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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 28 novembre 2023, n° 21/00233

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Poirel

Conseillers :

Mme Vallée, M. Breard

Avocats :

Me Imperial, Me Seguier, Me Danglade, Me Claisse

TJ Bordeaux, 1re ch., du 2 déc. 2020, n°…

2 décembre 2020

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

La SAS [X], créée en 1946, fait partie du groupe [X] contrôlé par la SAS [X] Groupe et a pour activité les travaux de montage de structures métalliques. Depuis 1946, les membres de la famille [X] interviennent dans le fonctionnement de la société.

M. [Y] [X] a été directeur technique et est toujours associé. Son fils, M. [I] [X] a exercé différents postes et a notamment été directeur technique et commercial à compter de janvier 2011. Il a été licencié pour faute grave en avril 2016. Son autre fils, [T] [X], qui a intégré la société en 1999, a été nommé Président de la SAS [X] et de la SAS [X] Groupe en 2006.

Par arrêt de la cour d'appel de Toulouse en date du 27 septembre 2019, aujourd'hui définitif sur ce point, il a été jugé que le licenciement de M. [I] [X] reposait sur une faute grave.

M. [I] [X], avait déposé en son nom personnel le 14 novembre 2011, la marque semi-figurative :

Elle a été enregistrée le 9 mars 2012 en classes 1, 6, 7, 9, 12, 16, 19, 22, 39, 40 et 42. Cette marque française a été publiée au Bulletin Officiel de la Propriété Intellectuelle n° 2011-49 le 9 décembre 2011 sous le numéro 3873 822.

Reprochant à M. [I] [X] le dépôt de cette marque semi-figurative en fraude de leurs droits et l'incertitude engendrée vis à vis des tiers par cette situation compromettant des projets de cession de la société, la SAS [X] et la SAS [X] Groupe l'ont fait assigner, par exploit d'huissier du 7 novembre 2018, devant le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Par jugement du 2 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a : 

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en revendication de la marque française semi-figurative n° 3 873 822,

- dit que M. [I] [X] a déposé le 14 novembre 2011, la marque française semi-graphique en classes 1, 6, 7, 9, 12, 16, 19, 22, 39, -40, 42, enregistrée sous le numéro 3873822 en fraude des droits de la SAS [X],

- déclaré la SAS [X] fondée à réclamer la propriété de cette marque et ordonné son transfert au profit de cette dernière, avec inscription du jugement en marge du Registre Nationale des Marques,

- dit que l'action en contrefaçon de droits d'auteur sur les logos :

et

est prescrite,

- rejeté l'action fondée sur des actes de concurrence déloyale ou parasitaire au préjudice des SAS [X] et SAS [X] Groupe,

- rejeté toutes les demandes indemnitaires formées par la SAS [X] et la SAS [X] Groupe,

- rejeté la demande en dommages et intérêts formée par M. [I] [X] pour procédure abusive,

- condamné M. [I] [X] à payer à la SAS [X] et la SAS [X] Groupe la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [I] [X] aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

M. [I] [X] a relevé appel limité de ce jugement par déclaration du 14 janvier 2021 en ce qu'il a :

-rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en revendication de marque,

-rejeté la demande en dommages et intérêts formée par M. [I] [X] pour procédure abusive,

- condamné M. [I] [X] à payer à la SAS [X] et la SAS [X] Groupe la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Par ordonnance de référé premier président du 22 avril 2021, l'appelant a été débouté de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire et condamné à verser aux sociétés intimées la somme de 1 000 euros, outre les dépens.

Par ordonnance du 10 novembre 2021, le conseiller de la mise en état de la 1ère chambre civile a rejeté les demandes des sociétés intimées tendant à voir prononcer la radiation de l'appel.

