Décisions
CA Paris, Pôle 6 - ch. 9, 29 novembre 2023, n° 22/02533
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRET DU 29 NOVEMBRE 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02533 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFHZO
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Janvier 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 21/02704
APPELANT
Monsieur [M] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Kamel YAHMI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0663
INTIMEE
S.A.S. A.W LOGISTIQUE société par actions simplifiée au capital social de 1 000,00 euros immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 840 823 868, dont le siège social est sis [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre et Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Philippe MICHEL, président
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 juillet 2018, M. [M] [Y] a été engagé en qualité de responsable préparation de commandes par la société A.W Logistique, celle-ci employant habituellement moins de 11 salariés et appliquant la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.
Après avoir été convoqué, suivant courrier recommandé du 30 novembre 2020, à un entretien préalable fixé au 15 décembre 2020, puis suivant courrier recommandé du 21 décembre 2020, à un entretien préalable fixé au 7 janvier 2021, M. [Y] a été licencié pour motif économique suivant courrier recommandé du 18 janvier 2021, l'intéressé ayant accepté le 20 janvier 2021 le contrat de sécurisation professionnelle lui ayant été proposé.
Invoquant la nullité de son licenciement, en contestant à titre subsidiaire le bien fondé et s'estimant insuffisamment rempli de ses droits, M. [Y] a saisi la juridiction prud'homale le 30 mars 2021.
Suivant procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 31 mars 2021, les associés de la société A.W Logistique ont décidé de procéder à la dissolution anticipée de la société ainsi qu'à sa liquidation amiable.
Par jugement du 11 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Paris a :
- débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société A.W Logistique de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [Y] aux dépens.
Par déclaration du 16 février 2022, M. [Y] a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 5 février 2022.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 mars 2022, M. [Y] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions et, statuant à nouveau,
à titre principal,
- juger que le licenciement est nul,
- condamner la société A.W Logistique à lui payer les sommes suivantes :
- 42 156 euros à titre d'indemnité pour nullité du licenciement,
- 21 078 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
à titre subsidiaire,
- condamner la société A.W Logistique à lui payer la somme de 42 156 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
à titre infiniment subsidiaire,
- condamner la société A.W Logistique à lui payer la somme de 12 295,50 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
en tout état de cause,
- condamner la société A.W Logistique à régulariser les cotisations retraites de base et complémentaires, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
- condamner la société A.W Logistique à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens ainsi que les intérêts au taux légal,
- ordonner la remise d'une attestation Pôle Emploi sous astreinte de 100 euros par jour de retard ainsi que du contrat de sécurisation professionnelle.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 juin 2022, la société A.W Logistique demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter en conséquence M. [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner en tout état de cause M. [Y] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au entiers dépens.
L'instruction a été clôturée le 19 septembre 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 20 septembre 2023.
MOTIFS
Sur la rupture du contrat de travail
L'appelant fait valoir qu'il doit bénéficier de la protection des salariés lanceurs d'alerte et que son licenciement est nul en vertu des dispositions de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, en ce que son licenciement fait suite à la dénonciation légitime de son employeur auprès de la Direccte pour des faits de travail dissimulé, la concomitance entre la dénonciation et son éviction brutale de l'entreprise permettant de présumer que le licenciement a pour cause véritable cette dénonciation et qu'il constitue une mesure de rétorsion.
Il fait valoir, à titre subsidiaire, que le motif économique du licenciement tiré de la cessation d'activité est fallacieux et artificiel, la cessation d'activité n'étant pas réelle et définitive à la date du licenciement, la société faisant appel à des prestataires externes, ce qui démontre la continuité de l'activité au moment de son licenciement, l'enregistrement du procès-verbal d'assemblée générale décidant de la liquidation de la société étant intervenu tardivement et concomitamment à la saisine de la juridiction prud'homale.
La société intimée réplique que l'appelant n'a subi aucune discrimination du fait de ses dénonciations à la Direccte, tous les salariés de la société ayant été visés par une procédure de licenciement pour motif économique similaire, débutée à la même date, et que ce n'est qu'en raison du délit de vol commis postérieurement au début de la procédure que deux salariés ont finalement été licenciés pour faute grave, l'appelant n'ayant pas été particulièrement ciblé par la mesure de licenciement dont il a fait l'objet et n'ayant fait l'objet d'aucun traitement différent de ses collègues.
