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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 22 novembre 2023, n° 19/21794

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fédération Régionale des Syndicats d'exploitants Agricoles de la Région Bretagne (Syndicat)

Défendeur :

Compagnie Financière et de Participations Roullier (SA), Timab Industries (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Depelley, M. Richaud

Avocats :

Me Meynard, Me Galvez, Me David

CA Paris n° 19/21794

21 novembre 2023

FAITS ET PROCEDURE

Les parties et les phosphates pour l'alimentation animale,

La SA Compagnie Financière et de Participations Roullier CFPR (ci-après, "la SA Roullier") est la société holding du groupe Roullier, actif dans les domaines de l'agrofourniture (68 % de son chiffre d'affaires), de l'alimentation animale (14 %) et de l'alimentation humaine (7 %). Sa filiale, la SAS Timab Industries, est spécialisée depuis 1997 dans la production, la commercialisation et la distribution des phosphates pour l'alimentation animale (ci-après, "les PAA") exclusivement inorganiques.

Ces derniers, qui contiennent du phosphore de roche et de l'acide phosphorique purifié, sont issus de la dilution de la roche phosphatée dans de l'acide chlorhydrique ou obtenus en neutralisant l'acide phosphorique et sont de ce fait dépendants du prix de l'acide, lui-même indexé sur le cours du gaz, qui représente près des trois quarts de leur prix de revient, cette charge n'étant pas supportée par les producteurs de phosphates organiques pour l'alimentation animale qui tirent l'acide nécessaire des résidus de leurs propres produits que sont le sulfate et la gélatine. Les phosphates, qui permettent de satisfaire les besoins en phosphore des animaux d'élevage (solidification des os, croissance, métabolisme énergétique, digestion, solidité des coquilles) sont essentiels à leur alimentation. Incorporés dans les aliments fabriqués par de grands groupes et distribués par d'autres, ils ne sont l'objet d'aucune vente directe aux éleveurs.

La Fédération Régionale des Syndicats d'Exploitation Agricole de la région Bretagne (ci-après, "la FRSEA"), instance régionale de la FNSEA habilitée à représenter les fédérations ou unions départementales auprès des autorités publiques régionales, des instances officielles constitutives régionales et des organisations professionnelles ou interprofessionnelles régionales, est une union de syndicats agricoles soumise à ce titre aux dispositions des articles L. 2131-1 et suivants du code du travail. Elle regroupe les fédérations départementales de syndicats d'exploitants agricoles et les unions départementales de syndicats d'exploitants agricoles siégeant dans la région administrative de Bretagne. Aux termes de l'article 3 de ses statuts, elle a pour objet "d'assurer, dans le cadre de la région administrative, la représentation et la défense des intérêts de la profession agricole dans les domaines juridique, fiscal, social, économique, environnemental et administratif y compris en matière de formation et d'emploi ; elle examine tous les dossiers d'intérêt agricole régional, touchant l'ensemble des problèmes qui se posent à l'agriculture".

La Bretagne est la première région française pour les productions animales, qu'elles soient laitière, bovine, porcine ou avicole. Celles-ci génèrent d'importants besoins en matières premières pour l'alimentation des animaux qui constitue le premier poste de dépense sur une exploitation d'élevage, les phosphates, quoique ne représentant en moyenne que 0,1 % du volume d'une ration, comptant pour 1 % en valeur de son prix.

L'entente et la procédure de sanction,

Le groupe Kemira a informé la Commission européenne (ci-après, "la Commission") d'une entente secrète dans les PAA au moyen d'une demande d'immunité d'amende au titre de la communication sur la clémence du 28 novembre 2003 sur la période comprise entre les années 1989 et 2003. La Commission a procédé les 10 et 11 février 2004, en France et en Belgique, à des inspections dans les locaux d'entreprises actives dans le secteur des PAA, dont ceux de la SAS Timab Industries.

Trois autres entreprises ont ensuite présenté des demandes visant à bénéficier d'une immunité d'amendes au titre de la communication sur la clémence : la société Tessenderlo Chemie NV le 18 février 2004, pour la période comprise entre 1969 et 2004, les sociétés Quimitécnica.com-Comércia e Indústria Química et José de Mello SGPS le 27 mars 2007 et les sociétés Roullier et Timab Industries le 14 octobre 2008. Toutes les parties à l'entente ont présenté des propositions de transaction dans le délai qui leur avait été imparti, à l'exception de ces dernières qui ont décidé de se retirer de la procédure de transaction.