M. [I] [X], dans ses dernières conclusions en date du 2 octobre 2023 demande à la cour de :

- rejeter toutes conclusions contraires comme irrecevables et mal fondées,

- statuer sur l'appel principal de M. [I] [X],

A titre principal :

Réformer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 2 décembre 2020 sur les chefs de jugement objets de l'appel,

- constater que M. [I] [X] est le titulaire de bonne foi de la marque semi-figurative n°3873822 déposée le 14 novembre 2011 auprès du registre National de l'INPI,

- constater l'absence de caractère frauduleux du dépôt de la marque semi-figurative n°3873822 « [X] » par M. [I] [X],

Par conséquent,

- déclarer prescrite l'action de la société [X] et de la société [X] Groupe en revendication de la marque semi-figurative n°3873822 « [X] » du 14 novembre 2011,

Et, statuant à nouveau, sur les demandes de la société [X] et de la SELARL

[U] et Associés, en la personne de Maître [V] [P], es qualité de mandataire judiciaire de la société [X] Groupe :

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a :

* dit que l'action en contrefaçon de droit d'auteur sur les logos était prescrite,

* rejeté l'action fondée sur des actes de concurrence déloyale ou parasitaire au préjudice des SAS [X] et SAS [X] Groupe,

* rejeté toutes les demandes indemnitaires formées par la SAS [X] et la SAS [X] Groupe,

En toute hypothèse,

- condamner la SAS [X] et la SAS [X] Groupe au paiement au profit de M. [I] [X] de la somme de 8 000 € en réparation de son préjudice pour procédure abusive,

- condamner la SAS [X] et la SAS [X] Groupe au paiement au profit de M. [I] [X] de la somme de 8 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- mettre la totalité des dépens de l'entier litige à la charge de la SAS [X] et de la SAS [X] Groupe.

La société [X] et la SELARL [U] et Associés, ès qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la société [X] Groupe, dans leurs dernières conclusions déposées le 30 mars 2023, contenant appel incident, demandent à la cour de :

1. Statuant sur l'appel principal de M. [I] [X],

- débouter M. [X] de son appel et de l'intégralité de ses demandes,

- Confirmer le jugement sur les dispositions attaquées par ce dernier,

En tout état de cause,

Sur les demandes fondées sur le droit des marques :

A titre principal,

- déclarer irrecevable l'exception de prescription soulevée par M. [I] [X],

- ordonner le transfert de la propriété de la marque semi-figurative n° 3873822 « [X] » déposée le 14 novembre 2011, enregistrée le 9 mars 2012, en classes 1, 6, 7, 9, 12, 16, 17, 19, 22, 37, 39, 40, 42 à la société [X],

A titre subsidiaire,

-déclarer irrecevable l'exception de prescription soulevée par M. [I] [X],

- prononcer la nullité marque française semi-figurative n° 3873822 « [X] »,

A titre très subsidiaire,

- prononcer la déchéance marque française semi-figurative n° 3873822 « [X] » pour défaut d'exploitation sérieuse et continue de la marque française semi-figurative n° 3873822 « [X] » depuis plus de 5 ans,

Sur les demandes reconventionnelles de M. [I] [X] :

- débouter M. [I] [X] de l'ensemble de ses demandes,

2. Statuant sur l'appel incident de la société [X] et de la Selarl [U] et Associés, en la personne de Maître [V] [P], es qualité de mandataire judiciaire de la société [X] Groupe :

Infirmer partiellement le jugement uniquement sur les chefs de jugement critiqués, en ce qu'il a :

* dit que l'action en contrefaçon de droit d'auteur sur les logos :

et

est prescrite,

* rejeté l'action fondée sur des actes de concurrence déloyale ou parasitaire au préjudice des SAS [X] et SAS [X] Groupe,

* rejeté toutes les demandes indemnitaires formées par la SAS [X] et la SAS [X] Groupe,

Et, statuant à nouveau, sur les demandes de la société [X] et de la SELARL [U] et Associés, en la personne de Maître [V] [P], es qualité de mandataire judiciaire de la société [X] Groupe :

Sur la demande fondée sur le droit d'auteur :

