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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 22 novembre 2023, n° 22/00140

COLMAR

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Intocast AG (Sté), Intocast France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Walgenwitz

Conseillers :

M. Roublot, Mme Rhode

Avocats :

Me Harnist, Me Spieser

TJ Strasbourg, du 10 déc. 2021

10 décembre 2021

Vu les assignations délivrées le 28 décembre 2015 et le 22 janvier 2016, par lesquelles M. [U] [X] a fait citer la société de droit allemand Intocast AG et la SARL Intocast France devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020, par application de l'article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et de ses décrets d'application n° 2019-965 et 2019-966 du 18 septembre 2019, le tribunal judiciaire de Strasbourg,

Vu le jugement rendu le 10 décembre 2021, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

Déclaré irrecevables l'ensemble des demandes formées au titre de la rupture abusive du contrat d'agent commercial, comme prescrites ;

Rejeté la demande à titre de dommages et intérêts pour exception soulevée tardivement;

Rejeté la demande au titre des arriérés de commissions ;

Rejeté la demande au titre du préjudice lié à l'absence de cotisations de retraite ;

Condamné M. [X] à payer aux sociétés INTOCAST AG et INTOCAST FRANCE la somme de 1 000 euros à chacune au titre des dispositions de 1'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné M. [X] aux dépens. 

Vu la déclaration d'appel formée par M. [U] [X] contre ce jugement, et déposée le 7 janvier 2022,

Vu la constitution d'intimées de la société Intocast AG et de la SARL Intocast France en date du 22 février 2022,

Vu les dernières conclusions en date du 13 septembre 2023, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles M. [U] [X] demande à la cour de :

Déclarer Monsieur [U] [X] recevable et bien fondé en son appel ;

Y faisant droit et statuant sur le fond,

Infirmer le jugement du 10 décembre 2021 en toutes ses dispositions et notamment sur la prescription

Statuant à nouveau,

DIRE les demandes non prescrites.

CONSTATER la rupture, en date du 23 mars 2010, des relations contractuelles avec Monsieur [U] [X] en sa qualité d'agent commercial aux torts des mandantes, les sociétés INTOCAST AG et INTOCAST France.

CONSTATER qu'il a été procédé à la rupture des relations contractuelles avec Monsieur [U] [X] en sa qualité d'agent commercial en l'absence d'une faute, a fortiori d'une faute grave, commise par Monsieur [U] [X].

CONDAMNER en conséquence solidairement et subsidiairement in solidum les sociétés INTOCAST AG et INTOCAST France à payer à Monsieur [U] [X], avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant la Chambre commerciale du Tribunal de commerce de Strasbourg, la somme de 423.088 euros à titre d'indemnité de rupture.

A TITRE SUBSIDIAIRE

CONDAMNER solidairement et subsidiairement in solidum les sociétés INTOCAST AG et INTOCAST France à payer à Monsieur [U] [X], avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant la Chambre commerciale du Tribunal de commerce de Strasbourg, la somme de 423.088 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice économique subi du fait de la rupture abusive du contrat d'agent commercial.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

CONDAMNER solidairement et subsidiairement in solidum les sociétés INTOCAST AG et INTOCAST France à payer à Monsieur [U] [X], avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant la Chambre commerciale du Tribunal de commerce de Strasbourg, la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice moral subi du fait de la rupture abusive du contrat d'agent commercial

CONDAMNER solidairement et subsidiairement in solidum les sociétés INTOCAST AG et INTOCAST France à payer à Monsieur [U] [X], avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant la Chambre commerciale du Tribunal de commerce de Strasbourg, la somme de 26.443 euros, à titre d'indemnité de préavis

CONDAMNER la société INTOCAST AG à payer à Monsieur [U] [X], avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant la Chambre commerciale du Tribunal de commerce de Strasbourg, la somme de 180.121 euros au titre des commissions dues

En tant que de besoin, concernant les commissions dues, si la Cour devait l'estimer nécessaire et à son appréciation souveraine :

ORDONNER AVANT DIRE DROIT la remise, au visa de l'article R. 134-3 du Code de commerce, par INTOCAST AG des éléments comptables relatifs à la marge sur coûts variables de la société INTOCAST AG au sens de la télécopie du 18 janvier 2006 pour les années 2005 à 2010, sous astreinte d'un montant de 200 € par jour de retard par pièce à compter de la décision à intervenir, en réservant les droits du concluant

CONDAMNER la société INTOCAST AG à payer à Monsieur [U] [X], avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant la Chambre commerciale du Tribunal de commerce de Strasbourg, la somme de 276.352 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice en termes de retraite de base consécutif à l'absence de cotisation pendant la période courant du 1er août 1987 jusqu'à la rupture, préjudice imputable à la société INTOCAST AG

CONDAMNER la société INTOCAST AG à payer à Monsieur [U] [X], avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant la Chambre commerciale du Tribunal de commerce de Strasbourg, la somme de 451 858,38 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice en termes de retraite complémentaire consécutif à l'absence de cotisation pour la retraite pendant la période courant du 1er août 1987 jusqu'à la rupture, préjudice imputable à la société INTOCAST AG.

