Livv
Décisions

Cass. 1re civ., 23 janvier 1980, n° 78-14.378

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charliac

Rapporteur :

M. Gardon

Avocat général :

M. Baudoin

Avocat :

Me Copper-Royer

Toulouse, ch. civ. 2, du 9 mai 1978

9 mai 1978

SUR LE SECOND MOYEN, PRIS EN SES TROIS BRANCHES :

ATTENDU, SELON LES ENONCIATIONS DE L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE, QUE LES EPOUX RIVIERE, LEGATAIRES UNIVERSELS DE DAME VEUVE X..., DECEDEE LE 5 MARS 1974, ONT ASSIGNE LES EPOUX Z... ET LES EPOUX C... EN RESTITUTION DE TITRES AU PORTEUR AYANT APPARTENU A LA DEFUNTE ; QUE LES DEFENDEURS ONT INVOQUE LE DON MANUEL DE A... TITRES, EN EXPOSANT QU'AU MOIS DE NOVEMBRE 1973, DAME X... AVAIT REMIS A Z... 31 Y... DU CREDIT AGRICOLE DESTINES A LUI-MEME ET A SON EPOUSE, AINSI QUE 9 Y... DU TRESOR DESTINES AUX EPOUX C..., AUXQUELS IL LES AVAIT MATERIELLEMENT TRANSMIS QUELQUES JOURS APRES LE DECES DE LA DONATRICE ; QUE LES JUGES DU FOND, ADMETTANT LA REALITE DES DONS MANUELS INVOQUES, ONT DEBOUTE LES EPOUX RIVIERE DE LEURS PRETENTIONS ;

ATTENDU QUE CEUX-CI FONT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR REJETE LEUR DEMANDE DIRIGEE CONTRE LES EPOUX Z... ET TENDANT A LA RESTITUTION DES BONS DU CREDIT AGRICOLE, ALORS QUE, D'UNE PART, LEDIT ARRET N'AURAIT PU ADMETTRE QUE LE DON B... INVOQUE S'ETAIT OPERE PAR UNE TRADITION REELLE QUATRE MOIS AVANT LE DECES DE DAME X... SANS S'EXPLIQUER AUTREMENT ET SANS REPONDRE AUX CONCLUSIONS DES EPOUX RIVIERE FAISANT VALOIR QUE LES EPOUX Z... NE RAPPORTAIENT PAS LA PREUVE D'UNE REMISE DES BONS DU FAIT DE LADITE DAME DE SON VIVANT, QU'ILS HABITAIENT DANS LE MEME IMMEUBLE QUE LA DEFUNTE, QU'ILS AVAIENT LIBRE ACCES A L'APPARTEMENT DE CETTE DERNIERE, QU'ILS S'Y TROUVAIENT FREQUEMMENT ET QU'ILS AVAIENT ETE SEULS PENDANT QUE DAME X... ETAIT DANS UNE CLINIQUE ET APRES SA MORT, ALORS QUE, D'AUTRE PART, L'ARRET N'AURAIT PU AFFIRMER QUE LA POSSESSION DES EPOUX Z... ETAIT EXEMPTE DE TOUS VICES SANS REPONDRE AUX CONCLUSIONS DES EPOUX RIVIERE, NI S'EXPLIQUER SUR LES PROPRES DECLARATIONS DE Z... DANS UNE LETTRE DU 7 AVRIL 1975, OU IL RECONNAISSAIT QU'ANTERIEUREMENT AU DECES DE DAME X..., IL AVAIT CONSERVE LES TITRES TELS QUELS DANS L'EVENTUALITE OU ELLE AURAIT EU BESOIN D'ARGENT POUR SES SOINS, CE QUI AURAIT DEMONTRE QU'A SUPPOSER QUE LES EPOUX Z... EUSSENT ETE EN POSSESSION DES TITRES LITIGIEUX ANTERIEUREMENT AU DECES, CE N'ETAIT PAS A TITRE DE PROPRIETAIRE, ET ALORS, ENFIN, QUE L'ARRET AURAIT EGALEMENT OMIS DE S'EXPLIQUER SUR LE MOYEN DES CONCLUSIONS DES EPOUX RIVIERE FAISANT VALOIR QUE LA POSSESSION DES EPOUX Z... ETAIT CLANDESTINE, SEULE UNE ENQUETE POLICIERE AYANT PERMIS DE CONNAITRE LE SORT DES TITRES, ET QUE CETTE POSSESSION ETAIT EN OUTRE EQUIVOQUE, Z... AYANT RECONNU DANS LA LETTRE PRECITEE QU'IL AVAIT CONSERVE LES TITRES LITIGIEUX AFIN DE POUVOIR LES RENDRE LE CAS ECHEANT A SA BIENFAITRICE ;

