Livv
Décisions

CA Poitiers, 1re ch., 28 novembre 2023, n° 22/00343

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Kilos Fighter (Sté)

Défendeur :

EOCOM (SARL), ACTIS Mandataires Judiciaires (Selarl)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monge

Conseillers :

Mme Verrier, M. Orsini

Avocats :

Me Rodier, Me Dibangué, Me De Cambourg, Me Chaaben

T. com. Poitiers, du 30 août 2021

30 août 2021

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

[N] [Z] [T], qui exerçait une activité de conseils sportifs et alimentaires en ligne en qualité d'auto-entrepreneur, s'est courant 2018 rapprochée de la société Eocom afin de développer un site de commerce électronique à adapter à un usage sur téléphone portable.

Elle a à cette fin signé 5 bons de commande le 12 juin 2018 ayant pour objet :

- le développement d'un site de commerce en ligne au prix après remise, de 4.320 € toutes taxes comprises payable en une échéance de 1.000 € puis 26 échéances mensuelles de 127,20 € chacune à compter du 5 juillet suivant ;

- l'hébergement et la mise à jour du site internet à raison de 29,00 € hors taxes, soit 34,80 € toutes taxes comprises par mois, sur 10 mois ;

- l'achat et le renouvellement du nom de domaine 'kilofighter.com' au prix de 50,00 € hors taxes, soit 60,00 € toutes taxes comprises ;

- l'adaptation du site internet à un usage sur 'smartphone' par le développement d'une application mobile, au prix de 1.800,00 € hors taxes soit 2.160 € toutes taxes comprises ;

- la gestion de cette application pour une durée irrévocable de 24 mois, au prix après remise de 115 € hors taxes par mois, soit 138 € toutes taxes comprises.

Des incidents de paiement ont été régularisés. 

Le site internet a été livré et mis en ligne le 19 février 2019. 

Le projet d'application mobile a été suspendu. [N] [Z] [T] n'a pas donné suite au nouveau devis qui lui avait été transmis relatif au développement de l'application sur téléphone.

Le fonctionnement du site internet a été postérieurement suspendu.

Par acte du 7 juin 2019, [N] [Z] [T] a assigné la société Eocom devant le juge des référés du tribunal de commerce de Poitiers. Par ordonnance du 2 septembre suivant, les demandes de rétablissement du site et de paiement d'une provision ont été rejetées en raison d'une contestation sérieuse. Par arrêt du 4 février 2020, la cour d'appel de Poitiers a confirmé cette ordonnance.

[N] [Z] [T] a postérieurement assigné au fond la société Eocom devant le tribunal de commerce de Poitiers.

Exposant que cette société avait brutalement rompu en avril 2019 la relation contractuelle, elle a demandé de condamner la défenderesse à lui payer à titre de dommages et intérêts les sommes de :

- 5.544,46 € en réparation du préjudice né de cette rupture et de la perte de gains professionnels ;

- 3.000 € en réparation de l'atteinte à son image commerciale et des préjudices moral et et d'anxiété subis.

Elle a en outre sollicité d'ordonner sous astreinte la réactivation du site internet.

Elle a exposé à l'appui de ses prétentions que :

- la mission confiée consistait en l'amélioration d'un site internet et de l'application déjà existante dont elle avait communiqué les codes ;

- le site devait être livré dans le mois de la signature du devis ;

- l'accès au site avait été supprimé, sans préavis.

La société Eocom a conclu au rejet de ces demandes, [N] [Z] [T] n'ayant cessé de modifier ses demandes et plusieurs incidents de paiement étant intervenus.

Elle a reconventionnellement sollicité la résolution judiciaire des contrats et paiement des sommes lui restant dues, de 2.148,40 € développement du site), 2.070 € (développement et gestion de l'application), 278,40 € (hébergement), soit un total de 4.506 €.

Par jugement du 30 août 2021, le tribunal de commerce de Poitiers a statué en ces termes :

DIT :

Madame [Z] [T], recevable en son action mais, non fondée

DEBOUTE :

Madame [Z] [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

DIT :

La SARL EOCOM recevable en son action reconventionnelle.

PRONONCE, en conséquence :

la résolution judiciaire des contrats

CONSTATE : : le défaut de livraison de l'application mobile.

