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Décisions

CA Riom, 3e ch. com., 29 novembre 2023, n° 22/00603

RIOM

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

PROMISSIMO (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme DUBLED-VACHERON

Conseillers :

Mme THEUIL-DIF, M. KHEITMI

Avocats :

Me DAFFY, Me SOUTHON

Trib. com. Montluçon, 18 février 2022, n…

18 février 2022

Faits et procédure - demandes et moyens des parties :

La SARL Promissimo, exerçant à [Localité 1] l'activité d'agent immobilier sous l'enseigne ORPI, a conclu le 1er février 2013 avec M. [Z] [P] un contrat d'agent commercial à durée indéterminée, sur un secteur géographique constitué du territoire national. La rémunération de M. [P] était fixée sous forme de « rétrocession d'honoraires », selon divers pourcentages des rémunérations perçues par l'agence, tel que précisé à l'article 8 de l'acte de mandat. Il était convenu que chacune des parties pourrait mettre fin au mandat, moyennant un préavis d'une durée d'un mois. M. [P] s'engageait d'ailleurs, en cas de rupture, à n'exercer aucune activité d'intermédiaire en transactions immobilières ou de fonds de commerce, dans un rayon de 50 km autour de chaque agence appartenant à la société mandante, à peine d'une indemnité de 9 000 euros. Le contrat initial a été modifié par un avenant signé des parties le 2 janvier 2014, portant sur le mode de calcul de la rémunération du mandataire.

M. [P] a notifié à la SARL Promissimo, suivant une lettre recommandée du 27 septembre 2019, sa décision de démissionner de son mandat. Il a mis fin à ses fonctions, à l'issue d'un préavis d'un mois.

Le 27 janvier 2020, M. [P] a expédié à la société Promissimo une lettre recommandée, la mettant en demeure de lui payer sept factures d'honoraires, pour une somme totale de 10 435,20 euros.

La société Promissimo n'ayant pas payé ces factures, M. [P] a obtenu, du président du tribunal de commerce de Montluçon, le prononcé le 5 août 2020 d'une ordonnance d'injonction de payer, portant sur la somme principale de 10 435,20 euros. 

La société Promissimo, à qui l'ordonnance a été signifiée le 2 septembre 2020, y a formé opposition le 4 septembre 2020.

Le tribunal de commerce de Montluçon, suivant jugement contradictoire du 18 février 2022, a principalement :

- condamné la société Promissimo à payer à M. [P] une somme de 10 435,20 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2020 ;

- condamné la société Promissimo aux dépens, comprenant les frais de greffe, les frais de signification de l'ordonnance d'injonction de payer, et les frais d'opposition ;

- condamné M. [P] à payer à la société Promissimo une somme de 4 000 euros « en réparation du manque à gagner au titre des honoraires non perçus lors de cette vente », et une somme de 19 000 euros « au titre des actes de concurrence déloyale » ;

- condamné M. [P] aux dépens, y compris le coût d'un procès-verbal de constat du 30 novembre 2020 et de la procédure gracieuse nécessaire à son obtention ;

- ordonné compensation entre les sommes dues par les parties ;

- débouté les parties de leurs autres demandes.

M. [P], par une déclaration reçue au greffe de la cour le 22 mars 2022, a interjeté appel de ce jugement, dans ses dispositions lui faisant grief.

M. [P] demande à la cour d'infirmer les dispositions du jugement qui contiennent une condamnation prononcée contre lui, de débouter la société Promissimo de ses demandes, et de la condamner à lui payer 5 000 euros de dommages et intérêts, pour résistance abusive.

Il fait valoir que la société Promissimo lui doit les rétrocessions d'honoraires qu'il lui a facturées, et qu'il n'a commis aucune faute envers elle, dans l'exercice de son mandat ; que la société mandante ne justifie pas du montant de sa demande en paiement de 4 000 euros, au titre d'honoraires qu'elle n'aurait pas perçus pour une vente [P]-[U] ; que la clause de non concurrence figurant dans le contrat d'agent commercial est nulle, en raison de sa disproportion manifeste, et que le tribunal a rejeté à bon droit la demande de la société Promissimo en paiement d'une indemnité pour violation de cette clause.

