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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 28 novembre 2023, n° 19/19389

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 19/19389

28 novembre 2023

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 28 NOVEMBRE 2023

N° 2023/ 354

Rôle N° RG 19/19389 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFKLC

[B] [C]

[J] [D] épouse [C]

C/

[M] [P]

[O] [A] épouse [P]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Dominique ZUCCARELLI

Me Etienne DE VILLEPIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 28 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01885.

APPELANTS

Monsieur [B] [C]

né le 13 Juillet 1948 à FIRMO,

demeurant [Adresse 2]

Madame [J] [D] épouse [C]

née le 23 Juin 1950 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 2]

Tous deux représentés par Me Dominique ZUCCARELLI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉS

Monsieur [M] [P]

né le 09 Décembre 1964 à [Localité 9],

demeurant [Adresse 8]

Madame [O] [A] épouse [P]

née le 28 Octobre 1968 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 8]

Tous deux représenté par Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 24 Octobre 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Mme Catherine OUVREL, conseillère

Madame Fabienne ALLARD, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2023,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Monsieur Nicolas FAVARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique du 1er juillet 2011, M. [B] [C] et Mme [J] [D] épouse [C] ont vendu à M. [M] [P] et Mme [O] [A] épouse [P] un appartement dépendant d'un ensemble immobilier situé à [Localité 5]) moyennant la somme de 230 000 euros.

Le 23 novembre 2011, les acquéreurs se sont vu notifier un procès-verbal dressé le 24 octobre 2011 par la direction départementale des territoires au motif que des travaux ont été effectués en infraction aux dispositions du code de l'urbanisme, ressortant du non-respect de permis de construire obtenus le 9 juillet 2006 et le 20 juillet 2007 et constatant des dépassements de surface hors oeuvre nette.

M. [B] [C] notamment a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Grasse qui, le 11 mars 2015, l'a condamné à une amende de 20 000 € après l'avoir déclaré coupable d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire, infraction aux dispositions du PLU et corruption active.

Par assignation du 8 juillet 2014, M. [M] [P] et Mme [O] [A] épouse [P] ont fait citer M. [B] [C] et Mme [J] [D] épouse [C] devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins de voir annuler la vente pour dol, outre l'octroi de dommages et intérêts.

Par jugement rendu le 24 octobre 2019, cette juridiction a :

- déclaré recevables les époux [P] en leur action,

- prononcé la nullité de la vente intervenue entre les époux [C] d'une part et les époux [P] d'autre part, par acte authentique du 1er juillet 2011,

- condamné M. [B] [C] et Mme [J] [D] épouse [C] à restituer à M. [M] [P] et Mme [O] [A] épouse [P] la somme de 230 000 euros reçue au titre du prix de vente,

- condamné M. [B] [C] et Mme [J] [D] épouse [C] à payer à M. [M] [P] et Mme [O] [A] épouse [P] la somme totale de 17 090, 44 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi par les époux [P],

- ordonné la publication du présent jugement au service de la publicité foncière de [Localité 6],

- rejeté toute autre demande,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,

- condamné les époux [C] à payer aux époux [P] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à M. [B] [C] et Mme [J] [D] épouse [C] la charge des entiers dépens en ceux compris les frais d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire.

Le tribunal a jugé l'action des époux [P] recevable, la publication de l'assignation en nullité de la vente immobilière ayant été régularisée.

Le tribunal a estimé que les acquéreurs n'avaient eu connaissance de la non conformité des travaux réalisés par les vendeurs, et notamment par l'entreprise de M. [B] [C], professionnel de la construction, que par le courrier du 23 novembre 2011 de la direction départementale des territoires. Il ajoute, au vu des attestations produites notamment, que les vendeurs ont délibérément passé sous silence la non conformité litigieuse, de sorte que le dol par réticence est caractérisé et la nullité de la vente fondée.

S'agissant des préjudices indemnisés aux époux [P], le tribunal n'a retenu que les frais de notaire liés à l'acte annulé, soit 16 000 €, et les frais d'aménagement intérieurs et extérieurs justifiés, à hauteur de 1 090,44 €. Il a écarté toute prise en compte de frais de relogement, estimant que ceux-ci résultaient d'un choix personnel.

Par déclaration transmise au greffe le 19 décembre 2019, M. [B] [C] et Mme [J] [D] épouse [C] ont relevé appel de cette décision, l'appel portant sur toutes les dispositions du jugement déféré dûment reprises.