Elle ajoute que la cessation d'activité de la société est bien la conséquence directe de la notification de la résiliation des relations commerciales avec son unique co-contractant, que cette cessation est totale et définitive et que le délai s'étant écoulé jusqu'à l'adoption du procès-verbal de dissolution fin mars 2021 est parfaitement normal compte tenu des différentes formalités à accomplir.
Sur la nullité du licenciement
Selon l'article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance ans l'exercice de ses fonctions.
Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
En cas de litige relatif à l'application des premier et deuxième alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte par ailleurs de l'article L. 1132-4 du même code que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul.
En l'espèce, l'appelant justifiant avoir effectivement adressé un courrier à la Direccte le 10 novembre 2020 aux fins de dénoncer une « fraude au chômage partiel » ainsi qu'un courrier à son employeur en date du 28 novembre 2020 « faisant suite au contact pris avec la DIRECCTE », et ce alors qu'il a fait l'objet d'une première convocation à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique le 30 novembre 2020, il apparaît que l'intéressé présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'il a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'il a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, concomitamment à l'engagement de la procédure de licenciement litigieuse.
Cependant, au vu des éléments produits en réplique par la société intimée et notamment du courrier lui ayant été adressé le 5 novembre 2020 par la société Les Complices aux fins de résiliation du contrat de prestations logistiques et de partenariat du 29 juin 2018, ainsi que des courriers de convocation à entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique adressés le 30 novembre 2020 aux différents salariés de l'entreprise (MM. [C], [Y], [U] et [I]), les deux derniers salariés concernés (MM. [U] et [I]) ayant finalement fait l'objet d'un licenciement pour faute grave suite à la découverte, postérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement pour motif économique, de faits de vol de marchandises commis au préjudice de la société Les Complices (procès-verbal d'audition et de dépôt de plainte du 7 décembre 2020, nouvelle convocation des intéressés le 11 décembre 2020 à un entretien préalable à licenciement avec mise à pied à titre conservatoire et licenciement pour faute grave du 28 décembre 2020), il apparaît que la procédure litigieuse de licenciement économique a été engagée par la société intimée à la suite de la résiliation par son unique cliente du contrat de prestations logistiques et de partenariat, et ce suivant courrier du 5 novembre 2020, soit à une date antérieure au courrier de dénonciation adressé par l'appelant à la Direccte le 10 novembre 2020, ladite procédure de licenciement pour motif économique ayant de surcroît été engagée, sans aucune distinction et sans traitement défavorable réservé à l'appelant, à l'encontre des quatre salariés concernés, et ce à la même date du 30 novembre 2020.
Dès lors, la société intimée justifiant que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'appelant, de sorte qu'aucune nullité du licenciement n'est encourue de ce chef, la cour confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les différentes demandes du salarié afférentes à la nullité du licenciement.
Sur le bien-fondé du licenciement
Selon l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d'activité de l'entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.
La lettre de licenciement est rédigée de la manière suivante :
« ['] Lors de notre entretien du 7 janvier 2021, nous vous avons informé de notre intention de vous licencier pour le motif économique suivant : nous sommes contraints de cesser définitivement l'activité de l'entreprise qui interviendra prochainement et qui est consécutive à la résiliation du contrat de notre unique client la société LES COMPLICES, qui nous a été notifiée le 5 novembre 2020.
Par conséquent, nous sommes donc contraints de supprimer votre poste de Responsable de préparation de commandes.
En dépit des recherches que nous avons effectuées au sein de notre société conformément à l'article L. 1233-4 du code du travail, nous n'avons pas trouvé de poste de reclassement susceptible de vous correspondre.
Lors de notre entretien du 7 janvier 2021, nous vous avons proposé le bénéfice de contrat de sécurisation professionnelle.
A ce jour, vous ne nous avez pas encore fait part de votre décision d'accepter ou non le contrat de sécurisation professionnelle. Nous vous rappelons que vous bénéficiez d'un délai de réflexion de 21 jours qui expirera le 28 janvier 2021 au soir.