CONDAMNE, en conséquence :

Madame [Z] [T] au paiement de la somme de :

au titre du solde du développement du site web livré : 2 158,40 €

au titre de l'hébergement livré 278,40 €

Soit un total de : 2 436,80 TTC

DIT :

que ce montant sera augmenté des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

REJETTE :

les demandes introduites par Madame [Z] [T] et par la Société EOCOM au titre de l'article 700

DIT n'y avoir lieu à amende civile.

CONDAMNE Madame [Z] [T], qui succombe à l'instance aux entiers dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 73,24 euros TTC'.

Il a considéré que :

- les missions confiées à la société Eocom avaient pour objet, non l'amélioration d'un site et d'une application, mais le développement d'un nouveau site et d'une nouvelle application ;

- n'avait pas été convenu de délai de livraison ;

- la demanderesse ne justifiait pas que sa cocontractante avait modifié son offre en raison du caractère florissant de son activité et non des modifications sollicitées ;

- la société Eocom avait coupé l'accès au site sans préavis ;

- la demanderesse ne justifiait pas des préjudices allégués ;

- les défauts de paiement fondaient la résolution des contrats et le solde restant dû, exclusion faite de celles dues au titre du développement et de la gestion de l'application, non livrée.

Par jugement du tribunal de commerce de Poitiers du 8 juin 2021, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Eocom. La selarl Actis mandataires judiciaires a été désignée en qualité de mandataire judiciaire. Par jugement du 26 janvier 2022, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire. La selarl Actis mandataires judiciaires a été désignée en qualité de mandataire liquidateur judiciaire.

[N] [Z] [T] a déclaré au passif une créance de 10.044,56 €.

Par déclaration reçue au greffe le 7 février 2022, [N] [Z] [T] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 août 2023, elle a demandé de :

Vu l'article L. 442-6 du Code de commerce et suivants,

Vu les articles 1103 , 1104 et suivants du Code civil,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

[..]

INFIRMER le jugement du 30 août 2021 du Tribunal de commerce de Poitiers;

En ce qu'il a :

DIT Madame [Z] [T] mal fondée en ses demandes, et en conséquence l'a débouté de toutes ses demandes fins et conclusions ;

DECLARé la SARL EOCOM recevable en son action réconventionnelle ;

PRONONCé la résolution judiciaire des contrats en condamnant Madame [Z] [T] à la somme de 2158,40 euros au titre du paiement du solde du développement du site web et la somme de 278,40 euros au titre de l'hébergement du site web ;

CONDAMNé Madame [Z] [T] aux entiers dépens dont les frais de greffes liquidés à la somme de 73,24 euros ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT

A TITRE PRINCIPAL

DEBOUTER EOCOM de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

DECLARER que Madame [Z] [T] recevable et bien fondée en ses demandes ;

DECLARER que l'application mobile n'a jamais été livrée par la sarl EOCOM;

PRONONCER la résolution judiciaire du contrat de création de l'application mobile aux torts exclusifs de la société EOCOM

et en conséquence,

FIXER la dette de la société EOCOM en ordonnant le remboursement à Madame [Z] [T] de la somme de 1242 euros correspondant aux sommes déjà versées par l'appelante pour cette prestation ;

DECLARER que la société EOCOM a livré un site internet inachevé www.kilosfighter.com à Madame [Z] [T]

DECLARER que la société EOCOM a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de Madame [Z] [T] ;

DECLARER que Madame [Z] [T] ne dispose pas du site internet www.kilosfighter.com depuis le blocage du site internet par la société EOCOM en avril 2019 ;

PRONONCER la résolution judiciaire du développement du site web aux torts exclusifs de la société EOCOM ;

et en conséquence,

FIXER la dette de la société EOCOM en ordonnant le remboursement à Madame [Z] [T] la somme de 2161,6 euros correspondant aux sommes déjà versées par l'appelante pour cette prestation ;

ORDONNER à la SARL EOCOM représentée par son mandataire judiciaire, la restitution du nom de domaine www.kilosfighter.com à Madame [Z] [T] et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

DECLARER que la société EOCOM a rompu brutalement en avril 2019 ses relations commerciales avec Madame [Z] [T] en sa qualité d'exploitante de l'entreprise individuelle « KILOSFIGHTER » ;

DECLARER que la société EOCOM aurait du respecter un délai de préavis ;

FIXER la dette de la société EOCOM en ordonnant le remboursement à Madame [Z] [T] en sa qualité d'exploitante de l'entreprise individuelle « KILOSFIGHTER » de la somme pour le moins de 5544,56 euros au titre des dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales et pour la perte de gains professionnels.

