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Décisions

CA Basse-Terre, ch. soc., 27 novembre 2023, n° 22/00737

BASSE-TERRE

Arrêt

Autre

CA Basse-Terre n° 22/00737

27 novembre 2023

VS/RLG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N° 245 DU VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS

AFFAIRE N° : RG 22/00737 - N° Portalis DBV7-V-B7G-DO5P

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section industrie - du 14 juin 2022.

APPELANTE

S.A.S. LA CLINIQUE DE [4] Prise en la personne de son Président en exercice

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Maître Léa GREDIGUI de l'AARPI OVEREED, avocat postulant inscrit au barreau de la GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH & par Maître GUYOMARCH Laurent, avocat plaidant inscrit au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

Madame [D] [Y] divorcée [H]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Maître Amal DELANS, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Rozenn Le Goff, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,

Mme Marie-Josée Bolnet, conseillère,

Mme Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 26 juin 2023, date à laquelle la mise à disposition de l'arrêt a été successivement prorogée au 27 novembre 2023.

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du code de procédure civile.

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

*********

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [D] [Y] épouse [H] a été embauchée par la Clinique de [4] dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel du 1er décembre 2001, en qualité de Pharmacien gérant. Conformément aux dispositions du Code de la Santé Publique, un contrat de gérance était adjoint au contrat de travail de Madame [D] [Y] épouse [H]. Ces deux contrats prévoyaient une durée de travail fixée à 20 heures par semaine.

Parallèlement, Mme [H] a signé le 1er décembre 2001, un contrat distinct de travail à durée indéterminée à temps partiel, avec le Centre Médical [6], en qualité de Pharmacienne, pour une durée de 15 heures par semaine. Le docteur [A] [M], agissait en qualité de Gérant des sociétés la Clinique de [4] et le Centre Médical [6] devenu le [5], lesquels disposent d'une proximité géographique immédiate, puisqu'ils sont reliés par une simple passerelle.

La relation de travail était régie selon les conditions générales de la convention collective départementale des établissements d'hospitalisation privée de la Guadeloupe du 1er avril 2003.

A partir du 18 avril 2016, Mme [D] [Y] épouse [H], d'un commun accord avec sa hiérarchie, a abandonné la gérance de la pharmacie, pour exercer les seules fonctions de pharmacien titulaire au sein de la Clinique de [4]. Ce changement a été acté par un avenant du 19 avril 2016.

Mme [D] [Y] épouse [H] a été placée en arrêt de travail pendant 2 mois à compter du 1er octobre 2019 en suite d'un accident d'origine non professionnelle.

Le 16 janvier 2020, Mme [D] [Y] épouse [H] s'est vu remettre contre décharge une convocation à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement devant se tenir le 24 janvier 2020.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 18 février 2020 expédiée le 21 février 2020, la Clinique de [4] a notifié à Mme [D] [Y] épouse [H] son licenciement.

Par requête enregistrée du 19 février 2021, Mme [D] [Y] épouse [H] a saisi le Conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre pour contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes en lien avec l'exécution et la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 14 juin 2022, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :

- Déclaré Mme [D] [Y] épouse [H] recevable et bien fondée en ses demandes ;

- Requalifié le contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein ;

- Prononcé la nullité du licenciement en ce qu'il est intervenu en violation d'une liberté fondamentale ;

- Condamné la Clinique de [4] au paiement des sommes suivantes :

- 132 118,93 euros à titre de rappel de salaire sur la période de février 2017 à février 2020

- 13 211,89 euros au titre des congés payés y afférents

- 52 837,27 euros à titre de rappel d'indemnités conventionnelles de licenciement,

- 51 483,96 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

- 51 483,96 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Dit que la condamnation de l'employeur au paiement des rémunérations et indemnités visées par les articles R1454-14 et 15 du code du travail est exécutoire de plein droit dans la limite de neuf mois de salaires calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire dans les conditions prévues par l'article R1424-28 du code du travail ;

- Fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 8 580,66 euros ;

- Dit que l'ensemble des sommes sollicitées porteront intérêts au taux légal à compter de la date du dépôt de la requête ;

- Ordonné la capitalisation des intérêts ;

- Débouté la Clinique de [4] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la décision en toutes ses dispositions conformément à l'article 515 du code de procédure civile ;

- Condamné la Clinique de [4] aux entiers dépens de l'instance.

La Clinique de [4] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 8 juillet 2022.

Les parties ont conclu et l'ordonnance de clôture est intervenue le 23 mars 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 mars 2023, la Clinique de [4] demande à la cour d'infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre du 14 juin 2022 en ce qu'il a déclaré Mme [D] [Y] épouse [H] recevable et bien fondée dans ses demandes, en conséquence requalifié le contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein, prononcé la nullité du licenciement en ce qu'il est intervenu en violation d'une liberté fondamentale, condamné la Clinique de [4] au paiement des sommes suivantes : 132.118,93 euros à titre de rappel de salaire de février 2017 à février 2020, 13.211,89 euros au titre des congés payés afférents, 52.837,27 euros à titre de rappel d'indemnités conventionnelles de licenciement, 51.483,96 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé, 51.483,96 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dit que la condamnation de l'employeur au paiement des rémunérations et indemnités visées par les articles R1454-14 et 15 du Code du travail est exécutoire de plein droit dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire dans les conditions prévues par l'article R1454-28 du code du travail , fixé la moyenne des salaires à la somme de 8.580,66 euros, dit que l'ensemble des sommes sollicitées porterons intérêts à taux légal à compter de la date de dépôt de la requête, ordonné la capitalisation des intérêts, débouté la Clinique de [4] dans la présente procédure de ses demandes, fins et prétentions, ordonné l'exécution provisoire de la décision en toutes ses dispositions conformément à l'article 515 du code de procédure civile, condamné la Clinique de [4] aux dépens ;

Statuant à nouveau,

A Titre Principal

- Juger que la Clinique de [4], suivant le mode de présentation de l'intimée, devra être déclarée hors de cause de l'action initiée à son encontre en qualité d'employeur par Mme [H] ;

En conséquence :

- Débouter, Mme [H] de sa demande de requalification de contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein ;

- Débouter Mme [H] de sa demande de rappel de salaire sur la période de février 2017 à février 2020 et des congés payés afférents ;

- Débouter Mme [H] de sa demande de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- Débouter Mme [H] de sa demande visant à reconnaitre l'existence du travail dissimulé et de sa demande de dommages et intérêts à ce titre,

- Débouter Mme [H] de sa demande de nullité du licenciement ;

- Débouter Mme [H] de sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Débouter Mme [H] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ou pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A Titre Subsidiaire

Si la Cour devait considérer que la Clinique de [4] ne peut- être mise hors de cause :

Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps complet :

- Débouter Mme [H] de sa demande de requalification de contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein ;

- Débouter Mme [H] de sa demande de rappel de salaire sur la période de février 2017 à février 2020 et des congés payés afférents ;

- Débouter Mme [H] de sa demande de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- Débouter Mme [H] de sa demande visant à reconnaitre l'existence du travail dissimulé et de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;

A titre subsidiaire sur ce point, en cas de requalification du contrat de travail à temps partiel de Mme [H] en contrat à temps complet,

- Fixer le salaire de référence reconstitué à la somme de 6.986,74 euros et limiter le rappel de salaire en conséquence ;

- Fixer la date de requalification au 8 octobre 2018 et limiter le rappel de salaire en conséquence, c'est-à-dire à la période du 8 octobre 2018 au 20 février 2020 ;

Sur la rupture du contrat de travail :

- Débouter Mme [H] de sa demande de nullité du licenciement ;

- Débouter Mme [H] de sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Débouter Mme [H] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ou pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire sur ce point, dans le cas où la Cour dirait le licenciement de Mme [H] nul ou dénué de cause réelle et sérieuse,

- Limiter à de justes proportions toute indemnité pour licenciement nul ;

- Limiter à l'équivalent de trois mois de salaire toute indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L 1235-3 du code du travail ;

En tout état de cause,

- Condamner Mme [H] à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner Mme [H] aux entiers dépens.

