CA Rennes, 3e ch. com., 28 novembre 2023, n° 22/00247
RENNES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Okwind (SAS), Groupe Okwind (SAS)
Défendeur :
Agrilec (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Contamine
Conseillers :
Mme Clément, Mme Jeorger-Le Gac
Avocats :
Me Thomas-Belliard, Me Stephan, Me Renaudin
FAITS
La société GROUPE OKWIND (holding) et la société OKWIND sont spécialisées dans la conception, la fabrication, l'installation, la mise en service et la maintenance de systèmes de production et de gestion d'énergie renouvelable.
La société OKWIND a développé au bénéfice des agriculteurs, des industries, des collectivités et des particuliers un système de suiveur (tracker) photovoltaïque constitué de panneaux photovoltaïques de production d'énergie fixés sur un mât orienté automatiquement destiné à optimiser la production d'énergie.
La société AGRILEC est spécialisée dans la conception et l'installation d'automatismes pour l'élevage et l'industrie. Elle était dirigée par M. [H] [K] jusqu'en 2013.
Son fils [O] [K] dirige la société depuis.
En 2017 M. [H] [K] a acquis auprès de la société OKWIND un suiveur solaire (tracker) de 60 m2 à titre personnel. Il a été installé dans le courant de l'été 2018.
En 2019 la société OKWIND a constaté l'installation sur le site de la société AGRILEC d'un tracker photovoltaïque alors que dans le même temps la société AGRILEC publiait sur son site Facebook un message indiquant que son trackeur solaire était prêt.
La société OKWIND a considéré que l'achat réalisé par [H] [K] l'avait été au bénéfice de la société AGRILEC pour lui permettre de profiter de son avancée technologique.
Dénonçant un acte de concurrence déloyale et du parasitisme elle a déposé une requête aux fins d'ordonnance autorisant une mesure de constat.
Le président du tribunal de commerce de Saint- Malo a autorisé la mesure par ordonnance du 27 mai 2020.
Sur la base du procès-verbal de constat les sociétés OKWIND et GROUPE OKWIND ont saisi le tribunal de commerce de Saint- Malo et sollicité la condamnation de la société AGRILEC et de M. [O] [K] à réparer leur préjudice.
Par un jugement du 23 novembre 2021, le tribunal de commerce a :
- Constaté que la société AGRILEC a pillé le savoir-faire et la technologie développée par les sociétés OKWIND et GROUPE OKWIND en termes de recherche et développement entre les années 2015 et 2018 ;
En conséquence,
- Dit et jugé que la société AGRILEC a commis des actes de concurrence déloyale prenant la forme du parasitisme économique ;
- Condamné la société AGRILEC à verser à la société OKWIND la somme de 155.821 euros et à la société GROUPE OKWIND la somme de 85.759 euros correspondant à 25% des frais exposés en recherche et développement relativement au tracker solaire dont elle a capté de façon déloyale le savoir-faire et la technologie ;
- Dit n'y avoir lieu à la publication du présent jugement ;
- Débouté les parties de toutes leurs autres demandes ;
- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;
- Condamné la société AGRILEC à verser à la société OKWIND la somme de 10.000 euros et à la société GROUPE OKWIND la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société AGRILEC aux entiers dépens, dont frais de greffe.
Le 17 janvier 2022 les sociétés OKWIND et GROUPE OKWIND ont fait appel du jugement.
Le 28 janvier 2022 la société AGRILEC a également fait appel.
Les deux procédures ont été jointes.
