CA Lyon, 8e ch., 29 novembre 2023, n° 22/04955
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Cap Investissements Groupe [I] (SARL), Les Chardons 1800 (SAS), Immerialys (SARL), Carré Alpin 1 (SAS), Carré Alpin 2
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boisselet
Conseillers :
Mme Masson-Bessou, Mme Drahi
Avocats :
Me Dumoulin, Me Awatar, Me Sourbe, Me Gardette
Exposé du litige :
La société Cap Investissements, marchand de biens immobiliers, a été fondée en 2002 par M. [I] qui la dirige. Elle est la société mère du Groupe [I] qui acquiert des immeubles d'habitation ou d'établissements hôteliers complets, dans une optique de rénovation, division et revente.
La société dit avoir mis au point un concept d'exploitation et d'assistance destiné à des marchands de biens comprenant notamment des méthodes, des procédures et des techniques propres. Initialement implantée en Haute-Savoie, elle a étendu son activité à l'ensemble du territoire rhônalpin et dit être devenue un acteur de référence dans l'activité de valorisation de biens.
Le Groupe est notamment composé des sociétés suivantes :
Les Chardons 1800, pour la rénovation et la vente par lots d'un immeuble dénommé « Les Chardons » à [Localité 8] ;
Immerialys : créée en 2002 pour le développement d'un concept d'exploitation et d'assistance destiné à des marchands de biens,
Carré Alpin 1 : créée dans le cadre d'un projet de réhabilitation de 4 bâtiments qui constituaient l'ancienne caserne des Chasseurs alpins dénommé « Résidence [9] » à [Localité 8] ;
Carré Alpin 2 : société créée pour la réalisation d'une opération immobilière sis [Adresse 11] à [Localité 8] consistant en l'acquisition de deux bâtiments à usage d'habitation, leur rénovation, leur division en lots, et leur vente à la découpe.
M. [K] a, après reconversion professionnelle, créé en mars 2017 une société Philexane Investments détenue à parts égales par lui et deux de ses filles, [S] [K] et [E] [K]. Il est associé dans la société Les Chardons 1800 depuis 2017 et dans la société Carré Alpin 1 depuis 2019.
[S] [K] et [E] [K] ont également investi dans la société Les Chardons 1800.
M. [K] indique qu'à la date du 5 février 2020, lui et ses filles avaient ainsi investi au total 632 791 € (avances en compte courant, actions et prêt) dans les sociétés du Groupe [I] et consenti en sus 500 000 € de caution, sans compter les intérêts.
Des désaccords et des tensions sont nées dans les relations entre M. [K] et le Groupe [I].
Des instances judiciaires ont suivi : demande par M. [K] et ses filles d'expertise de gestion et d'expertise et de remboursement des avances faites en compte-courant d'associés, demande de désignation d'un huissier de justice afin de participer à l'Assemblée Générale et d'en relater le déroulement dans le cadre d'un procès-verbal de constat, recours par le Groupe [I] et M. [V] [I] à la procédure d'ordonnance sur requête aux fins de mesure de saisie au motif d'actes de concurrence déloyale.
Invoquant un dénigrement sur Facebook, des avis Google, des avis Linkedin, un commentaire YouTube, ainsi que des propos tenus auprès de partenaires du Groupe [I], les sociétés Cap Investissements, Chardons 1800, Immerialys, Carré Alpin 1, Carré Alpin 2 et M. [V] [I], outre les sociétés Cap Investissements ont déposé une requête aux fins d'obtenir l'autorisation d'assigner en référé d'heure à heure et après ordonnance du 1er juin 2022 ont fait assigner par acte du 3 juin 2022, M. [K] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse.
Par ordonnance du 28 juin 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :
Débouté Les sociétés Cap Investissements Chardons 1800, Immerialys, Carré Alpin 1, Carré Alpin 2 et M. [V] [I] de toutes leurs demandes,
Dit n'y avoir lieu à condamnation des sociétés Cap Investissements Chardons 1800, Immerialys, Carré Alpin 1, Carré Alpin 2, et de M. [V] [I] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamné les sociétés Cap Investissements Chardons 1800, Immerialys, Carré Alpin 1, Carré Alpin 2 et M. [V] [I] aux dépens.