Par dernières conclusions transmises le 12 août 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [B] [C] et Mme [J] [D] épouse [C] sollicitent de la cour qu'elle :

' réforme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse le 24 octobre 2019 en ce qu'il a :

- prononcé la nullité de la vente intervenue entre les époux [C] d'une part et les époux [P] d'autre part, par acte authentique du 1er juillet 2011,

- condamné les époux [C] à restituer aux époux [P] la somme de 230 000 euros reçue au titre du prix de vente,

- condamné les époux [C] à payer aux époux [P] la somme totale de 17 090, 44 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel,

- condamné les époux [C] à payer aux époux [P] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé aux époux [C] la charge des entiers dépens en ceux compris les frais d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire,

' juge que les époux [P] ne rapportent pas la preuve des maoeuvres des époux [C] ni de leur intention de les induire en erreur,

' déboute les époux [P] de toutes leurs demandes,

' condamne les époux [P] au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la réparation de leur préjudice moral,

' laisse aux époux [P] la charge des entiers dépens de première instance et d'appel en ceux compris les frais d'inscription judiciaire provisoire,

' condamne les époux [P] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux [C] contestent l'existence d'un dol. Ils font valoir que les époux [P] ne rapportent pas la preuve du caractère déterminant de l'erreur induite par le silence qui leur a été opposé dans leur consentement à la vente. De plus, les appelants estiment que ces derniers avaient la possibilité de se renseigner et que l'erreur ne peut donc pas être retenue en application de la jurisprudence. Enfin, ils considèrent que l'élément intentionnel du dol n'est pas caractérisé en ce qu'il était nécessaire de tenir compte d'éléments postérieurs au contrat et en l'espèce des diligences entreprises par les concluants pour régulariser la situation, prouvant leur bonne foi. Ils contestent d'éventuelles manoeuvres susceptibles de tromper leurs coconctractants, n'ayant eu aucune difficulté relative au bien avant la vente. Les appelants affirment de même que les époux [P] avaient connaissance des complications probables, rapportant une conversation au cours de laquelle Mme [O] [A] épouse [P] avait indiqué avoir demandé un certificat de conformité à la mairie après avoir appris l'existence de possibles difficultés pour en obtenir un.

Les époux [C] contestent ensuite l'existence de préjudices matériel et moral allégués par les intimés. Ils considèrent qu'il ne peut résulter de la convocation devant le tribunal correctionnel concernant les infractions relevées par la direction départementale des territoires et de la mer un tel préjudice, M. [M] [P] n'ayant pas été cité en qualité de prévenu. De plus, ils soulignent qu'ils ont obtenu un permis de construire permettant de régulariser lesdites infractions, que ces régularisations étaient mineures et qu'ils se sont engagés à les entreprendre tout de suite, de sorte que les intimés ne peuvent se prévaloir d'aucun préjudice relatif à ces infractions. De même, l'amende prononcée à raison des mètres carrés construits sans autorisation a été payée par eux et ils indiquent avoir également régularisé la situation propre à la taxe locale d'équipement. Enfin, les époux [C] contestent la demande de condamnation à des frais de relogement, considérant que le déménagement des intimés procède uniquement de raisons personnelles.

Les appelants sollicitent la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts considérant que les époux [P] sont de mauvaise foi en initiant une procédure alors même qu'ils avaient connaissance de l'état du bien acquis.

Par dernières conclusions transmises le 8 septembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [M] [P] et Mme [O] [A] épouse [P] sollicitent de la cour qu'elle :

' confirme le jugement querellé en ce qu'il a :

- prononcé la nullité de la vente intervenue entre les époux [C] d'une part et les époux [P] d'autre part, par acte authentique du 1er juillet 2011,

- condamné les époux [C] à restituer aux époux [P] la somme de 230 000 euros reçue au titre du prix de vente,

- condamné les époux [C] à payer aux époux [P] la somme totale de 17 090, 44 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel,

- condamné les époux [C] à payer aux époux [P] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé aux époux [C] la charge des entiers dépens en ceux compris les frais d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire,

' le réforme pour le surplus

Statuant à nouveau :

' condamne les époux [C] au paiement de la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices moral et matériel subis par les époux [P],

' condamne les époux [C] au paiement de la somme de 22 673, 10 euros à parfaire au jour du jugement au titre des frais de relogement exposés par ceux-ci depuis le mois de novembre 2015,

' condamne les époux [C] en cause d'appel au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux [P] sollicitent la confirmation du jugement sur la nullité pure et simple de la vente en raison de l'existence d'un dol. Ils font valoir qu'ils n'ont pas été informés des difficultés en matière d'urbanisme qui concernaient le bien avant la vente, ou lors de celle-ci, et qu'ils ne l'auraient pas acquis s'ils en avaient eu connaissance. Ils démentent dès lors les attestations rapportées par les appelants concernant l'éventuelle conversation prouvant cette connaissance. Ils estiment de plus que les vendeurs étaient informés de la situation administrative du bien eu égard au procès-verbal du mois d'août 2011 et que le caractère intentionnel du dol est donc bien rempli, ceux-ci l'ayant vendu afin d'échapper aux poursuites.