Par décision du 20 juillet 2010 (affaire COMP/38.866 - Phosphates pour l'alimentation animale), la Commission a :

- constaté l'existence d'une infraction unique et continue aux articles 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après, "le TFUE") et 53 de l'accord sur l'Espace économique européen (ci-après, "l'accord EEE") dans le secteur des PAA consistant, entre le 19 mars 1969 et le 10 février 2004, en un partage d'une grande partie du marché européen des PAA par l'attribution de quotas de vente et de clients aux parties à l'entente et en une coordination des prix ainsi que, dès lors que cela était nécessaire, des conditions de vente. Selon la Commission, l'accord original, passé par écrit au cours de l'année 1969 entre les cinq principaux producteurs de PAA de l'époque, aurait visé à résoudre une situation de surcapacité sur le marché européen. Les arrangements constitutifs de l'entente, baptisés Cepa (Centre d'étude des phosphates alimentaires) puis Super Cepa, ont été modifiés par des accords spécifiques complémentaires et des sous-arrangements régionaux auxquels les producteurs français ont participé dès 1970 et concernaient l'Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la France, l'Allemagne, la Hongrie, l'Irlande, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni. La SAS Timab Industries a rejoint l'entente le 16 septembre 1993 ;

- infligé aux sociétés Roullier et Timab Industries une amende de 59 850 000 euros calculée en considération des lignes directrices du 1er septembre 2006.

Par arrêt du 20 mai 2015, le tribunal de l'Union européenne a rejeté le recours formé par ces dernières tendant à l'annulation de cette décision. Par arrêt du 12 janvier 2017, la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après, "la CJUE") a rejeté leur pourvoi.

Entretemps, la FRSEA a, par acte d'huissier signifié le 20 mars 2012, assigné la SA Roullier et la SAS Timab Industries devant le tribunal de grande instance de Saint-Malo en réparation des préjudices causés par leur participation à cette entente en application de l'article 1382 du code civil.

Saisi sur renvoi après incompétence ordonné le 15 novembre 2012 et à l'expiration d'un sursis à statuer prononcer le 17 octobre 2013 dans l'attente d'une décision définitive statuant sur le recours formé contre la décision de la Commission, le tribunal de grande instance de Rennes a, par jugement du 7 octobre 2019 :

- déclaré l'action de la FRSEA recevable ;

- déclaré irrecevable comme prescrit l'appel en garantie formé par la SA Roullier et la SAS Timab Industries contre un autre producteur de PAA partie à l'entente, la société Tessenderlo, assignée en intervention forcée le 22 mai 2017 ;

- condamné in solidum la SA Roullier et la SAS Timab Industries à payer à la FRSEA la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral outre celle de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 27 novembre 2019, la FRSEA a interjeté appel de ce jugement.

Une médiation a été vainement tentée entre le 3 mars 2020 et le 18 novembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 août 2022, la FRSEA demande à la cour, au visa de l'article 1382 du code civil :

- de rejeter l'appel incident formé par la SA Roullier et la SAS Timab Industries ;

- de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la FRSEA était recevable en son action à l'encontre des sociétés Roullier et Timab Industries ;

- d'infirmer le jugement prononcé le 7 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Rennes en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Roullier et Timab Industries à payer à la FRSEA la somme de 10 000 euros ;

- juger que les sociétés Roullier et Timab Industries ont commis une faute en participant à une entente prohibée sur les phosphates destinées à l'alimentation animale laquelle est à l'origine d'une atteinte aux intérêts collectifs agricoles défendus par la FRSEA ;

- en conséquence, de condamner "conjointement et solidairement" les sociétés Roullier et Timab Industries à payer à la FRSEA une somme de 50 000 000 euros au titre du surcoût ;

- de condamner "conjointement et solidairement" les sociétés Roullier et Timab Industries à payer à la FRSEA une somme de 35 000 000 euros au titre de la perte de chance ;

- de condamner "conjointement et solidairement" les sociétés Roullier et Timab Industries à payer à la FRSEA une somme de 5 000 000 euros au titre de son préjudice moral ;

- de juger que ces sommes seront augmentées des intérêts légaux à compter de l'assignation et de condamner "conjointement et solidairement" les sociétés Roullier et Timab Industries à les payer ;

- "de juger que la décision à intervenir sera revêtue de l'exécution provisoire nonobstant voie de recours et appel en garantie" ;

- de condamner "conjointement et solidairement" les sociétés Roullier et Timab Industries à payer à la FRSEA une somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