- condamner M. [I] [X] pour les actes contrefaçon commis sur la création originale du logo :

conçue et utilisée par la société [X] et dont cette dernière détient les droits patrimoniaux au sens du Code de la Propriété Intellectuelle, notamment en ses articles L. 112-1, L. 113-1, L. 113-2 et L. 113-5,

- condamner M. [I] [X] pour les actes de contrefaçon commis sur la création originale du logo conçue et utilisée par la société [X] Groupe et dont cette dernière détient les droits patrimoniaux au sens du Code de la Propriété Intellectuelle, notamment en ses articles L. 112-1, L. 113-1, L. 113-2 et L. 113-5,

- interdire à M. [I] [X] de réaliser, faire réaliser, détenir, proposer à la vente ou distribuer, exposer, reproduire, vendre, et d'une manière générale, commercialiser des contrefaçons ou copies des créations invoquées, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, et ce, dès la signification de la décision à intervenir,

Sur la demande fondée sur le détournement de dénominations sociales

- condamner M. [I] [X] pour les actes de concurrence déloyale relatif au détournement des dénominations sociales de la société [X] Groupe et de la société [X],

- ordonner à M. [I] [X] de cesser tout détournement des dénominations sociales de la société [X] Groupe et de la société [X], sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, et ce, dès la signification de la décision à intervenir,

Sur les préjudices

- condamner M. [I] [X] au paiement au profit de la société [X] des sommes de :

* 50.000 euros en réparation de son préjudice au titre du dépôt de la Marque semi-figurative « [X] » en violation de ses droits antérieurs sur la dénomination « [X] »,

* 2.000 euros en réparation des atteintes au droit moral de la société [X],

* 8.000 euros en réparation des actes de contrefaçon commis à l'encontre de la société [X],

* 5.000 euros en réparation du détournement de la dénomination sociale de la société [X],

- condamner M. [I] [X] au paiement au profit de la SELARL [U] et Associés prise en la personne de Maître [V] [P] es qualité de mandataire judiciaire de la société [X] Groupe des sommes de :

* 2.000 euros en réparation des atteintes au droit moral de la société [X] Groupe,

* 8.000 euros en réparation des actes de contrefaçon commis à l'encontre de la société [X] Groupe,

* 5.000 euros en réparation du détournement de la dénomination sociale de la société [X] Groupe,

En toute hypothèse,

- se réserver la liquidation des astreintes,

- condamner M. [I] [X], à payer à la société [X] et à la SELARL [U] et Associés, en la personne de Maître [V] [P], es qualité de mandataire judiciaire de la société [X] Groupe, une somme de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel,

- mettre la totalité des dépens d'appel à la charge de M. [I] [X].

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 17 octobre 2023.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 3 octobre 2023.

En cours de délibéré, s'agissant du point de départ de la prescription de l'action en contrefaçon de logo, la cour a sollicité les observations des parties, sur le fait que le dépôt ou l'enregistrement d'une marque comportant un logo puisse constituer en soi un acte de contrefaçon de ce même logo, par le biais d'une note en délibéré à intervenir au plus tard le 17 novembre 2023.

Vu les observations des sociétés intimées en date du 10 novembre 2023.

Vu les observations de l'appelant en date du 13 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur l'action en revendication de la marque française semi-figurative n° 3 873 822,

Après avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, le tribunal a fait droit aux demandes, déclaré la SAS [X] fondée à réclamer la propriété de cette marque et ordonné son transfert au profit de cette dernière avec inscription du jugement en marge du Registre National des Marques.

M. [I] [X] demande la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action au motif de sa mauvaise foi et fait droit aux demandes, contestant toute mauvaise foi de sa part, insistant sur le fait que le dépôt de la marque a été effectué en 2011 au vu et au su de tous, avec l'accord de l'associé unique pour le dépôt de son nom patronymique en tant que marque, alors qu'il n'existait aucune tension interne ou animosité au sein de la SAS jusqu'avant l'année 2016 qui a été celle de son licenciement, qu'il s'agissait, par ce dépôt, de lui reconnaître sa participation active au rayonnement de la société par ses innovations techniques, 'inventeur d'outillages et de méthodes spécifiques', qui ont permis à la société d'obtenir d'importants contrats, avec Airbus notamment, les relations s'étant ensuite dégradées avec son frère [T] [X], PDG de la SAS, lequel avait pourtant parfaitement connaissance du dépôt de la marque qui n'a pas été effectué en fraude des droits de la société.