L'ordonnance de clôture est en date du 7 septembre 2023.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans leurs écritures notifiées le 25 juillet 2022 les sociétés OKWIND et Groupe OKWIND demandent à la cour sur le fondement des articles 1240 du code civil et L.223-22 du code de commerce, de :
- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société AGRILEC comme ayant commis des actes de concurrence déloyale, et en l'occurrence parasitaires, et condamné cette dernière à indemniser le préjudice des sociétés OKWIND et GROUPE OKWIND, sauf à dire que la condamnation sera prononcée solidairement ou in solidum avec Monsieur [O] [K],
- Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de condamnation in solidum présentées contre Monsieur [O] [K],
- Infirmer le jugement en ce qu'il rejeté les demandes spécifiques de réparation présentées par les sociétés OKWIND et GROUPE OKWIND,
Jugeant à nouveau,
Avant dire droit,
- condamner la société AGRILEC à produire sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir, l'ensemble des factures par elle émise pour l'installation de tracker solaire au cours des exercices 2018 à 2022, l'astreinte étant provisoire pendant un délai de 3 mois passé lequel une astreinte définitive pourra être sollicitée,
- Condamner la société AGRILEC et Monsieur [O] [K] in solidum, à verser à la société OKWIND la somme de 250.000 euros à titre de provision à valoir sur le préjudice économique issu du détournement de clientèle lié au parasitisme,
- Sursoir à statuer sur le surplus du préjudice subi, dont le montant ne pourra être connu que par suite de la remise des factures requises,
En tout état de cause,
- Ordonner la publication dans deux journaux au choix des demanderesses, dans la limite de 5000 euros par insertion, ainsi que sur les sites http://www.agrilec.fr et https://fr-fr.facebook.com/sarlagrilec/, aux frais de la Société AGRILEC, en haut de la page d'accueil des deux sites, du jugement à intervenir par extraits au choix de la société OKWIND, de façon visible et en caractère de police, sans italique, de couleur noire et sur fond blanc, sans mention ajoutée dans un encadré suffisant, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant immédiatement être précédé du titre « COMMUNIQUE JUDICIAIRE » en lettre capitale, dans une taille supérieure au reste du texte, là encore sans italique de couleur noire sur fond blanc et ce pendant une durée de 2 mois à compter de la première mise en ligne, qui devra intervenir dans un délai maximal de 15 jours à compter de la signification du jugement et ce sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard pendant le délai de 3 mois, à titre d'astreinte provisoire, délai passé lequel une astreinte définitive pourra être sollicitée,
- Interdire à la société AGRILEC de faire usage du logiciel codéveloppé par la société OKWIND avec la société IMO et couvert par deux accords de confidentialité, ainsi que des éléments techniques relavant de la recherche et du développement opéré par les appelantes et notamment, les panneaux monofaces polycristallins 60 cellules, P-TYPE, la forme du profilé et la sélection des attaches, le choix et l'emplacement de l'anémomètre, le choix du vérin, les dimensions des trackers 75 et 117 m², sous astreinte de 100.000 euros par infraction constatée,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société AGRILEC à verser à la société OKWIND et la société GROUPE OKWIND une somme au titre des frais irrépétibles,
- Condamner in solidum la société AGRILEC et Monsieur [O] [K] à verser à la société OKWIND et la société Groupe OKWIND la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
- Condamner la société AGRILEC et Monsieur [O] [K] in solidum aux entiers dépens de l'appel,
- débouter la société AGRILEC et Monsieur [O] [K] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, au titre de leur appel incident.
Dans leurs écritures notifiées le 3 août 2023 la société AGRILEC et M. [K] demandent à la cour sur le fondement de l'article 1240 du code civil, et 223-22 du code de commerce, de :
- Dire et juger la société AGRILEC recevable en son appel,
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Saint-Malo en date du 23 novembre 2021 en ce qu'il a débouté la société OKWIND et la société Groupe OKWIND de toutes leurs demandes dirigées à l'encontre de Monsieur [O] [K],
- Réformer le jugement du tribunal de commerce de Saint-Malo en date du 23 novembre 2021 en ce qu'il a dit et jugé que la société AGRILEC avait commis des actes de concurrence déloyale et en ce qu'il l'a condamnée à indemniser le préjudice des sociétés OKWIND et Groupe OKWIND,
Statuant a nouveau :
A titre principal,
- Dire et juger, pour les causes sus-énoncées, que la société AGRILEC n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ;
- Dire et juger les sociétés OKWIND et Groupe OKWIND mal fondées en leurs appels et en leurs demandes ;
- Débouter les sociétés OKWIND et Groupe OKWIND de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- Condamner les sociétés OKWIND et Groupe OKWIND à verser à la société AGRILEC la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel.
