Cass. 1re civ., 17 novembre 2010, n° 09-11.979
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charruault
Avocats :
Me Foussard, SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts X... et la société Fipig font grief à l'arrêt attaqué (Bordeaux, 2 décembre 2008) d'avoir condamné solidairement les époux X... au paiement des sommes dues à la CARMF, d'avoir déclaré inopposable à celle-ci l'apport en société d'un immeuble le 16 janvier 1999 et tous les actes qui en ont été la suite, alors, selon le moyen, que les juges du fond ne peuvent écarter des débats des conclusions déposées avant l'ordonnance de clôture sans constater que la partie adverse n'était pas en mesure d'y répondre ; qu'en écartant des débats les conclusions des consorts X... et de la SCI Fipig déposées trois jours avant l'ordonnance de clôture sans caractériser en quoi la CARMF avait été dans l'impossibilité d'y répondre ni constater que ce dépôt était de nature à mettre en échec le principe de la contradiction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 16 et 783 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a souverainement estimé que les conclusions déposées par les consorts X... et la SCI Fipig le 3 octobre 2008, soit trois jours avant la date de l'ordonnance de clôture dont les parties avaient été avisées dès le 7 avril 2008, n'avaient pas été signifiées en temps utile au sens de l'article 15 du code de procédure civile ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée solidairement au paiement des sommes dues par son conjoint à la CARMF au titre des cotisations d'assurance vieillesse et majorations de retard, alors, selon le moyen :
1°/ que la solidarité ne se présume pas ; qu'elle doit être expressément stipulée sauf dans le cas où elle existe de plein droit, en vertu d'une disposition de la loi ; que la cour d'appel, qui a condamné Mme X... au paiement des cotisations sociales liées à l'activité professionnelle de son mari, sans vérifier ni constater que le régime de retraite auquel celui-ci avait adhéré avait expressément prévu la solidarité du conjoint du médecin, a violé l'article 1202 du code civil ;
2°/ que chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l'un oblige l'autre solidairement à la condition que l'opération soit utile ; qu'en retenant que le versement des cotisations d'assurance vieillesse avait pour but d'assurer, après la cessation de l'activité professionnelle de M. X..., l'entretien du ménage, pour en déduire qu'elle constituait une dette ménagère au paiement de laquelle l'épouse était solidairement tenue, la cour d'appel qui s'est abstenue de rechercher si, à raison de l'activité de Madame X..., qui exerce la profession de médecin, la pension versée à son époux serait nécessaire à l'entretien du ménage, et si, en conséquence, le versement de ces cotisations présentait pour elle ou pour la famille une quelconque utilité, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 220 du code civil ;
Mais attendu que l'article 220 du code civil, qui fait peser sur les époux une obligation solidaire, a vocation à s'appliquer à toute dette, même non contractuelle, ayant pour objet l'entretien du ménage et l'éducation des enfants sans distinguer entre l'entretien actuel et l'entretien futur du ménage ; que dès lors que le versement de cotisations dues par un époux au titre d'un régime légal obligatoire d'assurance vieillesse a pour objet de permettre au titulaire de la pension d'assurer la cessation de son activité professionnelle, l'entretien du ménage et que ce régime institue, à la date où les cotisations sont dues, le principe d'un droit à réversion au profit du conjoint survivant, ces cotisations constituent une dette ménagère obligeant solidairement l'autre époux ; que par ce motif de pur droit, substitué dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que les époux X... et la société Fipig font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré frauduleux l'apport à la SCI Fipig du 16 janvier 1999, d'avoir déclaré cet apport et tous les actes qui en ont été la suite inopposables à la CARMF, alors, selon le moyen :
1°/ que le créancier ne peut faire révoquer les actes accomplis par son débiteur que si est établie, au jour de l'acte litigieux, son insolvabilité au moins apparente, outre sa conscience de causer un préjudice en aggravant son insolvabilité ; qu'en se bornant à relever qu'au jour où l'apport de l'immeuble a été fait à la SCI Fipig, M. X... n'ignorait pas la dette qu'il avait envers la CARMF sans constater qu'à la date de cet acte, M. X... était insolvable et qu'il s'était volontairement appauvri dans le but de causer un préjudice à la CARMF, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé la fraude paulienne, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du code civil ;
2°/ que la révocation d'un acte prétendument passé en fraude des droits des créanciers ne peut être prononcée que si, lors de l'introduction de la demande, les biens appartenant encore au débiteur sont insuffisants pour désintéresser le créancier ; qu'en se fondant sur la circonstance que le recouvrement des créances qui étaient dues à la CARMF n'avait pu se faire par l'intermédiaire des saisies bancaires et que l'impossibilité de mettre en oeuvre des procédures d'exécution sur les immeubles apportés à la SCI la privait de fait de toute possibilité de recouvrement, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants impropres à caractériser l'insolvabilité des époux X... lors de l'exercice de l'action en révocation, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du code civil ;
3°/ que le créancier qui n'est pas investi de droits particuliers sur certains biens de son débiteur ne peut faire révoquer les actes faits par ce dernier en fraude de ses droits que s'il démontre son insolvabilité ; qu'en l'espèce il est constant qu'au moment où les époux X... ont apporté en société l'immeuble situé à Sainte Terre (Gironde) à la SCI Fipig, créée le 16 janvier 1999, la CARMF n'était titulaire d'aucune sûreté réelle spéciale sur les biens objets de cet apport ; qu'il appartenait donc à cette Caisse, exerçant l'action paulienne à l'encontre des époux X..., de rapporter la preuve de l'insolvabilité de leur débiteur ; qu'en retenant qu'il ne pouvait être exigé de la CARMF qu'elle apporte des preuves sur la situation de solvabilité ou d'insolvabilité de son débiteur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 et 1167 du code civil ;
4°/ que les époux X... faisaient valoir que la prétention de la CARMF selon laquelle ils auraient changé de régime matrimonial le 26 septembre 1996, adoptant la séparation de biens, en fraude de ses droits, ne pouvait être accueillie dès lors que ce changement de régime matrimonial avait été publié au répertoire civil et que la CARMF qui disposait, selon les dispositions de l'article 1397, alinéa 6, du code civil, de la faculté de faire opposition ne l'avait pas fait et n'avait pas contesté le jugement homologuant le régime de telle sorte qu'il lui était opposable ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions dirimantes de nature à écarter toute fraude des époux X... envers la CARMF, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
Mais attendu que si c'est au créancier exerçant l'action paulienne d'établir l'insolvabilité, au moins apparente, du débiteur à la date de l'acte critiqué, c'est à ce dernier qu'il appartient de prouver qu'il dispose de biens de valeur suffisante pour répondre de l'engagement ; qu'en relevant par motifs propres et adoptés, que le 16 janvier 1999, jour de constitution de la SCI Fipig, la créance de la caisse était certaine et exigible au moins pour partie puisque consacrée par plusieurs décisions de justice devenues définitives, que toutes les tentatives de saisie des revenus de M. X... avaient échoué, que les époux X..., qui avaient volontairement appauvri leur patrimoine en apportant à la société Fipig l'immeuble qui représentait le seul gage de la CARMF, ne démontraient pas qu'ils disposaient d'autres biens pour répondre de leur engagement, la cour d'appel a caractérisé l'insolvabilité apparente des débiteurs ; que le moyen inopérant en sa dernière branche, n'est pas fondé en ses autres branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.