M. [P] conteste d'autre part sa condamnation pour concurrence déloyale : il se défend d'avoir détourné à son profit des ventes dont il aurait eu à connaître dans l'exercice de son mandat, et il était en droit, dans le cadre de sa reprise d'activité après la cessation du mandat, de négocier des transactions pour son propre compte, pour d'anciens clients de la société Promissimo qui n'avaient pu vendre leur bien par l'intermédiaire de cette société.

La société Promissimo demande à la cour de confirmer le jugement, en ce qu'il a condamné M. [P] à lui payer la somme de 4 000 euros pour des honoraires non perçus, mais de le réformer en ce qu'il l'a condamnée à payer une somme au titre de rétrocession d'honoraires, rejeté la demande de la société mandante au titre de l'indemnité contractuelle de 9 000 euros, et fixé à 19 000 euros les dommages et intérêts dus pour concurrence déloyale, somme qu'elle demande à voir porter à 50 000 euros.

La société Promissimo reproche à M. [P] d'avoir enfreint la clause de non-concurrence, en se réinstallant, dès le mois suivant l'expiration de son préavis, en un lieu très proche de l'agence ORPI qu'il avait quittée, [Adresse 5] à [Localité 1], pour y exercer une activité d'agent commercial sous le mandat d'une agence concurrente, à l'enseigne Century 21. Elle demande qu'il soit condamné au paiement de l'indemnité de 9 000 euros prévue dans le mandat qu'ils ont conclu, et soutient que la clause de non-concurrence ne peut être qualifiée d'excessive, qu'elle était claire et précise, que M. [P] a fait preuve de mauvaise foi.

La société intimée réaffirme que M. [P] a commis par ailleurs des actes de concurrence déloyale : il s'est connecté, après la cessation de son mandat pour elle, sur son logiciel métier, et trois biens pour lesquels il avait obtenu des mandats de vente donnés à la société Promissimo, ont ensuite fait l'objet de mandats confiés à l'agence Century 21 pour laquelle il travaillait désormais, ainsi qu'il ressort d'un constat d'huissier établi sur la demande de la société Promissimo. Celle-ci expose que les honoraires qu'elle devait percevoir pour ces trois transactions s'élevaient à la somme totale de 19 000 euros.

Elle expose, sur les honoraires non perçus à hauteur de 4 000 euros, que la transaction en cause a été conclue personnellement par M. [P] et par son épouse en leur qualité de vendeurs, et Mme [W] [U] acquéreuse, sans qu'aucun honoraire été versé à la société Promissimo, alors que Mme [U] s'était engagée auprès de la société Promissimo par une proposition d'achat, et par un compromis de vente passé lui aussi sous la responsabilité et à l'en-tête de la société.

La société intimée conteste enfin la demande de M. [P] en paiement de rétrocession d'honoraires pour la somme de 10 435,20 euros. Elle rappelle que, selon le mandat qu'ils ont conclu, la rémunération de l'agent ne lui est due qu'à la condition notamment que la vente passée par son intermédiaire fasse l'objet d'un acte authentique dans les trois mois de la cessation effective de ses fonctions, et qu'elle cesse d'être due en cas de faute grave ou lourde de l'agent. Elle relève que, pour l'une des trois ventes en cause, l'acte authentique de vente n'a pas été passé dans les trois mois de la cessation des fonctions de M. [P], et que les fautes graves voire lourdes qu'il a commises, notamment en se réinstallant auprès d'un concurrent et à proximité immédiate de l'agence qu'il avait quittée, le privent de son droit à rétrocession d'honoraires.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 septembre 2023.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des demandes et observations des parties, à leurs dernières conclusions déposées le 19 septembre 2022 et le 20 juin 2023.