CONDAMNER solidairement et subsidiairement in solidum les sociétés INTOCAST AG et INTOCAST France à verser à Monsieur [U] [X] la somme de 6.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER solidairement et subsidiairement in solidum les sociétés INTOCAST AG et INTOCAST France aux dépens de première instance et d'appel.

et ce, en invoquant, notamment :

- la qualité de salarié, plus spécifiquement le statut de VRP qu'il se serait vu constamment reconnaître par les défenderesses, désormais intimées, y compris la société Intocast France pour laquelle il serait également intervenu, après y avoir été rattaché, tel que l'aurait reconnu la juridiction prud'homale, et ce dans le cadre de son activité visant à proposer à la vente des produits de la société Intocast en France, en Belgique et au Luxembourg, en étant basé à [Localité 6] (57), jusqu'à la rupture du contrat, dans les mêmes conditions que son frère, intervenant également pour Intocast, et qui a obtenu une indemnisation transactionnelle validée en Allemagne par les juridictions du travail, tandis que la société Intocast devait, pour la première fois, qualifier sa relation avec le concluant de contrat d'agent commercial à l'occasion de sa rupture,

- l'absence de prescription de son action, le point de départ du délai ne pouvant être, concernant le premier chef de demande, soit la réparation au titre de la rupture du contrat d'agent commercial, que la décision des juridictions sociales, en dernier lieu la Cour de cassation, lui ayant donné connaissance de son droit, tandis que le délai de prescription quinquennale ne serait pas applicable aux commissions, dépendant d'éléments qui dépendaient du débiteur et n'étaient pas connus du créancier, tandis que s'agissant du préjudice de retraite, le point de départ se situerait au 8 novembre 2011, date de la réception de son premier relevé CNAV par lequel il aurait eu connaissance de l'absence de cotisation sur une très longue période par Intocast, le délai de prescription ayant, en outre, été interrompu par la saisine des juridictions sociales, compte tenu de l'identité d'objet des actions, quelle que soit leur qualification, ou à tout le moins le même but,

- l'effet dévolutif de l'appel s'opposant au renvoi de l'affaire devant le premier juge,

- l'absence de faute, à plus forte raison grave, du concluant à l'origine de la rupture, aucun contrat de travail n'ayant été proposé au concluant au préalable, un refus à ce titre n'étant, au demeurant, pas fautif,

- un comportement fautif, en revanche, des intimées, tenant à la brutalité de la rupture comme au non-paiement des commissions et à l'absence de remise des documents permettant de les calculer,

- une indemnité de cessation due au concluant, en l'absence de faute grave et dès lors qu'elle aurait été réclamée dans le courrier du 1er avril 2010, et qui devrait être, compte tenu des éléments de l'espèce et notamment de son ancienneté, fixée à quatre années de la totalité de sa rémunération, fixe et variable, selon des modalités qu'il détaille, visant à en reconstituer les montants bruts à partir des montants nets,

- à titre subsidiaire, une responsabilité pour rupture abusive caractérisée en droit commun, par son caractère brutal et déloyal, au regard des circonstances de la rupture qu'il entend détailler, et par son défaut de motif légitime, faute de grief précis dans le courrier et en présence d'un grief qualifié de fallacieux inventé en cours de procédure, cette responsabilité échappant au délai de l'article L. 134-12 du code de commerce, et lui occasionnant, subsidiairement à la demande d'indemnité de rupture, un préjudice économique, lié à une perte de clientèle, et plus particulièrement de ses commissions, du bénéfice de ses investissements, du temps consacré à Intocast et de la possibilité de négocier la cession du contrat à un successeur, alors même qu'il aurait été présenté sous un statut salarié, brutalement remis en cause lors de la rupture, et en tout état de cause un préjudice moral, compte tenu des circonstances qualifiées de brutales et blessantes, ayant porté atteinte à sa considération professionnelle et à sa réputation,

- une indemnité compensatrice de préavis qui lui serait due en tout état de cause, sans application du délai d'un an de l'article L. 134-12, et au regard des circonstances de la rupture,