A titre subsidiaire :
- Débouter les sociétés OKWIND et Groupe OKWIND de leur demande au titre du remboursement des frais de recherche et de développement ;
- Condamner les sociétés OKWIND et Groupe OKWIND à verser à la société AGRILEC la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières écritures.
DISCUSSION
Le parasitisme
L'extrait Kbis de la société AGRILEC signale qu'elle est spécialisée dans la maintenance de tous matériels d'équipement et installation du domaine électrique plomberie chauffage électroménager et qu'elle a été immatriculée le 1er septembre 1988.
Son siège social a été transféré le 27 avril 2016 du [Adresse 3] au [Adresse 1] à [Localité 5].
La société Agrilec précise que depuis sa création, elle s'est orientée dans l'automatisme de l'élevage et de l'industrie et intervient dans les travaux d'électricité, ventilation, chauffage, sécurité ou l'alimentation.
Depuis 2010, elle développe aussi son activité dans le domaine de l'énergie solaire photovoltaïque et procède au raccordement des panneaux solaires.
En complément depuis 2019 elle propose à ses clients éleveurs un tracker solaire.
Son expert-comptable atteste que du 1er mai 2019 au 30 avril 2020 elle a réalisé un CA hors taxe se rapportant à l'activité tracker représentant 7, 4 % du CA de son activité globale.
Ce domaine est donc complémentaire et accessoire à son activité principale.
Ses domaines d'intervention d'origine ne font pas obstacle à ce qu'elle élargisse ses compétences sur des marchés porteurs reposant sur l'utilisation de l'énergie solaire et la vente de trackers sans que cette orientation ne soit un signe d'une volonté de concurrencer les sociétés OKWIND et GROUPE OKWIND de manière déloyale.
Les sociétés OKWIND et GROUPE OKWIND expliquent que le tracker qu'elles proposent à la vente provient de recherches et d'analyses s'appuyant sur la méthode AMDEC (Analyse des Modes de Défaillance et de leurs Effets Criticités), démarche d'amélioration continue basée sur les retours d'expérience (Feedback) qui requière un travail méticuleux et long pour obtenir un produit robuste.
Elles remarquent que la société AGRILEC a fait l'économie de ce travail dans la durée en reprenant les composants de son tracker et qu'en commercialisant un tracker similaire à celui qu'elle a mis au point, la société AGRILEC s'est placée dans leur sillage grâce aux manœuvres de M. [H] [K].
Le parasitisme se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.
Pour être fautive la commercialisation des produits similaires à ceux distribués par un concurrent doit s'accompagner de procédés déloyaux établissant une captation parasitaire.
Les sociétés OKWIND ET GROUPE OKWIND rappelent que leurs recherches ont permis de mettre au point les principaux composants du tracker qu'elles commercialisent s'agissant du :
- choix des panneaux photovoltaïques pour sélectionner des panneaux LG biface NEON aux cellules de silicium monocrytallin et de technologie N-TYPE 72 cellules.
- la forme du profilé en aluminium en H dont le design (matière forme et fonctionnalité) est spécifique et n'est absolument pas commun et habituel au regard des différents moyens existants sur le marché et du système d'attache des panneaux de marque FISCHER.
- la fixation de la boussole avec utilisation du Solarcube relié à une boussole électronique et dont le montage était spécifié par la société IMO.
- le choix de l'anémomètre système de surveillance météo externe au tracker, de marque THIES SMALL WIND TRANSMITTER 4.3515.
- le choix du vérin,
- le logiciel permettant de faire fonctionner l'automate SolarCube (système permettant l'orientation des panneaux en direction du soleil grâce à une capteur d'orientation)
- le choix des dimensions spécifiques des trackers à savoir 75 m² et 117 m².
Les ressemblances entre les deux trackers ne suffisent pas à démontrer les procédés déloyaux employés par la société AGRILEC pour reproduire un produit avec ces mêmes composants techniques.
La société AGRILEC verse les photographies d'installations commercialisées dans le monde, qui visuellement sont semblables au tracker vendu par OKWIND s'agissant notamment de l'emplacement de la boussole électronique au bout d'un rail dépassant du centre de la structure en panneaux.