Motifs de la décision :

Le contrat d'agent commercial conclu entre les parties le 1er février 2013 stipule, en son article 11 intitulé Droit de suite, que le mandataire (M. [P]) a droit à rémunération sur toutes les affaires dont il aura été à l'origine, et qui se réaliseront définitivement par acte authentique dans les trois mois de la cessation effective de ses fonctions, sauf en cas de fautes graves ou lourdes du mandataire. Il n'est pas contesté entre les parties que cet article a vocation à s'appliquer en cas de fin du mandat, pour toutes les rémunérations qui n'ont pas été payées à la date de fin des fonctions du mandataire.

Les sept factures de rémunérations dont M. [P] demande paiement, ont été émises de novembre 2019 à janvier 2020, donc après la cessation effective des fonctions du mandataire, à l'issue de son préavis le 28 octobre 2019 ; il convient d'examiner d'abord les fautes reprochées par la SARL Promissimo, qui peuvent avoir une incidence sur le droit de M. [P] au paiement de ces factures.

Sur la clause de non-concurrence :

Selon l'article L. 134-14 du code de commerce, le contrat d'agent commercial peut contenir une clause de non-concurrence après la cessation du contrat ; cette clause, valable pour une durée limitée à deux années, doit être établie par écrit et concerner le secteur géographie confié à l'agent commercial, ainsi que le type de biens ou de services pour lesquels il exerce la représentation aux termes du mandat.

La clause de non-concurrence figurant à l'article 15 du contrat conclu le 1er février 2013 entre la société Promissimo et M. [P], concernait le même type de biens et de services que celui fixé par le mandat (recherche de vendeurs et acquéreurs d'immeubles, de fonds de commerce et de terrains), et était limitée dans le temps à dix-huit mois, à compter de la « cessation effective » du contrat. L'aire géographique de l'interdiction était ainsi définie : un rayon de 50 km à vol d'oiseau autour de chaque agence appartenant à la société mandante, au « jour de la cessation effective du présent contrat » ; elle concernait d'ailleurs une partie du secteur confié au mandataire, secteur qui s'étendait à tout le territoire national, sous réserve de respecter « la réglementation ORPI » (article 15).

Ainsi que le fait valoir l'appelant, une clause de non-concurrence ne doit pas être disproportionnée, et ne doit pas restreindre de manière excessive la liberté d'exercice professionnel du mandataire (Cass. Com. 17 janvier 2012, pourvoi n°10-27.701).

La société Promissimo justifie qu'à la date de la cessation des fonctions de M. [P], le 28 octobre 2019, elle exploitait quatre agences, sous l'enseigne ORPI : celles du [Adresse 5] à [Localité 1], et les agences de [Localité 9] (Creuse), [Localité 13] et [Localité 18] dans l'Allier. L'aire d'interdiction s'étendait à la plus grande partie du département de l'Allier, avec notamment les agglomérations de [Localité 14], [Localité 19], [Localité 16] et [Localité 8], situées à moins de 50 km de [Localité 13], et aussi à une partie de la Creuse et du Cher ; elle excluait en revanche les agglomérations de [Localité 6], [Localité 11], [Localité 10], [Localité 15] et [Localité 7]. Il n'apparaît pas, au vu de ces éléments, et du nombre limité des agences concernées à la date de la cessation d'activité, que la clause de non-concurrence ait comporté une atteinte excessive à la liberté d'exercice de M. [P], puisqu'elle limitait l'interdiction à un périmètre assez restreint autour de quatre agences, elles-mêmes relativement peu éloignées entre elles, et qu'elle laissait au mandataire la faculté de s'installer dans d'autres villes de la région. Cette clause, qui se limitait à une aire géographique d'ampleur raisonnable pour la défense des intérêts de la société mandante, doit recevoir application.

M. [P] ne conteste pas qu'il a enfreint la clause, en exerçant dès le mois de novembre 2019 une activité d'agent immobilier au service de la SARL Pasquet Immobilier, [Adresse 5] à [Localité 1]. La société Promissimo est fondée à lui demander paiement de la somme de 9 000 euros, au titre de l'indemnité prévue par le contrat, en cas d'infraction à la clause de non-concurrence.