- des arriérés de commissions qui lui seraient dus au titre des années 2006 à 2010, ne lui ayant pas été réglées à la suite de la mise en place d'un nouveau système de commissionnement, qu'il détaille, et dont il entend également retracer le chiffrage, en déterminant le chiffre d'affaires généré, et en appliquant un taux de marge et un taux de commissionnement sur cette marge, et insistant à titre subsidiaire le devoir d'Intocast de fournir toutes les informations notamment les extraits des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions,

- la responsabilité des défenderesses (intimées) au titre de la perte de ses droits à la retraite, en l'ayant maintenu fautivement dans la croyance légitime, ressortant des termes employés par Intocast quant à sa qualité et sa rémunération (dont le mode serait également caractéristique d'un contrat de VRP salarié, tout comme la prise en charge des frais), de son intégration dans l'entreprise, et de cotisations, partiellement payées par la société, à l'assurance maladie privée allemande qui lui aurait reconnu ce statut, ainsi, en début de relation, qu'aux organismes de retraite et à la couverture chômage, qu'il se trouvait dans une situation, également reconnue par l'organisme d'assurance vie, de salarié - qualification qu'il n'entend certes plus invoquer à la suite de la décision des juridictions prud'homales - de sorte qu'il n'aurait jamais sollicité d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, ni a fortiori au registre spécial des agents commerciaux, et n'aurait pas cotisé au régime des indépendants pendant toute sa période d'emploi, se trouvant, en conséquence, privé de droits à la retraite, qu'il s'agisse de sa retraite de base ou de sa retraite complémentaire, dont il entend détailler le calcul de l'estimation du préjudice subi, tel que résultant d'une note technique établie à cette fin, sans que l'ordonnance rendue en première instance par le juge de la mise en état n'ait remis en cause le bien-fondé de sa demande à ce titre,

- en réponse aux parties adverses, le caractère, selon lui, inopérant des moyens opposés dans le cadre de l'incident de première instance par les parties adverses, notamment quant à la déchéance du droit d'agir tirée de l'article L. 134-12 ou son droit à indemnisation pour perte de sa retraite, au titre duquel il récuse toute incohérence ou volonté de réclamer l'octroi d'une retraite, et la réfutation des premières conclusions d'appel adverses, notamment quant à la présentation de sa situation, en particulier au titre de son champ d'activité géographique, et l'évaluation de son préjudice, qu'il estime étayée et transparente, ou encore quant à la prescription ou au fondement délictuel, subsidiaire, de ses demandes, et enfin, en réponse aux dernières conclusions adverses, l'absence de positionnement adverse sur le fond, et plus particulièrement sur le quantum de son préjudice, au titre duquel il entend invoquer sa bonne foi et défendre l'évaluation chiffrée de l'étude qu'il produit, tout en critiquant les développements adverses sur l'assurance vie, s'agissant d'un contrat ne pouvant être souscrit que par un salarié, et sur la déchéance du droit d'obtenir indemnisation, au titre de laquelle la pertinence de la jurisprudence invoquée est contestée.

Vu les dernières conclusions déposées le 17 août 2023, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la société Intocast AG et la SARL Intocast France demandent à la cour de :

DECLARER Monsieur [X] mal fondé en son appel,

LE REJETER,

LE DEBOUTER de l'intégralité de ses fins et conclusions,

CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions et en conséquence REJETER les demandes comme prescrites et donc irrecevables.

En cas d'infirmation sur la prescription,

RENVOYER le dossier devant le Tribunal pour être statué au fond et DIRE n'y avoir lieu à évocation pour respecter le principe du contradictoire.

TRES SUBSIDIAIREMENT EN CAS D'EVOCATION

Sur les demandes dirigées contre la Société INTOCAST Sàrl :

DIRE et JUGER qu'il n'existe strictement aucune relation contractuelle entre Monsieur [U] [X] et la Société INTOCAST Sàrl.

DECLARER Monsieur [U] [X] irrecevable en ses demandes dirigées contre la Société INTOCAST Sàrl et subsidiairement déchu de son éventuel droit à réparation à l'encontre de la société INTOCAST SARL en vertu du délai de réclamation d'un an et en tout état de cause mal fondé. Les REJETER.

Sur les demandes dirigées contre la Société INTOCAST AG :

DIRE et JUGER que Monsieur [U] [X] est déchu de son éventuel droit à réparation à l'encontre de la société INTOCAST AG en vertu du délai de réclamation d'UN an à compter de la cessation de la relation contractuelle, sur le fondement des dispositions de l'article L. 134-12 alinéa 2 du Code de Commerce.

