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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 28 novembre 2023, n° 22/03459

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Alex (Sasu)

Défendeur :

Pagot Optic (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Besson

Conseillers :

M. Chazalette, Mme Lefèvre

Avocats :

Me Grappotte-Benetreau, Me Kouchnir Cargill, Me Autier, Me Loubaton, Me Caretto

TJ Paris, du 26 janv. 2022, n° 21/03589

26 janvier 2022

La société Alex, présidée par M. [P], exploite, au sein d'un centre commercial à [Localité 5] (95), un magasin d'optique à l'enseigne « Les opticiens conseils ». M. [P] dirige par ailleurs une société Valmy, qui exploite un magasin à l'enseigne « Eye Design », mitoyen du magasin « Les opticiens conseils », ainsi que plusieurs autres sociétés dont l'objet est l'exploitation de magasins d'optique implantés sur l'ensemble du territoire français (Optic Massy 2000, Victoria, Blue Eyes Optical, Manin, B.V.A., Val Optic, Optical Budget, Univers Optical, Bavarys, Masma, Univic).

La société Pagot-Optic, est présidée par M. [C]. Celui-ci était employé de la société Alex, jusqu'au 11 mai 2017. Il exerçait les fonctions de chef adjoint du magasin « Les opticiens conseils » à [Localité 5] depuis 1981. Par ailleurs, M. [C] est président de la société Optic Millenium depuis sa création en 2002, au sein de laquelle il est associé à M. [P], qui a occupé les fonctions de directeur général jusqu'à sa révocation le 2 novembre 2017. La société Optic Millenium exploite différents magasins à l'enseigne Optic 2000 ou Actu Eyes à [Localité 16] (60), [Localité 7] (60), [Localité 15] (93), [Localité 6] (92) et au [Localité 17] (93). M. [C] est aussi à l'origine de la création de deux sociétés qu'il détient et exploite en propre : la société Comptoir de la vue créée en 2007, qui exploite un magasin à enseigne « Lissac », à [Localité 12] (78) et la société Pagot-Optic, créée en 2009 qui exploite des établissements à [Localité 2], [Localité 14] (35), [Localité 13] (86), [Localité 3] (89), [Localité 4] (33), [Localité 8] (95), [Localité 5] (95) et [Localité 9] (27).

Par requête enregistrée le 28 juin 2019 et adressée au président du tribunal de grande instance de Paris, la société Alex a demandé à être autorisée à faire pratiquer des mesures d'instructions in futurum en faisant d'actes de concurrence déloyale de la société Pagot-Optic, M. [C] et d'un autre ancien employé, M. [W]. 

Par ordonnance du 3 juillet 2019, le président du tribunal de grande instance de Paris a fait droit à la requête et a désigné Me [E], huissier de justice, avec faculté de substitution, assisté en tant que de besoin d'un représentant de la force publique, d'un serrurier, et de tout technicien notamment en matière informatique, de son choix et avec pour mission de se rendre au siège social de la société Pagot-Optic, à [Localité 2], au sein du magasin « Actu Eyes » de la société Pagot-Optic à [Localité 8] (95), au domicile de M. [C] à [Localité 2], et au domicile de M. [W], à [Localité 10] (76) et notamment de :

se faire communiquer par la société Pagot-Optic son livre d'entrée et sortie du personnel depuis le 1er janvier 2016 jusqu'à ce jour ;

se faire communiquer par la société Pagot-Optic la copie de son fichier client et la date de sa création ; et comparer ce ficher client avec celui du magasin de [Localité 5] de la société Alex et établir la liste des clients et prospects communs aux deux sociétés, seule cette liste devant être transmise à la société Alex ;

se faire communiquer par la société Pagot-Optic, M. [C] et M. [W] une extraction du fichier informatique et de toutes les messageries comprenant toutes les communications de la société Pagot-Optic, M. [C] et M. [W] faites à leurs clients et prospects depuis le 1er janvier 2016 jusqu'à ce jour et ce, sur tout serveur, poste informatique, ordinateur portable et téléphone portable qu'il s'agisse d'appareils professionnels ou personnels, et sélectionner parmi ces communications celles adressées aux clients de la société Alex, seule celles-ci devant être transmises à la société Alex ;