En réponse, dans leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 septembre 2022, la SA Roullier et la SAS Timab Industries demandent à la cour, au visa des articles 101 du TFUE, 32 et 700 du code de procédure civile, 1382 devenu 1240 du code civil et L. 2132-3 du code du travail ainsi que des dispositions de l'ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles et de la directive n° 2014/104/UE du 26 novembre 2014 sur les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l'Union européenne :

- de dire et juger que la FRSEA n'avance aucun moyen mettant en jeu les intérêts collectifs de la profession d'éleveurs ;

- de dire et juger que les préjudices allégués par la FRSEA ne sont pas établis et qu'ils sont en outre évalués sans aucune considération d'éléments concrets et réels ;

- de dire et juger que les préjudices allégués par la FRSEA ne sont pas en relation causale avec la faute dénoncée ;

- en conséquence :

* de faire droit à l'appel incident des exposantes ;

* d'infirmer le jugement entrepris ;

* de déclarer irrecevable l'action de la FRSEA ;

- à titre subsidiaire, de rejeter les demandes formulées par la FRSEA ;

- à titre infiniment subsidiaire, de limiter le montant des dommages-intérêts alloués à la FRSEA ;

- en tout état de cause, de condamner la FRSEA au paiement de 20 000 euros à chacune des sociétés Roullier et Timab Industries en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2023. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l'arrêt sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1°) Sur la recevabilité de l'action

Moyens des parties

Au soutien de leur fin de non-recevoir, les sociétés Roullier et Timab Industries exposent que la FRSEA est un syndicat professionnel qui peut exercer une action personnelle en défense de son intérêt propre en tant que groupement doté de la personnalité morale, une action collective ou syndicale dans l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ou, exceptionnellement, une action en représentation ou de substitution pour faire valoir les droits des personnes qui en sont membres. Elles précisent que la FRSEA admet intenter une action syndicale faute d'action de substitution ouverte par la loi mais se méprend sur la notion d'intérêt collectif, qui n'est pas constitué de la somme des intérêts ou préjudices individuels de ses membres, et ne démontre pas en quoi la profession elle-même aurait souffert des faits allégués. Elles en déduisent que l'action, menée dans l'intérêt individuel de chaque exploitant agricole ainsi que le confirment les modalités de calcul des préjudices, est irrecevable pour défaut de qualité et d'intérêt, le préjudice moral qui pourrait théoriquement être réparé dans le cadre de son action, distinct de celui éprouvé individuellement par chacun de ses membres, n'étant pour sa part ni allégué sous cette forme ni caractérisé.

En réponse, la FRSEA expose qu'elle agit en défense de l'intérêt collectif de la profession, le caractère collectif s'appréciant en considération de "l'effet erga omnes du bénéfice recherché qui vise une catégorie de personnes, une profession globalement envisagée" : les éleveurs qu'elle représente sont placés "dans une même situation objective et peuvent tou[s] prétendre au bénéfice de l'action sans qu'il soit possible d'identifier les individualités des membres composant cette collectivité et sans qu'il soit possible d'identifier le préjudice subi par l'une ou l'autre des personnes composant cette collectivité". Précisant que tous ses membres ont recours, pour les besoins de leurs activités, aux phosphates pour alimenter leurs animaux, elle précise que l'entente litigieuse porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession et en déduit sa qualité à agir conformément à son habilitation statutaire. Elle ajoute que les répercussions économiques négatives de cette entente pour la collectivité des exploitants agricoles bretons, en particulier les éleveurs de porcs, de volailles et de vaches laitières fondent l'intérêt de ses adhérents à solliciter par son truchement une indemnisation globale.

Réponse de la Cour,

Conformément aux articles 30 à 32 du code de procédure civile, l'action, qui est le droit pour l'auteur d'une prétention d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée et pour son adversaire celui de discuter son bien-fondé, est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir étant irrecevable.

L'intérêt, comme de la qualité, à agir, condition de recevabilité de l'action, n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bienfondé de l'action, condition de son succès (en ce sens, confirmant une position constante : 1ère Civ., 27 novembre 2019, n° 18-21.532).

Il est constant que la FRSEA exerce non une action personnelle en réparation d'un préjudice qui lui est directement causé en tant que personne morale, une action de substitution, dont les cas d'ouverture sont limitativement prévus par la loi, ou une action de groupe, créée en droit français le 17 mars 2014 postérieurement à l'introduction de l'instance, mais une action purement syndicale.