En sa décision, le juge des référés a relevé que M.[K] ne pouvait être considéré comme un concurrent direct du Groupe [I], sa structure réalisant un chiffre d'affaires nul et un résultat négatif, étant de surcroît investisseur dans les sociétés du Groupe.
Des commentaires reprochés sur les réseaux sociaux ne pouvaient être imputés avec certitude à M. [K] et les propos prêtés auprès de partenaires étaient sujets à caution en raison des liens d'affaires entre les attestant et le Groupe [I].
Si les critiques apparaissaient sévères et peu mesurées, elles s'inscrivaient dans un contexte de relations d'affaires par un investisseur déçu par le rendement des projets.
Concernant le reproche de violation du secret des affaires, le premier juge a retenu la non-protection par le secret des affaires des informations relatives aux emprunts obligataires, de la mention de contentieux en cours, et du non-respect des pactes d'associés dont seul le contenu était confidentiel.
Sur les informations concernant les résultats de la société Carré Alpin 2 dans laquelle M.[K] n'était pas associé, il n'était pas démontré du caractère secret et d'informations protégées sur la situation financière de la société.
L'ordonnance de référé n'a retenu au visa de l'article 835 du Code de procédure civile, ni trouble manifestement illicite ni dommage imminent et sur le fondement de l'article 834 du Code de procédure civile une contestation sérieuse.
Par déclaration régularisée le 5 juillet 2022 les sociétés Cap Investissements Chardons 1800, Immerialys, Carré Alpin 1, Carré Alpin 2 et M. [V] [I] ont interjeté appel de l'entier dispositif.
Par avis du greffe et ordonnance de la présidente de la chambre, les plaidoiries ont été fixées à l'audience du 28 février 2023 avec clôture à la même date.
À cette date, l'affaire a fait l'objet d'un renvoi sur demande du conseil des appelants au 21 juin 2023 pour les plaidoiries et 7 juin 2023 pour la clôture.
En considération la communication de conclusions et pièces le 23 mai 2023, le 2 juin 2023, la clôture était repoussée au 15 juin 2023 pour permettre à l'intimé de répondre.
L'affaire a été renvoyée à l'audience du 11 octobre 2023 en raison de la surcharge de la chambre au regard de ses effectifs.
Selon conclusions d'appel n° 5 et d'intimé à l'appel incident régularisées le 23 mai 2023, les sociétés Cap Investissements Chardons 1800, Immerialys, Carré Alpin 1, Carré Alpin 2 et M. [V] [I] sollicitent voir :
Vu les articles 834 et suivants du Code de procédure civile,
Vu l'article 1240 du Code civil,
INFIRMER l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal judiciaire de Bourg-En-Bresse le 28 juin 2022 en ce qu'elle a :
Débouté les sociétés Cap Investissements Chardons 1800, Immerialys, Carré Alpin 1, Carré Alpin 2 et M. [V] [I] de toutes leurs demandes ;
Condamné les sociétés Cap Investissements, Les Chardons 1800, Immerialys, Carré Alpin 1, Carré Alpin 2 et M. [V] [I] aux dépens.
Et statuant à nouveau,
JUGER que Les propos tenus par Monsieur [K] sont constitutifs de dénigrement, de comportements fautifs, et de violation du secret des affaires, à l'égard des entités du Groupe [I], à savoir les sociétés CAP Investissements Les Chardons 1800, Immerialys, Carré Alpin 1, Carré Alpin 2 et/ou à l'encontre de Monsieur [I] ;
JUGER que le dénigrement, les comportements fautifs, et la violation du secret des affaires, ainsi opérés constituent un trouble manifestement illicite ;
JUGER que le dénigrement ainsi opéré caractérise une situation urgente contre laquelle aucune contestation sérieuse n'existe ;
JUGER que ce procédé fait en outre courir un dommage imminent, en risquant de porter atteinte irrémédiablement à la réputation et à la notoriété des entités du Groupe [I], à savoir les sociétés CAP Investissements, Les Chardons 1800, Immerialys, Carré Alpin 1, Carré Alpin 2 et/ou à l'encontre de Monsieur [I], au risque de déstabiliser et de détourner les partenaires habituels qui leur sont attachés.