La Clinique de [4] expose, en substance, que :

- Mme [H] désigne le Groupe », totalement étranger à la procédure, tel le bénéficiaire d'un « subterfuge » impliquant le recours à deux contrats de travail à temps partiels auprès du [5] et de la Clinique de [4] ; à suivre l'accusation de Mme [H], une telle situation impliquerait une absence totale d'indépendance, d'autonomie des deux employeurs désignés par les contrats de travail ; la Clinique de [4] doit être mise hors de cause, au regard de la thèse portée par Mme [H] sur la qualité d'employeur de fait attribuée au « Groupe » ;

- le contrat de travail de Mme [D] [Y] épouse [H] fixait sans ambiguïté la durée du travail et sa répartition ;

- Mme [H] disposait d'une totale liberté pour répartir, sur les journées travaillées dans le planning (c'est-à-dire du lundi au vendredi, hors congés et absences), le temps de travail attaché à ses deux employeurs distincts : d'une part la Clinique de [4] et d'autre part le [5], étant précisé que la Clinique de [4] et le [5] sont situés sur un même site ; l'autonomie dont bénéficiait Mme [H] dans la gestion de son emploi du temps ne permet pas, dans les faits et juridiquement, de requalifier le contrat conclu au sein de la Clinique de [4] à raison de 20 heures par semaine en contrat à temps plein ;

- titulaire de deux CDI à temps partiel lesquels s'articulaient pour constituer un « temps plein », Mme [H] ne pouvait raisonnablement revendiquer un temps complet sur le seul contrat conclu au sein de la Clinique de [4]; en effet, il est incontestable que ces deux contrats (l'un pour exercer au sein du [5], l'autre au sein de la Clinique de [4]) ont été conclus et se sont exécutés de façon à ce que Mme [H] puisse bénéficier, en les cumulant, de l'équivalent d'un temps complet ; la seule existence de ces deux contrats aurait dû conduire le conseil de prud'hommes à écarter toute requalification à temps complet du contrat conclu avec la Clinique de [4] ; si Mme [H] avait été amenée à travailler de 7h du matin à 17h du soir au sein de la Clinique de [4], comment pouvait-elle également accomplir les 15 heures de travail hebdomadaire qu'elle devait effectuer au [5] '

- une période d'astreinte s'entend d'une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise ; seule la durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif ( C. trav. art. L 3121-9, al. 1 et 2) ; dès lors, la référence à la notion d'astreinte, par le jugement de première instance pour en déduire une supposée imprévisibilité du rythme de travail est totalement erronée. les astreintes génèrent, en tant que telles, une contrepartie financière allouée par l'employeur ; les astreintes avant généré des temps d'interventions sont désignées suivant une terminologie spécifique parfaitement connue de Mme [H] « astreintes déplacées » (terminologie simplifiée d'astreintes avant générées un déplacement, un temps d'intervention ) ;

- Mme [H] a produit en première instance des captures d'écran de pointage concernant 5 journées ; qu'il ne s'agit que de cinq journées sur 18 années de présence ; cela ne suffit naturellement pas à justifier un rappel de salaire sur trois années ;

- l'équipe de la PUI était composée, en dernier lieu, d'un Pharmacien gérant, de deux Pharmaciens (parmi lesquels Mme [H]), de six préparateurs en pharmacie et d'un agent logistique ; la Haute Autorité de Santé qui venait auditer l'établissement dans le cadre du dispositif de certification jugeait l'effectif de la Pharmacie «en adéquation avec l'activité » (Pièce n 16 : Extrait du rapport de certification HAS juin 2019) ;

- Mme [H] n'a, avant la présente procédure initiée à la suite de son licenciement, jamais émis la moindre réclamation au titre de ses horaires ou de sa durée du travail ;

- Mme [H] avait occupé le poste de Pharmacien Gérant de la Pharmacie à usage intérieur de la Clinique de [4], de 2001 à 2016. C'est donc elle qui devait à ce titre gérer les plannings de l'équipe ;

- depuis le 18 avril 2016, en accord avec son employeur, elle a quitté ses fonctions de Pharmacienne gérante. Elle n'avait plus la charge de la gestion de la pharmacie, confiée à la nouvelle Pharmacienne Gérante, Mme [X], impliquant évidemment un allègement incontestable de ses responsabilités, sans réduction de la durée du travail qui restait à 20 heures hebdomadaires (Pièce n 5: Avenant du 19 avril 2016) ;

- la requalification du contrat de travail à temps partiel de Mme [H] en temps complet n'est donc justifiée ni en fait, ni en droit ; les demandes de rappel de salaire qui en découlent sont nécessairement infondées. De même, la demande de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- A titre tout à fait subsidiaire, les sommes accordées par le Conseil de Prud'hommes ont été artificiellement augmentées par l'application d'un salaire reconstitué erroné et la requalification ne pouvait pas remonter au mois de février 2020 ; si la Cour devait requalifier le contrat en contrat à temps complet, elle fixera le salaire reconstitué sur un temps complet à la somme de 6.986,74 euros pour un temps plein et limitera tout rappel de salaire à la période du 8 octobre 2018 à février 2020 ;

- l'élément intentionnel est nécessairement requis pour caractériser le délit de dissimulation d'emploi salarié ; l'activité poursuivie, selon les termes du jugement de première instance, pendant la période d'arrêt maladie ne répond à aucune sollicitation de l'employeur ; Mme [H] établit encore moins l'élément intentionnel de dissimulation d'emploi par la Clinique de [4] alors qu'il ne lui a jamais demandé d'effectuer des heures au-delà de ce qui était contractuellement prévu ;

- Mme [D] [Y] épouse [H] n'a pas jugé utile de contester de manière étayée le motif de licenciement avant saisine de la juridiction prud'homale ;

- le prêt de médicaments au CHU n'a jamais généré la moindre demande d'autorisation ; ce faisant, l'intimée a volontairement suivi un procédé totalement dérogatoire à une procédure existante et déjà appliquée en 2015 par Mme [H] ;

- l'arrêt maladie de droit commun ne fait pas obstacle au prononcé d'un licenciement, dès lors que le motif de licenciement ne repose pas sur l'état de santé ; le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour maladie et qui reprend son travail avant d'avoir fait l'objet de la visite médicale de reprise est soumis au pouvoir disciplinaire de l'employeur ;

- Mme [H] a été absente du 1er octobre 2019 au 4 décembre 2019 ; à son retour, la Clinique de [4] a immédiatement sollicité un rendez-vous auprès de la médecine du travail, sans succès, compte tenu l'indisponibilité du médecin du travail en charge de ce secteur en décembre 2019 et début janvier 2020 ; mi-janvier, la Clinique de [4] a enfin réussi à obtenir une visite médicale auprès de la médecine du travail, soit auprès du Centre interprofessionnel de santé au travail 971 ; une première convocation était donc adressée à Mme [H] le 27 janvier 2020 pour un examen fixé le 29 janvier 2020 ; une seconde convocation lui était adressée le 3 février 2020 pour un examen prévu le 5 février 2020 ; au terme de cette visite médicale, le médecin du travail a indiqué, dans l'attestation de suivi, que Mme [H] était tout à fait apte à son poste dans les termes suivants :