A cet égard, aux termes des articles L. 2131-1 et L. 2132-1 et 3 du code du travail, les syndicats professionnels, qui sont dotés de la personnalité civile et ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts, ont le droit d'agir en justice et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

La notion d'intérêt collectif de la profession, centrale dans la détermination de la qualité et de l'intérêt à initier une action syndicale, est à la jointure de l'intérêt individuel, qui est celui de chacun de ses membres pris isolément ou celui du syndicat en tant que personne morale exerçant une activité propre et poursuivant des objectifs personnels, et de l'intérêt social ou général, qui est celui de la société dans son ensemble et est exclusivement défendu, hors cas spécialement prévus par la loi, par le ministère public au sens de l'article 423 du code de procédure civile, chacun de ces intérêts pouvant néanmoins être simultanément lésés. Professionnel, cet intérêt est celui de la collectivité formée par les personnes qui, adhérentes ou non au syndicat, exercent un même métier et sont indivisément considérées, à travers leurs activités concrètes et les normes communes qui les encadrent, comme formant un tout, comme faisant corps. En ce sens, l'intérêt collectif de la profession est celui qui touche à ses règles formelles et informelles d'organisation et aux interdépendances entre ses membres qui la façonnent ainsi qu'à la perception qu'en ont ces derniers, les autres opérateurs du marché et le corps social : il ne se confond pas avec la somme des intérêts individuels des travailleurs, de laquelle il se distingue en nature et non en degré, et l'atteinte que le syndicat a qualité à défendre suppose un retentissement transcendant les cas individuels des membres de la profession, telle celle résultant d'une question de principe ou de portée générale affectant l'ensemble de la collectivité professionnelle et excédant les lésions personnelles subies par ceux-ci (en ce sens, Soc., 30 mars 2022, n° 20-15.022, et Soc., 6 juillet 2022, n° 21-15.189, qui distinguent l'intérêt collectif tenant au respect de la loi par un employeur et l'intérêt individuel touchant à la réparation des préjudices causés par sa violation à chaque salarié).

De ce fait, rien n'exclut par principe la possibilité pour le syndicat d'agir en réparation d'un préjudice économique causé par une pratique anticoncurrentielle dès lors que celui-ci n'est pas l'agrégat des préjudices individuels des travailleurs mais correspond strictement à celui subi par la collectivité qu'ils forment. En ce sens, l'examen de la qualité ou de l'intérêt à agir du syndicat suppose celui de la nature et des modalités de détermination et d'évaluation des préjudices dont il poursuit la réparation.

Sur les préjudices matériels,

La FRSEA, s'appuyant sur la logique de filière qui structure la profession des éleveurs bretons qu'elle représente (interdépendances des opérateurs et dépendance des animaux, et donc des éleveurs, aux phosphates, eux-mêmes liés à l'état du marché), souligne l'effet erga omnes de l'entente pour l'ensemble des exploitants agricoles et en déduit le caractère collectif de l'intérêt qu'elle défend conformément à l'article 3 de ses statuts. Elle estime que "les pratiques, telle que celle de l'entente ici en cause, portent en elles-mêmes, un impact économique certain pour le secteur qui la subit". Ces éléments généraux ne permettant pas d'identifier clairement les effets économiques négatifs des pratiques anticoncurrentielles ayant affecté la profession, l'analyse de leurs modalités d'évaluation est déterminante.

A ce titre, la FRSEA explique avoir adopté une "méthode pragmatique et objective" consistant à (pages 17 et suivantes de ses écritures et sa pièce 8 "Quantification du préjudice subi par les éleveurs bretons en raison de l'entente sur le marché des phosphates destinés à l'alimentation animale entre 1993 et 2004") :

- définir la quantité globale de phosphates consommée sur la période de l'entente par type de conduite d'élevage en considération des besoins zootechniques des animaux et de leur nombre ainsi que du volume d'aliments ingéré ;

- déterminer la valeur du phosphate ainsi acheté à partir de son cours pour établir en valeur les besoins en phosphate de l'ensemble de la filière ;

- retenir "l'hypothèse" d'un surcoût de 10 %, porté à 20 % dans les dernières écritures, appliqué à la valeur cumulée précédemment calculée.

Pour le calcul de la perte de chance relative au développement, au taux d'endettement et aux capacités à investir "des élevages" au regard de "l'impact évident sur la trésorerie et la compétitivité de la filière animale bretonne", elle applique un taux de 70 % aux sommes réclamées au titre du surcoût.

