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Décisions

CA Nancy, ch. soc.-sect. 2, 30 novembre 2023, n° 22/02029

NANCY

Arrêt

Autre

CA Nancy n° 22/02029

30 novembre 2023

ARRÊT N° /2023

PH

DU 30 NOVEMBRE 2023

N° RG 22/02029 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FBFZ

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BAR LE DUC

F21/00045

08 août 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.A.R.L. [O] V.O pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Angélique LIGNOT de la SCP SCP CABINET LIGNOT, avocate au barreau de la MEUSE

INTIMÉ :

Monsieur [M] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Loïc SCHINDLER de la SCP DEMANGE & ASSOCIES, avocat au barreau de la MEUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 31 Août 2023 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 16 Novembre 2023 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéér a été prorogé au 30 Novembre 2023 ;

Le 30 Novembre 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [M] [P] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société SARL [O] V.O à compter du 03 septembre 2019, en qualité de mécanicien.

La convention collective nationale de l'automobile s'applique au contrat de travail.

Par courrier du 17 septembre 2020, Monsieur [M] [P] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 24 septembre 2020.

Par courrier du 01 octobre 2020, Monsieur [M] [P] a été licencié pour faute grave.

Par requête du 15 juillet 2021, Monsieur [M] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc, aux fins :

- de dire et juger que son licenciement est nul en raison de la discrimination commise par l'employeur,

- de condamner la société SARL [O] V.O à verser à Monsieur [M] [P] les sommes suivantes :

- 540,70 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 2.161,81 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre la somme de 216,28 euros au titre de congés payés sur préavis,

- 1 081,40 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,

- 12 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- à titre subsidiaire, 12 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc rendu le 08 août 2022, lequel a :

- dit que le licenciement de Monsieur [M] [P] est nul,

- condamné la société SARL [O] V.O à payer à Monsieur [M] [P] les sommes suivantes :

- 540,70 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 2 162,81 euros au titre de l'indemnité de préavis,

- 216,28 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 1 081,40 euros au titre de la durée de la mise à pied,

- 12 000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 1 000.00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé l'exécution provisoire de droit conformément aux articles R.1454-14 et R.1454-28 du code du travail,

- dit que la moyenne des 3 derniers salaires s'élève à 2 162,81 euros,

- débouté la société SARL [O] V.O de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société SARL [O] V.O aux entiers dépens y compris les frais d'exécution.

Vu l'appel formé par la société SARL [O] V.O le 06 septembre 2022,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société SARL [O] V.O déposées sur le RPVA le 13 avril 2023, et celles de Monsieur [M] [P] déposées sur le RPVA le 02 février 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 07 juin 2023,

La société SARL [O] V.O demande :

- de déclarer recevable et bien fondé son appel,

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc rendu le 08 août 2022, en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de Monsieur [M] [P] est nul,

- condamné la société à payer à Monsieur [M] [P] les sommes suivantes :

- 540,70 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 2 162,81 euros au titre de l'indemnité de préavis,

- 216,28 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 1 081,40 euros au titre de la durée de la mise à pied,

- 12 000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 1 001.00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé l'exécution provisoire de droit conformément aux articles R.1454-14 et R.1454-28 du code du travail,

- dit que la moyenne des 3 derniers salaires s'élève à 2 162,81 euros,

- débouté la société de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société SARL [O] V.O aux entiers dépens y compris les frais d'exécution,

- de faire droit à ses demandes et infirmer le jugement du 08 août 2022 sur ces points,

Statuant à nouveau :

- de déclarer irrecevables et mal fondées en ses demandes Monsieur [M] [P],

- en conséquence, de rejeter les demandes Monsieur [M] [P] en ce qu'elles sont prescrites,

- de débouter Monsieur [M] [P] de l'ensemble de ses demandes et de ses conclusions,

- de dire et juger que le licenciement pour faute grave de Monsieur [M] [P] est parfaitement fondé,

- de condamner Monsieur [M] [P] à verser à la société la somme de 3 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- de condamner Monsieur [M] [P] à verser à la société la somme de 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance

- de condamner Monsieur [M] [P] à verser à la société la somme de 3 500,00 euros à hauteur d'appel,

- de condamner Monsieur [M] [P] aux entiers dépens en première instance et à hauteur d'appel,

A titre infiniment subsidiaire et si par extraordinaire l'argumentaire adverse était retenu, il conviendra de réduire considérablement les sommes allouées en première instance au profit de Monsieur [M] [P].