DIRE et JUGER que Monsieur [U] [X] ne peut valablement se fonder ni sur les dispositions de la responsabilité contractuelle, ni sur celles de la responsabilité délictuelle du Code Civil.

DÉBOUTER Monsieur [U] [X] de l'intégralité de ses demandes dirigées contre la Société INTOCAST AG.

En tout état de cause :

CONDAMNER Monsieur [U] [X] à payer à la société INTOCAST AG un montant de 20 000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER Monsieur [U] [X] à payer à la société INTOCAST Sàrl un montant de 20 000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER Monsieur [X] aux entiers dépens des deux instances.

et ce, en invoquant, notamment :

- le statut sans équivoque d'agent commercial indépendant de M. [X] depuis 1987, et le refus de ce dernier d'intégrer, en 2010, la nouvelle filiale française du groupe Intocast, c'est-à-dire de poursuivre les relations sous le statut de salarié, ayant conduit la société Intocast AG à notifier la rupture du contrat d'agent commercial, avant que M. [X] ne se réclame successivement des deux statuts lors de la procédure prud'homale, qui a consacré l'absence de lien de subordination, donc de contrat de travail, puis de la présente instance, au titre de laquelle la concluante entend dénoncer un acharnement procédurier et le caractère qualifié d'exorbitant des demandes adverses, dont elle critique l'absence de choix clair, selon elle, du fondement juridique, fondées indistinctement sur le statut d'agent commercial, la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle,

- la prescription de l'action de M. [X] sur l'ensemble de ces fondements, sans que l'intéressé ne puisse feindre d'en ignorer le point de départ du délai au motif d'une méconnaissance de son statut, la saisine de la juridiction prud'homale étant donc sans incidence sur le cours de ce délai, et ce alors qu'une demande en justice interrompt uniquement la prescription du droit qui en est l'objet, les deux procédures concernant un droit différent, ce qui exclut également l'existence d'un préjudice de retraite dans le cadre de la présente instance, de même qu'il lui était loisible de réclamer paiement des arriérés de commission de 2006 à 2010, dont il connaissait le mode de calcul, pendant l'exécution du contrat,

- subsidiairement, un défaut de légitimation passive de la société Intocast France, déjà opposé à M. [X] devant la juridiction prud'homale, l'intéressé ayant exercé son activité sur les territoires belges et luxembourgeois, et n'ayant eu aucune relation contractuelle avec la société française, qui n'avait été mise en cause artificiellement que dans le but de légitimer a posteriori la compétence de la juridiction prud'homale de Thionville, et à laquelle il n'avait d'ailleurs pas adressé son courrier du 1er avril 2010 répondant à la notification de rupture de la société Intocast AG,

- la déchéance de M. [X] de son droit à réparation, faute d'avoir fait valoir celui-ci dans le délai d'un an prévu par l'article L. 134-12 du code de commerce, la lettre précitée adressée à la seule société Intocast AG, ce qui vaudrait mise hors de cause de la société Intocast France, ne manifestant, en outre, aucune intention non équivoque de réclamer l'indemnité due au titre de la rupture du contrat d'agent commercial, car évoquant un contrat de travail, manifestant ainsi un choix éclairé de l'intéressé, assisté d'un conseil, la concluante dénonçant ce qu'elle qualifie d'artifices de la partie appelante, à savoir d'une part, l'invocation d'une lettre en réponse à un courrier de rupture de contrat d'agent commercial, seule la position de M. [X] sur l'existence d'un contrat de travail devant importer à ce titre, et d'autre part, l'existence d'une attitude fautive du mandant, dont la preuve ne serait pas rapportée, et qui n'est jamais évoquée dans le courrier,

- l'absence de responsabilité contractuelle ou délictuelle des concluantes, dont les conditions ne seraient pas réunies, le régime naturellement applicable à l'espèce étant celui de l'article L. 134-12 précité,

- à titre plus subsidiaire, la contestation des réclamations mises en compte, qualifiées d'exponentielles et fondées sur des régimes juridiques différents, et se fondant sur l'interprétation d'une décision du juge de la mise en état rejetant pourtant une demande d'expertise adverse faute de précision suffisante, et ce alors qu'en qualité d'agent commercial, M. [X] ne pourrait prétendre qu'à l'indemnité de cessation du mandat et à l'indemnité de préavis,