Les époux [P] détaillent ensuite les parties du bien qu'ils ont acquis et apparaissant non conformes au regard du rapport d'expertise de M. [X] qui a évalué le montant des réparations et mises en conformité à hauteur de 87 010 euros en précisant que le tribunal correctionnel de Grasse a jugé que l'infraction n'était pas régularisable. Selon eux, le permis de construire transmis par les appelants délivré le 8 décembre 2014 ne concerne pas leur bien mais semble être relatif à l'appartement se situant au dessous du leur, vendu par les époux [C], et ayant également fait l'objet d'une procédure judiciaire s'étant soldé par la nullité de la vente. Les appelants ne seraient donc, selon eux, pas en mesure d'effectuer les régularisations nécessaires, contrairement à leurs allégations.

Les intimés sollicitent l'octroi de dommages et intérêts et la réformation du jugement sur ce point, estimant qu'il ne les a pas intégralement indemnisés de leur entier préjudice.

Ils font valoir des frais notariés à hauteur de 16 000 euros, des travaux nécessaires pour une somme de 138 000 euros, un prêt immobilier de 152 300 euros et de 10 000 euros, ainsi que des frais de relogement qui s'élèvent à 22 673,10 euros. Selon eux, ils ont été contraints de quitter le logement à la suite d'une préconisation d'une société les avertissant d'un effondrement possible de la charpente en cas de chute de neige. Enfin, ils estiment que le fait que M. [M] [P] ait été cité à comparaître pour répondre des infractions du code de l'urbanisme et qu'il risque d'être condamné soit à la mise en conformité, soit à la démolition, justifie également l'octroi de dommages et intérêts.

Les époux [P] considèrent dès lors qu'une somme ne pouvant être inférieure à 80 000 euros doit leur être allouée à ce titre, outre les frais de relogement d'un montant de 22 673, 10 euros à parfaire et les frais entraînés par l'inscription d'une hypothèque provisoire sur les biens des appelants.

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 24 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande tendant à la nullité de la vente pour dol

En vertu de l'article 1109 du code civil, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

Par application de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter. Le manquement à l'obligation d'information du vendeur ne caractérise pas à lui seul le dol qui doit être intentionnel et déterminant du consentement pour entraîner la nullité du contrat.

Celui-ci peut ressortir d'une réticence dolosive consistant à cacher intentionnellement à l'autre partie un élément dont on a connaissance, alors que cet élément peut exercer une influence déterminante sur le consentement de son cocontractant.

Ainsi, il appartient, en l'espèce, aux époux [P], qui sollicitent l'annulation de la vente pour dol, de prouver l'existence de manoeuvres frauduleuses ou d'une réticence de leurs vendeurs destinés à tromper leur consentement.

En l'occurrence, par acte authentique du 1er juillet 2011, les époux [C] ont vendu aux époux [P], au prix de 230 000 €, le bien au sein d'un ensemble immobilier décrit comme étant 'un immeuble élevé sur rez-de-jardin d'un rez-de-chaussée et combles au dessus, cadastré A [Cadastre 1] lieudit [Adresse 3] (06 750). Plus précisément, le lot 2 acquis par les intimés est ainsi désigné dans l'acte : 'au rez-de-chaussée, un appartement composé d'une entrée, un séjour, une chambre, un WC, une salle de bains, proche, balcon, terrasse, et, à l'étage combles et balcon, outre un jardin privatif d'une superficie d'environ 870 m², (...), observation étant ici faite que le vendeur a aménagé les combles, par suite ledit appartement est composé : au rez-de-chaussée, entrée, séjour, cuisine, chambre, salle d'eau, WC, à l'étage : deux chambres, salle d'eau WC débarras.' la superficie de la partie privative ainsi vendue était indiquée dans l'acte à hauteur de 112,25 m². Au titre des constructions, en page 14 de l'acte de vente, figurent les mentions suivantes :

'l'immeuble dont dépend le bien objet des présentes a fait l'objet :

- d'un permis de construire délivré à monsieur [L] [E] par la mairie de [Localité 5] le 9 février 2006 sous le n° PC 006002805N008. Le dit permis de construire a fait l'objet d'un transfert à [C] le 20 juillet 2007 sous le n°PC 006002805N0018 1,

- d'une déclaration d'ouverture de chantier en date du 1er septembre 2007,

- d'une déclaration d'achèvement de travaux enregistrée en mairie le 21 septembre 2009,

ainsi qu'il résulte d'un certificat administratif délivré par les services de la mairie de [Localité 5] en date du 25 février 2010 dont une copie est demeurée ci-jointe et annexée après mention'.