Selon l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle dans sa version en vigueur à la date des faits 'si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.

A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement.

Il s'en évince, ainsi que l'a justement relevé le tribunal, que seul le déposant de bonne foi est fondé à se prévaloir de la prescription de l'action en revendication de marque et que la SAS [X], qui est tiers à la demande d'enregistrement de la marque litigieuse, a qualité à alléguer une fraude à ses droits.

En l'espèce, la marque litigieuse, semi-figurative, '[X]', a été déposée par M. [I] [X] en son nom personnel, le 14 novembre 2011, enregistrée le 9 mars 2012 et publiée au JO le 9 décembre 2011.

Le tribunal a justement observé qu'en déposant cette marque et en sollicitant son enregistrement, qui plus est dans un nombre de classes correspondant à la totalité des produits ou services de la SAS [X], dépassant d'ailleurs son propre domaine de compétence, ce en quoi il n'est pas contredit, M. [I] [X] a nécessairement porté atteinte aux droits antérieurs de la société [X] sur la marque entraînant pour conséquence qu'elle ne pouvait plus utiliser sa dénomination sociale sans craindre de porter atteinte à la marque ainsi déposée.

Dans ce contexte, si M. [I] [X] fait valoir que lorsqu'il a déposé sa marque, le 14 novembre 2011, il l'a fait avec l'accord unanime des membres de la famille, au vu et au su de tous, il ne démontre pas au vu des seules attestations de [Y] et [N] [X], partie prenante d'un conflit sociétal qui s'avère également être un conflit familial, qu'il avait obtenu l'accord de la société, soit de l'associé unique, soit des actionnaires, soit du PDG de la SAS, en bonne et due forme, selon ce que les statuts prévoyaient s'agissant de la répartition des compétences entre ces organes.

Pas davantage, il n'est établi que ce dépôt de marque en nom propre ait été évoqué à l'occasion d'une quelconque assemblée générale, ni que la société en ait été officiellement informée.

Or, il résulte des éléments versés aux débats par la société [X] qu'il existait dès le mois d'avril 2011 à tout le moins des dissensions entre [I] et [T], notamment concernant les projets de vente de [T], comme résultant de deux écrits émanant de [I] lui-même en date du 10 avril 2011 (pièces 6 et 7 de l'intimée) par lesquels il sollicitait une réunion urgente à leur propos.

Il s'ensuit qu'il n'est pas non plus établi que le PDG de la SAS, M. [T] [X], était informé de la demande d'enregistrement de la marque [X] par son frère, [I], qui a donc été faite en non-respect des dispositions légales ou conventionnelles.

Par ailleurs, il ne s'agit pas ici de remettre en cause la possibilité pour la SASA d'user à titre de dénomination sociale du patronyme de l'un des associés fondateurs, de sorte qu'il importe peu que M. [Y] [X], père, n'ait le cas échéant pas donné son accord pour l'utilisation à titre de marque de son patronyme par la société, n'ayant pas perdu ses droits patrimoniaux sur celui-ci. En effet, la SAS n'a jamais déposé ce nom à titre de marque, celui-ci se trouvant simplement être, au jour du dépôt litigieux, sa dénomination sociale, comme adoptée par ses statuts depuis 1946, en sorte que le dépôt de sa dénomination sociale à titre de marque par le directeur technique de la société, qui plus est sur l'ensemble des produits et services de la société, était de nature à porter atteinte à ses droits et intérêts, privant ainsi la société [X] de droits ultérieurs dans ces classes, de nature à paralyser son activité.