FIXER la dette de la société EOCOM en ordonnant le versement à Madame [Z] [T] en sa qualité d'exploitante de l'entreprise individuelle « KILOSFIGHTER » la somme pour le moins de 3000 euros de dommages et intérêts en raison de préjudice relatifs à l'atteinte à l'image commerciale auprès des clients de « KILOSFIGTHER » ;

FIXER la dette de la société EOCOM en ordonnant le versement à Madame [Z] [T] en sa qualité d'exploitante de l'entreprise individuelle « KILOSFIGHTER » de la somme pour le moins de 3000 euros de dommages et intérêts en raison des préjudices moraux et d'anxiété subis ;

ORDONNER à la société EOCOM de réactiver le site internet www.kilosfighter.com afin de permettre à Madame [Z] [T] d'en jouir;

ORDONNER à la SARL EOCOM représentée par son mandataire judiciaire, la restitution du nom de domaine www.kilosfighter.com à Madame [Z] [T] et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

DECLARER que la société EOCOM a manqué à son obligation de résultat de livrer de les produits attendus conformément aux cahiers de charge en vue du développement du site internet www.kilosfighter.com ainsi que de l'application mobile et en conséquence fixer la dette de la société EOCOM à la somme de 3000 euros au titre du préjudice subi par Madame [Z] [T] exploitante du site internet www.kilosfighter.com.

ASSORTIR toutes ces condamnations d'une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

DECLARER que toutes les sommes pour lesquelles la société EOCOM sera condamnée seront augmentées des intérêts légaux à compter de la décision à intervenir ;

A TITRE SUBSISIAIRE si par extraordinaire, la Cour ne faisait pas droit aux demandes de Madame [Z] [T] sur les fondements précédents et où s'estimait insuffisamment informée,

ORDONNER avant dire droit une expertise judiciaire contradictoire aux fins d'éclairer la cour sur la nature des dysfonctionnements et l'étendue du préjudice en résultant,

DESIGNER pour se faire désigner tout expert aux fins de :

entendre les parties dans leurs dires et prétentions et si besoin est, tous tiers ou autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne « se rendre sur place si cela est nécessaire se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à sa mission : conventions, pièces contractuelles, factures, courriers échangés, constats d'huissier ou autres, et tous éléments qu'il jugera bon de demander » exécuter sa mission à l'aide de documents et pièces remis par les parties, ainsi que l'étude des éléments relevés le cas échéant sur place donner un avis sur la nature des réserves émises par Madame [Z] [T] concernant la fonctionnalité du site internet, le non-respect par EOCOM du cahier des charges, des engagements contractuels souscrits et du site prétendu livré à Madame [Z] [T] l'adresse www.kilosfigther.com ' donner un avis sur l'état des développements et codes sources non livrés par EOCOM (notamment sur la partie fonctionnelle du site, sur le choix du logiciel, sur la non complétude des codes sources remis) tout au long de la relation contractuelle et sur la faisabilité ou non d'une reprise desdits développements par un autre prestataire donner un avis sur le caractère exploitable ou non de la dernière version du site www.kilosfigther.com et sur sa conformité ou non aux engagements contractuels souscrits par EOCOM donner un avis sur la nature des développements effectués au titre de la Tierce Maintenance Applicative (TMA Contrat du 19 février 2005) donner un avis sur la fréquence et la nature des sauvegardes et mises à jour du site sur lesquelles s'était engagée EOCOM' d'après l'étude des éléments ci-dessus, proposer éventuellement à la cour une évaluation des pertes directement subies et des gains manqués par Madame [Z] [T] du fait des éventuels manquements d'EOCOM à ses obligations contractuelles. Donner toutes les informations utiles en vue de la résolution du litige ; »

A TITRE très subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour ne faisait pas droit aux demandes de Madame [Z] [T] sur les fondements précédents,

ORDONNER la résiliation judiciaire des contrats et ORDONNER les restitutions réciproques ;