En conséquence,
ORDONNER à Monsieur [K] d'avoir à retirer toutes les publications, commentaires et avis publiés sur internet à l'encontre des entités du Groupe [I], à savoir les sociétés CAP Investissements, Les Chardons 1800, Immerialys, Carré Alpin 1, Carré Alpin 2 et/ou à l'encontre de Monsieur [I] et ce, dès signification de l'ordonnance à intervenir ;
CONDAMNER Monsieur [K] à une astreinte de 2 000 euros courant par jour de retard et par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir jusqu'à parfaite exécution de l'injonction par celui-ci ;
SE RESERVER le pouvoir de liquider l'astreinte susceptible de courir ;
FAIRE INTERDICTION pour l'avenir à Monsieur [K] de procéder à tous propos dénigrants à l'encontre des entités du Groupe [I], à savoir les sociétés CAP Investissements, Les Chardons 1800, Immerialys, Carré Alpin 1, Carré Alpin 2 et/ou à l'encontre de Monsieur [I], quelqu'en soit le support, et ce, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée et ce, à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ;
DEBOUTER Monsieur [K] de sa demande au titre l'article 700 du Code de procédure civile.
En tout état de cause,
DEBOUTER Monsieur [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
CONDAMNER Monsieur [K] à régler aux requérantes à savoir, les sociétés CAP Investissements, Les Chardons 1800, Immerialys, Carré Alpin 1, Carré Alpin 2 la somme de 3 000 euros chacune et à Monsieur [I] à la somme de 10.000 euros soit au total la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
À l'appui de leurs prétentions, les appelantes font principalement valoir :
M. [K] agit tant en qualité de concurrent du Groupe [I], qu'en qualité d'associé de la société Les Chardons et dans une intention de nuire au Groupe [I] et à son dirigeant personnellement :
Il commet des actes constitutifs de dénigrements ayant causé et entraînant de graves conséquences pour les sociétés requérantes et notamment, pour la société Immerialys qui vient de lancer son concept de franchise,
Il commet des actes constitutifs de fautes délictuelles en portant atteinte à l'image de toutes les sociétés du Groupe [I] et de M. [I] lui-même, mais également en adoptant des comportements menaçants pour intimidation,
Il ne craint pas de divulguer des informations soumises au secret des affaires sur des réseaux publics.
Chaque nouvelle publication entraîne des conséquences certaines non seulement financièrement mais également sur la réputation du Groupe.
Ces faits portent et risquent de porter irrémédiablement atteinte à la pérennité du Groupe en déstabilisant l'ensemble de ses partenaires (sous-traitants, fournisseurs, actionnaires, franchisés, clients etc.) mais également à son image de marque.
Ces faits constituent non seulement un trouble manifestement illicite, mais également un dommage imminent.
Il y a urgence.
Par conclusions n° 4 déposées le 12 juin 2023, M. [J] [K] sollicite voir :
Vu l'article 9 du Code civil,
Vu l'article 10 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme,
Vu les articles L. 151-2 et suivants du Code de commerce,
Vu l'article 835 du Code de procédure civile,
Vu l'article L. 131-1 du Code des procédures civiles d'exécution,
Ecarter les pièces n° 38,39, 40 et 41 adverses constituant la pièce 84 de M. [K] en raison de l'absence de justification de leur provenance et si elles proviennent des perquisitions civiles dont la cour est saisie du recours contre l'ordonnance ayant refusé de rétracter l'ordonnance sur requête pour violation notamment de la vie privée de M. [J] [K] ;
Confirmer l'ordonnance rendue par le Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse le 28 juin 2022 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de M. [J] [K] de voir condamner le Groupe [I] et M. [V] [I] à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
Condamner solidairement le Groupe [I] et M. [V] [I] à verser à M. [J] [K] la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais et honoraires engagés au titre de la première instance.
