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Décisions

Cass. 1re civ., 8 décembre 1993, n° 92-10.698

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grégoire

Rapporteur :

M. Gélineau-Larrivet

Avocat général :

M. Gaunet

Avocats :

SCP Gauzès et Ghestin, SCP Delaporte et Briard

TGI Paris, du 11 oct. 1991

11 octobre 1991

Sur l'intérêt du pourvoi :

Attendu que MM. Gérard et Fernand X... se sont pourvus en cassation contre le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 11 octobre 1991, confirmant une ordonnance rendue le 3 avril 1991 par le juge des tutelles, lequel, ayant placé le même jour Fernand X... sous sauvegarde de justice, avait désigné un mandataire spécial avec mission d'effectuer les actes d'administration courante indispensables à la gestion du patrimoine de l'intéressé et, notamment, celle de ses comptes bancaires ;

Attendu que Fernand X... étant décédé le 22 juillet 1992, Mme Brigitte X..., défenderesse au pourvoi, a fait valoir que celui-ci était désormais dépourvu d'objet ;

Attendu, cependant, que M. Gérard X... conserve un intérêt à remettre éventuellement en cause la validité des actes passés par le mandataire spécial ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu qu'il est fait grief au jugement attaqué (tribunal de grande instance de Paris, 11 octobre 1991) d'avoir confirmé l'ordonnance du juge des tutelles désignant un mandataire spécial à l'effet notamment de gérer et administrer le patrimoine de Fernand X..., alors, de première part, qu'en statuant ainsi, sans préciser en quoi l'altération de certaines de ses capacités physiques interdisait à Fernand X... de pourvoir aux actes de la vie courante et sans relever le moindre affaiblissement de ses capacités intellectuelles, le tribunal de grande instance aurait privé sa décision de base légale ; alors, de deuxième part, qu'en ordonnant une telle mesure, malgré le mandat donné, le 30 janvier 1991, par Fernand X... à son fils, Gérard X..., pour gérer ses affaires courantes, les juges du second degré auraient violé les articles 491-5, 491-4 et 491-3 du Code civil ; alors, de troisième part, que le Tribunal a désigné un administrateur judiciaire, en révoquant ainsi le mandat donné à M. Gérard X... par Fernand X..., au motif qu'il y aurait dissension entre les deux enfants de ce dernier et que leurs intérêts seraient en opposition ; qu'en statuant par de tels motifs inopérants, sans préciser en quoi la révocation du mandat conventionnel et la désignation de l'administrateur judiciaire résultaient de la nécessité de protéger les intérêts du majeur placé sous sauvegarde de justice, le Tribunal aurait privé sa décision de base légale ; et alors, enfin, que le mandataire de justice ne peut recevoir un mandat général à l'effet d'administrer l'ensemble du patrimoine du majeur protégé ; que le jugement attaqué a donné à l'administrateur judiciaire, notamment, pouvoir " d'effectuer tous actes d'administration courante indispensables à la gestion du patrimoine " de Fernand X... ; qu'en estimant que ce mandat était suffisamment limité, le tribunal de grande instance aurait violé l'article 491-5 du Code civil ;

Mais attendu que le tribunal de grande instance a d'abord retenu que Fernand X..., âgé de près de 103 ans et atteint de cécité ainsi que d'une surdité quasi-totale, n'était pas en état d'administrer un patrimoine qui exigeait des mesures de remise en ordre urgentes ; qu'il a relevé, ensuite, qu'il existait des dissensions graves entre M. Gérard X... et sa soeur, dont les intérêts étaient en complète opposition, depuis l'ouverture de la succession de leur mère, décédée le 5 février 1991, et qu'il n'était pas possible de maintenir le mandat donné à M. X... ; que, par ces motifs, les juges du second degré ont caractérisé la nécessité d'agir pour le compte de la personne protégée et celle de désigner à cette fin, dans son intérêt exclusif, une personne étrangère à la famille ; qu'il a ainsi légalement justifié sa décision ;

Et attendu que, contrairement aux allégations du moyen, il résulte de la mission confiée par le tribunal de grande instance au mandataire spécial que les actes que celui-ci pouvait accomplir étaient seulement les actes d'administration courante indispensable à la gestion du patrimoine, ainsi que ceux nécessaires à l'entretien de la personne de Fernand X..., et qu'ils entraient tous dans les limites de ce qu'un tuteur peut faire sans l'autorisation du conseil de famille ;

D'où il suit qu'en aucune de ses diverses branches, le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.