- à supposer qu'il faille néanmoins discuter des modalités de détermination et du quantum de sa demande d'indemnité de cessation de mandat, le caractère qualifié d'incompréhensible des explications adverses, fondées sur des reconstitutions de revenu sans élément probant, et inexploitable des pièces produites, la partie adverse se voyant, en outre, reprocher de cumuler des éléments de rémunération fixe, avec des éléments de commissionnement nullement étayés par des preuves, ou encore de mettre en compte une indemnité de cessation de mandat bien au-delà des montants reconnus par la jurisprudence, et également des demandes en termes de retraite qui seraient dépourvus de logique et étrangers à la qualification d'agent commercial, outre qu'il ne démontrerait aucun préjudice à ce titre, tandis que, s'agissant des arriérés de commissions, il serait également procédé à une reconstitution incompréhensible et non étayée.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 20 septembre 2023,

Vu les débats à l'audience du 25 septembre 2023,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur la prescription :

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Si, en l'espèce, M. [X] soutient qu'il n'aurait eu connaissance des faits lui permettant d'exercer son droit qu'à l'épuisement des voies de recours devant les juridictions sociales ayant décliné leur compétence à défaut de lien de subordination et partant, de contrat de travail, il convient cependant de relever que, dès la rupture du contrat, et quelle que soit sa propre perception de son statut, telle qu'elle a pu être exprimée dans son courrier du 1er avril 2010, l'appelant était à même de connaître la qualification donnée par la partie adverse, dans son courrier de rupture en date du 23 mars 2010, à la nature des liens contractuels les unissant, ce qui le mettait à même de solliciter une indemnisation à ce titre, différant dans son objet, comme l'ont justement relevé les premiers juges, de l'action tendant à solliciter une indemnisation au titre d'un contrat de travail.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. [X] irrecevable en ses demandes relatives aux conditions de la rupture du contrat d'agent commercial.

Par voie de conséquence, les demandes tirées d'un préjudice lié à l'absence de cotisations de retraite apparaissent également prescrites, dès lors que ces demandes ne sont pas fondées sur l'existence d'un statut de salarié, dont il a été rappelé qu'il a donné lieu à une procédure ayant un objet distinct, mais précisément sur la responsabilité des sociétés intimées en l'absence d'un tel statut dont elles lui auraient fait accroire l'existence et ce jusqu'au courrier de rupture faisant, lui, explicitement référence au statut d'agent commercial. Le jugement entrepris sera ainsi infirmé en ce qu'il a débouté M. [X] de ces chefs de demande, et l'appelant sera déclaré prescrit à ce titre.

De même, contrairement à ce que soutient M. [X], les demandes relatives aux commissions d'agent commercial sont soumises au délai de prescription quinquennale prévu par les articles 2224, précité, du code civil et L. 110-4 du code de commerce, à l'expiration duquel les arriérés de commissions sont éteints, faisant obstacle à leur paiement au profit de l'agent commercial, de sorte qu'en l'espèce, s'agissant de demandes d'arriérés de commission nécessairement antérieurs à la rupture du contrat liant les parties, en date du 23 avril 2010, les demandes de M. [X] à ce titre, au regard des assignations adressées aux parties défenderesses et désormais intimées, sont également couvertes par la prescription, et ce d'autant que comme l'ont justement rappelé les premiers juges, il ne démontre pas avoir formé une quelconque demande au titre d'un arriéré de commissions pendant l'exécution du contrat, peu important, au demeurant, qu'il n'ait pas été à même d'en effectuer un calcul précis, dès lors qu'il avait, à tout le moins, comme il reconnaît également dans ses écritures à hauteur de cour, connaissance des commandes correspondantes.

Partant, ces demandes seront également déclarées irrecevables, le jugement entrepris devant ainsi être infirmé en ce qu'il a débouté M. [X] desdites demandes.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. [X], succombant pour l'essentiel, sera tenu des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité commande en outre de mettre à la charge de l'appelant une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 500 euros au profit de chacune des intimées, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de ces dernières, et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 10 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Strasbourg à compétence commerciale, en ce qu'il a statué comme suit :

REJETTE la demande à titre de dommages et intérêts pour exception soulevée tardivement ;

REJETTE la demande au titre des arriérés de commissions ;

REJETTE la demande au titre du préjudice lié à l'absence de cotisations de retraite,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs de demande infirmés et y ajoutant,

Déclare M. [U] [X] irrecevable, pour prescription, en ses demandes à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et préjudice lié à l'absence de cotisations de retraite de base et complémentaires, ainsi qu'en sa demande au titre des arriérés de commissions,

Déclare, en conséquence, sans objet la demande avant dire-droit formée par M. [U] [X],

Condamne M. [U] [X] aux dépens de l'appel,

Condamne M. [U] [X] à payer à la société de droit allemand Intocast AG et la SARL Intocast France, chacune, la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [U] [X].