se faire communiquer par M. [C] et M. [W] le contenu du répertoire de tous leurs téléphones, qu'il s'agisse d'appareils professionnels ou personnels, et comparer les noms contenus dans ces répertoires téléphoniques avec celui du magasin de [Localité 5] de la société Alex et établir la liste des contacts en commun, seule cette liste devant être transmise à la société Alex ;

chercher dans l'ensemble des serveurs et postes informatiques de la société Pagot-Optic, ainsi que des ordinateurs et téléphones de MM. [C] et [W], qu'il s'agisse d'appareils professionnels ou personnels, s'il existe d'éventuelles copies du fichier client de la société Alex et de tout autre fichier relatif à la société Alex ou émanant de celle-ci, et pour ce faire, mener les recherches sur tous supports informatiques, fichiers, serveurs (et notamment serveurs de messagerie), archives, documents, en utilisant les mots- clés et combinaisons de mots-clés suivants : « Les opticiens conseils », « Alex », « [V] [P] », « [P] », « Valmy », « Eyedesign », « Eye Design », « 3 Fontaines », « Trois Fontaines » et le cas échéant prendre copie desdits fichiers.

Par ordonnance du 23 septembre 2019, le président du tribunal de grande instance de Paris a fait droit à la requête déposé le même jour par la société Alex, et a complété son ordonnance du 3 juillet 2019 en ce que l'huissier commis a la possibilité de se faire assister par deux témoins, en plus du représentant de la force publique, du serrurier, et de tout technicien notamment en matière informatique, de son choix.

La mesure a été exécutée par huissiers de justice le 9 décembre 2019.

Par acte d'huissier du 19 février 2021, la société Pagot-Optic a fait assigner la société Alex en référé devant le président du tribunal judiciaire de Paris notamment aux fins de rétractation des ordonnances sur requête des 3 juillet et 23 septembre 2019, d'annulation des procès-verbaux de constat établis sur la base des mesures d'instruction autorisées par ces ordonnances et de restitution des éléments saisis par huissier.

Par ordonnance de référé du 26 janvier 2022, le président du tribunal judiciaire de Paris a :

ordonné la jonction des deux affaires RG 21/03589 et RG 21/03590, sous le numéro RG 21/03589 ;

renvoyé les parties à se pourvoir au fond ainsi qu'elles en aviseront, mais dès à présent par provision ;

rétracté les ordonnances du juge des requêtes du tribunal de grande instance de Paris rendues le 3 juillet 2019 et le 23 septembre 2019 ;

ordonné la restitution des documents saisis en exécution de ces ordonnances ;

dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus ;

condamné la société Alex au paiement d'une amende civile de 8 000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

dit que la présente décision est notifiée au directeur départemental des finances publiques de [Localité 2] aux fins de recouvrement ;

condamné la société Alex à payer à la société Pagot-Optic la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Alex aux dépens.

Par déclaration du 10 février 2022, la société Alex a interjeté appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 7 novembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, elle demande à la cour de :

la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

juger que la requête comme les ordonnances rendues le 3 juillet 2019 et le 23 septembre 2019 contiennent des motifs justifiant de déroger au principe du contradictoire ;

juger qu'il existe un motif légitime susceptible de justifier les mesures qu'elle demande ;

juger que les mesures d'instruction ordonnées étaient suffisamment limitées et pourraient à ce titre constituer des mesures légalement admissibles au sens de l'article 145 du code de procédure civile ;

juger que les mesures d'instructions qu'elle a sollicité, qui étaient différentes et ne tendaient pas aux mêmes fin que les mesures antérieurement sollicitées devant les juges des requêtes de Pontoise, Auxerre, Bordeaux et Poitiers, ne visaient aucune à nuire à la société Pagot-Optic ;

juger que l'intention de nuire et l'abus de droit ne sont nullement caractérisés en l'espèce et, partant, qu'elle n'a commis aucune faute ;