En tout état de cause,
Débouter le Groupe [I] et M. [V] [I] de toutes leurs demandes, fins et conclusions comme infondées ;
Condamner solidairement le Groupe [I] et M. [V] [I] à verser à M. [J] [K] la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens de l'instance.
À l'appui de ses conclusions, l'intimé fait principalement valoir :
Il a le droit d'être un associé mécontent d'avoir été dupé par un homme d'affaires habile, afin de développer de mirobolantes opérations immobilières qu'il a « vendues , puisque les sociétés sont toutes en pertes.
Il n'a pu obtenir des renseignements sur l'évolution des sociétés Les Chardons 1800 et Carre Alpin 1,
Lorsque les comptes étaient déposés, ils étaient anonymes,
La société Philexane, qui rénove elle-même des appartements un par un, ne saurait être considérée comme un concurrent des sociétés du Groupe [I], outre la différence énorme existant entre son chiffre d'affaires et ceux de ces sociétés,
A aucun moment, M. [K] n'a cherché à nuire aux intérêts du Groupe [I] puisque leurs intérêts économiques sont liés,
Chacune de ses publications constitue une critique mesurée, détaillée, chiffrée et repose sur une base factuelle évidente.
Pour plus ample exposé des moyens développés par les parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile il sera fait référence à leurs écritures.
MOTIFS
A titre liminaire, lorsque les demandes des parties tendant à voir la cour "constater" ou "dire et juger" ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
Sur la demande visant à écarter des pièces :
M. [K] demande à la cour d'écarter les pièces adverses n° 38, 39, 40 et 41 constituants sa pièce n°84. Il invoque l'absence de justification de leur provenance malgré sommation et si elles proviennent des perquisitions civiles objets d'une décision de refus de rétractation, la cour est saisie d'un appel de cette décision . Il évoque également l'atteinte à sa vie privée et dit ne pas disposer du procès-verbal de constat de la saisie.
La cour constate que :
la pièce n° 38 est un mémo stratégique que M. [K] dit s'être fait à lui-même valant compte-rendu d'entretien et de recherches,
la pièce n° 39 est un autre mémo que M. [K] dit avoir fait ensuite d'investigations auprès d'autres actionnaires,
la pièce n° 40 est un projet de mail que M. [K] dit s'être adressé à lui-même le 23 juillet 2022,
la pièce n° 41 est un courriel adressé par M. [K] a adressé à un locateur d'ouvrage,
Les appelantes citent ces pièces comme issues de la mesure de constat autorisé par ordonnance du 8 juillet 2022, dont le président du tribunal judiciaire a refusé la rétractation.
Si M. [K] a interjeté appel du refus de rétractation, l'ordonnance du 8 juillet 2022 n'a pas fait obstacle à la communication de pièces avant toute décision judiciaire irrévocable. La cour n'est pas en la présente instance, le juge d'appel du refus de la rétractation de l'ordonnance sur requête.
La demande tendant à les voir écartées doit être rejetée.
Sur les demandes des sociétés CAP Investissements, Les Chardons 1800, Immerialys, Carré Alpin 1, Carré Alpin 2 et de M. [I] :
L'article 834 du Code de procédure civile dispose :
« Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. »
Au terme du premier alinéa de l'article 835 du Code de procédure civile : « le président du tribunal judiciaire dans les limites de sa compétence peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »
Les appelantes demandent l'affirmation de l'ordonnance rendue en ce qu'elle n'a pas caractérisé l'existence d'un trouble manifestement illicite (article 835) et d'autre part, en ce qu'elle n'a pas caractérisé l'urgence (article 834).
Selon l'article 1240 du Code civil,« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
Par application de l'article L. 151-1 du Code de commerce, est protégée au titre du secret des affaires une information répondant aux critères suivants :
Elle n'est pas en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exact de ces éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité,
Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret,
Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnable, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.