Le 2 novembre 2017 M. [H] [K] a accepté l'offre commerciale de la société OKWIND concernant l'installation d'un tracker de 60 m2 à son domicile [Adresse 2] à [Localité 5].
Les sociétés OKWIND ET GROUPE OKWIND considèrent que cette commande était sans rapport avec ses besoins domestiques ce qui jette le trouble sur ses véritables objectifs.
Il s'agit d'une affirmation non documentée.
En revanche la société AGRILEC verse des fiches d'évolution de la consommation électrique du domicile de M. [H] [K] qui montre une économie importante depuis 2108 :
- budget électricité du 1er février 2018 au 31 décembre 2018, 1932 euros TTC ;
- budget électricité du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019, 1461 euros TTC ;
- budget électricité du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020, 1066 euros.
Les sociétés OKWIND ET GROUPE OKWIND ne versent pas non plus d'élément de nature à établir que dans le cadre de son obligation de conseil, la société OKWIND aurait alerté M. [K] sur un achat ne correspondant pas à ses besoins de consommation quotidienne.
Un salarié de la société OKWIND signale que des composants du tracker ont été déposés le 17 mai 2018 au [Adresse 3] à [Localité 5] pour la réalisation des passages de câbles électriques et la pose des coffrets mais que le 29 juin 2018 au lendemain de l'ouverture du chantier, il a été constaté l'absence du coffret de pilotage.
Contrairement à ces affirmations ce matériel n'a pas été déposé au siège de la société AGRILEC, mais à son ancien siège.
Les sociétés OKWIND ET GROUPE OKWIND subodorent que M. [K] aurait pu détourner le coffret pour permettre à la société AGRILEC d'en récupérer les éléments pertinents pour la conception de son propre tracker.
Il s'agit là aussi d'une affirmation non étayée d'autant que les vols sur chantiers sont fréquents.
En outre le boîtier installé chez M. [K] ne présente pas le même aspect que celui qui est commercialisé par OKWIND.
Il diffère aussi des deux coffrets (identiques) identifiés par l'huissier de justice dans le cadre de ses opérations réalisées sur ordonnance sur requête le 16 juillet 2020, dans les locaux la société AGRILEC, lesquels s'apparentent au coffret commercialisé par OKWIND.
En tout état de cause ces similarités importent peu. Pour établir l'appropriation frauduleuse du savoir-faire des sociétés OKWIND et GROUPE OKWIND, encore faut il démontrer que la société AGRILEC a repris indûment des composants techniques, originaux, sélectionnés par les sociétés OKWIND et GROUPE OKWIND dans le cadre de leurs recherches.
Au moment de l'installation du tracker OKWIND, M. [H] [K] a sollicité des documents concernant :
- le paramètrage du solar log par son utilisateur ;
- le SolarCube (utilisateur) ;
- le compteur solar log Pro 380 ;
- l'interface solar cube ;
- les variateurs de fréquence ;
- la notice entretien motoréducteur tourelle (type de graisse délai etc...)
- les schémas pour les différents coffrets (contrôle Apave pour assurance, schéma unifilaire coffret de pilotage.
Un technico- commercial indique dans une attestation qu'il a signalé à sa hiérarchie qu'il fallait se méfier de M. [H] [K] ; qu'il était beaucoup trop curieux ; qu'il avait pris en photo des plaques signalétiques des moteurs, rechercher les fournisseurs, demander des documents.
Les demandes de M. [K] répondent aux besoins d'un utilisateur de matériel technique pointu qui possède suffisamment de connaissances dans le domaine électrique pour exploiter cette documentation à titre personnel mais trop peu pour faire fonctionner le tracker.
C'est bien ce que confirme ce technico- commercial qui indique aussi que M. [H] [K] a installé beaucoup de coffrets lui-même par ses connaissances en électroniques et qu'il l'a vu de nombreuses fois faire du SAV chez AGRILEC sur des cartes électroniques mais qu'il ne comprenait pas le pilotage du tracker.