Le tribunal a en outre exactement retenu qu'il n'était nullement établi, que M. [I] [X] ait, ainsi qu'il le prétend, développé des outils professionnels depuis 2012 sur lesquels il aurait apposé sa marque avec des autocollants', de nature à justifier la pertinence du dépôt de la marque [X] au nom du directeur technique plutôt qu'au nom de la société exploitante.

Enfin, les relations entre les sociétés [X] et celles dirigées par [T] [X] (Ileo, Yuma) qui ont conduit la société [X] à déposer la dénomination sociale de la première en tant que marque en décembre 2008 et de la seconde en août 2011, et ont abouti à la condamnation de [T] [X] à paiement de sommes au profit de la liquidation de la société Yuma, sont sans incidence sur le fait que [I] [X] est dans l'incapacité de rapporter la preuve qu'il aurait été autorisé par la société exploitante au dépôt de la marque [X], ni sur le fait que ce dépôt a été accompli en fraude des droits des tiers et en l'occurrence de la SAS [X].

En conséquence, ce dépôt qui n'a pas été fait avec l'accord de la société exploitante, l'eût il été au vu et au su de certains membres de la famille et de l'associé unique, alors qu'il n'est pas établi que le PDG, [T] [X], en était informé, et qui s'avère être, pour les motifs sus exposés, contraire aux droits et intérêts de la société, ce que [I] [X] qui s'est dispensé de solliciter l'accord de la société ne pouvait ignorer, constitue un dépôt frauduleux.

La mauvaise foi de M. [I] [X] et partant, la volonté de nuire aux droits de la société, sont par là même suffisamment établies privant M. [I] [X] de la possibilité de se prévaloir de la prescription, en sorte que le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a déclaré l'action recevable.

Enfin, sur le fond, le tribunal, par des motifs pertinents que la cour adopte, en l'absence d'arguments plus pertinents soulevés en cause d'appel, a justement retenu qu' en déposant la dénomination sociale de la société [X] à titre de marque, M. [I] [X] a volontairement ignoré l'antériorité de l'usage de la dénomination sociale par la SAS [X] et fait ainsi obstacle à l'utilisation par la SAS de sa propre dénomination sociale relativement à l'ensemble des produits et services distribués sous son nom, alors qu'il ne démontrait pas avoir fait usage de cette marque entre 2011 et 2016, du moins tant qu'il était salarié de la SAS, et que par ce dépôt il se retrouvait le cas échéant en position de faire obstacle à un projet de cession en opposant la titularité de sa marque, ce que n'a d'ailleurs pas manqué de faire observer M. [Y] [X], père, dans un courrier menaçant adressé au Président (son fils [T]), le 19 juin 2017 et que ne pouvait ignorer [I], quand bien même ce courrier n'émanait pas de lui.

Cela est d'autant plus vrai que quelques mois avant le dépôt de la marque, en avril 2011, [I] avait clairement marqué son désaccord avec des projets de vente de la société émanant de [T].

C'est donc à bon droit que le tribunal a accueilli l'action en revendication de la marque française semi-figurative n° 3873822 et ordonné le transfert de propriété de la marque SAS [X], ce en quoi le jugement entrepris est également confirmé, la cour n'ayant pas à se prononcer sur les demandes, subsidiaire et plus subsidiaire, en nullité et en déchéance.

II - Sur l'action en contrefaçon de droits d'auteur sur les logos :

Le tribunal a jugé que l'action était prescrite, retenant que le délai de 5 ans pour agir tel que résultant de l'article 2224 du code civil avait couru dès l'enregistrement de la marque portant le dépôt de la marque litigieuse à la connaissance des tiers.

M. [I] [X] qui conclut à la confirmation du jugement de ce chef contestant essentiellement sur le fond que les logos soient protégeables au titre du droit d'auteur.