En conséquence,

déclarer les demandes de la société Pagot-Optic mal fondées, y compris s'agissant d'un éventuel appel incident ;

déclarer mal fondées toutes autres demandes, plus amples et contraires ;

les rejeter intégralement ;

annuler l'avis de mise en recouvrement de l'amende civile de 8 000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile dès lors qu'aucune faute de sa part n'est caractérisée ;

confirmer les ordonnances du juge des requêtes du tribunal de grande instance de Paris rendue le 3 juillet 2019 et le 23 septembre 2019 ;

En tout état de cause,

débouter la société Pagot-Optic de sa demande de rétractation des ordonnances rendues le 3 juillet 2019 et le 23 septembre 2019 ;

débouter la société Pagot-Optic de l'ensemble de ses demandes ;

condamner la société Pagot-Optic à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Pagot-Optic aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Grappotte.

La société Pagot-Optic, aux termes de ses dernières conclusions en date du 23 juin 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour de :

constater que l'appel de la société Alex à l'encontre de l'ordonnance entreprise est infondé ;

En conséquence,

confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;

dire et juger que l'action engagée par la société Alex constitue un abus du droit d'ester en justice ;

condamner la société Alex au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

condamner la société Alex à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Alex aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 novembre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Sur ce,

En vertu de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé. L'article 493 du même code prévoit que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.

Par ailleurs, il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, est investie des attributions du juge qui l'a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli.

Cette voie de contestation n'est donc que le prolongement de la procédure antérieure : le juge doit apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui. L'application de ces dispositions suppose de constater la possibilité d'un procès potentiel, non manifestement voué à l'échec, sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé, sans qu'il revienne au juge des référés de se prononcer sur le fond et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée. Cette mesure ne doit pas porter une atteinte illégitime aux droits et libertés fondamentaux d'autrui. Le juge doit encore rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance qui y fait droit.

En l'espèce, la requête soumise le 28 juin 2019 au président du tribunal de grande instance de Paris énonçait pour commencer une série de faits valant à titre de rappel historique, puisqu'ils avaient motivé le dépôt d'une précédente série de requêtes à fins de mesures in futurum en avril 2017. A la suite de cette évocation, une deuxième partie présentait les faits actuels soutenant la demande présentée.

1re partie : rappel des faits

La société Alex expliquait que M. [C] comptait parmi ses salariés depuis 1984, en dernier lieu au poste de chef adjoint de succursale du magasin « Les opticiens conseils ». M. [W] intervenait dans le même magasin en tant que travailleur indépendant. Elle indiquait que M. [C] et M. [P] s'étaient associés au sein d'une société Optic Millenium créée en 2002, qui exploitait également des magasins d'optique. La société Alex ajoutait que M. [C] avait créé en 2009 une société Pagot-Optic exploitant en province différents magasins à l'enseigne « Actu Eyes ».

La société Alex indiquait qu'elle avait appris en mars 2017 qu'un magasin « Actu Eyes » s'était installé à [Localité 8] (95) en concurrence directe avec deux magasins « Les opticiens conseils » à [Localité 8] et [Localité 5]. Elle ajoutait qu'elle soupçonnait l'existence de vols de montures au détriment du magasin « Les opticiens conseils » de [Localité 5] et au bénéfice du magasin « Actu Eyes » qui les avaient revendues et que ses investigations internes l'avaient amenée à suspecter des agissements illicites et déloyaux de M. [C] au profit de son magasin de [Localité 8]. Selon la société Alex, la complicité de M. [W] devait être envisagée puisqu'une expertise graphologique le mettait en cause dans la rédaction de trois fausses factures manuscrites et dans l'encaissement frauduleux de chèques destinés aux magasins « Les opticiens conseils » ou « Eye Design ».