Ainsi, indépendamment du débat sur la réalité des effets de l'entente et du surcoût allégué dont l'examen relève de l'appréciation du bienfondé de l'action, ce dernier est l'élément constitutif unique des deux préjudices allégués, qu'il caractérise directement le principe du premier ou qu'il incarne la référence servant à l'évaluation du second, évaluation de laquelle est déduite sa réalité. Or, il n'est économiquement supporté que par les éleveurs pris individuellement et non par la profession, qui n'a d'ailleurs pas de trésorerie. Celle-ci ne peut qu'être affectée, non par cette charge anormale en tant que telle, mais par ses effets directs ou indirects sur son organisation, les relations entre ses membres ou son image au sens large, effets qui ne sont ni décrits ni invoqués. A cet égard, la FRSEA ne tire pas toutes les conséquences de son raisonnement par analogie fondé sur une comparaison avec le préjudice écologique tel qu'il a été reconnu en jurisprudence (Crim. 25 septembre 2012, n° 10-82.938, affaire Erika) avant sa consécration par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 qui a également créé l'affectation des dommages et intérêts ici absente. De la même manière que le préjudice écologique résulte de l'atteinte directe ou indirecte portée à l'environnement pris comme une entité dotée d'une valeur intrinsèque distincte des êtres qui y évoluent, le préjudice collectif dont la réparation est poursuivie dans le cadre d'une action syndicale n'est pas le décalque globalisé de celui effectivement déploré par les membres de la profession. Le siège de son autonomie, telle que la revendique à juste titre la FRSEA, se situe précisément dans ce dépassement des intérêts individuels, cet excédant que traduit l'idée d'un retentissement au-delà des situations personnelles des éleveurs.

Aussi, la FRSEA, qui limite son analyse à ce surcoût sans examiner son éventuel impact sur la collectivité professionnelle, sollicite la réparation, ainsi que le confirment le libellé de sa pièce 8 et ses écritures (notamment, page 8, §14 : "la FRSEA Bretagne intervient pour défendre l'intérêt collectif de ses adhérents éleveurs ; elle retient qu'ensemble, ils peuvent prétendre faire juger de la responsabilité des sociétés CFPR et TIMAB Industries d'une part et solliciter d'autre part leur condamnation à leur verser une indemnisation globale"), non d'un préjudice collectif de la profession, mais de l'agrégat des préjudices subis individuellement par les éleveurs bretons. La globalisation abstraitement opérée n'est pas la marque d'un caractère collectif mais le masque d'une grande approximation dans la quantification des effets réels de l'entente pour chacun des éleveurs et d'une absence totale d'analyse de ceux subis par le groupe qu'ils constituent indistinctement.

Aussi, la FRSEA n'a ni qualité ni intérêt à agir en réparation des préjudices matériels qu'elle allègue en ce qu'ils sont des préjudices individuels artificiellement coalisés.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a déclaré son action recevable à ce titre.

Sur le préjudice moral,

Le préjudice moral allégué consiste en la perte d'attractivité et de rayonnement de la profession ainsi qu'au renforcement des déséquilibres qui la structurent. Distinct de celui éventuellement subi par chaque éleveur, il correspond pour sa part, en son libellé qu'aucune méthode d'évaluation n'éclaire à raison de son caractère extrapatrimonial, à un préjudice collectif : l'intérêt en cause transcende ceux, particuliers, des éleveurs et les effets dénoncés concernent directement l'organisation de la collectivité professionnelle qu'ils composent et son image.

En conséquence, peu important à ce stade l'absence éventuelle de justification de l'atteinte opposée par les sociétés Roullier et Timab Industries, ce moyen touchant au bienfondé de l'action et non à sa recevabilité, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la FRSEA au titre de son préjudice moral.