Sur la concurrence déloyale :

La société Promissimo reproche à M. [P], alors qu'il avait cessé ses fonctions pour cette société, et repris une activité similaire pour un concurrent, de s'être connecté à trois reprises, en novembre 2019, au logiciel métier de la société Promissimo, accédant ainsi aux fichiers qui contenaient des informations sur les biens à négocier, les clients et les affaires en cours ; elle lui reproche d'avoir obtenu de son activité pour un nouveau mandant, en décembre 2019, janvier et avril 2020, des mandats portant sur des biens pour lesquels il avait déjà obtenu des mandats de vente au service de la société Promissimo, et d'avoir ainsi détourné à son profit des ventes clients dont il avait eu connaissance lors de son mandat précédent.

M. [P] reconnaît qu'il s'est connecté sur le logiciel de la société adverse après la cessation de son mandat, mais affirme que cette connexion n'avait pas d'autre objet que d'obtenir des éléments qui lui permettent de justifier de ses factures de rétrocession d'honoraires ; il précise que les trois clients qu'il lui est reproché d'avoir détournés lui ont certes confié des mandats de vente, dans le cadre de sa nouvelle activité pour une agence concurrente, mais plusieurs mois seulement après la fin de ses fonctions pour la société Promissimo, alors qu'ils n'avaient pu obtenir la vente de leur bien ; il fait valoir que ces nouveaux mandats de vente, décidés librement par les clients, relèvent d'une concurrence normale entre deux agences immobilières, et ne saurait être qualifiée de fautive ou de déloyale.

La société Promissimo verse aux débats, entre autres pièces, un procès-verbal de constat dressé le 30 novembre 2020 par Me [J] [I] huissier de justice, qui sur la demande de cette société a comparé les registres des mandats des sociétés Promissimo et Pasquet Immobilier agissant sous l'enseigne Century 21 (ayant pu consulter le registre de cette dernière société en vertu d'une autorisation donnée par ordonnance sur requête), et qui a constaté que « trois mandats de vente apparaissant sur le registre de l'agence Orpi [Promissimo] ont fait l'objet d'un nouveau mandat confié à la SARL Pasquet Immobilier » : ces nouveaux mandats ont été donnés par la SCI SDD (M. [F]) le 12 décembre 2019, sur un terrain situé à [Localité 17], par M. [H] [X] le 30 janvier 2020 sur un appartement situé à [Localité 1] rue du 29 septembre 1918, et par la SCI [B] Location le 10 avril 2020 sur un immeuble situé à [Adresse 12]. M. [P] produit pour sa part une attestation de M. [O] [B] [M], qui confirme que sa société a confié en avril 2020 à M. [P], agissant pour le compte de l'agence Century 21, un mandat de vente sur un bien pour lequel un précédent mandat « avait déjà été confié à M. [P] pour le compte de l'agence Orpi ». Le témoin précise que le mandat précédent s'était terminé en novembre 2019 sans que le bien soit vendu, et qu'il avait confié ces deux mandats successifs à M. [P] parce qu'il le connaissait personnellement, « et non pour telle ou telle enseigne ».

Un autre témoin, Mme [K] [F] représentant la SCI SDD, atteste, selon M. [P] (la pièce produite étant incomplète), qu'elle avait d'abord donné un mandat de vente à la société Promissimo ' agence Orpi, représentée par M. [P], qu'elle avait dénoncé ce premier mandat car elle avait trouvé un acquéreur par ses propres moyens, mais que la vente prévue n'a pas été conclue, et qu'elle a ensuite donné un second mandat, le 12 décembre 2019, à M. [P] agissant désormais « pour le compte de l'agence Century 21 » (Pasquet Immobilier).