Si vous acceptez le contrat de sécurisation professionnelle, votre contrat sera réputé rompu d'un commun accord à l'issue de ce délai.
A défaut, le présent courrier constitue la notification de votre licenciement pour motif économique.
Votre préavis, d'une durée de deux mois, débutera à la date de première présentation de cette lettre.
Nous vous rappelons que vous bénéficiez d'une priorité de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de votre contrat à condition que vous nous informiez, par courrier, de votre souhait d'en user. Cette priorité concerne les emplois compatibles avec votre qualification actuelle ou avec celles que vous viendriez à acquérir, sous réserve que vous nous ayez informés de celle-ci.['] ».
En application des dispositions légales précitées, il est constant que la cessation d'activité complète et définitive de l'entreprise, quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable, constitue en soi un motif économique de licenciement, sans qu'il soit nécessaire de rechercher la cause de cette cessation d'activité, une cessation partielle de l'activité de l'entreprise ne justifiant pour sa part un licenciement économique qu'en cas de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.
En l'espèce, si l'appelant affirme que la décision de cesser l'activité de la société est fallacieuse et purement artificielle, au vu cependant des différents éléments versés aux débats par l'employeur, et notamment du courrier précité de la société Les Complices en date du 5 novembre 2020 procédant à la résiliation du contrat de prestations logistiques et de partenariat la liant à la société intimée, celle-ci assurant des prestations logistiques de manutention et de préparation de commandes pour le compte de la société Les Complices, laquelle était sa seule et unique cliente, la cour relève que la perte de ce contrat commercial ne lui permettait plus de maintenir son activité, et ce sans qu'il puisse lui être reproché l'existence d'une faute ou d'une légèreté blâmable de ce chef, en ce qu'il ne ressort pas du courrier de résiliation précité que la décision prise par la société cliente soit en lien avec un éventuel manquement de la société intimée dans la cadre de l'exécution des prestations contractuelles de logistique, la société Les Complices précisant au contraire que sa décision est la conséquences de l'arrêt de ses relations commerciales avec la société Carrefour, arrêt entraînant une très forte baisse des commandes et donc des rotations de produits dans l'entrepôt géré par l'intimée.
Par ailleurs, eu égard aux dates des licenciements pour motif économique de l'appelant (18 janvier 2021) et de M. [C] (28 décembre 2020) avec des dates respectives de sortie des effectifs de l'entreprise au 29 janvier 2021 et au 28 février 2021, il apparaît que le seul délai d'un mois s'étant écoulé entre les dates précitées et celle de l'assemblée générale extraordinaire du 31 mars 2021 au cours de laquelle a été décidée la dissolution anticipée de la société ainsi que sa liquidation amiable, n'est ni excessif ni particulièrement tardif contrairement à ce que soutient à tort l'appelant, et ce au égard notamment aux diligences devant être accomplies dans le cadre de la préparation de la dissolution et de la liquidation amiable concernant l'établissement des différents documents administratifs et comptables ainsi que le paiement/recouvrement des dernières factures/créances. Il sera observé de ce même chef que le délai nécessaire à la publication officielle de la décision de dissolution ainsi que celui afférent à l'indication sur le Kbis de la mention relative à la dissolution ne sont pas imputables à la société intimée, l'appelant ne pouvant dès lors sérieusement affirmer à ce titre que l'employeur n'aurait procédé aux dites formalités que suite à la réception de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes afin de recourir à une cessation d'activité déguisée.
Enfin, il sera constaté que les affirmations de l'appelant selon lesquelles la société intimée aurait poursuivi son activité en recourant à des prestataires extérieurs ne sont pas corroborées et étayées par les seules pièces versées aux débats.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que les différentes décisions prises par l'employeur reposaient sur des raisons objectives et pertinentes, impropres à caractériser une faute ou une légèreté blâmable, la cessation d'activité complète et définitive de l'entreprise étant par ailleurs établie, la cour retient que l'élément causal du motif économique du licenciement est caractérisé, aucun manquement de l'employeur à son obligation de reclassement (lequel n'est d'ailleurs pas allégué par l'appelant) ne pouvant être retenu compte tenu de la cessation d'activité et de la dissolution de la société.