Les articles L. 151-4 et L. 151-5 du Code de commerce indiquent :
« L'obtention d'un secret des affaires est illicite lorsqu'elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime et qu'elle résulte :
1º D'un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique qui contient le secret ou dont il peut être déduit, ou bien d'une appropriation ou d'une copie non autorisée de ces éléments ;
2º De tout autre comportement considéré, compte tenu des circonstances, comme déloyal et contraire aux usages en matière commerciale. »
et « L'utilisation ou la divulgation d'un secret des affaires est illicite lorsqu'elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime par une personne qui a obtenu le secret dans les conditions mentionnées à l'article L. 151-4 ou qui agit en violation d'une obligation de ne pas divulguer le secret ou de limiter son utilisation. »
Enfin, L. 152-2 du Code de commerce prévoit : « Toute atteinte au secret des affaires telle que prévue aux articles L. 151-4 à L. 151-6 engage la responsabilité civile de son auteur. »
Cependant par application de l'article L. 151-8 du Code de commerce :
« A l'occasion d'une instance relative à une atteinte au secret des affaires, le secret n'est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue :
1° Pour exercer le droit à la liberté d'expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse, et à la liberté d'information telle que proclamée dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
2° Pour révéler, dans le but de protéger l'intérêt général et de bonne foi, une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible, y compris lors de l'exercice du droit d'alerte défini à l'article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dans les conditions définies aux articles 6 et 8 de la même loi ;
Les appelants invoquent l'existence d'un trouble manifestement illicite par le dénigrement de M. [K], ses propos ne pouvant être considérés comme une critique relevant de la liberté d'expression. Ils ajoutent que la qualité de l'auteur des propos, en situation de concurrence ou non, est indifférente à la caractérisation du dénigrement.
Concernant le dénigrement reproché à M; [K], les appelants évoquent des extraits de publications intervenues sur 4 sites internet en avril et mai 2022 :
1 - Publication Facebook d'avril 2022 ; [L] [K] -Finerialys :
(...) Cap investissements qui propose à des particuliers d'investir dans ses projets qui s'avèrent déficitaires et où plusieurs personnes se sont déjà fait avoir.
2 - Deux avis Google du 23 avril 2022 sur les sociétés Immerialys et Cap Investissements :
Concernant la première - '(...) force est de constater qu'à ce jour les plus gros projets présentés tels que « Les Chardons 1800 » et dans la moindre mesure « Carré Alpin » sont des fiascos financiers pour les associés.(...) Malgré les pactes d'actionnaires et paroles rassurantes du gérant, aucun des engagements de transparence financière n'est respecté. Aucun des comptes d'aucune des sociétés consultables et des contentieux judiciaires sont très nombreux, tant avec les fournisseurs qu'avec les associés(...).
PS clin d'oeil : les actionnaires pleurent mais la Sté Cap Investissement s'envole(...)'
Concernant la seconde : « (...) force est de constater qu'à ce jour les plus gros projets présentés tels que « Les Chardons 1800 » et dans la moindre mesure « Carré Alpin » sont des fiascos financiers pour les associés(...) Aucun des comptes d'aucune des sociétés consultables et des contentieux judiciaires sont très nombreux, tant avec les fournisseurs qu'avec les associés(...) C'est à se demander s'il y a un pilote dans l'avion et l'on ne peut s'empêcher de penser au système de Ponzi ou à l'affaire Madoff ».
3 - Commentaire du 28 avril 2022 sur le site internet Linkedin, [L] [K] a notamment écrit - « Pactes d'actionnaires jamais respectés »
Le 18 mai 2022 sur un message publicitaire ventant la réussite d'Immerialys, il écrit « Ce qui serait formidable, c'est que M. [V] [I] fasse la même chose avec ses actionnaires et avec ses fournisseurs ».
4 - Commentaire YouTube :
Le 23 avril 2022, un commentaire a été laissé sous une vidéo Youtube sous le pseudonyme de « latêteàtoto » « j'espère que les conseils sont meilleurs que la gestion, parce que l'opération ». Les Chardons 1800 est une catastrophe économique pour les actionnaires et l'opération « Carré Alpin » qui sont de projets phares du groupe Immérila entrant le même chemin (...).
Les appelantes ne rapportent pas la preuve que ce texte est imputable à M. [K]. Il ne peut être pris en compte.