La société Alex déclarait qu'à la suite de la découverte des faits, M. [C] s'était mis en arrêt de travail en mai 2017 et avait été licencié pour faute lourde le 11 mai 2017. Elle ajoutait qu'elle avait porté plainte le 11 juin 2017. M. [W] avait remis sa démission le 22 avril 2017.

La société Alex indiquait qu'elle avait déposé, courant avril 2017, des requêtes afin de saisie, notamment informatique, de documents dans différents magasins Pagot-Optic, à [Localité 8], [Localité 4], [Localité 3] et [Localité 13]. Elle soulignait que ces requêtes avaient toutes été accueillies favorablement (en note de bas de page : « La société Pagot-Optic et M. [C] ont immédiatement mis en œuvre des assignations aux fins de rétractation desdites ordonnances. Le juge des référés n'a pas fait droit à ces demandes de rétractation. Pagot-Optic et M. [C] ont cependant interjeté appel de ces 4 ordonnances. »)

2e partie : faits actuels

La société Alex expliquait qu'au-delà de l'historique des faits ayant débouchés sur le licenciement de M. [C] et le dépôt des requêtes d'avril 2017, elle avait constaté que la société Pagot-Optic continuait ses agissements déloyaux et fautifs à son encontre. Selon elle, la société Pagot-Optic avait procédé au débauchage fautif de M. [W] et de Mme [D] [S], qui avait été sa salariée avant de démissionner en avril 2015.

Par ailleurs, la société Alex affirmait qu'il existait de sérieux indices laissant penser que M. [C] et la société Pagot-Optic utilisaient des informations commerciales confidentielles et des fichiers commerciaux, marketing, comptables, administratifs, lui appartenant, avec l'aide de M. [W], pour détourner la clientèle du magasin « Les opticiens conseils » de [Localité 5] vers le magasin « Actu Eyes » de [Localité 8]. Elle explique que depuis l'ouverture du magasin « Actu Eyes » de la société Pagot-Optic à [Localité 8] en janvier 2016, le chiffre d'affaires du magasin « Les opticiens conseils » de [Localité 5] a subi une baisse de chiffre d'affaires de 36,12 % entre 2016 et 2018.

En conclusion, la société Alex indiquait qu'elle considérait que le détournement de sa clientèle et l'utilisation de ses informations commerciales confidentielles et de ses fichiers, rendus possibles par des agissements malhonnêtes lui causant un préjudice direct, justifie qu'elle intente une action en concurrence déloyale à l'encontre de la société Pagot-Optic, M. [C] et M. [W].

Dans ses dernières conclusions dans la présente instance, la société Alex formule à nouveau le grief tiré du débauchage de salariés, savoir deux personnes qui travaillaient pour elle, et trois autres personnes qui travaillaient pour d'autres magasins de l'enseigne « Les opticiens conseils » : M. [W], Mme [D] [S], Mme [H], M. [Z] et Mme [M].

Cependant, le grief concernant le débauchage de Mmes [H] et [M], et de M. [Z], n'était pas formulé dans la requête du 13 avril 2021 et n'appartient donc pas au contentieux de la rétractation. Surabondamment, la société Alex procède par voie d'affirmation hypothétique, puisqu'il n'est produit aucune pièce permettant de vérifier si ces personnes ont été salariées de l'enseigne « Les opticiens conseils » et si elles l'ont quitté.

Par ailleurs, l'embauchage de salariés libres de tout engagement de non-concurrence d'une entreprise concurrente est fautif s'il s'accompagne de manœuvres déloyales et entraîne la désorganisation de cette entreprise. Or s'agissant de M. [W], la société Alex reconnaît elle-même qu'il n'était pas son salarié et qu'il avait au demeurant démissionné le 22 avril 2017, avant le licenciement de M. [C] le 11 mai 2017, alors que la requête mentionnait expressément qu'elle avait pour objectif « d'apporter des preuves sur la poursuite de comportements déloyaux, concomitamment et après le licenciement de M. [C] ». La même remarque doit être faite s'agissant de Mme [D] [S], dont la démission remonte à 2015. Au demeurant, l'affirmation de manœuvres déloyales ou d'une désorganisation de l'entreprise n'est même pas alléguée par la société Alex.