Par conséquent, la cour confirme le jugement en ce qu'il a retenu que le licenciement pour motif économique du salarié était justifié et fondé et en ce qu'il a débouté l'intéressé de ses différentes demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail, en ce comprise sa demande de remise d'une attestation Pôle Emploi conforme.
Sur le travail dissimulé
L'appelant fait valoir qu'il a été déclaré frauduleusement en chômage partiel à compter du mois de mars 2020, que l'employeur ne pouvait ignorer la quantité des heures effectuées au regard de la continuité de l'activité pendant la période litigieuse et qu'aucune régularisation des cotisations retraite n'a de surcroît été effectuée par l'intimée, une telle régularisation étant en toute hypothèse bien trop tardive et ne pouvant le priver de son droit à indemnité.
La société intimée réplique qu'elle ne s'est aucunement livrée à de fausses déclarations en matière de chômage partiel mais qu'en raison de la pandémie, elle avait placé ses 4 salariés en activité partielle sur une base de 50 % de leur temps de travail décidée arbitrairement et, qu'étant dans l'incapacité matérielle de démontrer que les salariés avaient travaillé précisément dans la limite de 50 % de leur temps de travail habituel, elle avait décidé de son propre chef de rembourser l'intégralité des aides qu'elle avait perçues afin que l'on ne puisse pas lui reprocher la moindre fraude. Elle précise avoir opéré une régularisation totale de la situation.
Selon l'article L. 8221-3 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :
1° Soit n'a pas demandé son immatriculation au registre national des entreprises en tant qu'entreprise du secteur des métiers et de l'artisanat ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;
2° Soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d'une partie de son chiffre d'affaires ou de ses revenus ou de la continuation d'activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l'article L. 613-4 du code de la sécurité sociale ;
3° Soit s'est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l'employeur de ces derniers exerce dans l'Etat sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.
Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
En application de l'article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
En l'espèce, au vu des pièces respectivement versées aux débats par les parties et notamment des bulletins de paie litigieux (initiaux et rectifiés), du courrier adressé par l'appelant à la Direccte le 10 novembre 2020, du courrier du contrôleur de travail adressé à la société intimée le 3 décembre 2020, du courrier en réponse de celle-ci en date du 22 décembre 2020, de l'attestation établie par l'expert-comptable de l'intimée ainsi que des justificatifs relatifs aux régularisations effectuées, il apparaît que la société intimée a effectivement procédé à différentes régularisations afférentes aux indemnités d'activité partielle litigieuses (remboursement des indemnités perçues, transmission de déclarations rectifiées, règlement d'un complément de cotisations sociales auprès de l'URSSAF ainsi que des cotisations de retraite, les périodes d'activité partielle étant en toute hypothèse validées par les régimes de retraite et prises en compte pour les droits à retraite en tant que période assimilée ainsi que cela est justement avancé par l'intimée), la Direccte n'ayant manifestement pas estimé nécessaire de donner suite à la procédure suite au courrier explicatif de la société intimée ou d'engager des poursuites à son encontre, la méconnaissance des différentes conditions d'application du mécanisme de l'activité partielle apparaissant de surcroît être intervenue dans le contexte particulier de la pandémie de covid-19, la situation ayant, en tout état de cause, été intégralement régularisée au cours du mois de novembre 2020, soit à une période largement antérieure à la saisine de la juridiction prud'homale le 30 mars 2021.
Dès lors, les premiers juges ayant justement retenu que ni l'existence d'une fraude ni le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi alléguée n'étaient suffisamment caractérisés en l'espèce, la cour confirme également le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ses différentes demandes afférentes à l'existence d'un travail dissimulé, en ce comprises ses demandes de régularisation des cotisations de retraite.
Sur les autres demandes
Le contrat de sécurisation professionnelle apparaissant avoir été remis à l'appelant ainsi que cela résulte des pièces versées aux débats, l'intéressé ayant accepté le bénéfice dudit contrat le 20 janvier 2021 et ayant perçu des allocations de sécurisation professionnelle, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de remise formée de ce chef.
En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande relative aux frais non compris dans les dépens exposés en première instance, l'équité et la situation économique des parties commandant de ne pas prononcer de condamnation sur ce même fondement en cause d'appel.