Les sociétés appelantes invoquent également un courriel adressé à une date non déterminée au responsable commercial de la société Koregraf qui aurait financé récemment un emprunt d'un million d'euros pour Carré Alpin n° 2 ( pièce n° 17) faisant état de possibles manœuvres de cavalerie, 'nous ne saurions trop vous alerter sur les risques encourus'.
Elles font état ensuite d'une collusion avec l'un de ses anciens employé M. [Z], licenciement pour harcèlement, d'une collision avec l'entreprise De Stefani intervenue dans l'instance en demande d'expertise de gestion bien que sans intérêt à agir avant de s'en désister, et de propos tenus auprès de partenaires mais en produisant une attestation contestée, sans justificatif d'identité que la cour écarte puisque non conforme aux exigences légales.
En premier lieu, la cour relève que si l'objet de la société Philexane Investments est une activité de marchand de biens, ses comptes annuels pour l'exercice clos au 30 septembre 2020 établissent un chiffre d'affaires de 141'000 euros pour un résultat net comptable de - 9 927 euros, pour l'exercice clos au 30 septembre 2021, un chiffre d'affaires nul pour un résultat net comptable de -23 042 euros, et pour l'exercice clos au 30 septembre 2022 de nouveau un chiffre d'affaires nul, pour un résultat net comptable de - 56 331 euros. De surcroît cette société a investi dans la société les Chardons 1800.
Selon les extraits société (pièce 46 intimé) la société Cap Investissement a réalisé sur l'année 2020 un chiffre d'affaires de 3'705 700 euros. Le chiffre d'affaires de la société Les Chardons 1800 en 2021 était de 13 868 200 euros, celui d'Immerialys de 529 400 euros.
La situation de concurrence de la société présidée par M. [J] [K] envers les sociétés appelantes n'est pas établie d'évidence. Le dénigrement peut certes intervenir hors situation de concurrence.
La cour relève que les commentaires reprochés à M. [K] qui a investi avec ses filles plus de 600'000 euros, sont deux avis google et des commentaires faisant suite à des publications d'Immérialys.
Si les propos de M. [K] sont critiques, celui-ci communique des informations reçues en 2017 et notamment par un courriel de M.[I] annonçant une durée d'immobilisation des investissements de 36 mois pour un minimum d'apport de 50'000 euros avec, un retour sur investissement d'un million d'euros de dividendes versés avant impôt sur les sociétés à la liquidation de la SCCV(...).
Le courriel se référait au dossier synthétique de présentation, lequel faisait état hypothèse basse d'une marge de 12 % tandis que la synthèse de juin 2017 faisait état d'une marge de 32 %.
Il produit également une communication de Finerialys pour l'opération Les Chardons avec ouverture de la souscription du premier février 2018 annonçant une durée d'immobilisation des capitaux de 24 à 30 mois, outre une communication identique indiquant une durée d'immobilisation des capitaux de 12 à 18 mois et annonçant une prévision de gains avant impôt de 7 000 euros pour 10'000 euros investis augmentés de la récupération de l'apport.
M. [K] explique par ailleurs concernant le commentaire Linkedin avoir souligné la différence de traitement entre les affilés gestionnaires de projet et les investisseurs, que si selon les dires d'Immerialys, 75 % des affiliés voient leur remboursement de crédit en moins de 3 mois après l'achat du bien, 5 ans après les investissements des consorts [K],ceux-ci n'avaient toujours pas été remboursés malgré la durée d'immobilisation de 3 ans présentée au début du projet.
M. [K] justifie par ailleurs avoir dû avec ses filles agir en justice pour obtenir en justice le remboursement des comptes courants d'associés même si ses demandes d'expertise de gestion ou d'expertise in futurum ont été rejetées.
L'intimé produit également la synthèse d'opérations d'août 2019 de la résidence Carré alpin Phase 1 mentionnant une marge avant impôt sur les sociétés de 18,7 %.