« absence de contre-indication au poste de travail » ; bien que cette visite auprès de la médecine du travail ne soit pas identifiée comme une « visite de reprise » sur l'attestation de suivi, il n'en reste pas moins qu'il s'agit s'un examen médical prévu à l'article R.4624-34 du Code du travail, permettant de vérifier si le poste de travail que doit reprendre le salarié est compatible avec son état de santé, de préconiser l'aménagement, l'adaptation du poste ou le reclassement du travailleur et d'émettre, le cas échéant, un avis d'inaptitude ; Mme [H] fait dès lors preuve d'une particulière mauvaise foi en prétendant que son employeur n'aurait pas pris l'initiative d'organiser une visite de reprise, ou qu'il l'aurait fait tardivement. Relevons que la requérante n'a jamais soulevé cette difficulté à son retour dans la Clinique, ni même sollicité un tel examen. C'est plus d'un an après avoir été licenciée qu'elle a évoqué pour la première fois ce prétendu manquement de son employeur ;

- alors même que le jugement du conseil de prud'hommes rappelle les termes de l'article L 1235-3-1 du Code du Travail qui mentionne notamment que le juge doit « constater » que le licenciement est « entaché d'une des nullités prévues au 2eme alinéa du présent article ;

- la rupture ne repose absolument pas sur une « prise de position de Mme [H] » ou le fait d'avoir exprimé un avis ; le motif repose sur une posture adoptée par Mme [H] qui a consisté à mettre régulièrement et volontairement en difficulté la Pharmacienne gérante lui ayant succédé, notamment en soulevant publiquement des oppositions dans le but de la décrédibiliser, alors même qu'elle restait volontairement taisante sur les points en question lors des réunions de préparation et à entraver la bonne communication au sein de l'équipe ; en sa qualité d'employeur, elle avait dès lors une responsabilité à assumer au titre de l'obligation de sécurité pour faire cesser une telle situation de déstabilisation initiée par Mme [H] à l'égard de la pharmacienne gérante ; à titre d'exemple lors de la dernière Commission médicale d'établissement du 16 janvier 2020, Mme [H] prenait la parole de manière agressive contre la Pharmacienne gérante qui ne faisait alors que transmettre à l'ensemble de l'équipe médicale des informations à la suite d'une formation dispensée par l'OMEDIT (Observatoire des médicaments, des dispositifs médicaux et des innovations thérapeutiques) à propos de médicaments bio-similaires ; des réunions préparatoires avaient lieu en amont avec Mme [H] sur le sujet. Mme [H] n'avait cependant, alors que l'occasion lui était donnée, jamais soulevé une quelconque difficulté lors de ces réunions préparatoires ;

- quand bien même le Conseil aurait jugé que le licenciement reposait sur un motif de nullité, il devait, en application de l'article 1235-2-1 du code du travail, examiner l'ensemble des griefs énoncés dans la lettre de licenciement, ce qu'il n'a pas fait ;

- plus largement, la clinique de [4] devait faire face aux difficultés de communication de Mme [H] qui pratiquait la rétention d'informations sur des questions d'organisation intéressant le service. Ainsi, à titre d'exemple, Mme [H] ne transmettait pas les plannings de livraison chez les patients en dialyse péritonéale et ne transmettait pas non plus d'information sur les déplacements des logisticiens à l'extérieur de l'établissement, ce qui engendrait un manque de main d'oeuvre disponible sur place pour les besoin internes de la Clinique ; cette attitude de la part de Mme [H] et ne trouvant aucune justification, créait de nombreuses tensions au détriment du fonctionnement normal de la Pharmacie et ne pouvait plus être acceptée ;

- dans ses relations avec les fournisseurs, Mme [H] choisissait par exemple de rencontrer seulement certains d'eux sans, là encore, en informer le Pharmacien Gérant, ce qui générait des négociations croisées de produits. Plus grave, Mme [H] décidait unilatéralement de modifier certains circuits de produits médicaux. Ainsi, le 16 janvier 2020, elle modifiait le circuit des solutions hydrologiques sans se concerter préalablement avec le Directeur des soins, responsable de l'équipe opérationnelle hygiène, ni informer au préalable le Pharmacien Gérant et donc sans que cette modification ne soit validée par l'équipe médicale lors d'une réunion, comme cela doit en principe se passer ; en tant que vérificateur des procédures de circuit du médicament, savait parfaitement qu'elle devait, notamment en cas de modification d'un tel circuit, en aviser et obtenir, en premier lieu, l'aval du Pharmacien gérant, c'est-à-dire Mme [X], ce qu'elle refusait pourtant de faire ;

- Mme [H] faisait fi de ces règles et consignes en acceptant de prêter, à maintes reprises, des médicaments et du matériel à d'autres établissements de santé, et ce, sans l'autorisation préalable ni même la concertation du Pharmacien Gérant : le 9 décembre 2019, alors que le Pharmacien gérant avait refusé une demande de prêt effectuée par le CHU pour une solution hydro alcoolique, Mme [H] validait délibérément ce prêt de 120 flacons sans en informer le Pharmacien Gérant et sans respecter les procédures ; le 23 décembre 2019 de nouveau, des sets de branchement et débranchement étaient prêtés par Mme [H] au CHU sans que le Pharmacien Gérant n'ait donné son accord ni ne soit informé ; ce non-respect des consignes caractérise une insubordination assumée par Mme [H] et pourtant dangereuse pour les patients de la clinique ;

- Mme [D] [Y] épouse [H] a également commis des fautes répétées dans la gestion des stocks, des commandes et le suivi des livraisons pour les approvisionnements concernant le service de dialyse dont elle était en charge en tant que Pharmacien : fin novembre 2019, elle effectuait une commande de matériel médical auprès du mauvais fournisseur, à savoir ROCHE DIAGNOSTICS FRANCE au lieu de ROCHE DIABETES CARE ce qui causait un retard important dans la réception des produits commandés. Plus grave, début janvier 2020, Mme [H] modifiait peu de temps avant de partir en congés, et sans consulter le Pharmacien gérant, la distribution du matériel nécessaire à la dialyse par des produits de remplacement ;

- Mme [H] refusait de se servir du logiciel SAGE, pourtant utilisé par l'ensemble de l'équipe médicale. Ce n'est qu'après d'âpres négociations que la clinique obtenait l'engagement de principe de Mme [H] à utiliser le logiciel ; elle persistait à utiliser un fichier Excel auquel elle seule avait accès, ce qui entraînait une charge de travail supplémentaires pour le personnel en charge des achats qui devait ressaisir les commandes et données, et qui était source d'erreur, alors même qu'il s'agit de stocks sensibles ; installation de WINPHARMA en janvier 2021 pour une mise en service 4 mois plus tard ) ;

- l'article L. 1235-3 du Code du travail fixe le barème d'indemnisation du licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse et situe l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un salarié comptant 19 ans d'ancienneté entre 3 et 15 mois maximum de salaire ;

- à l'examen des différents griefs exposés dans la lettre de licenciement ( non - respect de la procédure de prêts et emprunts de médicaments, mauvaise gestion des stocks, des commandes et du suivi des livraisons de produits pharmaceutiques, refus d'utilisation du logiciel SAGE...), la Cour examinera, en tout état de cause, si les autres motifs de licenciement invoqués sont fondés et pourra, le cas échéant, en tenir compte pour fixer le montant de l'indemnité versée à la salariée ;