La SAS [X] et la société [X] Groupe, par l'intermédiaire de ses organes, concluent au contraire à l'existence de droits d'auteur sur les logos sus-visés et reproduits de manière identique ou similaire par la marque semi figurative litigieuse et, en conséquence, à contrefaçon de droits d'auteur de la part de [I] [X], contestant toute prescription de l'action, dès lors que la prescription n'a pu commencer à courir qu'à compter de leur connaissance en 2016 du dépôt frauduleux.

Dans leur note en délibéré, elles font valoir que la contrefaçon de logo est une infraction continue résultant de la protection automatique du logo par le droit d'auteur.

En l'espèce la marque semi figurative [X] telle qu'elle a été déposée, comporte effectivement, outre la marque verbale [X], un logo.

Le tribunal a retenu à bon droit que l'action en contrefaçon étant distincte du droit moral de l'auteur qu'il a vocation à protéger, l'imprescriptibilité du droit d'auteur n'emporte pas imprescriptibilité de l'action en contrefaçon portant sur ces mêmes droits d'auteur, en sorte que devait être examinée préalablement la prescription de l'action.

Les faits poursuivis étant antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi Pacte le 24 mai 2019 qui a modifié le régime de prescription de l'action en contrefaçon, c'est à bon droit que tribunal a retenu que la prescription de l'action était soumise aux dispositions de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 selon lequel la prescription court à compter jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'agir.

En revanche, c'est à tort qu'il a retenu que l'action en contrefaçon visant l'enregistrement d'une marque se prescrit à compter de l'accomplissement des formalités prévues à l'article R 712-23 du code de la propriété intellectuelle qui rendent cet enregistrement public et opposable aux tiers, dès lors qu'il est admis que le seul dépôt ou enregistrement d'une marque arguée de contrefaçon, qui peut être atteint de nullité, ne saurait constituer un acte de contrefaçon en dehors de l'utilisation de la marque dans la vie des affaires.

Ainsi, le fait de déposer une marque comportant un logo reproduisant ou imitant un logo sur lequel un tiers serait titulaire de droits d'auteur, ne constitue pas un acte de contrefaçon de droits d'auteur s'il n'en est pas fait utilisation. Dès lors, l'enregistrement du logo à titre de marque ne saurait constituer le point de départ de la prescription de l'action en contrefaçon permettant d'agir, seule la connaissance d'un acte de contrefaçon permettant d'intenter une action de ce chef.

Or, il a été précédemment retenu que M. [I] [X] ne rapportait pas la preuve de ce qu'il avait fait utilisation de la marque éventuellement contrefaisante à tout le moins alors qu'il était salarié, soit avant le mois d'avril 2016.

Dès lors qu'il n'est pas allégué par les sociétés [X] qui sont demanderesses à l'action un quelconque acte de contrefaçon en dehors du simple dépôt de la marque comportant le logo litigieux qui n'en constitue pas un, alors que seule la connaissance d'un tel fait permet d'agir, la prescription n'a en conséquence pu commencer à courir et l'action entreprise le 7 novembre 2018 n'est pas prescrite, ce en quoi le jugement entrepris est infirmé.

Toutefois, pour les mêmes motifs tenant à l'absence d'actes d'exploitation dans la vie des affaires des logos litigieux, le seul dépôt, qu'il soit ou non suivi d'un enregistrement, ne constituant pas en soi un acte de contrefaçon, la SAS [X] et la Selarl [U] et Associés prise en la personne de maître [V] [P], agissant ès qualités de mandataire liquidateur de la société [X] Groupe, seront déboutées de leurs demandes au titre de la contrefaçon de droits d'auteurs sur des logos.

III - Sur l'action fondée sur des actes de concurrence déloyale ou parasitaire au préjudice des SAS [X] et SAS [X] Groupe,

Les sociétés intimées qui sont appelantes incidentes de ce chef continuent de reprocher à [I] [X] un dépôt de la marque semi-figurative [X] en fraude des droits de la société, indiquant de manière générale que [I] [X] « a choisi sciemment d'utiliser la dénomination sociale de la société dans la marque semi figurative ainsi que la dénomination partielle de la société [X] Groupe ».