En tout état de cause il n'est pas établi que la société OKWIND ait répondu à toutes ces demandes, ce qu'elle n'aurait pas fait si la transmission de ces documents lui paraissait inopportune voire confidentielle.
Les sociétés OKWIND et GROUPE OKWIND rappellent que le constat d'huissier du 16 juillet 2020 montre que M. [H] [K] s'est fortement impliqué avec les fournisseurs et partenaires de la société AGRILEC lors de la conception du tracker AGRILEC.
L'engagement de M. [H] [K] dans la fabrication du tracker ne s'explique que par ses compétences dans le domaine des équipements électriques, les relations qu'il a pu nouer avec des partenaires réguliers et sa proximité paternelle avec le dirigeant d'AGRILEC.
Les échanges constatés par l'huissier démontrent que la société AGRILEC ne s'est pas contenter contentée de copier des éléments techniques pour mettre au point soon tracker mais a procédé par adaptations, modifications, tentatives de réglages etc....
C'est bien ce que résument les sociétés OKWIND dans le tableau de synthèse de leurs écritures.
La société AGRILEC verse par ailleurs une attestation de la société ARMORIQUE ETUDES qui confirme qu'AGRILEC lui a commandé une étude pour la réalisation de structures métalliques et de fondations au titre desquelles plusieurs factures ont été émises pour les sommes de :
- 4 680 euros TTC facture du 28 février 2018 tracker solaire 54 modules 117 m2 ;
- 300 TTC le 30 avril 2019 tracker solaire 54 modules 117 m2 ;
- 7080 euros TTC le 30 avril 2019 tracker solaire 54 modules 117 m2 ;
- 8148 euros TTC le 20 juin 2019 tracker solaire 75 m2;
- 990 TTC le 31 décembre 2019 tracker solaire 117 m2 ;
- 1260 euros TTC le 30 septembre 2020 tracker solaire 75 m2.
Elle communique aussi une offre de la société SODALEC version du 17 décembre 2019 concernant le projet e-track-box (capteur panneaux solaires) au titre de laquelle une facture a été établie de 12 157, 80 euros TTC le 31 janvier 2020.
Ces documents illustrent les investissements réalisés par la société AGRILEC et sa volonté d'améliorer son système.
Les échanges entre M. [H] [K] et ces deux sociétés sont du reste fort nombreux en 2019 dans le cadre de la mise au point du tracker solaire AGRILEC.
Ils existent aussi avec d'autres sociétés partenaires et/ou fournisseurs : KDISOLAR, SODIMAC, SOLAR DISTRIBUTION à propos de devis, commandes de composants et d'études.
Les sociétés OKWIND et GROUPE OKWIND considèrent à ce sujet que les liens entre AGRILEC et la société IMO constituent une preuve supplémentaire du détournement de leur savoir technologique, et laissent entendre qu'IMO aurait pu divulguer à AGRILEC des informations strictement confidentielles concernant les méthodes de fabrication de leur tracker.
Le constat d'huissier du 16 juillet 2020 met en évidence des échanges réguliers en 2019 et 2020 entre les représentants et/ou techniciens d'AGRILEC et M. [V] de la société IMO propriétaire du SolarCube.
La société OKWIND a signé des accords de confidentialité avec la société IMO le 21 octobre 2015 et le 18 octobre 2017.
Ce second document prévoit notamment :
DEFINITIONS
Informations confidentielles désigne :
Toutes les informations, de quelque nature qu'elles soient (notamment d'ordre technique, commercial, financier, comptable, juridique et administratif), directement ou indirectement relatives ou faisant référence au Projet qui seraient communiquées par l'une des Parties à l'autre Partie ou ses représentants, y compris tout dossier de présentation, que ces informations aient été communiquées, par écrit, oralement ou par tout autre moyen et sur tout support physique ou numérique .
Toutes les analyses, compilations, études et autres documents relatifs au Projet et qui incorporeront, feront référence ou simplement résulteront des informations visées ci-avant.
L'existence même des réflexions en cours relatives au Projet et toute opération ou transaction qui pourrait être décidée.