L'appelant, qui succombe, supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne M. [Y] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRET DU 29 NOVEMBRE 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02533 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFHZO
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Janvier 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 21/02704
APPELANT
Monsieur [M] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Kamel YAHMI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0663
INTIMEE
S.A.S. A.W LOGISTIQUE société par actions simplifiée au capital social de 1 000,00 euros immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 840 823 868, dont le siège social est sis [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre et Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Philippe MICHEL, président
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 juillet 2018, M. [M] [Y] a été engagé en qualité de responsable préparation de commandes par la société A.W Logistique, celle-ci employant habituellement moins de 11 salariés et appliquant la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.
Après avoir été convoqué, suivant courrier recommandé du 30 novembre 2020, à un entretien préalable fixé au 15 décembre 2020, puis suivant courrier recommandé du 21 décembre 2020, à un entretien préalable fixé au 7 janvier 2021, M. [Y] a été licencié pour motif économique suivant courrier recommandé du 18 janvier 2021, l'intéressé ayant accepté le 20 janvier 2021 le contrat de sécurisation professionnelle lui ayant été proposé.
Invoquant la nullité de son licenciement, en contestant à titre subsidiaire le bien fondé et s'estimant insuffisamment rempli de ses droits, M. [Y] a saisi la juridiction prud'homale le 30 mars 2021.
Suivant procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 31 mars 2021, les associés de la société A.W Logistique ont décidé de procéder à la dissolution anticipée de la société ainsi qu'à sa liquidation amiable.
Par jugement du 11 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Paris a :
- débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société A.W Logistique de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [Y] aux dépens.
Par déclaration du 16 février 2022, M. [Y] a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 5 février 2022.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 mars 2022, M. [Y] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions et, statuant à nouveau,
à titre principal,
- juger que le licenciement est nul,
- condamner la société A.W Logistique à lui payer les sommes suivantes :
- 42 156 euros à titre d'indemnité pour nullité du licenciement,
- 21 078 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
à titre subsidiaire,
- condamner la société A.W Logistique à lui payer la somme de 42 156 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
à titre infiniment subsidiaire,
- condamner la société A.W Logistique à lui payer la somme de 12 295,50 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
en tout état de cause,
- condamner la société A.W Logistique à régulariser les cotisations retraites de base et complémentaires, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
- condamner la société A.W Logistique à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens ainsi que les intérêts au taux légal,
- ordonner la remise d'une attestation Pôle Emploi sous astreinte de 100 euros par jour de retard ainsi que du contrat de sécurisation professionnelle.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 juin 2022, la société A.W Logistique demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter en conséquence M. [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner en tout état de cause M. [Y] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au entiers dépens.
L'instruction a été clôturée le 19 septembre 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 20 septembre 2023.
MOTIFS
Sur la rupture du contrat de travail
L'appelant fait valoir qu'il doit bénéficier de la protection des salariés lanceurs d'alerte et que son licenciement est nul en vertu des dispositions de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, en ce que son licenciement fait suite à la dénonciation légitime de son employeur auprès de la Direccte pour des faits de travail dissimulé, la concomitance entre la dénonciation et son éviction brutale de l'entreprise permettant de présumer que le licenciement a pour cause véritable cette dénonciation et qu'il constitue une mesure de rétorsion.
Il fait valoir, à titre subsidiaire, que le motif économique du licenciement tiré de la cessation d'activité est fallacieux et artificiel, la cessation d'activité n'étant pas réelle et définitive à la date du licenciement, la société faisant appel à des prestataires externes, ce qui démontre la continuité de l'activité au moment de son licenciement, l'enregistrement du procès-verbal d'assemblée générale décidant de la liquidation de la société étant intervenu tardivement et concomitamment à la saisine de la juridiction prud'homale.
La société intimée réplique que l'appelant n'a subi aucune discrimination du fait de ses dénonciations à la Direccte, tous les salariés de la société ayant été visés par une procédure de licenciement pour motif économique similaire, débutée à la même date, et que ce n'est qu'en raison du délit de vol commis postérieurement au début de la procédure que deux salariés ont finalement été licenciés pour faute grave, l'appelant n'ayant pas été particulièrement ciblé par la mesure de licenciement dont il a fait l'objet et n'ayant fait l'objet d'aucun traitement différent de ses collègues.