Ensuite, tout en affirmant qu'il existe « de sérieux indices laissant à penser que M. [C] et sa société Pagot-Optic ont utilisé des informations commerciales confidentielles et des fichiers de la société Alex, et ont détourné, avec l'aide de M. [W], la clientèle du magasin « Les opticiens conseils » à [Localité 5] vers le magasin « Actu Eyes » de la société Pagot-Optic situé à [Localité 8], il y a lieu de constater que la société Alex produit seulement une attestation du 4 avril 2019 de son expert-comptable (pièce 11) se bornant à attester que le chiffre d'affaires du magasin de [Localité 5] est passé de 3 889 581 en 2016 à 3 057 932 en 2017, puis à 2 484 453 en 2018. Il doit donc être constaté que le lien de causalité entre cette baisse et les actions prétendument déloyales des intimés, qui ne s'appuie sur aucun autre élément, relève de la simple spéculation.

La société Alex ajoute que l'huissier instrumentaire lui a transmis le résultat de ses constatations et affirme que les éléments saisis rapportent la preuve des détournements de clientèle opérés à son détriment. Selon elle, ces éléments établissent que la société Pagot-Optic a vendu des produits à pas moins de 1044 clients faisant partie de son fichier client. Par ailleurs, elle soutient qu'il a été retrouvé 233 occurrences communes entre les contacts figurant dans le répertoire du téléphone portable de M. [C] et le fichier clients du magasin « Les opticiens conseils » de [Localité 5].

Cependant il convient de rappeler que si le juge doit apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, et peut le faire à l'aide des éléments de preuve produits non seulement à l'appui de la requête mais aussi de ceux produits ultérieurement devant lui, il ne peut en revanche s'appuyer sur les pièces saisies à l'occasion de la mesure in futurum qui est contestée et dont la détention par l'appelante est précisément critiquée.

En définitive, aucune des trois pièces produites par la société Alex (9, 10 et 11), en excluant celles recueillies lors des mesures de saisies contestées, n'apporte la moindre consistance à ses doléances relatives au débauchage de salariés et à l'utilisation d'informations commerciales confidentielles et de fichiers de la société Alex pour accaparer sa clientèle. En effet, l'appelante ne procède que par déductions et affirmations, qui ne reposent sur aucun fait précis, objectif et vérifiable. Elle ne démontre donc pas l'existence d'un litige plausible, crédible, bien qu'éventuel et futur, dont le contenu et le fondement seraient cernés, approximativement au moins, et sur lesquels pourrait influer le résultat de la mesure d'instruction critiquée.

Dans ces conditions, l'ordonnance entreprise sera confirmée, sans qu'il soit utile d'examiner les autres moyens formulés à l'appui de la demande de rétractation.

L'ordonnance entreprise sera également confirmée dans ses dispositions concernant la charge des dépens et l'indemnisation fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La société Alex sera tenue aux dépens d'appel et au paiement d'une somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles.

La demande tendant au prononcé d'une amende civile, qui ne profite qu'au Trésor public et que la société Pagot-Optic n'a pas intérêt à réclamer, sera rejetée. En effet, contrairement à l'affirmation du premier juge, la déloyauté de la requête n'est pas établie pas plus que le détournement du droit d'agir sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile. Il y lieu d'observer que l'intimée ne formule expressément aucune demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 32-1 précité.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société Alex au paiement d'une amende civile de 8 000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile et dit que cette décision est notifiée au directeur départemental des finances publiques de [Localité 2] aux fins de recouvrement ;

La confirme pour le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne à la société Alex à payer à la société Pagot-Optic une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés en cause d'appel ;

Condamne à la société Alex aux dépens.