Il résulte de ces éléments que les époux [P] étaient informés, lors de la vente, de ce que le bien par eux acquis avait fait l'objet de travaux modificatifs, tenant principalement en l'aménagement des combles.

Néanmoins, par procès-verbal du 24 octobre 2011, notifié aux époux [P] le 23 novembre 2011, la direction départementale des territoires et de la mer des Alpes-Maritimes a relevé des infractions aux dispositions du code de l'urbanisme et un non respect des permis de construire n°PC 006002805N008 et PC 006002805N0018 ayant pour objet la construction d'une maison individuelle de 120 m². Il est relevé :

- 'une surélévation des murs périphériques Est et Ouest, ce qui modifie la hauteur à l'égout du toit à 4,50 m au lieu de 3,30 m prévue au plan du permis et permet d'avoir une pente plus douce de la toiture, la hauteur du faîtage en façade Nord n'ayant pas été modifiée,

- cette surélévation, au 1er étage, entraîne une augmentation de la surface pour laquelle la hauteur sous plafond est supérieure à 1,80 m, créant de ce fait une surface hors d'oeuvre nette supplémentaire d'environ 30,80 m²,

- la hauteur frontale au faîtage en façade Sud est d'environ 8,70 m suite à la réalisation d'un rez-de-jardin relevé en infraction dans le procès-verbal du 30 août 2011,

- ouverture déplacée au niveau du 1er étage en façade Nord,

- réduction de la longueur du balcon au niveau du 1er étage en façade Sud,

- modification de l'aspect extérieur à savoir : la toiture n'est pas en revêtement vert tuite et les façades sont en enduit de couleur clair'.

En effet, par procès-verbal du 30 août 2011, des infractions aux dispositions du code de l'urbanisme avaient été relevées au titre de la réalisation d'un rez-de-jardin semi enterré à usage d'habitation, créant une surface de plancher de 92 m² et constituant un appartement vendu par les époux [C] à un tiers, Mme [G], au sein du même ensemble immobilier, découpé en deux lots.

L'expertise réalisée par M. [S] [X], expert diligenté par l'assurance de protection juridique des époux [P], confirme dans son rapport du 7 juillet 2015 les non-conformités et infractions retenues, s'agissant des surfaces et façades non conformes au permis de construire, une hauteur frontale au Sud de 8,7 m au lieu de 6,3 m prévus au permis de construire, une fenêtre non conforme au Nord, une pente trop faible de la toiture faible (17 à 18 ° au lieu des 30 ° requis), outre des garde-corps des balcons Sud non conformes au permis de construire puisqu'en maçonnerie non ajourée. Cet expert chiffre les travaux de reprise à 87 010 €. Il est en outre produit un devis de reprise des non conformités pour près de 137 000 €.

Or, ces travaux ont été entrepris et réalisés alors que l'ensemble immobilier appartenait aux époux [C] et exécutés par la société MG Construction, dont M. [B] [C] était le gérant.

Le 11 mars 2015, le tribunal correctionnel de Grasse a condamné M. [B] [C] pour ces infractions au code de l'urbanisme commises en 2011 au paiement de la somme de 20 000 € d'amende.

Il résulte de ces éléments que des non conformités majeures avec les permis de construire accordés affectent le bien vendu par les époux [C] aux époux [P], ayant conduit ces derniers à acquérir le bien, en méconnaissance de celles-ci. En revanche, tant l'ampleur de ces irrégularités que le fait que les travaux en cause aient été réalisés par l'entreprise de M. [B] [C] démontrent que ces derniers ont vendu le bien en toute connaissance de cause et sans en avertir leurs acheteurs, aucune mention à l'acte de vente ne comportant de réserves à ces titres. En outre, très peu de temps après la vente les infractions ont été constatées et ont conduit à la condamnation de M. [B] [C].

De plus, il n'est pas démontré que ces irrégularités puissent être régularisées, alors que le permis de construire rectificatif accordé le 25 septembre 2014 ne concerne pas avec certitude le lot 2 acquis par les époux [P], et alors surtout que les régularisations visées ne concernent que les points infractionnels les moins importants, à savoir la couleur de l'enduit de façade, les garde-corps des balcons et la couleur des tuiles. Ce permis est totalement taisant au regard de la surface de plancher supplémentaire créée, du degré d'inclinaison du toit et de la hauteur du faîtage et de la façade.