- Mme [H] ne justifie ni d'une inscription à Pôle emploi, ni de difficulté à retrouver un emploi à la suite de son licenciement ; Mme [H] est restée titulaire d'un contrat de travail de Pharmacien au sein du [5] jusqu'à son départ en retraite en début d'année 2022. Mme [H] avait perçu une indemnité de licenciement d'un montant de 75.872,63 euros, plus d'une année et demi de salaire.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 mars 2023, Mme [Y] épouse [H] demande à la cour de :

REJETER la demande de mise hors de cause de la Clinique de [4] ;

CONFIRMER le jugement du Conseil des Prud'hommes en date du 14 06 22, en ce qu'il a :

« - déclaré Mme [D] [Y], épouse [H], recevable et bien fondée en ses demandes,

- requalifié le contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps plein, prononcé la nullité du licenciement en ce qu'il est intervenu en violation d'une liberté fondamentale,

- condamné la Clinique de [4] au paiement des sommes suivantes :

132.118,93 euros à titre de rappel de salaire sur la période de février 2017 à février 2020,

13.211,89 euros au titre des congés payés y afférents,

52.837,27 euros à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement,

51.483,96 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

1.500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- dit que la condamnation de l'employeur au paiement des rémunérations et indemnités visées par les articles R 1454-14 et 15 du Code du Travail est exécutoire de plein droit dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire dans les conditions prévues à l'article R 2424-28 du Code du Travail ;

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 8.580,66 euros

- dit que l'ensemble des sommes sollicitées porteront intérêt au taux légal à compter de la date

du dépôt de la présente requête ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- débouté la Clinique de [4] dans la présente procédure de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision à intervenir en toutes ses dispositions, conformément à l'article 515 du Code de Procédure Civile ;

- condamné la Clinique de [4] aux entiers dépens de l'instance ; »

INFIRMER la décision du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en date du 14 06 22 uniquement sur le quantum des dommages et intérêts pour licenciement nul octroyé ;

Statuant à nouveau,

À titre principal,

CONDAMNER la Clinique de [4] au paiement de la somme de 308.903,76 euros, à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, correspondant à 36 mois de salaire ;

À titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour venait à considérer que son licenciementne serait pas nul,

DIRE ET JUGER que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNER la Clinique de [4] au paiement de la somme de 124.419,57 euros, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à 14,5 mois de salaire ;

En tout état de cause,

REJETER l'ensemble des demandes de la Clinique de [4].

CONDAMNER la Clinique de [4] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Mme [D] [Y] épouse [H] expose, en substance, que :

- si les parties avaient initialement convenu d'un temps partiel à hauteur de 20 heures hebdomadaires au sein de la Clinique de [4], il s'avère qu'elle a toujours effectué un véritable temps plein au sein de cet établissement, comme le démontrent l'ensemble de ses plannings et relevés de pointage, outre ses 15 heures hebdomadaires au sein du Centre Médical [6] désormais dénommé [5] ;

- même après le 18 avril 2016, alors qu'elle n'était plus gérante de la pharmacie de la Clinique de [4], elle se voyait contrainte d'effectuer bien plus qu'un temps plein, compte tenu de la charge de travail imposée par sa hiérarchie, dans la mesure où elle demeurait à la Présidence du Clin et avait toujours la charge de la gestion des risques hospitaliers ;

- le 1er octobre 2019, elle a été victime d'un accident d'origine non professionnelle, ayant pour conséquence une fracture de l'humérus, qui lui a occasionné un arrêt de travail sans discontinuité de près de 2 mois ; à l'occasion de cet arrêt de travail, elle a été contrainte de poursuivre l'ensemble de ses tâches en télétravail ;

- la qualité d'employeur de la Clinique de [4] n'a jamais été contestée ;

- la première conséquence de la requalification du temps partiel en temps plein est la reconstitution du salaire de référence, conformément à l'article R 1234-4 du Code du Travail et de la jurisprudence de la Cour de cassation, considérant que la base de calcul doit tenir compte des salaires auxquels le salarié aurait eu droit sur les 3 ou 12 derniers mois ;

- les indemnités de sujétion d'astreinte entrent dans le calcul du salaire de référence du salarié, dans la mesure où elles ne sont autres qu'un élément de la rémunération brute lié au travail effectif ;

- son employeur est coupable de travail dissimulé en raison des heures complémentaires réalisées et non payées et du télétravail durant son congé maladie du 1er octobre au 4 décembre 2019 ;

- en l'absence de visite de reprise organisée à son retour au sein de la Clinique de [4] après un arrêt maladie de droit commun, son contrat de travail demeurait suspendu, et ce, jusqu'à la date de notification du licenciement, soit le 18 février 2020, de sorte que ce dernier serait dénué de cause réelle et sérieuse ;

- son licenciement est nul pour avoir été prononcé en violation de son droit d'expression ;

- l'attestation de la Pharmacienne Gérante de l'établissement, Mme [X], a manifestement été établie pour les seuls besoins de la cause; si ces faits s'avéraient être établis, Mme [X] n'aurait pas manqué d'en attester en première instance ;

- en tout état de cause, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en raison notamment du fait, d'une part, que son contrat de travail se trouvait suspendu au moment de son licenciement, en l'absence de toute visite médicale de reprise et, d'autre part, que l'ensemble des griefs reprochés par l'employeur sont manifestement inconsistants ;

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I / Sur la demande de mise hors de cause de la Clinique de [4]

Contrairement à ce que soutient la Clinique de [4], Mme [D] [Y] épouse [H] n'a jamais remis en cause sa qualité d'employeur.

Sa demande de mise hors de cause sera donc rejetée.

II / Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet

L'article L 3123-6 du Code du travail indique que : « Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail fixée par le contrat.

L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au delà de la durée fixée par le contrat. ».

En l'espèce, le contrat de Mme [H], daté du 1er décembre 2001, prévoit expressément un temps partiel limité à 20 heures hebdomadaires, en ces termes :

« Article 5 ' Horaires de travail :

La durée du travail de Mme [H] [D] est fixée à 20 heures par semaine (5 demi-journées de 4 heures).

La répartition de ce temps de travail sera indiquée sous forme de planning mensuel hebdomadaire. En tout état de cause, les horaires de travail de Mme [H] [D] pourront comporter, au cours d'une même journée, plus d'une interruption d'activité ou une interruption d'activité supérieure à deux heures » (Pièce 1).

L'irrégularité de ce contrat de travail au regard des dispositions de l'article L 3123-6 du Code du travail, en ce qu'il ne mentionne pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, laisse présumer qu'il s'agit d'un contrat de travail à temps complet.

Il incombe à l'employeur, qui conteste cette présomption, de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte de travail, mensuelle/hebdomadaire, convenue et sa répartition sur la semaine ou sur le mois, et, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas obligé de se tenir constamment à la disposition de son employeur la preuve de la durée exacte de travail, mensuelle / hebdomadaire, convenue et sa répartition sur la semaine ou sur le mois.

En l'espèce, l'article 5 du contrat de travail souscrit par Mme [H] avec la Clinique de [4] prévoyait une durée du travail hebdomadaire : « fixée à 20 heures par semaine (5 demi journée de 4 heures) La répartition de

ce temps de travail sera indiquée sous forme de planning mensuel / hebdomadaire ».