2°) Sur le préjudice moral de la FRSEA

Moyens des parties

Au soutien de son appel principal, la FRSEA expose que la faute des sociétés Roullier et Timab Industries découle de leur condamnation définitive par la Commission le 20 juillet 2010 et que l'entente à laquelle elles ont participé à eu pour effet, à tout moment entre le 19 mars 1969 et le 10 février 2004, en France notamment, de maintenir à un niveau élevé les prix des PAA alors que le secteur était en surcapacité. Précisant que le métier d'éleveur s'inscrit dans une logique de filière qui l'expose directement aux conséquences de l'entente, les besoins en phosphates des animaux devant impérativement être satisfaits, elle souligne l'impact global de l'entente sur la profession placée sous l'emprise économique des fabricants de phosphates. Raisonnant par analogie avec le préjudice écologique ainsi qu'avec la présomption prétorienne de préjudice en matière de concurrence déloyale et parasitaire, elle ajoute que "la mise en œuvre d'une pratique anticoncurrentielle telle que celle condamnée est de nature à produire, en elle-même, un dommage objectif et collectif d'où découlent des préjudices matériels et moraux touchant, personnellement, des sujets de droit" : le constat des effets anticoncurrentiels négatifs, dont la réalité est établie en particulier par l'expertise judiciaire exploitée dans l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 juin 2021 (affaire Doux, RG 17/04101), commande à lui seul réparation. Elle indique que son préjudice moral réside dans les conséquences péjoratives de l'entente sur son image et la rémunération des professionnels de la filière de l'élevage qui nuisent au rayonnement et remettent en cause l'attractivité de la profession, dont les besoins en main d'œuvre sont constants et considérables.

En réponse, les sociétés Roullier et Timab Industries, qui soutiennent s'être régulièrement soustraites aux consignes du cartel, expliquent que la FRSEA ne démontre aucun lien de causalité entre la faute et le préjudice moral qu'elle allègue, l'éventuel surcoût pratiqué pour un produit représentant 1 % en valeur du prix des aliments, et par ailleurs substituable, étant sans rapport avec les conditions de travail des éleveurs, l'hypothétique atteinte à leur rémunération n'étant quoi qu'il en soit susceptible de ne générer qu'un préjudice économique individuel. Renvoyant à leurs développements sur le préjudice économique, elles soulignent l'inexistence de toute présomption de préjudice et l'absence de constat par la Commission des effets de l'entente sur les prix, la sanction d'une pratique anticoncurrentielle n'impliquant en soi aucun préjudice certain. Elles précisent que l'arrêt Doux retient, suivant en cela les conclusions expertales, que l'entente n'a eu un effet sur les prix qu'entre novembre 2000 et janvier 2003 (surcoût de 7,7 %) et que l'unique fabricant d'aliments partie au litige n'a pas répercuté le surcoût sur ses clients distributeurs. Elles en déduisent que les agriculteurs, acheteurs indirects ne justifiant pas ne pas avoir eux-mêmes répercuté ce dernier, n'ont de ce fait subi aucun préjudice, y compris moral, la perte d'attractivité évoquée n'étant de surcroît pas, comme le quantum réclamé, étayée.

Réponse de la cour,

Introduite par assignation du 20 mars 2012, l'action porte sur des faits commis avant le 10 février 2004, soit antérieurement à la transposition de la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 aux articles L. 481-1 et suivants du code de commerce créés par l'ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 entrée en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 11 mars 2017, conformément à son article 12 I et dépourvue de tout effet rétroactif au sens de l'article 2 du code civil. Une directive ne pouvant par elle-même, faute d'effet direct horizontal, créer d'obligations dans le chef d'un particulier et lui être opposée en tant que telle (CJCE, 26 février 1986, n° 152/84, §48) et ne fondant aucune interprétation contra legem au titre de l'interprétation conforme passé le délai de transposition (CJUE, 22 juin 2022, Volvo AB et Dak Trucks, C-267-20), l'action est exclusivement soumise aux règles de droit commun de la responsabilité civile délictuelle définies par les articles 1382 et 1383 (devenus 1240 et 1241) du code civil. Aux termes de ceux-ci, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Il incombe dans ce cadre à la FRSEA de prouver une faute, un préjudice et un lien de causalité les unissant.

Les sociétés Roullier et Timab Industries ne contestent pas le principe de leur faute qui découle de leur participation à une entente définitivement condamnée par la Commission dans sa décision du 20 juillet 2010 (affaire COMP/38.866 - Phosphates pour l'alimentation animale) et confirmée par arrêt du 12 janvier 2017 de la CJUE (position conforme à Com. 13 septembre 2017, n° 16-10.327 et 15-22.320, qui, rompant avec la jurisprudence antérieure exigeant la caractérisation d'une faute civile en dépit de la décision d'une autorité de concurrence telle qu'elle découlait notamment de Com., 17 juillet 2001, n° 99-17.251, retient un lien automatique entre le constat par une autorité de concurrence d'une pratique anticoncurrentielle et l'existence de la faute civile).

Demeure la preuve, outre de la réalité et de la mesure du préjudice moral, d'un lien de causalité, qui repose pour l'essentiel sur celle des effets réels et concrets et non seulement potentiels de la pratique anticoncurrentielle.