Si liens avec M. [Z] qui a établi une attestation en sa qualité d'actionnaire de la société Les Chardons 1800 est discutée par les appelantes, puisque ancien salarié licencié, M. [K] produit également une attestation de M. [T] [W], gérant d'une société actionnaire des sociétés Les Chardons et Carré alpin 1 selon laquelle pour ce qui le concernait, « M. [I] n'a jamais respecté les pactes d'actionnaires que nous avons signés avec Cap Investissements tant concernant le projet Les Chardons que le projet Carré Alpin 1 où j'ai pourtant apporté pour chacun montant de 50'000 euros en compte courant qui n'ont été remboursés que tardivement (et sans intérêt). Il ne remet pas davantage de bilan sur les sociétés ne répond pas aux questions posées par les actionnaires lors des AG. »
M. [K] produit par ailleurs plusieurs décisions judiciaires dont aucune obtention frauduleuse n'est démontrée et notamment :
arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 6 janvier 2022 confirmant des saisies conservatoires à l'encontre de la société les Chardons 1800 la requête de la société ECRCE (Eiffage construction),
jugement du tribunal de commerce d'Annecy du 2 août 2022 sur opposition à une ordonnance d'injonction de payer du 1er avril 2021 condamnant la société les Chardons 1800 au paiement de deux factures à un cocontractant,
jugement du tribunal de commerce d'Annecy en date du 16 décembre 2022 statuant sur une opposition d'injonction de payer du 24 août 2021 condamnant la société les Chardons 1800 à payer au titulaire d'un marché (De Stefani) des sommes outre des dommages-intérêts pour résistance abusive.
La cour considère que si les propos de M. [K] ne sont pas modérés, il justifie d'investissements de lui-même et de ses filles ; ses commentaires et écrits ne sont pas sans base factuelle. Il n'est pas démontré que M. [K] a outrepassé la liberté d'expression d'un investisseur déçu et qu'il a voulu nuire.
Si un trouble peut être invoqué, son caractère manifestement illicite n'est pas établi
Les sociétés appelantes invoquent ensuite l'atteinte au secret des affaires par des communications ou déclarations de M. [K] :
« emprunts obligataires : RAIZERS (Carré Alpin 1 : 9 %/an) non remboursé à l'échéance 03/2022 et WISEED (Les Chardons : 12 %/an) remboursé avec beaucoup de retard » ;
« Pactes d'actionnaires jamais respectés » ;
« Plusieurs contentieux sont en cours, tant avec les fournisseurs qu'avec les actionnaires et vraisemblablement même les acquéreurs » ;
« je suis ses activités en cours et je constate, pour Carré Alpin 2, que malgré une hausse spectaculaire du CA annoncé (+34 %), le résultat prévisionnel est en baisse constante (-56 %) :
juillet 2020 : Synthèse financière « dossier partenaire » : marge annoncée avec IS : 1 330 290 soit 17,5% pour un CA estimé à 8 912 233 € ;
07 mars 2022 : Dossier KoregraF : marge nette prévisionnelle : 824 695 € soit 7 % du CA estimé à 11 015 00.
23 mars 2022 : Synthèse financière (confidentielle) marge avant IS : 581242 € soit 5,1 % malgré un CA en progression à 11 953 600 € ».
Il appartient aux appelantes de prouver que ces informations relèvent du secret des affaires sans être susceptibles d'être communiquées et leur valeur même si M. [K] n'est pas associé de Carré Alpin 2.
Or l'intimé justifie que les informations sur les emprunts obligataires sont accessibles sur la plateforme « Hellocrowdfounding » et dans le rapport de gestion de la société Les Chardons 1800 consultable sur les sites Internet « Infogreffe » et « Pappers ».
M. [K] a comme précédemment évoqué, justifié de l'existence de décisions judiciaires dans des litiges impliquant des sociétés du groupe, d'écrits appuyant la communication sur la violation du pacte d'associé sans cependant révéler le contenu des pactes.
Le premier juge a donc exactement retenu la non-démonstration que ces informations générales sur la situation financière de la société ont un caractère secret et revêtent le caractère d'information protégée au titre du secret des affaires.
Les sociétés appelantes et M. [I] invoquent également une attestation du 10 mai 2022 de Mme [Y], épouse de M. [I], et en instance de divorce. Cette attestation sans justificatif d'identité est contestée doit être écartée.
