme le jugement du tribunal de grande instance de Chaumont du 16 novembre 1989,

-  condamne en outre Monsieur Michel Rosard à payer à Monsieur et Madame Vital Mathieu une somme complémentaire de 4 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

-  déboute Monsieur Michel Rosard de ses demandes,

-  le condamne aux dépens d'appel que Maître Gerbay, avoué, pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.