Force est de constater que la Clinique de [4] ne rapporte pas cette preuve tandis que Mme [D] [Y] épouse [H] produit les éléments suivants :

- les plannings de la Clinique de [4] ([4] pharmacie) de janvier 2017 à mars 2020 qui mentionnent expressément « JT » soit un temps plein de 7 heures par jour du lundi au vendredi ' étant entendu qu'à compter du mois d'avril 2016, elle n'était plus chargée de la rédaction de ces plannings, édités par la pharmacienne-gérante qui lui a succédé ;

- les plannings des jours d'astreintes sur les week-ends et jours fériés suivant un roulement cyclique entre les deux pharmaciennes ;

- des relevés de pointage démontrant que ses journées de travail pouvaient aller jusqu'à 10 heures de temps ;

- le versement de 11 812, 98 euros mentionné sur sa fiche de paie du mois d'août 2020, pour des indemnités d'heures de récupération, permettant de dire qu'elle effectuait des heures au-delà des 20 heures hebdomadaires dans le cadre de son contrat à temps partiel.

Il importe peu que Mme [D] [Y] épouse [H] n'ait jamais formulé la moindre réclamation à ce titre durant la relation contractuelle. De même, il importe peu que cette dernière ne se prévale pas d'un dépassement de la durée maximale du travail au regard du cumul de ses deux « temps partiels » dans la mesure où elle a fait le choix d'initier la présente procédure uniquement à l'encontre de la Clinique de [4] pour laquelle elle effectuait à tout le moins 35 heures par semaine.

S'agissant de l'attestation de Mme [G], la cour relève que cette dernière n'est autre que la Directrice d'Exploitation de la Clinique, de sorte que cet élément de preuve ne peut être considéré comme étant objectif.

En ce qui concerne les relevés de pointage, il est assez étonnant de lire, aux termes des conclusions adverses, que Mme [H] ne produirait que « 5 journées » de pointage sur 18 années de présence, alors même que l'ensemble de ces éléments se trouvent entre les mains de l'employeur.

La Clinique de [4] ne peut valablement soutenir qu'en sa qualité de Cadre, Mme [H] organisait librement son temps de travail, dès lors qu'en matière de temps partiel, que le salarié soit Cadre ou Ouvrier, une répartition claire de la durée du travail s'impose entre les jours de la semaine et les semaines du mois.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à temps partiel de Mme [D] [Y] épouse [H] en contrat de travail à temps plein.

III/ Sur la demande de rappel de salaire et de congés payés y afférents

Il est de jurisprudence constante que lorsque le juge requalifie le contrat à temps partiel en contrat à temps complet, il doit condamner l'employeur à payer au salarié l'intégralité du salaire correspondant. Il ne peut pas réduire ce montant au motif que l'intéressé travaillait, pendant certaines périodes, dans une autre entreprise et n'était donc pas à la disposition de l'employeur.

Le salaire de référence de Mme [H], sur la base d'un temps partiel à raison de 86,80 heures mensuelles, prenant en compte la proratisation du RAG s'établit comme suit :

Somme des trois derniers mois de salaire précédant la rupture, dans la mesure où ils sont plus favorables : (4.356,53 euros + 4.315,06 euros + 5334,22 euros) : 3 = 4668,60 euros/mois bruts

+ Proratisation du RAG (2905,83 :12)= 242,09euros

Soit un salaire de référence sur la base d'un temps partiel de 4910,69 euros

La reconstitution de ce salaire de référence sur la base d'un temps plein s'établit comme suit : (151,67 x 4910,69 euros) : 86,80 = 8580,66 euros

Par conséquent, et dans la limite de la prescription, Mme [D] [Y] épouse [H] est en droit d'obtenir un rappel de salaire sur la base d'un temps plein calculé comme suit :

36 mois x (salaire de référence reconstitué sur la base d'un temps plein) - (salaire de référence sur la base du temps partiel), soit : 36 mois x (8580,66euros - 4910,69 euros) = 132.118,93 euros outre les congés payés y afférents, à hauteur de 13.211,89 euros.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la Clinique de [4] à payer ces sommes à Mme [D] [Y] épouse [H].

IV/ Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

L'article L.8223-1 du code du travail dispose qu'« En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ».

Selon l'article L 8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé (par dissimulation d'emploi salarié) le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre P de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Aux termes de l'article L 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, Mme [D] [Y] épouse [H] sollicite le versement de l'indemnité pour travail dissimulé au motif le nombre d'heures mentionné sur ses bulletins de paie et sur l'attestation Pôle emploi est inférieur à celui figurant sur le dispositif de pointage et sur les plannings versés aux débats.

Outre, les conséquences de la requalification du contrat de travail à temps plein, il est établi à travers des échanges de courriels, de bons de commande et d'ordonnances validées par Mme [D] [Y] épouse [H], que celle-ci poursuivait son activité professionnelle alors qu'elle était en arrêt de travail.

Les agissements ainsi établis de la Clinique de [4], qui se sont inscrits dans le temps, ne s'expliquent que par la volonté de se soustraire aux déclarations auprès des organismes de sécurité sociale.

De fait, tous ces manquements caractérisent le travail dissimulé.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la Clinique de [4] à payer à Mme [D] [Y] épouse [H] la somme de 51 483,96 euros.

V / Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :

'Par courrier en date du 16 janvier 2020, remis en main propre contre décharge, nous vous avons convoquée à un entretien préalable qui a eu lieu le 24 janvier 2020 et au cours duquel vous étiez assistée de Mme [K], Cadre de santé, membre élu du CSE.

A cette occasion, nous vous avons exposé les griefs qui vous étaient reprochés afin de recueillir vos explications. Vous n'avez cependant pas été en mesure de nous fournir des éléments pouvant justifier de vos différents comportements fautifs. Nous avons, dans ces conditions, le regret de vous notifier par la présente, votre licenciement pour fautes sérieuses.

Les motifs de cette décision, tels qu'ils vous ont été exposés lors de l'entretien, sont les suivants:

Vous avez été embauchée le 1er décembre 2001 en tant que pharmacien gérant, depuis le 18 avril 2016 vous occupez le poste de Pharmacien en charge de la validation pharmaceutique et du suivi des stocks du service d'hémodialyse au sein de notre établissement Clinique de [4].

Or nous devons déplorer de votre part le non-respect des consignes de travail et procédures en place dans notre établissement, un manque flagrant et volontaire de communication avec vos collègues de travail des différents services, ainsi qu'une défiance vis-à-vis de votre supérieur hiérarchique qui ne permettent plus de poursuivre notre relation contractuelle de manière satisfaisante.

* Non-respect de la procédure de prêts et emprunts

Dans la procédure de prêts et emprunts en vigueur au sein de l'établissement qui existe depuis 2013 et dont vous êtes k personne signataire en tant que vérificateur, il est prévu que tout bon d'emprunt soit signé par la pharmacien Gérant, or vous procédez régulièrement à des prêts de médicaments et de dispositifs médicaux en violation de cette disposition.

Ce constat a d'ailleurs été fait dernièrement, lorsque des coursiers se sont présentés et à la pharmacie et au dépôt sans aucun document issu du logiciel de gestion SAGE ni communication et validation auprès du pharmacien Gérant et de moi-même.

Nous avons plusieurs exemples :

- sets de branchement et débranchement HEMODIA prêtés le 23 décembre 2019 au profit du CHU.