Il ressort de ces éléments que M. [P] a capté, dans le cadre de ses fonctions pour la société Pasquet Immobilier à partir de novembre 2019, des clients qui avaient déjà, pour la même vente, confié un précédent mandat à la société Promissimo, représentée alors par M. [P] lui-même ; la captation d'une clientèle relève en principe de la concurrence normale entre commerçants, dès lors qu'elle ne s'est accompagnée d'aucun acte dolosif tel que dénigrement du concurrent, débauchage de salariés, confusion provoquée entre deux entreprises ou deux produits, ou encore appréhension d'informations confidentielles détenues par le concurrent. Dans le cas particulier, rien ne permet d'établir que les connexions faites à trois reprises par M. [P], en novembre 2019 sur le logiciel de la société Promissimo, lui aient permis de recueillir des informations nécessaires aux nouveaux mandats qu'il a obtenus : il connaissait déjà certains des clients en cause, qu'il pouvait solliciter sans avoir à rechercher des informations détenues par cette société.

En revanche, le fait que M. [P] se soit réinstallé, le mois suivant la cessation de ses fonctions pour la société Promissimo, en un lieu très proche de son précédent lieu de travail et en infraction à la clause de non concurrence qui s'imposait à lui, constitue un acte illicite, au moyen duquel il a poursuivi ses activités dans l'agglomération de [Localité 1] ; cette réinstallation interdite lui a permis d'obtenir des mandats de vente des trois clients susdits, et d'exercer ces mandats, notamment en faisant visiter les lieux à vendre, situés tous les trois à [Localité 1] ou dans les environs de cette ville, dans le périmètre de la clause de non concurrence. Cette captation de clients, réalisée au moyen d'une infraction à une interdiction contractuelle, constitue un acte de concurrence déloyale ; c'est à bon droit que le tribunal a reconnu le bien-fondé de la demande de dommages et intérêts formée de ce chef par cette société ; l'existence d'une clause pénale, assortissant la clause de non concurrence d'une pénalité fixe de 9 000 euros, n'interdit d'ailleurs pas à la société Promissimo de demander réparation de préjudices spécifiques, liés à la captation même de clients, obtenue par le moyen d'une infraction à la clause de non concurrence.

Cette société fixe le montant de sa demande à celui des commissions qu'elle n'a pu obtenir, soit 4 000, 5 000 et 10 000 euros pour les trois ventes susdites ; cependant son préjudice ne consiste qu'en une perte de la chance qu'elle aurait eue de recevoir les commissions en cause, si M. [P] n'avait pas obtenu de manière déloyale le mandat de conclure ces ventes, perte de chance qui n'est pas équivalente au montant exact des commissions perdues, mais à une fraction seulement de ces commissions : la société Promissimo n'était pas certaine de conclure les dites ventes, même si M. [P] avait respecté l'interdiction de réinstallation qui lui était faite. Cette perte de chance sera évaluée, au vu des circonstances, à la moitié des commissions en cause, soit une somme de 9 500 euros. Le jugement sera réformé sur ce point.

Sur la vente [P] - [U] :

Le tribunal de commerce a condamné M. [P] à payer à la société Promissimo 4 000 euros « en réparation du manque à gagner au titre des honoraires non perçus lors de cette vente » ; la motivation du jugement précise, en page 4, que cette condamnation porte sur la commission afférente à une vente conclue le 10 juillet 2019, par M. [P] et par Mme [D] [V] son épouse personnellement, à Mme [W] [U], alors que celle-ci s'était engagée par une lettre de proposition d'achat et un compromis de vente établis l'un et l'autre à l'en-tête de la société Promissimo, par M. [P] dans le cadre de son mandat. Le tribunal a considéré que cette transaction, passée par l'intermédiaire de cette société, lui ouvrait droit à commission.

La société Promissimo demande confirmation du jugement sur ce point, en faisant valoir que M. [P] a commis une faute professionnelle en signant lui-même le compromis de vente au nom de la société, et omettant d'avertir la société mandante de la transaction, de sorte que celle-ci n'a pu percevoir la commission qui lui revenait. Elle produit en copie la proposition d'achat signée de Mme [U] le 4 juillet 2019, sur un document à l'en-tête de la société Promissimo, pour cette maison individuelle situé [Adresse 3] à [Localité 1], mise en vente par M. et Mme [P], et le compromis établi le 10 juillet 2019, lui aussi sur un imprimé à l'en-tête de la société mandante, et revêtu des deux signatures des vendeurs et de celle de l'acquéreuse. Selon une mention de cet acte en page 11, les parties reconnaissaient que la transaction avait « été négocié par l'Agence », et que celle-ci était bénéficiaire de la rémunération convenue.