A cet égard, la CJUE a, dans son arrêt Manfredi du 13 juillet 2006 (C-295/04 et C-298/04), dit pour droit que, "en l'absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque Etat membre de fixer les modalités d'exercice de ce droit [i.e. d'agir en réparation du préjudice causé par une entente], y compris celles de l'application de la notion de "lien de causalité", pour autant que les principes de l'équivalence et d'effectivité soient respectés". Or, en matière de réparation des préjudices causés par une pratique anticoncurrentielle et avant la transposition de la directive dommage à l'article L. 481-7 du code de commerce, le droit positif ne comprend aucun aménagement de la charge de la preuve analogue à celui propre à la concurrence déloyale et parasitaire, matière dans laquelle une inférence nécessaire est retenue entre l'acte illicite et le préjudice dont l'existence est présumée, au moins sur le plan extrapatrimonial. Il appartient ainsi à la FRSEA de démontrer ce lien causal.

Aux termes de la décision de la Commission du 20 juillet 2010 (pièce 9 de la FRSEA), l'entente condamnée, infraction unique, complexe et continue à l'article 101 du TFUE et, à partir du 1er janvier 1994, à l'article 53 de l'accord EEE, avait pour finalité le partage d'une grande partie du marché européen des phosphates alimentaires, la vente totale des PAA par les parties au cartel, qui représentaient 71 % en moyenne du marché entre 1989 et 2003, avoisinant 252 millions d'euros en 2003. La SAS Timab Industries, qui a participé à l'entente du 16 septembre 1993 au 10 février 2004, était, avec la société Tessenderlo, le principal fournisseur du marché français.

Les accords collusoires se sont avérés solides et capables de s'adapter, d'année en année, à des conditions industrielles et commerciales en constante évolution, les parties ayant ainsi pu partager les volumes de PAA livrés dans plusieurs pays européens, coordonner certaines limitations en termes de production et se répartir les clients notamment grâce à un système de quotas couvrant différentes zones géographiques au sein de l'Europe, sur la base duquel les volumes de ventes et des clients spécifiques étaient alloués aux producteurs, le cas échéant avec des compensations pour corriger les écarts. L'entente visait également à permettre aux membres concernés de coordonner les prix pratiqués dans chaque pays et, le cas échéant, les conditions de vente. Les entreprises se sont contactées fréquemment et rencontrées à intervalles réguliers pour procéder à cette coordination au moyen d'accords sur le contrôle des prix et le partage du marché, tant au niveau européen que dans les différents pays, le tout étant encadré par des mécanismes de contrôle et de compensation qui n'ont pas empêché les parties de saisir les occasions de fournir des données incorrectes afin de s'induire mutuellement en erreur.

La Commission, qui rappelait que l'entente condamnée était de celles qui constituaient les restrictions les plus nuisibles à la concurrence en ce qu'elle n'avantageait que les fournisseurs participants et non les consommateurs et qu'elle n'était pas tenue de démontrer l'existence réelle d'une affectation du commerce au sens de l'article 101 du TFUE, a retenu une influence potentielle mais n'a établi ni un effet réel sur les prix ni l'existence d'un surcoût.

Or, ainsi que le rappelle la Commission, les PAA sont utilisés par les fabricants d'aliments pour animaux et d'importants producteurs de viande ou de poisson (§11), les agriculteurs n'étant que des acheteurs des produits transformés ne se fournissant jamais directement en PAA auprès des producteurs.

Pour démontrer l'existence d'un surcoût supporté par la profession, dont il est acquis qu'elle ne peut par nature en avoir la charge, la FRSEA invoque une expertise judiciaire organisée dans une autre instance opposant un fabricant d'aliments pour animaux, la société Doux Aliments, aux sociétés Roullier et Timab Industries au titre de l'entente condamnée par la Commission le 20 juillet 2010. Aux termes de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 juin 2021 qui résume le rapport de l'expert (pièce 33 des intimées, le rapport n'étant pas produit), l'expert a élaboré un scenario contrefactuel pour déterminer le niveau de prix qui aurait prévalu en l'absence de l'entente de septembre 1993 à février 2004 au regard des évolutions postérieures des prix acquittés par la société Doux Aliments auprès des sociétés Roullier et Timab Industries après la cessation de l'entente et compte tenu des facteurs exogènes devant être distingués des effets imputables à celle-ci. L'expert a identifié trois périodes révélant des différences sensibles au niveau de la dynamique des prix observés : une première période expirant à la fin de l'année 2000 durant laquelle les prix des PAA restent relativement stables, une deuxième période s'achevant en janvier 2003 pendant laquelle l'évolution des prix des PAA à la hausse ne suit pas le coût de l'évolution de l'acide phosphorique à la baisse, et une troisième période prenant fin avec l'entente au cours de laquelle les prix des PAA subissent une chute importante indépendante du coût de l'acide.