- Le 9 décembre 2019, alors que le pharmacien Gérant avait déjà refusé une demande de prêt effectuée par le CHU pour de 1' Aniosgel, solution hydro alcoolique, vous avez délibérément validé ce prêt de 120 flacons pour le CHU sans en informer le Pharmacien Gérant et sans respecter les procédures dans Sage, mettant en difficulté la gestion de ce produit dont certains lots avaient par ailleurs déjà été retirés du marché par le fournisseur.

En ne respectant pas une fois encore la procédure vous avez généré une situation de tension et de stress au niveau des équipes, mettant en difficulté le respect des recommandations de base des normes d'hygiène dans la prise en charge de nos patients.

De plus au cours de l'entretien que nous avons eu en 2015 suite à des prêts que vous effectuez, eu égard à l'utilisation abusive de prêts de médicaments aux profits d'autres établissements de santé, il avait été convenu que vous deviez désormais m' informer personnellement en amont à tout prêt, par mail.

Vous avez reconnu lors de votre entretien préalable du 24 janvier 2020, avoir respecté cette consigne à deux reprises seulement, c'est donc de votre propre chef que vous avez décidé de ne plus vous conformer à cette demande.

Vos agissements ne sont, par ailleurs, pas sans répercussions sur le suivi et la gestion des stocks, mettant les stocks en dessous de nos quantités tampons, mettant en danger la continuité des soins de qualité de nos patients.

* Mauvaise gestion des stocks, des commandes et du suivi des livraisons de produits pharmaceutiques

Il relève de votre mission de pharmacien en charge du service de dialyse de vous assurer de l'existence de stocks suffisants, et d'anticiper les éventuelles ruptures de stocks en veillant à faire des commandes en tenant aussi compte des délais de livraison et d'acheminent (fret maritime en moyenne 7 à 8 semaines, fret aérien 2 à 3 semaines).

Il vous est reproché des manquements relevés dans la gestion des stocks, des commandes et le suivi des livraisons pour les approvisionnements concernant le service de dialyse dont vous êtes plus particulièrement le pharmacien , Ce qui a des conséquences graves pour l'établissement tenu d'assurer la continuité et la qualité de la prise en charge médicamenteuse de nos patients.

Depuis début janvier 2020 vous étiez au courant de la prochaine rupture de 2 références de ligne, dispositifs médicaux indispensables à la prise en charge de nos patients dialysés lors de séance. Vous sachant prochainement en vacances, et connaissant cette rupture, vous avez demandé à l'agent logistique de modifier la distribution du matériel nécessaire à la dialyse par d'autres produits. Pendant votre absence, l'agent logistique s'est trouvé obligé d'alerter le pharmacien gérant qu'un produit de remplacement allait prochainement être à son tour en rupture de stock. Cette situation a contraint à une réunion de crise et la recherche de solutions en urgence, alors même qu'une meilleure préparation et communication de votre part aurait permis de solutionner le problème de manière sereine. Afin de pallier à ces dysfonctionnements, il a fallu modifier les modalités de prise ne charge de nos patients dialysés, changer la technique de dialyse générant une moins bonne qualité de soins.

* Refus d'utilisation du logiciel SAGE

Après avoir tout bonnement refusé d'utiliser le logiciel de gestion des stocks SAGE jusqu'en mars 2019, vous faites preuve depuis, d'une mauvaise volonté évidente à vous approprier cet outil utilisé pourtant par tous les autres pharmaciens et préparateurs du service pharmacie.

Désormais, en dépit des huit séances individuelles de formations dont vous avez pu bénéficier et alors que vous savez utiliser le logiciel SAGE, vous faites preuve d'une mauvaise volonté qui provoque de nombreuses erreurs concernant les fournisseurs, les articles commandés en terme de quantité et de colisage, les renseignements propres à la fiche article.

Des erreurs ont été commises sur des bons de commande SAGE, sur des informations concernant du fret maritime, et/ou l'adresse du transitaire aérien. Ces erreurs génèrent des retards importants dans la livraison des produits mettant encore les stocks en tension.

Vous persistez à passer des commandes via un autre circuit, en utilisant le logiciel CORIANIS. Ce circuit ne permet pas la réception des commandes dans notre stock de façon efficiente. Bien au contraire, il oblige la ou les personnes en charge de cette mission de ressaisir toute la commande passée sur le logiciciel SAGE. Ce qui génère du travail supplémentaire sans pouvoir s'assurer de la conformité au bon de commande, comme prévu par le pharmacien gérant.

Cette mauvaise utilisation du logiciel SAGE entraîne des difficultés et une surcharge de travail pour le service des achats.

* Absence de communication, de concertation et de respect de la hiérarchie

1. Le 16 janvier dernier, vous avez unilatéralement procédé à une modification du circuit des solutions hydrologiques sans concertation préalable du Directeur des soins, responsable de l'équipe Opérationnelle d'Hygiène, sans information préalable du Pharmacien gérant et donc sans que cette modification ne puisse être validée par l'équipe en réunion staff comme cela est normalement le. cas.

2. Vous ne communiquez pas les plannings de livraison chez les patients en dialyse péritonéale, et ne transmettez pas d'information sur les déplacements des logisticiens à l'extérieur de l'établissement, ce qui a pour effet un défaut de main d'oeuvre disponible sur place pour les besoins internes de la Clinique. Ce manque de communication de votre part, nuit à la planification d'une organisation adéquate et optimisée de ce service.

3. Votre défiance vis-à-vis de votre chef de service a entraîné des dysfonctionnements notables

> dans la gestion du personnel de la pharmacie : En date du 14 janvier 2020, en réunion de service, vous faites des propositions qui vont à l'encontre des objectifs établis par le pharmacien Gérant. Ces objectifs qui vous ont été préalablement présentés à une réunion spécifique dédiée aux pharmaciens et qui s'est tenue juste avant la réunion de service.

> dans la relation avec les fournisseurs : Vous avez délibérément choisi de rencontrer certains fournisseurs sans en informer le Pharmacien Gérant, générant des négociations croisées de produits ( Ex : MEDLINE, SMITH MEDICAL.) .

> au niveau des institutions au sein de l'établissement : CME, staffs de dialyse. Lors de la dernière CME en date du 16 janvier 2020, vous avez publiquement contredit le pharmacien Gérant à propos des médicaments bio-similaires alors qu'elle transmettait à l'ensemble de l'équipe médicale des informations suite à une formation dispensée par l'OMEDIT (Observatoire des médicaments, des dispositifs médicaux et des innovations thérapeutiques).

Vous n'hésitez pas à prendre à partie votre chef de service, à contredire les informations données ou à vous opposer aux décisions qui sont présentées lors des réunions devant l'ensemble de l'équipe, parfois avec un ton péremptoire et agressif, alors même que vous ne soulevez pas les difficultés lors des réunions préparatoires qui les précèdent et auxquelles vous participez avec les autres pharmaciens.

Cette attitude a été relevée une nouvelle fois lors de la réunion de service du 14 janvier 2020 et de la réunion CME du 16 janvier 2020.

Ce comportement créé des tensions au niveau des équipes tant au sein de la pharmacie, qu'au sein du service de dialyse.

Cette accumulation de comportements fautifs avec des conséquences multiples pour l'Etablissement, nous contraint à mettre un terme à notre relation de travail.

Compte tenu de votre ancienneté dans l'entreprise, vous bénéficiez d'un préavis de 6 mois, débutant à la date de première présentation de la présente. Nous vous informons d'ores et déjà que nous vous dispensons de l'exécution de ce préavis à compter du 31 mars 2020. Vous serez évidemment rémunérée durant cette période de dispense d'activité, dans les conditions légales et aux dates normales d'échéances de paie.