M. [P] conteste la demande adverse, en faisant valoir que la société Promissimo ne justifie pas qu'elle n'a pas perçu de commission pour la vente initiale du bien qui aurait été conclue en juin 2019, qu'un acte notarié établi à cette période, qu'il produit, mentionne bien le versement d'une commission de 2 000 euros, qu'au surplus la société intimée ne justifie pas davantage du montant de sa demande ; qu'il n'a pas pu faire signer le compromis seul, et que la société Promissimo ne saurait prétendre qu'elle n'en a pas été informée.

M. [P] ne conteste pas qu'il a fait établir la proposition d'achat de Mme [U] du 7 juillet 2019, et le compromis du 10 juillet 2019, en sa qualité de mandataire de la société Promissimo ; il était donc à la fois l'intermédiaire et le vendeur ; il n'a signé le compromis qu'en cette dernière qualité.

L'acte authentique du 29 juin 2019 porte sur une vente conclue entre M. [S] [A], vendeur, et M. et Mme [P] acquéreurs, sur le bien en cause, pour le prix de 30 000 euros ; il mentionne en page 20 que le prix avait été négocié par l'agence Orpi de [Localité 1] (la société Promissimo), et que l'acquéreur devait à celle-ci une commission de 2 000 euros, payée par la comptabilité de l'office notarial.

Le second acte authentique de vente, établi sur le même le 6 février 2020 entre M. et Mme [P] vendeurs, et la SCI Dormoy-[U] acquéreuse, représentée par Mme [W] [U], pour le prix de 43 000 euros, ne mentionne quant à lui aucune commission d'intermédiaire.

M. [P] ne saurait faire état du fait que la vente entre M. [A], son épouse et lui-même le 29 juin 2019, a déjà donné lieu à versement d'une commission : il s'agit d'une transaction différente de celle conclue l'année suivante sur le même bien, entre lui-même et son épouse en qualité de vendeurs, avec la SCI Dormoy-[U]. La société Promissimo, par l'intermédiaire de laquelle cette seconde vente a été conclue, était en droit d'obtenir versement d'une seconde commission. M. [P], tenu de rendre compte à la société mandante de l'exécution de son mandat, affirme que cette société était informée de la vente ; il produit en ce sens une lettre de la société Promissimo du 22 juillet 2019, signée de Mme [R] [C], négociatrice, adressant à Mme [U] un exemplaire du compromis d'acquisition qu'elle avait souscrit (l'avis de réception de cette lettre recommandée a été signé de Mme [U] à une date non indiquée : pièce n° 20 de M. [P]).

Selon l'article 7 du contrat d'agent commercial du 1er février 2013, il était interdit à M. [P] de modifier « les conditions de vente et les tarifs des honoraires du mandant », sauf accord exprès de la société mandante, ou de « négocier avec un client les honoraires fixés au mandat pour conclure une affaire, sauf sur la part lui revenant au titre de cette affaire » : M. [P] ne pouvait donc, à moins d'un accord explicite de la société Promissimo, exonérer Mme [U] de toute commission, comme il l'a fait selon les mentions du dit compromis (aucune indication de « frais de négociation » à la rubrique y afférente en page 3, et mention suivante, en page 11 du même compromis dans le paragraphe Négociation : « Les parties reconnaissent que les présentes ont été négociées par l'Agence, que les parties déclarent en conséquence bénéficiaire du montant de la rémunération convenue, soit la somme de A titre gratuit euros (A titre gratuit), TVA incluse »).