Projet;
Désigne un projet qui vise la production et la gestion d'énergies renouvelables ainsi que la capacité de stockage desdites énergies produites à une échelle territoriale.
...
2 ENGAGEMENT DE CONFIDENTIALITE
2.1 Au vu de ce qui est exposé ci-dessus, les Parties s'engagent et se portent fort du respect de cet engagement par leurs Représentants, par la signature de la présente, sans condition, limitation ou restriction aucune, a :
- N'utiliser les informations confidentielles que pour leur propre compte et aux seules fins d'apprécier l'opportunité de développement du Projet et du partenariat envisagé ;
- Ne pas divulguer, en tout ou partie, de quelque manière que ce soit, à tous tiers ou personnes autres que celles visées au point suivant, les informations confidentielles en leur possession sauf accord écrit préalable de la Partie émettrice de l'information. Dans l'Hypothèse où l'une des Parties serait dans l'obligation de divulguer des informations confidentielles sur réquisition judiciaire, celle-ci le notifiera immédiatement a l'autre Partie afin que cette dernière puisse, le cas échéants, prendre toute mesure ou action de protection et, qu'en toutes circonstances, soit possible une consultation préalable entre les Parties sur l'étendue et le calendrier de la divulgation envisagée ;
- Limiter, par tous moyens appropriés, la diffusion totale ou partielle ou l'utilisation des informations confidentielles à ceux de leurs représentants dont l'intervention s'avérerait nécessaire, étant précisé que ii) la Partie qui diffuserait l'information s'engage à recueillir un accord préalable de l'autre Partie avant de contacter un intervenant qui ne serait pas un représentant de la Partie et (ii) la partie qui diffuserait l'information s'engage à informer préalablement ces personnes de la nature confidentielle des informations confidentielles, à leur imposer les mêmes obligations de confidentialités que celles souscrites par les présentes, et à prendre toute disposition nécessaire pour leur faire respecter le présent Accord de Confidentialité
- Informer l'autre Partie de toute violation ou non-respect des obligations imposées par le présent Accord de Confidentialité dont elle aurait connaissance et fournir toute l'assistance possible pour minimiser les effets d'une telle violation ou d'un tel non-respect ;
-A ne pas copier et interdire toute copie ou reproduction des informations confidentielles, sauf accord préalable et écrit de l'autre Partie ;
- A ne pas déposer ou tenter de déposer, en son nom ou faire déposer au nom de tiers, de demande de titre de propriété intellectuelle sur les informations confidentielles.
...
DUREE
Le présent Accord de confidentialité prendra effet à compter de la date de signature des présentes par les Parties et couvre les informations confidentielles échangées pendant une durée de 3 ans à partir de la signature des présentes.
Les obligations nées de l'Accord de confidentialité resteront en vigueur aussi longtemps que les informations confidentielles ne seront pas tombées clans le domaine public, et ce sans violation de l'une quelconque desdites obligations.
En tout état de cause, la durée maximale de maintien des obligations de l'Accord de confidentialité est fixée à l'expiration d'un délai de cinq (5) ans compter de la date de signature des présentes.
La société IMO précise que depuis le 18 décembre 2018 la société OKWIND n'a pas fait de commande. Les deux sociétés ne sont donc plus en relations commerciales au moment où M. [V] communique avec AGRILEC.
L'accord de confidentialité du 18 octobre 2017 n'interdit pas à IMO d'échanger des informations avec un tiers sur le SolarCube qu'elle signale avoir développé.
Le responsable qualité de la société IMO signale en effet dans une attestation du 31 juillet 2020
Nous écrivons pour confirmer que le produit IMO désigné par SOLARCUBE a été spécifiquement développé en tant que solution système prête à l'emploi pour l'intégration par les fabricants d'équipements de suivi solaire (Traqueur Solaire) dans leurs équipements.
Le SOLARCUBE et ses accessoires sont présentés sur notre site Web et toutes les données, manuels techniques et logiciels sont accessibles pour téléchargement à tout client ou client potentiel dans le monde entier.