ORDONNER les compensations réciproques,

A TITRE très subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour ne faisait pas droit aux demandes de Madame [Z] [T] sur les fondements précédents et considèrerait que cette dernière devrait une quelconque somme à la SARL EOCOM,

ACCORDER à Madame [Z] [T] de larges délais de paiements ;

En toutes hypothèses,

CONDAMNER la société EOCOM à payer à Madame [Z] [T] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et faisant application de l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle et aux entiers dépens y compris le coût de l'assignation du 4 juin 2019 avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle a exposé que :

- le site internet avait été livré avec retard et qu'il n'avait pas donné satisfaction ;

- la suspension du développement de l'application pour téléphone portable n'avait pas été convenue et que la proposition de modification des tarifs avait pour cause le succès de son activité ;

- le fonctionnement du site avait été suspendu sans préavis et qu'une mention d'une désactivation du site pour cause d'impayé apparaissait ;

- les incidents de paiement avaient eu pour cause des prélèvements opérés, bien qu'avertie, par la société Eocom sur un mauvais compte.

Elle a soutenu que la société Eocom, professionnelle, était tenue à son égard, profane, d'un devoir de conseil, de mise en garde et de résultat s'agissant du fonctionnement du site.

Selon elle, la rupture brutale de la relation contractuelle fondait, par application de l'article L. 442-6 du code de commerce, sa demande de dommages et intérêts.

Elle a maintenu sa demande de remise en service du site internet afin qu'elle puisse reprendre son activité, à l'arrêt.

Elle a estimé à 550 € son chiffre d'affaires mensuel moyen entre mai et juin 2019 soit, en regard de son activité antérieure, une perte de 5.544,56 € sur la période considérée.

Elle a en outre sollicité l'indemnisation de l'atteinte portée à son image commerciale et de son préjudice moral.

Elle a subsidiairement demandé d'ordonner une expertise pour chiffrer son préjudice.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 septembre 2023, la selarl Actis mandataires judiciaires ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Eocom a demandé de :

CONFIRMER le jugement du Tribunal commercial de Poitiers en date du 30 aout 2021 en ce qu'il a :

- Débouté Madame [Z] [T] de toutes ses demandes,

- Déclaré recevable la société EOCOM en ses demandes reconventionnelles

- Prononcé la résolution judiciaire du contrat de conception du site internet,

- Condamné Madame [Z] [T] au paiement de la somme de 2.436,80€ au titre du solde restant dû pour la prestation du site internet,

- Condamné Madame [Z] [T] au paiement de la somme de 278,40 € au titre de l'hébergement du site internet,

- Rejeté les demandes de Madame [Z] [T] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

INFIRMER le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat d'application mobile,

Et, statuant à nouveau :

CONSTATER la caducité du contrat de conception de l'application mobile,

PRENDRE ACTE de ce qu'il n'y a pas lieu à ordonner des restitutions,

A titre subsidiaire,

PRONONCER la résiliation du contrat de conception de l'application mobile aux torts exclusifs de Madame [Z] [T],

CONDAMNER Madame [Z] [T] à verser la somme de 4.000,00 € à titre de dommages-intérêts,

En tout état de cause,

DEBOUTER Madame [Z] [T] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

CONDAMNER Madame [Z] [T] à verser une somme de 2.500,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle a soutenu l'irrecevabilité des demandes indemnitaires de l'appelante en raison de la procédure collective.

Elle a conclu :

- au rejet de la demande de remise en ligne du site, le prix de vente n'ayant pas été payé en totalité et l'entreprise ayant en raison de la liquidation judiciaire cessé toute activité ;

- à la confirmation du jugement ayant résolu les contrats aux torts de l'appelante, n'ayant pas payé le prix convenu ;

- à la caducité du contrat relatif à l'application pour téléphone mobile, l'appelante en ayant unilatéralement modifié son contenu et son objet, subsidiairement à sa résiliation ;

- au rejet de la demande de restitution des sommes versées, ayant exécuté ses obligations s'agissant de cette application.

Elle a contesté l'existence d'un préjudice indemnisable subi par l'appelante, lui étant imputable.

L'ordonnance de clôture est du 11 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LE SITE INTERNET

L'article 1103 du code civil dispose que : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits » et l'article 1104 alinéa 1er du même code que : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ».

L'article 1224 du code civil dispose que : « La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice ».