Le seul envoi de la lettre de Mme [C] ne suffit pas à établir un accord exprès de la société Promissimo pour que la négociation susdite soit réalisée sans aucun honoraire, comme l'exige le contrat d'agent commercial. M. [P], qui ne rapporte aucune preuve d'un tel accord, a donc commis une faute en réalisant cette transaction sans prévoir d'honoraire, et cette faute contractuelle l'oblige à réparer le préjudice subi par la société mandante.

Le défaut dans le compromis de toute stipulation d'honoraires à la charge de Mme [U] a privé la société mandante de tout droit d'obtenir de cette cliente le paiement de sa commission, et la preuve de ce défaut de paiement, preuve négative, ne peut être imposée à la société Promissimo. Le préjudice de cette société apparaît établi dans son principe, et pour le montant de la commission éludée ; M. [P] ne conteste pas que la somme de 4 000 euros corresponde au montant des commissions tel que pratiqué par la société Promissimo, pour un bien de la valeur de celui en cause ; le tribunal a fixé à bon droit ce préjudice à ladite somme, il convient de confirmer le jugement, en ce qu'il a condamné M. [P] au paiement d'une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes en paiement de M. [P] :

M. [P] demande paiement par la société adverse de la somme de 10 435,20 euros, au titre de rétrocession d'honoraires afférentes à des transactions conclues par son intermédiaire ; la société Promissimo s'oppose à cette demande, au motif entre autres de la faute commise par la mandataire, qui s'est réinstallé à proximité, au mépris de la clause de non-concurrence.

Les sept factures dont M. [P] demande paiement, datées des 16, 25 et 28 novembre, 7, 14 et 19 décembre 2019, et du 31 janvier 2020, donc toutes postérieures à la cessation des fonctions du mandataire intervenue le 28 octobre 2019, relèvent comme déjà énoncé de l'article 11 du contrat d'agent commercial conclu entre les parties, article dont la licéité n'est pas contestée, et qui doit recevoir application.

La faute contractuelle que M. [P] a commise en se réinstallant, le mois suivant la cessation de ses fonctions, en un lieu très proche de son précédent lieu de travail, au mépris complet de la clause de non concurrence qu'il avait souscrite, constitue un manquement grave du mandataire à l'une de ses obligations contractuelles, à la fois en elle-même, vu la rapidité de la réinstallation et la proximité de son emplacement, et par les conséquences qu'elle a eues, en favorisant la captation de trois clients ; la circonstance que ce manquement a été commis après la fin de ses fonctions n'interdit pas à la société Promissimo de s'en prévaloir : l'interdiction de concurrence, acceptée en connaissance de cause par M. [P], était par hypothèse applicable après la fin du mandat, elle constituait un prolongement licite de l'obligation de loyauté, légitimement prévu pour protéger les intérêts de la société mandante. M. [P] a encore manqué à son obligation de loyauté en établissant, dans le cadre de son mandat, le compromis de vente [P]-[U] sans stipuler de commission, et ce dans son intérêt personnel (M. [P] a pu négocier plus facilement la vente de son propre bien en l'absence de commission), et au détriment de la société mandante. Ces faits constituent dans leur ensemble des fautes graves, qui excluent le droit pour M. [P] au paiement des rémunérations qu'il a facturées. Sa demande sera rejetée, le jugement étant réformé de ce chef.

La demande de dommages et intérêts de M. [P] pour résistance abusive sera elle aussi rejetée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition des parties au greffe ;

Confirme le jugement déféré, en ce qu'il a condamné M. [Z] [P] à payer à la SARL Promissimo une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi par la perte d'honoraires dans la vente [P]-[U] ;

Réforme le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau,

Rejette toutes les demandes en paiement de M. [P] ;

Condamne M. [Z] [P] à payer à la SARL Promissimo une somme de 9 000 euros au titre de l'indemnité contractuelle prévue à l'article 15 du contrat susdit, et une somme de 9 500 euros à titre de dommages et intérêts pour la cause ci-dessus indiquée ;

Condamne M. [P] à payer à la SARL Promissimo une somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne M. [P] aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'injonction de payer, ainsi que le coût du procès-verbal de constat du 30 novembre 2020 et de la procédure nécessaire à son obtention.