IMO n'a conclu aucun accord avec quelque client que ce soit concernant l'utilisation exclusive du SOLARCUBE ou de ses logiciels dans leur équipement.
Cette attestation contredit totalement la thèse des sociétés OKWIND ET GROUPE OKWIND
Les sociétés OKWIND et GROUPE OKWIND signalent un échange du 16 mars 2020 entre M. [V] et M. [K] récupéré par l'huissier de justice :
[H] peux-tu mettre le réglage comme ci-dessous identique à OKWIND pour voir l'effet.
Ce mail ne permet pas de conclure à la transmission par IMO à AGRILEC d'informations confidentielles relatives aux travaux d'OKWIND. Il confirme seulement qu'IMO tente d'adapter son SolarCube au tracker d'AGRILEC à partir de l'expérience tirée du fonctionnement d'un SolarCube installé chez un concurrent. Cette pratique est récurrente lorsqu'il s'agit de permettre le fonctionnement d'un matériel électronique intégré à un ensemble complexe, répondant au moindre défaut de réglage.
En tout état de cause AGRILEC dont la complicité n'est pas établie ne pourrait pas répondre d'un manquement d'IMO dans ses accords avec OKWIND.
La présence dans les locaux d'AGRILEC d'un fascicule comportant des mentions OKWIND n'est pas non plus suffisante pour établir l'appropriation du savoir-faire de cette dernière.
La couverture de ce fascicule n'est pas photographiée ni son titre précisé par l'huissier. Il est donc impossible de caractériser un document confidentiel. La cour ignore aussi si le document en question n'a pas été transmis directement à M. [H] au moment de l'installation du tracker à son domicile.
L'huissier précise aussi que dans l'atelier il observe un classeur avec des photographies du SolarCube de marque IMO avec des mesures et des mentions OKWIND manuscrites présent à côté du banc d'essai.
La photographie associée, montre un fascicule ouvert. Elle est trop peu précise pour caractériser une duplication de procédés et/ou de composants utilisés par OKWIND.
Le rapport d'activité en entreprise du 18 août 2020 rédigé par M. [B] indique que :
Depuis le début de l'année 2019 AGRILEC a élargi son domaine de compétence en proposant à ses clients l'étude le dimensionnement, l'implantation et l'installation de trackers solaires proposant des surfaces de 60 m2, 75 m2 et 118 m2 de panneaux solaires photovoltaïques
Pour parvenir à fabriquer son tracker la société AGRILEC a donc pu compter sur le soutien de collaborateurs suffisamment compétents.
M. [I] [S] est titulaire depuis 2012 d'une licence professionnelle en énergie et génie climatique, spécialité sciences et technologie des énergies renouvelables, systèmes électriques dans le domaine sciences technologies santé.
[E] [L] est titulaire d'un BTS. Il est technicien en matière d'automatismes dans les élevages. Au sein de la société AGRILEC il est chargé des études de faisabilité pour les trackers solaires.
[T] [B] est titulaire depuis 2020 d'une licence Pro maîtrise de l'énergie électricité et développement durable.
Les sociétés OKWIND ET GROUPE OKWIND ne démontrent pas que cette équipe qui s'appuie sur une société compétente depuis plusieurs décennies dans les domaines de l'électricité et de l'énergie solaire, n'était pas en capacité de réaliser un tracker solaire fiable avec moins de moyens financiers et humains que ceux qu’elles ont déployés depuis 2015.
Si dans les années 2015 les systèmes permettant de réaliser des économies d'énergie intégrant des sondes, étaient encore à leurs prémisses et nécessitaient que des équipes d'ingénieurs confirmés travaillent à l'élaboration de panneaux solaires orientables, au moment de la conception par AGRILEC les méthodes ont été mises à l'épreuve permettant ainsi à des techniciens moins qualifiés de travailler sur de tels ouvrages.
La faculté pour la société AGRILEC d'élaborer et commercialiser une installation performante dans un temps plus court tient aux acquis et progrès techniques dans le domaine du développement durable qui ont permis aux fabricants de composants et systèmes d'offrir des procédés de plus en plus efficaces.