Le bon de commande accepté le 12 juin 2018 a pour objet la « Création de votre site web », la « Création d'un compte client », la « Création de votre module de Paiement en ligne », la « Création d'un agenda de réservation », la « Création de votre module de Newsletter ». Ce bon de commande ne fait pas mention d'un délai de livraison.

La société Eocom s'engageait ainsi à développer dans un délai raisonnable un site de commerce en ligne, en contrepartie du paiement de sa prestation.

Le règlement a été convenu être réalisé en 27 mensualités. Ni le bon de commande signé, ni l'échéancier ne font mention du compte sur lequel les prélèvements devront être opérés. Le prélèvement du mois d'avril 2019 n'a pas été réalisé. Ceux postérieurs n'ont pas été effectués.

L'appelante a produit une fiche de renseignements incluant un mandat de prélèvement interentreprise au profit de la société Eocom (encart prérempli), en date du 12 juin 2018. Le compte à débiter, tenu par La Banque Postale, avait les références suivantes : FR06 20041 01006 1034986L027.

L'appelante a produit la copie partielle d'un courrier de La Banque Postale en date du 13 mai 2019 indiquant que :

« Après vérification, nous vous confirmons qu'en mars et avril 2019, le créancier Eocom a présenté six prélèvements SEPA sur votre CCP n° 0839675S027 avec...le mandat 180612DN063 du 13 septembre 2018 ».

Ce mandat étant postérieur à celui dont la copie a été produite par l'appelante, celle-ci ne peut pas soutenir que la société Eocom aurait par erreur opéré des prélèvements sur ce dernier compte.

Les échanges de courriels produits aux débats par l'intimée établissent qu'elle a œuvré afin de réaliser le site internet. Celui-ci a été livré et mis en ligne le 19 février 2019. L'appelante ne justifie pas d'un défaut de diligence de sa cocontractante. Les échanges entre les cocontractants sur le contenu et la présentation du site ne permettent pas de qualifier de tardive la livraison du site, 8 mois après la signature du bon de commande.

Il n'est pas justifié de dysfonctionnement majeur du site.

[N] [Z] [T] ne conteste pas ne pas avoir payé l'intégralité de la somme convenue pour la création et la mise en ligne du site. Ce manquement à ses obligations contractuelles, que ne justifie pas un manquement de sa cocontractante, fonde la résolution aux torts de l'appelante du contrat conclu, à exécution instantanée.

Le décompte établi par l'appelante (pièce n° 10) mentionne des paiements réalisés de 2.161,60 € et un solde restant dû de 2.158,40 €, montant dont l'intimée demande paiement.

Cette résiliation aux torts de l'appelante fait obstacle à la remise en service du site, au surplus l'intimée en liquidation judiciaire ayant cessé son activité n'étant plus en situation d'y procéder.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé de ce chef.

SUR L'HÉBERGEMENT DU SITE

Le bon de commande en date du 12 juin 2018 stipule un coût hors taxes mensuel de cet hébergement de 29 €. La facture du 22 mars 2019 de la société Eocom est d'un montant de hors taxes de 290 € (10 mois, mars à décembre 2019), soit 348 € toutes taxes comprises. L'appelante ne justifie pas du règlement du solde de cette facture, de 278,40 € (montant toutes taxes comprises).

Ce défaut de paiement constitue un manquement de l'appelante à son obligation principale de payer le prix convenu. Cette inexécution contractuelle fonde, par application des articles 1224 et 1229 du code civil, la résiliation du contrat d'hébergement, contrat à exécution successive.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a condamné l'appelante au paiement de la somme de 278,40 € et réformé en ce qu'il convient de lire résiliation au lieu de résolution du contrat.

SUR L'APPLICATION POUR TÉLÉPHONE PORTABLE

L'article 1185 du code civil dispose que :

« Un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît.

Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.

La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement ».

L'article 1187 du même code précise que :

« La caducité met fin au contrat.

Elle peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 ».

Le bon de commande de l'application mobile est en date du 12 juin 2018. Il précise que : « Le contenu de votre site web est optimisé pour être facilement consultable depuis votre application mobile qui est disponible sur tous les stores (Apple Store, Play Store, Windows Phone Store) ».

Le prix convenu à charge de l'appelante, en contrepartie de l'exécution par l'intimée de sa prestation, était d'un montant toutes taxes comprises de 2.160 € (1.800 € hors taxes).