Ainsi, l'expert conclut qu'aucun effet spécifique à l'entente n'est mis en évidence ni avant novembre 2000, ni après janvier 2003 jusqu'à la fin de l'entente en février 2004, et ne retient un effet significatif sur les prix des PAA qu'entre novembre 2000 et janvier 2003, le surcoût étant évalué à 7,7 % en ne retenant que l'impact de l'entente à l'exclusion de l'effet de choc de demande lié à la crise de la vache folle. Il ajoute ne pas avoir constaté de répercussion auprès de clients indirects, constat qui contredit les assertions de la FRSEA.

Or, celle-ci, qui ne prétend pas que le discrédit attaché à la condamnation pour pratique anticoncurrentielle des producteurs de PAA ait pu rejaillir sur les acheteurs indirects que sont les éleveurs, postule en termes généraux les effets de l'entente sur ces derniers qui forment la profession qu'elle représente, et ainsi l'existence d'un lien de causalité, sans étayer son raisonnement, même sommairement, par des données financières précises ou un scénario contrefactuel. Raisonnant par analogie avec des affaires distinctes (sa pièce 8) ou par référence à des taux moyens issus d'études comparatives (ses pièces 12 et 13 et ses écritures, page 24), elle ne prouve pas qu'ils aient eu à subir un surcoût quelconque après répercussion par le fabricant (ou le cas échéant le distributeur) d'aliments contenant des PAA, dont la valeur n'atteint que 1 % du prix du produit fini. Les documents qu'elle produit à ce titre, dont l'origine et les conditions d'élaboration sont parfois inconnues (sa pièce 5), sont théoriques et sans lien concret avec le litige (ses pièces 12 et 13 qui soulignent d'ailleurs la nécessité de prouver la charge effective du surprix et proposent des méthodes d'évaluation qu'elle ne reprend pas) ou trop générales pour identifier les causes des évolutions qu'elles décrivent, peu éclairantes en elles-mêmes, et les imputer à la charge d'un surcoût (sa pièce 14).

Ce dernier étant l'unique élément invoqué pour caractériser un effet de l'entente sur la profession, y compris sur le plan extrapatrimonial à raison d'une dégradation des conditions de travail, son défaut implique non seulement l'inexistence du dommage moral tel qu'il est allégué, son image, son attractivité et son rayonnement n'ayant pas été affectés par le truchement d'une baisse de la rémunération de ses membres, mais également l'absence de tout lien de causalité, constat qui vaudrait pour les préjudices économiques si l'action les concernant était recevable.

Aussi, le jugement du tribunal sera infirmé en ce qu'il a condamné les sociétés Roullier et Timab Industries à réparer le préjudice moral de la FRSEA et sa demande à ce titre sera rejetée.

3°) Sur les frais irrépétibles et les dépens

La Cour constate que les parties ne forment aucune demande au titre des dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens dont l'infirmation n'est pas spécialement sollicitée par les sociétés Roullier et Timab Industries dans le cadre de leur appel incident au sens des articles 909 et 954 du code de procédure civile.

Succombant à l'appel la FRSEA, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à payer aux sociétés Roullier et Timab Industries la somme de 5 000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la Cour, sauf en ce qu'il a :

- déclaré recevable l'action de la Fédération Régionale des Syndicats d'Exploitation Agricole de la région Bretagne au titre de ses préjudices matériels ;

- condamné in solidum les sociétés Roullier et Timab Industries à payer à la Fédération Régionale des Syndicats d'Exploitation Agricole de la région Bretagne la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déclare irrecevable l'action de la Fédération Régionale des Syndicats d'Exploitation Agricole de la région Bretagne en réparation de ses préjudices matériels ;

Rejette la demande de la Fédération Régionale des Syndicats d'Exploitation Agricole de la région Bretagne au titre de son préjudice moral ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de la Fédération Régionale des Syndicats d'Exploitation Agricole de la région Bretagne au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la Fédération Régionale des Syndicats d'Exploitation Agricole de la région Bretagne à payer aux sociétés Roullier et Timab Industries la somme de 5 000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Fédération Régionale des Syndicats d'Exploitation Agricole de la région Bretagne à supporter les dépens d'appel.