Monsieur [M] [P] demande :

- de dire et juger recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la société SARL [O] V.O,

- en conséquence, de confirmer purement et simplement la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc,

A titre subsidiaire :

- de dire et juger que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société SARL [O] V.O à lui verser, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, les sommes suivantes :

- 540,70 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 2.161,81 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre la somme de 216,28 euros au titre de congés payés sur préavis,

- 1 081,40 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,

- 12 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause :

- de condamner la société SARL [O] V.O à lui payer la somme de 3 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 13 avril 2023, et en ce qui concerne le salarié le 02 février 2023.

Sur la prescription

La société [O] VO estime que « toutes les demandes qui sont mentionnées sur le reçu pour solde de tout compte du 2 octobre 2020 (') et sollicitées précisément par Monsieur [P] sont prescrites depuis le 2 avril 2021 ».

M. [M] [P] fait valoir que le reçu pour solde de tout compte ne concerne pas les sommes qu'il réclame.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article L1234-20 du code du travail, le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.

En l'espèce, le reçu pour solde de tout compte signé par M. [M] [P] le 02 octobre 2020 porte sur le reliquat de salaire dû, et son indemnité compensatrice de congés payés.

Aux termes de sa requête saisissant le conseil de prud'hommes, M. [M] [P] demandait une indemnité de licenciement, une indemnité de préavis, outre une somme au titre de congés payés sur préavis, un rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, des dommages et intérêts pour licenciement nul, et à titre subsidiaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les sommes réclamées sont distinctes de celles visées par le reçu pour solde de tout compte.

La fin de non-recevoir sera donc rejetée.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement du 1er octobre 2020 (pièce 5 de la société [O] VO) indique :

« (') Monsieur,

Nous vous avons convoqué le 24 septembre 2020 par lettre recommandée à l'entretien préalable au licenciement que nous envisageons de prononcer à votre encontre.

Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour le motif suivant :

Le 15 juillet 2020, vous avez effectué la vidange, le remplacement du kit de distribution et de la pompe à eau sur le véhicule PEUGEOT 207 immatriculé [Immatriculation 5], véhicule réservé par Mme [J] [D] habitant [Localité 6]. Depuis le départ du véhicule de nos ateliers le 16 juillet 2020, la cliente nous a contacté à plusieurs reprises pour différents problèmes. Le 26 août 2020, elle a ramené le véhicule pour soucis de surchauffe. Nous avons constaté que cette surchauffe provient de l'absence de purge du liquide de refroidissement, et a occasionné la casse du joint de culasse.

Or, à plusieurs reprises nous vous avons rappelé l'extrême nécessité de réaliser la purge du liquide de refroidissement lors du remplacement du kit distribution/pompe à eau.

En réponse, vous m'avez souligné que durant vos 40 années d'expérience vous avez toujours travaillé ainsi et vous m'avez stipulé « vous n'y connaissais rien ».

En conséquence, le véhicule de Mme [J] a été immobilisé pour réparation au frais de l'entreprise et nous avons prêté un véhicule à la cliente mécontente, qui de plus, a dû revenir de [Localité 6].

Ce sinistre n'est pas unique, d'autres incidents du même ordre sont en cours ou ont été évité de justesse (NISSAN QASHQUAI le 08/09/2020 absence de chauffage, C4 Picasso casse du joint de culasse)

Votre attitude, est gravement préjudiciable à la pérennité économique et à l'image de ni l'entreprise.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien dans l'entreprise.

Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture, et nous tenons votre disposition votre certificat de travail, reçu pour solde de tout compte ainsi que les salaires indemnités de congés payés qui vous sont dus. (...) »

La société [O] V.O. affirme que M. [M] [P] était le seul mécanicien du garage qui intervenait sur les véhicules dont les incidents ont été constatés.

L'employeur renvoie à ses pièces 15 et 16, 20 à 25, et 6 et 18.