Un second bon de commande en date du même jour avait pour objet la gestion de cette application, au prix mensuel de 115 € hors taxes, soit 138 € toutes taxes comprises, soit la somme toutes taxes comprises de 3.312 € sur 24 mois. L'appelante expose avoir payé la somme de 1.242 € à ce titre (mensualités de juillet 2018 à mars 2019).

Les parties conviennent que la société Eocom avait demandé une augmentation du prix de sa prestation, refusée par l'appelante.

L'application n'a pas été développée, ni mise en service. Elle n'a pas été livrée par la société Eocom.

L'application pour téléphone mobile est liée au site de commerce en ligne dont elle est présentée être une adaptation.

La résiliation du contrat de développement du site de commerce en ligne emporte la caducité de celui de développement de l'application.

La résiliation du contrat principal étant imputable à l'appelante, il n'y a pas lieu à restitution des sommes versées. La société Eocom ne demande plus paiement de sommes à ce titre.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé s'agissant du rejet de la demande de la société Eocom. Il y sera ajouté en ce que la demande de restitution formée par l'appelante, non présentée en ces termes devant le premier juge, est rejetée.

SUR LES DEMANDES DE DOMMAGES ET INTÉRÊTS DE L'APPELANTE

L'article 1219 du code civil dispose que : « Une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ».

Le défaut de paiement par l'appelante du prix convenu justifie l'inexécution par l'intimée de son obligation, se traduisant pas la suspension du site de commerce en ligne.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée de ce chef par l'appelante.

[N] [Z] [T] a produit une capture d'écran en date du 3 mai 2019 du site www.kilofignters.com. Il est mentionné en pleine page à en-tête de www.éo-com.com que :

« Votre site Internet kilofighter.com a été désactivé pour impayés.

En raison d'un incident de paiement, votre solde est devenu débiteur et nous avons dû restreindre l'accès à votre site internet. Pour remettre en ligne votre site internet, vous devez impérativement régler votre solde en bous contactant

[...]

Sans régularisation de votre situation :

- Vos loyers continuent néanmoins à vous être facturés

[...]

-Nous serons contraints de transmettre votre dossier à notre service contentieux'.

[N] [Z] [T] a produit deux captures d'écran de messages de téléphone portable imprimés le 30 juin 2019. La date des messages n'apparaît pas. Un premier message de '[B]' indique, en transmettant la capture d'écran précitée que : 'Je tombe sur ceci quand je vais dans la boutique'. Un second message de 'Shining' indique que : ' On dit que le site Kilos Fighte a été désactivé pour impayés etc... ».

Si l'indication d'une suspension du site pour impayés est pour le moins maladroite, l'appelante ne justifie d'aucun préjudice subi de ce chef en raison du nombre très restreint de réclamations et d'une fréquentation du site antérieure à la suspension très faible.

Il n'est dès lors justifié d'aucun préjudice subi imputable du fait de cet encart à la société Eocom.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a rejeté la demande présentée à ce titre par l'appelante.

SUR LES DÉPENS D'APPEL

La charge des dépens d'appel incombe à l'appelante. Ils seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Le premier juge a équitablement apprécié n'y avoir de faire droit aux demandes présentées sur ce fondement.

Il serait inéquitable et préjudiciable aux droits de l'intimée de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens d'appel. Il sera pour ce motif fait droit à sa demande formée de ce chef pour le montant ci-après précisé.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du 30 août 2021 du tribunal de commerce de Poitiers sauf en ce qu'il prononce la résolution des contrats en date du 12 juin 2019 d'hébergement du site internet et de développement d'une application mobile conclus entre [N] [Z] [T] et la société Eocom ;

et statuant à nouveau de ces chefs d'infirmation,

PRONONCE la résiliation du contrat en date du 12 juin 2019 d'hébergement du site internet conclu entre [N] [Z] [T] et la société Eocom ;

CONSTATE la caducité du contrat en date du 12 juin 2019 de développement d'une application mobile conclu entre [N] [Z] [T] et la société Eocom ;

et y ajoutant,

CONDAMNE [N] [Z] [T] aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;

CONDAMNE [N] [Z] [T] à payer en cause d'appel à la selarl Actis mandataires judiciaires prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Eocom la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.