Elle ajoute que la cessation d'activité de la société est bien la conséquence directe de la notification de la résiliation des relations commerciales avec son unique co-contractant, que cette cessation est totale et définitive et que le délai s'étant écoulé jusqu'à l'adoption du procès-verbal de dissolution fin mars 2021 est parfaitement normal compte tenu des différentes formalités à accomplir.
Sur la nullité du licenciement
Selon l'article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance ans l'exercice de ses fonctions.
Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
En cas de litige relatif à l'application des premier et deuxième alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte par ailleurs de l'article L. 1132-4 du même code que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul.
En l'espèce, l'appelant justifiant avoir effectivement adressé un courrier à la Direccte le 10 novembre 2020 aux fins de dénoncer une « fraude au chômage partiel » ainsi qu'un courrier à son employeur en date du 28 novembre 2020 « faisant suite au contact pris avec la DIRECCTE », et ce alors qu'il a fait l'objet d'une première convocation à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique le 30 novembre 2020, il apparaît que l'intéressé présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'il a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'il a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, concomitamment à l'engagement de la procédure de licenciement litigieuse.
Cependant, au vu des éléments produits en réplique par la société intimée et notamment du courrier lui ayant été adressé le 5 novembre 2020 par la société Les Complices aux fins de résiliation du contrat de prestations logistiques et de partenariat du 29 juin 2018, ainsi que des courriers de convocation à entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique adressés le 30 novembre 2020 aux différents salariés de l'entreprise (MM. [C], [Y], [U] et [I]), les deux derniers salariés concernés (MM. [U] et [I]) ayant finalement fait l'objet d'un licenciement pour faute grave suite à la découverte, postérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement pour motif économique, de faits de vol de marchandises commis au préjudice de la société Les Complices (procès-verbal d'audition et de dépôt de plainte du 7 décembre 2020, nouvelle convocation des intéressés le 11 décembre 2020 à un entretien préalable à licenciement avec mise à pied à titre conservatoire et licenciement pour faute grave du 28 décembre 2020), il apparaît que la procédure litigieuse de licenciement économique a été engagée par la société intimée à la suite de la résiliation par son unique cliente du contrat de prestations logistiques et de partenariat, et ce suivant courrier du 5 novembre 2020, soit à une date antérieure au courrier de dénonciation adressé par l'appelant à la Direccte le 10 novembre 2020, ladite procédure de licenciement pour motif économique ayant de surcroît été engagée, sans aucune distinction et sans traitement défavorable réservé à l'appelant, à l'encontre des quatre salariés concernés, et ce à la même date du 30 novembre 2020.
Dès lors, la société intimée justifiant que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'appelant, de sorte qu'aucune nullité du licenciement n'est encourue de ce chef, la cour confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les différentes demandes du salarié afférentes à la nullité du licenciement.
Sur le bien-fondé du licenciement
Selon l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d'activité de l'entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.
La lettre de licenciement est rédigée de la manière suivante :
« ['] Lors de notre entretien du 7 janvier 2021, nous vous avons informé de notre intention de vous licencier pour le motif économique suivant : nous sommes contraints de cesser définitivement l'activité de l'entreprise qui interviendra prochainement et qui est consécutive à la résiliation du contrat de notre unique client la société LES COMPLICES, qui nous a été notifiée le 5 novembre 2020.
Par conséquent, nous sommes donc contraints de supprimer votre poste de Responsable de préparation de commandes.
En dépit des recherches que nous avons effectuées au sein de notre société conformément à l'article L. 1233-4 du code du travail, nous n'avons pas trouvé de poste de reclassement susceptible de vous correspondre.
Lors de notre entretien du 7 janvier 2021, nous vous avons proposé le bénéfice de contrat de sécurisation professionnelle.
A ce jour, vous ne nous avez pas encore fait part de votre décision d'accepter ou non le contrat de sécurisation professionnelle. Nous vous rappelons que vous bénéficiez d'un délai de réflexion de 21 jours qui expirera le 28 janvier 2021 au soir.