A l'issue de votre préavis, vous recevrez votre reçu pour solde de tout compte ainsi que les documents consécutifs à votre fin de contrat, vous bénéficierez de la portabilité des frais de prévoyance dans les conditions qui vous seront rappelées lors de l'envoi de votre certificat de travail.

Nous vous rappelons que vous pouvez faire une demande de précisions des motifs de licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification, par lettre recommandée avec avis de réception.

Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement.'.

A / Sur la nullité du licenciement pour violation d'une liberté fondamentale

Les articles L 1132-1 à L 1132-4 du code du travail, prévoient qu'un licenciement est nul lorsqu'il est prononcé en violation :

- du principe de non-discrimination : origine, sexe, moeurs, orientation sexuelle, âge, situation de famille, grossesse, caractéristiques génétiques, appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, opinions politiques, activités syndicales ou mutualistes, convictions religieuses, apparence physique, nom de famille, état de santé ou handicap ;

- d'une liberté fondamentale (liberté d'expression, liberté syndicale, liberté religieuse, droit de retrait du salarié, exercice normal du droit de grève, etc.) ;

- des règles de protection des représentants du personnel ;

- des droits d'un salarié qui agit en justice pour mettre fin à une discrimination selon l'article L 1134-4 du code du travail;

- des droits d'un salarié qui agit en justice pour faire respecter l'égalité entre les hommes et les femmes L.1144-3 du code du travail ;

- des droits d'un salarié ayant subi ou témoignant sur un harcèlement moral (L 1152-2, L.1152-3 du code du travail) ou sexuel (L 1153-2 à L1153-4 du code du travail) ;

- des droits d'un salarié témoignant des faits de corruption (L 1161-1 du code du travail)

- des droits d'un salarié lanceur d'alerte sur un risque grave pour la santé publique ou l'environnement ( L 4133-5 Code du travail ; L1351-1 Code de la santé publique) sur des faits relatifs à une situation de conflit d'intérêts (art.25, Loi n 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) ;

- des droits d'une salariée en état de grossesse ou en congé de maternité (L1225-4, L1225-4-1, L1225-5, L1225-71) ;

- des droits d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle (L1226-13) ;

- des droits d'un salarié inclus dans un licenciement économique collectif en l'absence ou insuffisance de PSE (L1235-10 à L1235-15) ;

- des droits d'un salarié ayant témoigné de mauvais traitements ou privations infligés à une personne accueillie (ou relaté de tels agissements) dans les établissements ou services sociaux et medico-sociaux (L313-24 du Code de l'action sociale et des familles).

En l'espèce, Mme [D] [Y] épouse [H] soutient que son licenciement est nul pour être intervenu en violation de sa liberté d'expression.

L'article L 2281-1 du Code du Travail dispose que : « Les salariés bénéficient d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail. ».

L'article L 2281-2 du Code du Travail poursuit, en prévoyant que : « L'expression directe et collective des salariés a pour objet de définir les actions à mettre en œuvre pour améliorer leurs conditions de travail, l'organisation de l'activité et la qualité de la production dans l'unité de travail à laquelle ils appartiennent et dans l'entreprise. ».

Enfin, l'article L 2281-3 du Code du Travail prévoit que : « Les opinions que les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent dans l'exercice du droit d'expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement. ».

Il est de jurisprudence constante que la liberté d'expression du salarié ne peut être restreinte que par la nature de la tâche à accomplir et proportionnelle au but recherché ; que des critiques des choix de la Direction peuvent être formulés par le salarié tant que cela n'est pas dans des termes injurieux, diffamatoires ou excessifs ; que le caractère illicite du motif du licenciement prononcé même en partie en raison de l'exercice par le salarié de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement » (Cass. Ch. Soc. 29 juin 2022, n 20-16.060).

En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement, il est expressément reproché à Mme [H] :

« (...) Dans la gestion du Personnel de la Pharmacie : en date du 14 janvier 2020, en réunion de Service, vous faites des propositions qui vont à l'encontre des objectifs établis par le Pharmacien Gérant. Ces objectifs qui vous ont été préalablement présentés à une réunion spécifique dédiée aux Pharmaciens, qui s'est tenue juste avant la réunion de service (...).

au niveau des institutions au sein de l'établissement : CME, staffs de dialyse. Lors de la première CME en date du 16 janvier 2020, vous avez publiquement contredit le pharmacien Gérant à propos des médicaments bio-similaire alors qu'elle transmettait à l'ensemble de l'équipe médicale des informations suite à une formation dispensée par l'OMEDIT (Observatoire des médicaments, des dispositifs médicaux et des innovations thérapeutiques).

Vous n'hésitez pas à prendre à parti contre votre Chef de Service, à contredire les informations données ou à vous opposer aux décisions qui sont présentées lors des réunions, devant l'ensemble de l'équipe, parfois avec un ton péremptoire et agressif, alors même que vous ne soulevez pas des difficultés lors des réunions préparatoires qui les précèdent et auxquelles vous participez avec d'autres Pharmaciens (...) ».

Il est ainsi reproché à Mme [H] un abus dans sa liberté d'expression.

Mme [D] [Y] épouse [H] conteste avoir jamais pris à partie son Chef de Service et encore moins sur un ton « péremptoire », ni même « agressif » et fait valoir que, contrairement à ce qu'allègue l'employeur, elle a toujours été forte de propositions dans le cadre de ses fonctions.

La Clinique de [4] communique, en cause d'appel, une attestation de la Pharmacienne Gérante de l'établissement, Mme [X], supérieure hiérarchique de Mme [H], qui indique que : « les prises de position, en opposition avec mes propos tenus lors de réunions médicales, m'ont mise en difficulté plusieurs fois alors que j'avais des messages importants à communiquer : messages de la Direction, des instances ARS OMEDIT et alors même qu'elle n'avait pas connaissance des informations que je transmettais, n'ayant pas participé aux réunions antérieures.

Cela ne me permettait pas de gérer sereinement l'équipe, ni d'avoir des relations aisées avec les Néphrologues, les relations de confiance devenaient difficiles. ».

Cette pièce ne saurait suffire à établir que Mme [D] [Y] épouse [H] aurait abusé de son droit d'expression.

Son licenciement encourt donc la nullité pour violation de ce droit constituant une liberté fondamentale.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

B / S'agissant des autres griefs

L'article L 1235-2-1 du travail prévoit qu'« En cas de pluralité de motifs de licenciement, si l'un des griefs reprochés au salarié porte atteint à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d'examiner l'ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l'évaluation qu'il fait de l'indemnité allouée au salarié, sans préjudice des dispositions de l'article L 1235-2-1. ».

* Sur le non-respect des règles concernant les prêts de médicaments

Il est établi au dossier que les prêts et emprunts à d'autres établissements de santé devaient être validés par la pharmacienne gérante (pièce 15).

La Clinique de [4] verse aux débats plusieurs échanges de mails entre Mme [D] [Y] épouse [H] et le CHUI dont il ressort que Mme [D] [Y] épouse [H] acceptait des prêts de médicaments/ou de matériel médical sans en référer à la pharmacienne gérante ( pièce 7).

Le fait que le prêt de sets de branchement et de débranchement de dialyse HEMODIA n'est finalement pas intervenu en décembre 2019 parce que le CHU a pu bénéficier de sa livraison en temps et en heure, importe peu.