Par ailleurs, les époux [C] produisent deux attestations, non conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, qui s'avèrent surtout peu probantes. L'attestation de M. [U] [T], dactylographiée, en date du 16 août 2014, relate une conversation courant juin 2011 entre 'une dame avec un monsieur plus âgé' qui indique s'être renseignée auprès de la mairie de [Localité 5] en terme de conformité du bien en cause. Ce témoignage non circonstancié et imprécis n'établit en rien que la dame visée soit Mme [O] [A] épouse [P]. De même, M. [I] [Y] atteste le 15 juillet 2014 avoir été témoin d'une conversation au cours de laquelle Mme [O] [A] épouse [P] aurait indiqué connaître le défaut de conformité de la maison, mais ne pas en faire cas. Ce témoignage non daté et non étayé ne démontre pas davantage l'absence de caractère déterminant de la non conformité et des infractions relevées dans leur intention d'acheter le bien litigieux.

Au contraire, au vu de l'absence de régularisation aisée des non conformités, du coût potentiel de celle-ci, et de l'importance de ces irrégularités, il appert que le silence gardé par les vendeurs à leur propos constitue un réticence dolosive, puisque les époux [P] n'auraient pas acquis ce bien à ce prix s'ils en avaient eu connaissance.

Dans ces conditions, le dol est constitué et le jugement entrepris doit être confirmé, y compris en ce qu'il a ordonné la restitution du prix de vente.

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par les époux [P]

' Préjudices moral et matériel

L'annulation de la vente avec restitution du prix doit conduire à replacer les parties dans une situation identique à celle qui était la leur avant la vente. Ainsi, c'est à juste titre que le premier juge a condamné les époux [C] à verser aux époux [P] la somme de 17 090,44 €, au titre du remboursement des frais de notaire liés à l'acquisition, ainsi que des frais d'aménagement intérieurs du bien, tels que prouvés par les factures produites.

En revanche, les époux sollicitent l'indemnisation d'autres préjudices matériels, au titre du prêt souscrit et d'autres travaux d'aménagement, avançant des chiffres, sans justificatif correspondant. Leur demande imprécise et non prouvée ne peut être satisfaite. Là encore, le jugement doit être confirmé.

S'agissant du préjudice moral des intimés, celui-ci ne saurait résulter du fait d'avoir été attrait en tant que prévenu à l'instance devant le tribunal correctionnel, puisque M. [M] [P] n'a été convoqué qu'en tant que victime. Cependant, le fait d'avoir été trompé par leurs vendeurs et d'avoir été impactés par la procédure pénale en découlant en parallèle justifie l'indemnisation du préjudice moral souffert de manière certaine par les intimés : une somme de 2 500 € doit leur être allouée à ce titre.

La décision entreprise sera donc réformée quant au quantum des préjudices alloués aux époux [P].

' Frais de relogement

Les époux [P] sollicitent l'octroi d'une somme de 22 673,10 € à ce titre affirmant avoir dû quitter le bien en cause en raison de sa dangerosité. Cependant, celle-ci n'est aucunement documentée, notamment par l'expert protection juridique pourtant intervenu à leur soutien.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier juge a estimé que le relogement des époux [P] résultait d'un choix personnel de leur part et a rejeté toute indemnisation à ce titre.

Sur les dommages et intérêts sollicités par les époux [C]

En l'état de la confirmation des dispositions principales de la décision entreprise, aucune faute des époux [P] dans leur droit d'agir à l'endroit des appelants n'est établie, et cette demande de dommages et intérêts doit être rejetée.

La décision entreprise sera confirmée à ce titre.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les époux [C] qui succombent au litige, supporteront les dépens de première instance et d'appel. En outre, l'indemnité à laquelle ils ont été condamnés en première instance au titre des frais irrépétibles sera confirmée, et, une indemnité supplémentaire de 3 000 € sera mise à leur charge au bénéfice des époux [P], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en considération de l'équité et de la situation économique respectives des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice moral des époux [P],

Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions non contraires,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne M. [B] [C] et Mme [J] [D] épouse [C] au paiement à M. [M] [P] et M. [M] [P] de la somme de 2 500 € au titre de l'indemnisation de leur préjudice moral,

Condamne M. [B] [C] et Mme [J] [D] épouse [C] à payer à M. [M] [P] et Mme [O] [A] épouse [P] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [B] [C] et Mme [J] [D] épouse [C] de leur demande sur ce même fondement,

Condamne M. [B] [C] et Mme [J] [D] épouse [C] au paiement des dépens.

Le greffier Le Président