M. [M] [P] demande de n'accorder aucun crédit à l'attestation de Mme [B] [O], qui est l'épouse du dirigeant ; il ajoute qu'elle exerce les fonctions de secrétaire et n'a aucune compétence particulière pour juger de l'exécution de sa prestation de travail.

L'intimé indique ensuite que le devis et la facture au nom de Mme [D] [J] ne permettent pas de dire que la réparation a pour origine une faute commise par lui.

Il estime qu'il en va de même pour l'intervention du 08 septembre 2020 sur un véhicule Nissan Qashqai.

En ce qui concerne l'incident sur le véhicule C4 Picasso, M. [M] [P] estime que ce grief est prescrit, la réclamation étant du 11 juillet 2020, et la procédure disciplinaire ayant été engagée le 17 septembre 2020. Il ajoute que le délai entre la connaissance de la prétendue faute et l'engagement de la procédure disciplinaire est incompatible avec la qualification de faute grave. Il indique enfin qu'aucun élément technique ne permet d'imputer la casse du joint de culasse à une mauvaise réparation qu'il aurait effectuée.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article L1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

M. [M] [P] ne répond pas sur la prescription des faits relatifs au véhicule C4 Picasso.

Les pièces se rapportant à ces faits sont les pièces 6, 14, 18 et 20 (lettre de réclamation de M. [N] [C] du 11 juillet 2020 ; facture à ce client pour ce véhicule du 10 juillet 2020 ; attestation de M. [N] [C] relatant son problème mécanique après le remplacement de la distribution et de la pompe à eau au garage ; devis en rapport avec la facture en pièce 14).

Les faits reprochés étant antérieurs de plus de deux mois à l'engagement de la procédure de licenciement, ils sont prescrits.

La pièce 15 est la copie du registre du personnel de l'entreprise, dont il ressort de la lecture que M. [M] [P] était le seul mécanicien automobile entre le 03 septembre 2019 et le 02 octobre 2020.

La pièce 16 est un ordre de réparation du 03 septembre 2020 pour un véhicule Qashqai CD 465MY.

Les pièces 20 et 21 sont les devis et facture précités au nom de M. [C] [N], se rapportant au grief prescrit.

Les pièces 22 et 23 sont des devis et facture du 27 août 2020 au nom de Mme [D] [J] pour des travaux sur un véhicule Peugeot 207 immatriculé CR 798 RL.

Les pièces 24 et 25 sont un devis et une facture du 08 septembre 2020, au nom de M. [I] [W], pour un véhicule Nissan Qashqay.

Si ces éléments laissent supposer une reprise d'intervention sur les deux véhicules Peugeot 207 et Nissan Qashqay, ils n'établissent pas que ces retours en atelier seraient consécutifs aux travaux de l'intimé, ni moins encore consécutifs à une faute de sa part, nonobstant le fait qu'il ait été le seul mécanicien automobile de l'entreprise.

Dans ces conditions, le licenciement n'est pas fondé.

- sur la nullité du licenciement

M. [M] [P] soutient que son licenciement est motivé par le fait de s'être trouvé en arrêt de travail, au motif d'une suspicion d'infection par le Covid ; il renvoie au motif de sa lettre de convocation à l'entretien préalable, au certificat médical de son médecin traitant, et à l'attestation de Mme [F] [Z] ; il précise avoir prévenu son employeur le 15 septembre qu'il allait être en arrêt, comme étant cas contact de sa fille positive à la Covid.

L'intimé explique que la société [O] VO a essayé de dissimuler un licenciement discriminatoire sous l'aspect d'un licenciement fautif.

Aux termes des dispositions de l'article L1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination» ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1o et 2o de l'article 6-1 de la loi no 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

L'article L. 1134-1 du même code dispose que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M. [M] [P] produit :

- en pièce 3 la lettre de convocation à l'entretien préalable, qui indique : « (') Le 15 septembre 2020, vous avez eu un comportement que nous ne pouvons admettre. Nous envisageons de procéder à votre licenciement. Afin d'entendre vos explications sur les faits qui vous seront reprochés, ('), nous vous convoquons à un entretien préalable (...) »

- en pièce 3 , son avis d'arrêt de travail, daté du 16 septembre 2020, jusqu'au 21 septembre 2020

- en pièce 12 une attestation du Docteur [R] [K], du 26 janvier 2023, qui indique : « (') certifie après avoir examiné M. [M] [P] le 15/09/2020 l'avoir mis en arrêt du 16/09/2020 au 21/09/2020 devant une suspicion d'infection COVID, le patient ayant été en contact et ayant présenté des symptômes évocateurs de l'infection ».