La Clinique de [4] verse aux débats une attestation émanant de Mme [U] [X], salariée qui a remplacé Mme [D] [Y] épouse [H] dans ses fonctions de pharmacienne gérante à compter du18 avril 2016, qui relate : « J'avais constaté des dérives dans les prêts aux établissements de Guadeloupe et nous avions convenu avec M. [B] et Mme [H] que tous les prêts et emprunts devaient être validés par moi-même en tant que pharmacien gérant dans le respect de la procédure, en particularité la traçabilité des mouvements dans le logiciel de gestion de stock. Or des coursiers venant d'autres établissements se sont présentés à la pharmacie ou au dépôt sans aucun document de traçabilité issu de notre logiciel, ni information du service achats de la pharmacie et moi-même. Ceci a abouti par exemple à une situation tendue pour le stock d'Aniogel, solution hydroalcoolique indispensable à l'hygiène des mains dans les services hospitaliers. Notre stock ne permettait pas de faire un prêt au CHU et j'avais refusé la demande. Mme [D] [Y] épouse [H] a validé et prêté des flacons après mon refus et a démuni l'établissement alors que le service de dialyse notamment utilise une grande quantité de solutions Aniogel et que les délais de livraison obligatoirement par bateau du fait de la présence d'alcool sont au minimum de deux mois et demi. ».

Mme [D] [Y] épouse [H] soutient que le prêt de solutions hydroalcooliques en décembre 2019 aurait été validé par Monsieur [J], remplaçant de Mme [X] alors que celle-ci se trouvait en congé.

La cour relève qu'elle n'en justifie pas et que, contrairement à ce qu'elle soutient, il importe peu que le gel hydroalcoolique Anios gel ne fasse pas partie du monopole pharmaceutique.

Il s'ensuit que le bien fondé du grief est établi.

* Sur la gestion des stocks

Mme [U] [X] atteste dans les termes suivants : « Alors que Mme [H] était en vacances, j'ai été alertée par le logisticien sur des stocks insuffisants pour assurer les séances de dialyse dans l'attente de l'arrivée d'une livraison par bateau. J'ai alerté ma direction et nous avons dû organiser dans l'urgence une modification de la prise en charge des patients avec une perte de qualité de par la technique dégradée utilisée ».

Il s'ensuit que le bien fondé du grief est établi.

* Sur le refus d'utiliser le logiciel Sage et la rétention d'informations

Mme [U] [X] atteste dans les termes suivants : « Un logiciel de gestion des stocks a été mis en place à la clinique. Mme [H] a été formée avec les préparatrices et a bénéficié à sa demande d'une formation pour elle seule. Toute l'équipe de la pharmacie s'est appropriée le logiciel et a commencé à l'utiliser excepté Mme [H] qui a refusé et a continué à travailler avec son tableau Excel auquel personne d'autre n'avait accès pour les commandes de dialyse. Aucune de ses factures n'était tracée informatiquement. Les bons de commande n'étaient pas informatisés, engendrant des erreurs de références livrées, des inadéquations entre les quantités demandées et des quantités livrées et même des erreurs de fournisseurs. Ces dysfonctionnements obligeaient le service achats à compenser les manquements avec de la ressaisie, des litiges à gérer avec les fournisseurs, des modifications de fiches article, tout ceci était très chronophage pour la préparatrice dédiée et l'assistante administrative. De plus il était impossible d'avoir une gestion saine, de faire une analyse globale de la gestion de la pharmacie, ce qui est très dommageable aux fonctions du pharmacien gérant. ».

Contrairement à ce que soutient Mme [D] [Y] épouse [H], il importe peu que la clinique ait choisie par la suite de changer de logiciel dès lors que le nouveau logiciel Win pharma a été mis en service qu'en mai 2021.

Il s'ensuit que le bien fondé du grief est établi.

C / Sur les conséquences financières du licenciement

* Sur l'indemnité pour nullité du licenciement

Mme [D] [Y] épouse [H] est en droit d'obtenir en vertu de l'article L1235-3-1 du code du travail une indemnité non plafonnée qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.

Compte tenu de l'age de Mme [D] [Y] épouse [H] au jour de son licenciement (près de 64 ans) et de son ancienneté dans l'entreprise (près de 19 ans), la cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a alloué de ce chef la somme de 51'483,96 euros (8580,66 euros x 6).

* Sur le rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement sur la base d'un salaire de référence à temps plein

L'article 50 de la Convention Collective applicable à la relation contractuelle prévoit que : « Tout salarié licencié alors qu'il compte au moins un an d'ancienneté dans l'entreprise à la date de son licenciement, a droit, sauf faute grave ou force majeure, à une indemnité de licenciement distincte du préavis calculé dans les conditions ci-après :

1. Ouvriers et employés, techniciens et Agents de maîtrise : un 5ème de mois de salaire par année d'ancienneté ;porté à deux 5èmes de mois de salaire pour les années d'ancienneté effectuées au-delà de 10 ans.

En cas d'année incomplète, ces indemnités seront proratisées.

2. Cadres :

Cadres comptant au moins 5 ans d'ancienneté : un 5ème de mois de salaire par année d'ancienneté dans la fonction de Cadre ;

Cadres comptant 5 ans d'ancienneté et plus : un demi mois de salaire par année d'ancienneté dans la fonction de Cadre jusqu'à 5 ans ; un mois de salaire pour chacune des années suivantes dans la fonction de Cadre.

Le temps passé, le cas échéant, en qualité de non Cadre sera pris en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement, selon le barème défini au paragraphe A.

En cas d'année incomplète, ces indemnités seront proratisées. Étant précisé que le montant de l'indemnité ci-dessus ne pourra dépasser, pour les Cadres, l'équivalent à 12 mois de traitement calculé dans les conditions ci-après, porté à 15 mois pour les Cadres ayant plus de 15 ans d'ancienneté (...) ».

Dans le cadre de son licenciement Mme [D] [Y] épouse [H] a perçu une indemnité conventionnelle d'un montant de 75.872,63 euros, calculée sur la base d'un temps partiel à hauteur de 20 heures hebdomadaires.

Compte tenu de la requalification de son contrat à temps partiel en un contrat à temps plein, Mme [D] [Y] épouse [H] est fondée à solliciter un rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement calculé sur la base d'un temps plein.

Au jour de sa sortie des effectifs, Mme [H] bénéficiait de 18 ans et 8 mois d'ancienneté (date d'entrée : 01 12 01 et date de sortie : 18 02 20).

Le rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement s'établit comme suit :

(8580,66 : 2) x 5 = 21 451,65 euros

8580,66 x 13,67 = +117.297,67 euros

=138.759,27 euros

Cette indemnité conventionnelle de licenciement excédant les 15 mois de salaire prévus par la Convention Collective, il convient de la réduire dans cette limite de 15 x 8.580,66 = 128 709,90 euros.

Le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement de Mme [H], sur la base d'un temps plein, s'établit à hauteur de cette somme, de laquelle il convient de retrancher le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement déjà versée, laquelle se trouve être calculée sur la base d'un temps partiel : 128 709,90 ' 75.872,63 euros = 52.837,27 euros.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la Clinique de [4] au paiement de la somme de 52.837,27 euros à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement.

VI / Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la Clinique de [4] à payer à Mme [D] [Y] épouse [H] la somme de 1500 euros pour ses frais irrépétibles en première instance.

Il n'y a pas lieu d'en rajouter en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Rejette la demande de mise hors de cause de la Clinique de [4] ;

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en date du 14 juin 2022 en toutes ses dispositions ;

Laisse les dépens à la charge de l'appelante ;

Rejette le surplus des demandes, plus amples ou contraires.

Le greffier, La présidente,