Au moment où elle démarre la fabrication de son tracker, il ne s'agit plus d'une technique innovante mais d'installations largement distribuées et fabriquées par de nombreuses entreprises qui ont éprouvé la technologie et les composants nécessaires. Les offres et les fabricants se sont multipliés ces dernières années, et les installations de trackeur se sont banalisées.
En tout état de cause les sociétés OKWIND et GROUPE OKWIND ne démontrent pas avoir déposé un brevet concernant la fabrication de leur tracker ni même une marque, un dessin ou modèle, procédures destinées à protéger une création originale.
La société AGRILEC a pu avoir eu recours aux mêmes fournisseurs et marques de composants que ceux qui travaillent avec la société OKWIND.
La notice technique AE-TRACK (Manuel utilisateur du tracker solaire AGRITEC) évoque ainsi la collaboration de : FISHER, LG, THIES et IMO auxquels a fait appel les sociétés OKWIND et GROUPE OKWIND dans le cadre de leurs recherches.
La notice technique AE-TRACK mentionne aussi la participation de :
- SMA Solar Technology AG ;
- SODIMAC ;
- SERVOMEC Spa ;
- TBG Group technology ;
- SOLARE Datensysteme
- BKW Energie SA ;
-ALIPLAST;
- ARMORIQUE ETUDES.
Ces partenaires ne sont pas cités par les sociétés OKWIND ET GROUPE OKWIND.
Les relations d'AGRILEC avec les fournisseurs communs aux sociétés OKWIND ET GROUPE OKWIND ne constituent pas un procédé déloyal dès lors que ces dernières ne versent aucun accord d'exclusivité avec ces mêmes fournisseurs et/ou partenaires.
En revanche la documentation technique AGRILEC reprend la présentation et les termes utilisés par la société OKWIND (cf pièces 29 à 31 des sociétés OKWIND).
La société AGRILEC ne peut se contenter d'affirmer que son document ne fait que reprendre les préconisations des fournisseurs nécessaires au montage de l'installation.
Ce document requiert en effet des efforts considérables d'élaboration. Il s'adresse aux installateurs et clients qui ne sont pas nécessairement des spécialistes. La notice doit donc être précise mais d'abord compréhensible pour éviter toute erreur.
En reprenant ce fascicule la société AGRILEC s'épargne du temps humain de travail d'élaboration, ce qui lui permet d'avancer la mise en vente de son tracker.
Cette situation caractérise un acte de parasitisme qui justifie l'allocation de la somme de 15 000 euros à la société OKWIND.
Les sociétés OKWIND et GROUPE OKWIND ne démontrent pas que M. [H] [K] aurait participé à rédaction de la notice.
Il convient de condamner la société AGRILEC à régler la somme de 15 000 euros à la société OKWIND.
En effet il n'est pas justifié que le GROUPE OKWIND, holding ait participé au financement de la brochure objet du parasitisme ni qu'elle ait subi un préjudice autre que celui subi par la filiale.
Il convient donc de rejeter la demande de condamnation au profit de la société GROUPE OKWIND.
Le démarchage
Les sociétés OKWIND et Groupe OKWIND ne démontrent pas que la société AGRILEC aurait démarché L'EARL de Kerly au mépris de l'étude qu'elle avait réalisée.
M. [Z] son gérant ne le précise pas. Au contraire dans une attestation il fustige les prises de photographies de son tracker par OKWIND à son insu.
En conséquence il convient de débouter les sociétés OKWIND et GROUPE OKWIND de toutes leurs demandes à défaut de rapporter la preuve d'un détournement de clientèle y compris en raison de la faute de M. [O] [K] laquelle n'est pas établie dans ces conditions.
Le jugement est infirmé.
Les demandes annexes.
Il n'est pas inéquitable de rejeter les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés OKWIND et GROUPE OKWIND sont condamnées in solidum aux dépens de d'appel.
13
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement.
Statuant à nouveau,
- Condamne la société AGRILEC à régler la somme de 15 000 euros à la société OKWIND ;
- Rejette le surplus des demandes des parties.
- Condamne in solidum les sociétés OKWIND et GROUPE OKWIND aux dépens d'appel.