MAIS ATTENDU D'ABORD QU'EN RETENANT, PAR MOTIF ADOPTE DES PREMIERS JUGES, QUE LES EPOUX Z... AVAIENT CONSERVE LES TITRES EN ESTIMANT SATISFAIRE A UNE OBLIGATION NATURELLE ENVERS LEUR BIENFAITRICE AU CAS OU ELLE VIENDRAIT A TOMBER DANS LE BESOIN, LA COUR D'APPEL A REPONDU AUX CONCLUSIONS DES EPOUX RIVIERE EN CE QU'ELLES INVOQUAIENT UN VICE DE PRECARITE OU UN VICE D'EQUIVOQUE PRETENDUEMENT REVELES PAR LES DECLARATIONS DE Z... DANS SA LETTRE DU 7 AVRIL 1975 ; QUE LE MOYEN, EN SA DEUXIEME BRANCHE ET DANS LE DERNIER GRIEF DE SA TROISIEME BRANCHE, MANQUE EN FAIT ;

ATTENDU, ENSUITE, QU'APRES AVOIR RAPPELE LES CIRCONSTANCES EXPLIQUANT L'INTENTION LIBERALE DE DAME X... EN FAVEUR DES EPOUX Z..., LES JUGES DU SECOND DEGRE, REPONDANT AUX CONCLUSIONS VISEES A LA PREMIERE BRANCHE DU MOYEN, SANS ETRE TENUS DE SUIVRE LES EPOUX RIVIERE DANS LE DETAIL DE LEUR ARGUMENTATION, ONT SOUVERAINEMENT ESTIME QU'IL Y AVAIT EU TRADITION REELLE EFFECTIVE DES TITRES ENTRE LES MAINS DE Z... DES LE MOIS DE NOVEMBRE 1973 ; QUE, RELEVANT EN OUTRE QUE LA VOLONTE DE LA DONATRICE AVAIT ETE CLAIREMENT EXPRIMEE PAR DES NOTES ECRITES DE SA MAIN, ILS ONT AINSI ADMIS QUE LA PREUVE DU DON B... ALLEGUE PAR LES EPOUX Z... ETAIT APPORTEE, ET QUE, SANS AVOIR A S'EXPLIQUER SUR LE MOYEN PRIS DE LA CLANDESTINITE DE LA POSSESSION DESDITS EPOUX, MOYEN QUE CETTE PREUVE RENDAIT INOPERANT, ILS ONT LEGALEMENT JUSTIFIE LEUR DECISION ; D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI EN AUCUN DE SES GRIEFS ;

REJETTE LE SECOND MOYEN ;

MAIS SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES DEUX PREMIERES BRANCHES :

VU LES ARTICLES 894 ET 931 DU CODE CIVIL ;

ATTENDU QUE LE DON B... SUPPOSE UNE TRADITION ANTERIEURE AU DECES DU DONATEUR ;

ATTENDU QUE, POUR ADMETTRE QUE LES EPOUX C... AVAIENT BENEFICIE DU DON MANUEL DES Y... DU TRESOR ET REJETER EN CONSEQUENCE LA DEMANDE DES EPOUX RIVIERE TENDANT A LA CONDAMNATION SOLIDAIRE DES EPOUX C... ET DES EPOUX Z... A RESTITUER A... TITRES, LA COUR D'APPEL, TOUT EN CONSTATANT QUE, SELON LES DECLARATIONS CONCORDANTES DE Z... ET DE C..., LESDITS BONS N'AVAIENT ETE REMIS PAR CELUI-LA A CELUI-CI QUE QUELQUES JOURS APRES LE DECES DE DAME X..., SE BORNE A ENONCER, PAR MOTIF PROPRE, QUE LES EPOUX C... POUVAIENT OPPOSER AUX EPOUX RIVIERE LA PRESOMPTION DE L'ARTICLE 2279 DU CODE CIVIL, LEUR POSSESSION ETANT EXEMPTE DE TOUS VICES "PUISQU'ILS ONT RECU LES TITRES EN VERTU D'UNE VOLONTE CLAIREMENT EXPRIMEE DE LEUR LEGITIME PROPRIETAIRE", ET, PAR MOTIF ADOPTE DES PREMIERS JUGES, QUE LE DECES DE DAME X... N'AVAIT PAS MIS FIN AU MANDAT DONNE PAR ELLE A Z... DE REMETTRE LES TITRES AUX EPOUX C... ;

ATTENDU QU'EN STATUANT AINSI, LA COUR D'APPEL N'A PAS DONNE DE BASE LEGALE A SA DECISION ;

PAR A... MOTIFS, ET SANS QU'IL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LA TROISIEME BRANCHE DU PREMIER MOYEN :

CASSE ET ANNULE L'ARRET RENDU LE 9 MAI 1978 PAR LA COUR D'APPEL DE TOULOUSE, MAIS SEULEMENT EN CE QU'IL A DEBOUTE LES EPOUX RIVIERE DE LEUR DEMANDE TENDANT A LA CONDAMNATION SOLIDAIRE DES EPOUX C... ET DES EPOUX Z... A RESTITUER LES TITRES REMIS A CEUX-LA PAR CEUX-CI ; REMET, EN CONSEQUENCE, QUANT A CE, LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT ARRET ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D'APPEL D'AGEN.