Cependant, le tribunal a rejeté leur demande de ces chefs, après avoir justement relevé que les deux fondements visaient la sanction de comportements distincts, au motif qu'il n'était cependant détaillé ou mis en évidence aucun acte précis d'utilisation de la marque susceptible de constituer un acte de concurrence déloyale ou de parasitisme et partant, d'engager la responsabilité civile de l'appelant. Il a donc là aussi considéré, et ce à bon droit, que le seul dépôt d'une marque éventuellement contrefaisante, suivi ou non d'un enregistrement, n'était pas suffisant à constituer une utilisation préjudiciable dans la vie des affaires susceptible d'engager la responsabilité civile du déposant.

À ce titre, il a justement retenu que le seul courrier du père, M. [Y] [X], adressé à [T] [X], le 19 juin 2017, ne pouvait à lui seul caractériser à l'encontre [I] [X], un usage de la marque semi figurative '[X]', ni constituer à son encontre un acte de concurrence déloyale ou parasitaire et qu'il n'était pas établi que l'échec d'une opération de rachat de la SAS par la société Transport Location Courcelle soit en lien avec le présent litige et les faits reprochés à [I], ce qui ne pouvait résulter de la seule insertion d'une clause afférente au litige en cours concernant la marque dans le protocole de rachat, celle-ci attestant seulement le fait que le litige en cours a été porté à la connaissance de l'acquéreur potentiel et qu'il est entré dans la négociation.

Si de son côté, M. [I] [X], pour contester avoir agi de mauvaise foi en déposant la marque litigieuse, a prétendu avoir fait utilisation de la marque en apposant sur des outillages les auto-collant représentant la marque, et ce au vu de tous, ce qui était contesté par la société [X] qui prétendait à titre subsidiaire à une absence d'exploitation de la marque ainsi déposée par [I] (ses conclusions page 27), il a été précédemment retenu que cela n'était pas établi.

Devant la cour, le débat porte davantage sur une "utilisation préjudiciable de la dénomination sociale", un "détournement de celle-ci" et des actes de dénigrement de la part de [I] [X].

Mais il ne résulte pourtant pas des conclusions des sociétés intimées que l'utilisation et le détournement de la dénomination sociale de la société soient caractérisés autrement que par le seul dépôt de la marque et par l'utilisation de cette dénomination sociale "dans la marque semi-figurative".

Quant aux actes de dénigrement imputés par les intimées à l'appelant auprès des clients ou partenaires de la société, ils ne sauraient résulter du témoignage très imprécis et indirect du témoin [F] en ces termes « Il m'a de nouveau été confirmé la manœuvre de la société Troisel ... Ils m'ont fait part de leur embarras sur les mensonges de notre concurrent... ».

Pas davantage, ils ne sauraient résulter de la sommation interpellative faite par voie d'huissier à M. [U] [L], PDG de la SAS Fassi France, fournisseur de la SAS [X], selon laquelle celui-ci à répondu à l'huissier qui lui demandait :

« Confirmez-vous que M. [I] [X] après son départ de la SAS [X], a pris attache avec vous afin de vous faire part de ce que la machine commandée par cette dernière auprès de votre société et à destination du Groupe Airbus ne vous serait jamais réglée par la SAS [X] » :

- « M. [I] [X] m'avait informé qu'il y avait des risques de ne pas être réglé ».

Cette réponse ne permet pas de retenir que [I] [X] aurait informé le témoin de simples risques de non-paiement « après son départ de la société » et ne permet aucunement d'ailleurs de dater cette information. Par ailleurs, la notion de « départ de la société » incluse dans la question ne constitue nullement un événement précis et il n'est pas établi que M. [L] savait à quel événement ce « départ » faisait référence. Dès lors, si la finalité de cette interpellation (pièce 13 des intimées), était de mettre en évidence des propos mensongers tenus par [I] auprès de partenaires économiques, il n'est pas certain qu'elle ait, par cette seule réponse, atteint son objectif. Il ne peut en effet en être déduit le caractère mensonger des propos tenus par [I] [X] à la personne interpellée, à la date à laquelle ils ont été tenus qui est ici ignorée, pas plus qu'en l'absence d'éléments de contexte fournis par la réponse succincte à la sommation interpellative, il n'est caractérisé un acte de dénigrement imputable à [I] [X].