- l'attestation de Mme [F] [Z] qui indique : « (') avoir été collègue de M. [P] au sein du garage [O]. (') M. [P] avait informé la veille son employeur qu'il allait chez le médecin faire un test COVID car il était cas contact (fille positive) et le lendemain matin il avait téléphoné au garage pour prévenir son absence et son arrêt. Aussitôt l'employeur a eu une réaction très nerveuse il a dit « TOUT LE MONDE SE FOU DE MA GUEULE » (je vais le virer) et dès son retour après l'arrêt, M. [O] a eu un changement de comportement envers M. [P]. »

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'une discrimination à l'encontre de M. [M] [P].

La société [O] VO conteste le certificat médical produit par le salarié, estimant qu'il est établi pour les besoins de la cause. Elle ajoute qu'il ne correspond pas aux prescriptions de sortie de l'arrêt de travail : si M. [M] [P] était suspecté d'être cas contact, il aurait dû être interdit de sortie et suivre la procédure de confinement de 2020 prévue à cet effet.

La société [O] VO ajoute qu'elle n'a pas été contactée par la CPAM, procédure en place à l'époque.

L'appelante conteste l'attestation de Mme [Z], comme étant établie pour les besoins de la cause.

La société [O] VO ne produit aucune pièce à l'appui de ses explications, qui ne consistent qu'à critiquer l'objectivité des pièces de M. [M] [P], qui sont précises et concordantes.

Les explications de l'employeur étant insuffisantes à démontrer que sa décision de licencier le salarié n'était pas motivée par son arrêt maladie, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré nul le licenciement.

- sur les conséquences financières de la rupture

M. [M] [P] demande la confirmation du jugement quant à l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis, et le rappel de salaire au titre de la mise à pied.

La société [O] VO estime que les sommes accordées à ce titre ne sont pas justifiées, le licenciement de M. [M] [P] étant prononcé pour faute grave.

Motivation

Le licenciement étant jugé nul, et les indemnités n'étant pas discutées à titre subsidiaire par l'employeur, le jugement sera confirmé sur ces points.

M. [M] [P] sollicite la confirmation du jugement sur l'indemnité pour licenciement nul.

La société [O] VO fait valoir que l'intimé ne démontre aucun préjudice particulier et qu'il ne justifie pas de sa situation actuelle.

Motivation

Le salaire de référence fixé par le jugement n'est pas contesté par les parties.

M. [M] [P] avait une ancienneté d'un an au jour de son licenciement.

Compte tenu de ces éléments et de l'absence de justification de sa situation personnelle par M. [M] [P], la société [O] VO sera condamnée à lui payer 6000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

La société [O] V.O. demande de condamner M. [M] [P] à la somme de 3000 euros pour procédure abusive, en faisant valoir que le salarié a bafoué et calomnié son employeur dans l'intention de lui nuire et percevoir des indemnités, et qu'il attendu plus de neuf mois pour engager la procédure sans contester le reçu pour solde de tout compte.

M. [M] [P] ne conclut pas sur cette demande.

Motivation

Il résulte des développements qui précèdent que M. [M] [P] est pour l'essentiel accueilli dans ses demandes ; la procédure qu'il a engagé contre son employeur n'était par conséquent pas abusive.

La société [O] V.O. sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant à l'instance, la société [O] VO sera condamnée aux dépens, et à payer à M. [M] [P] 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera déboutée de ses demandes à ces titres.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Rejette la fin de non-recevoir ;

Infirme le jugement du conseil des prud'hommes de Bar-le-Duc rendu le 08 août 2022, en ce qu'il a condamné la société SARL [O] V.O à payer à Monsieur [M] [P] 12 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans ces limites,

Condamne la société [O] V.O. à payer à M. [M] [P] 6000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul;

Y ajoutant,

Condamne la société [O] V.O. à payer à M. [M] [P] 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société [O] V.O. aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël Weissmann, Président de Chambre et par Madame Laurène Rivory, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Minute en dix pages