Enfin les sociétés requérantes invoquent les pièces obtenues à la suite d'une ordonnance sur requête.
Celles-ci ayant été déposées pendant le délibéré de l'ordonnance de référé dont la cour est saisie invoquant notamment que les sociétés requérantes étaient fondées à établir la preuve de (...) « Des dénigrements effectués par M. [Z] et M. [K] à l'encontre des sociétés du groupe [I], de la détention des données stratégiques des sociétés du groupe [I], et de leur communication en violation des obligations de loyauté et confidentialité (...). »
La cour, dans son appréciation souveraine, retient qu'il ne peut être tenu compte des pièces produites par les sociétés appelantes issues de la mesure de constat dès lors que la décision du juge des requêtes de refuser de rétracter fait l'objet d'un appel, et que si cet appel prospère, les mesures de constat seront annulées, ce qui aurait pour conséquence de fonder la décision du juge d'appel sur des pièces invalides.
La cour confirme la décision attaquée en ce qu'aucun trouble manifestement illicite n'est démontré.
Par ailleurs, les appelantes reprochent au premier juge l'absence de caractérisation de l'existence d'une urgence sur le fondement de l'article 834 du Code de procédure civile.
L'urgence n'est qu'une des conditions d'application de l'article 834 du Code de procédure civile puisque les mesures pouvant être ordonnées ne doivent alors se heurter à aucune contestation sérieuse ou justifiées par l'existence d'un différend.
Les appelantes considèrent que la situation de l'espèce présente nécessairement un caractère urgent au regard du comportement frénétique de M. [K] et de ses conséquences.
La cour relève que le premier juge qui a relevé l'existence d'une contestation sérieuse face à l'affirmation de violation du secret des affaires n'était pas tenu de rechercher l'existence d'une urgence.
La cour y ajoute que le différend entre les parties ne justifie pas plus les demandes.
Enfin les appelantes revenant à l'article 835 du Code de procédure civile invoquent un dommage imminent en soutenant que le dénigrement systématique opéré par M. [K] sur des réseaux sociaux à large audience a d'ores et déjà causé un préjudice d'image et que la persévérance de M. [K] est aussi, par voie de conséquence, susceptible de mettre en péril la pérennité du Groupe [I], et sa notoriété auprès de tous ses partenaires.
Les appelants ajoutent que de ce fait, il ne fait nul doute que le maintien des avis négatifs laissés par Monsieur [K] sont susceptibles de susciter des doutes et des craintes des partenaires commerciaux du Groupe [I] qui viendraient à les lire.
Ainsi, le comportement de Monsieur [K] est susceptible d'engendrer des dommages financiers et d'image conséquents qu'il convient de prévenir.
La cour considère qu'aucun dommage imminent n'est démontré par les affirmations des appelantes.
En conséquence la décision attaquée doit être confirmée.
Sur les mesures accessoires :
L'article 700 du Code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut même d'office pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.
Les appelants succombant, la cour confirme sur les dépens la décision attaquée en y ajoutant leur condamnation aux dépens à hauteur d'appel.
La cour considère qu'il n'était pas inéquitable en première instance d'écarter l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il en est autrement à hauteur d'appel alors que le premier juge avait parfaitement motivé sa décision et que les pièces nouvelles n'ont pas démontré des prétentions.
L'équité commande de condamner à hauteur d'appel les sociétés Cap Investissements, Chardons 1800, Immerialys, Carré Alpin 1, Carré Alpin 2, et M. [V] [I] in solidum à payer à M. [J] [K] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les demandes des appelantes sur le même fondement ne peuvent qu'être rejetées,
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme la décision attaquée,
Y ajoutant,
Condamne in solidum les sociétés Cap Investissements, Chardons 1800, Immerialys, Carré Alpin 1, Carré Alpin 2 et M. [V] [I], aux dépens à hauteur d'appel,
Condamne in solidum les sociétés Cap Investissements Chardons 1800, Immerialys, Carré Alpin 1, Carré Alpin 2, et M. [V] [I], à payer à M. [J] [K] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Rejette toute autre demande.