Le tribunal est en conséquence approuvé d'avoir rejeté toute action en responsabilité à l'encontre de [I] [X].

IV - Sur les demandes indemnitaires :

Le tribunal a rejeté la demande indemnitaire au titre du seul dépôt d'une marque postérieure en violation des droits de la société [X] sur la dénomination sociale après avoir déclaré prescrite la demande au titre de la contrefaçon de droits d'auteur et rejeté les demandes au titre d'actes de concurrence déloyale, de parasitisme ou de dénigrement, au motif qu'il n'était pas établi que le préjudice allégué, résidant dans l'échec du projet de rachat de la société [X] par la société Transport Location Courcelle, était la conséquence du litige en cours sur la marque.

Seul est en effet été retenu à l'encontre de [I] [X] un dépôt frauduleux, en dehors de toute contrefaçon, concurrence déloyale, parasitisme ou dénigrement, en sorte que la demande indemnitaire ne saurait prospérer de ces quatre derniers chefs.

Quant au dépôt frauduleux à titre de marque semi-figurative de la dénomination sociale antérieure de la société [X], celle-ci sollicite l'octroi de 50 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique et moral.

Elle insiste, comme en première instance, sur l'échec de son projet de cession des actifs de la SAS [X] à la société Transport Location Courcelle mais, pas plus que devant les premiers juges, elle n'établit que ce projet n'a pu aboutir en raison du litige en cours concernant le dépôt à titre de marque de la dénomination sociale de la société [X].

Elle rappelle enfin qu'en déposant la marque [X], l'appelant a voulu nuire à la société. Cependant, si la volonté de nuire est retenue au moment du dépôt de la marque, il a cependant été écarté toute notion d'utilisation effective de la marque pour faire obstacle à l'exploitation ou à la cession de la société, en sorte que n'est pas établie l'existence d'un préjudice économique résultant du dépôt litigieux.

Mais surtout, outre qu'elle ne distingue pas sa demande au titre d'un préjudice économique et d'un préjudice moral, ne chiffrant pas en conséquence sa demande, ni au titre du préjudice économique, ni au titre du préjudice moral et ne saisissant la cour d'aucune demande chiffrée de ces chefs distincts, force est de constater que la société [X] n'indique pas davantage en quoi serait constitué son préjudice moral.

Pour ces motifs ajoutés à ceux pertinents des premiers juges, le jugement entrepris qui a débouté la société [X] de sa demande indemnitaire est confirmé de ces chefs.

Enfin, c'est à bon droit qu'ayant relevé que le jugement faisant droit à la demande en revendication de marque, les premiers juges ont retenu qu'il ne permettait pas de satisfaire la demande indemnitaire présentée reconventionnellement par M. [I] [X] au titre d'une procédure abusive.

Pour les mêmes motifs, M. [I] [X] ne saurait prospérer en son appel et en ses demandes formulées sur le même fondement devant la cour d'appel.

Succombant en son appel, M. [I] [X] en supportera les dépens et sera équitablement condamné à payer à la SAS [X] et à la Selarl [U] et Associés, prise en la personne de maître [V] [P], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS [X] Groupe, une somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a jugé irrecevable l'action en contrefaçon de droits d'auteur sur les logos.

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant :

Déclare recevable comme non prescrite l'action en contrefaçon de droits d'auteur sur les logos.

Déboute la SAS [X] de ses demandes de ce chef.

Condamne M. [I] [X] à payer à la SAS [X] et à la Selarl [U] et Associés, prise en la personne de maître [V] [P], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS [X] Groupe, une somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toute demande de M. [I] [X] de ce chef.

Condamne M. [I] [X] aux dépens du présent recours.