Si vous acceptez le contrat de sécurisation professionnelle, votre contrat sera réputé rompu d'un commun accord à l'issue de ce délai.
A défaut, le présent courrier constitue la notification de votre licenciement pour motif économique.
Votre préavis, d'une durée de deux mois, débutera à la date de première présentation de cette lettre.
Nous vous rappelons que vous bénéficiez d'une priorité de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de votre contrat à condition que vous nous informiez, par courrier, de votre souhait d'en user. Cette priorité concerne les emplois compatibles avec votre qualification actuelle ou avec celles que vous viendriez à acquérir, sous réserve que vous nous ayez informés de celle-ci.['] ».
En application des dispositions légales précitées, il est constant que la cessation d'activité complète et définitive de l'entreprise, quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable, constitue en soi un motif économique de licenciement, sans qu'il soit nécessaire de rechercher la cause de cette cessation d'activité, une cessation partielle de l'activité de l'entreprise ne justifiant pour sa part un licenciement économique qu'en cas de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.
En l'espèce, si l'appelant affirme que la décision de cesser l'activité de la société est fallacieuse et purement artificielle, au vu cependant des différents éléments versés aux débats par l'employeur, et notamment du courrier précité de la société Les Complices en date du 5 novembre 2020 procédant à la résiliation du contrat de prestations logistiques et de partenariat la liant à la société intimée, celle-ci assurant des prestations logistiques de manutention et de préparation de commandes pour le compte de la société Les Complices, laquelle était sa seule et unique cliente, la cour relève que la perte de ce contrat commercial ne lui permettait plus de maintenir son activité, et ce sans qu'il puisse lui être reproché l'existence d'une faute ou d'une légèreté blâmable de ce chef, en ce qu'il ne ressort pas du courrier de résiliation précité que la décision prise par la société cliente soit en lien avec un éventuel manquement de la société intimée dans la cadre de l'exécution des prestations contractuelles de logistique, la société Les Complices précisant au contraire que sa décision est la conséquences de l'arrêt de ses relations commerciales avec la société Carrefour, arrêt entraînant une très forte baisse des commandes et donc des rotations de produits dans l'entrepôt géré par l'intimée.
Par ailleurs, eu égard aux dates des licenciements pour motif économique de l'appelant (18 janvier 2021) et de M. [C] (28 décembre 2020) avec des dates respectives de sortie des effectifs de l'entreprise au 29 janvier 2021 et au 28 février 2021, il apparaît que le seul délai d'un mois s'étant écoulé entre les dates précitées et celle de l'assemblée générale extraordinaire du 31 mars 2021 au cours de laquelle a été décidée la dissolution anticipée de la société ainsi que sa liquidation amiable, n'est ni excessif ni particulièrement tardif contrairement à ce que soutient à tort l'appelant, et ce au égard notamment aux diligences devant être accomplies dans le cadre de la préparation de la dissolution et de la liquidation amiable concernant l'établissement des différents documents administratifs et comptables ainsi que le paiement/recouvrement des dernières factures/créances. Il sera observé de ce même chef que le délai nécessaire à la publication officielle de la décision de dissolution ainsi que celui afférent à l'indication sur le Kbis de la mention relative à la dissolution ne sont pas imputables à la société intimée, l'appelant ne pouvant dès lors sérieusement affirmer à ce titre que l'employeur n'aurait procédé aux dites formalités que suite à la réception de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes afin de recourir à une cessation d'activité déguisée.
Enfin, il sera constaté que les affirmations de l'appelant selon lesquelles la société intimée aurait poursuivi son activité en recourant à des prestataires extérieurs ne sont pas corroborées et étayées par les seules pièces versées aux débats.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que les différentes décisions prises par l'employeur reposaient sur des raisons objectives et pertinentes, impropres à caractériser une faute ou une légèreté blâmable, la cessation d'activité complète et définitive de l'entreprise étant par ailleurs établie, la cour retient que l'élément causal du motif économique du licenciement est caractérisé, aucun manquement de l'employeur à son obligation de reclassement (lequel n'est d'ailleurs pas allégué par l'appelant) ne pouvant être retenu compte tenu de la cessation d'activité et de la dissolution de la société.
Par conséquent, la cour confirme le jugement en ce qu'il a retenu que le licenciement pour motif économique du salarié était justifié et fondé et en ce qu'il a débouté l'intéressé de ses différentes demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail, en ce comprise sa demande de remise d'une attestation Pôle Emploi conforme.
Sur le travail dissimulé
L'appelant fait valoir qu'il a été déclaré frauduleusement en chômage partiel à compter du mois de mars 2020, que l'employeur ne pouvait ignorer la quantité des heures effectuées au regard de la continuité de l'activité pendant la période litigieuse et qu'aucune régularisation des cotisations retraite n'a de surcroît été effectuée par l'intimée, une telle régularisation étant en toute hypothèse bien trop tardive et ne pouvant le priver de son droit à indemnité.
La société intimée réplique qu'elle ne s'est aucunement livrée à de fausses déclarations en matière de chômage partiel mais qu'en raison de la pandémie, elle avait placé ses 4 salariés en activité partielle sur une base de 50 % de leur temps de travail décidée arbitrairement et, qu'étant dans l'incapacité matérielle de démontrer que les salariés avaient travaillé précisément dans la limite de 50 % de leur temps de travail habituel, elle avait décidé de son propre chef de rembourser l'intégralité des aides qu'elle avait perçues afin que l'on ne puisse pas lui reprocher la moindre fraude. Elle précise avoir opéré une régularisation totale de la situation.
Selon l'article L. 8221-3 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :
1° Soit n'a pas demandé son immatriculation au registre national des entreprises en tant qu'entreprise du secteur des métiers et de l'artisanat ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;
2° Soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d'une partie de son chiffre d'affaires ou de ses revenus ou de la continuation d'activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l'article L. 613-4 du code de la sécurité sociale ;
3° Soit s'est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l'employeur de ces derniers exerce dans l'Etat sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.
Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
En application de l'article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
En l'espèce, au vu des pièces respectivement versées aux débats par les parties et notamment des bulletins de paie litigieux (initiaux et rectifiés), du courrier adressé par l'appelant à la Direccte le 10 novembre 2020, du courrier du contrôleur de travail adressé à la société intimée le 3 décembre 2020, du courrier en réponse de celle-ci en date du 22 décembre 2020, de l'attestation établie par l'expert-comptable de l'intimée ainsi que des justificatifs relatifs aux régularisations effectuées, il apparaît que la société intimée a effectivement procédé à différentes régularisations afférentes aux indemnités d'activité partielle litigieuses (remboursement des indemnités perçues, transmission de déclarations rectifiées, règlement d'un complément de cotisations sociales auprès de l'URSSAF ainsi que des cotisations de retraite, les périodes d'activité partielle étant en toute hypothèse validées par les régimes de retraite et prises en compte pour les droits à retraite en tant que période assimilée ainsi que cela est justement avancé par l'intimée), la Direccte n'ayant manifestement pas estimé nécessaire de donner suite à la procédure suite au courrier explicatif de la société intimée ou d'engager des poursuites à son encontre, la méconnaissance des différentes conditions d'application du mécanisme de l'activité partielle apparaissant de surcroît être intervenue dans le contexte particulier de la pandémie de covid-19, la situation ayant, en tout état de cause, été intégralement régularisée au cours du mois de novembre 2020, soit à une période largement antérieure à la saisine de la juridiction prud'homale le 30 mars 2021.
Dès lors, les premiers juges ayant justement retenu que ni l'existence d'une fraude ni le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi alléguée n'étaient suffisamment caractérisés en l'espèce, la cour confirme également le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ses différentes demandes afférentes à l'existence d'un travail dissimulé, en ce comprises ses demandes de régularisation des cotisations de retraite.
Sur les autres demandes
Le contrat de sécurisation professionnelle apparaissant avoir été remis à l'appelant ainsi que cela résulte des pièces versées aux débats, l'intéressé ayant accepté le bénéfice dudit contrat le 20 janvier 2021 et ayant perçu des allocations de sécurisation professionnelle, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de remise formée de ce chef.
En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande relative aux frais non compris dans les dépens exposés en première instance, l'équité et la situation économique des parties commandant de ne pas prononcer de condamnation sur ce même fondement en cause d'appel.
L'appelant, qui succombe, supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne M. [Y] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT