CA Caen, 1re ch. civ., 28 novembre 2023, n° 20/01218
CAEN
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Morice Constructeur (SAS)
Défendeur :
Sofim (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guiguesson
Conseillers :
Mme Velmans, Mme Delaubier
Avocats :
Me Boileau, Me Mercier, Me Salmon
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société Sofim a pour activité la commercialisation de véhicules utilitaires spéciaux originaux de 25m3, 30m3 ou Maxicube présentant la particularité d'être utilisables par tout conducteur titulaire du permis B.
La société Morice Constructeur est une entreprise familiale spécialisée dans la fabrication de châssis surbaissés, de suspensions pneumatiques et de véhicule de transport dédiés aux personnes à mobilité réduite.
Le cycle de fabrication des véhicules par la société Sofim comporte trois étapes :
* fourniture ou achat du châssis traction,
* modification du châssis réalisée exclusivement par la société Morice,
* montage d'une carrosserie spécifique par une autre société sous-traitante, la société Lebrun.
Les deux sociétés en cause sont entrées en discussions en vue de la cession par la société Sofim au profit de la société Morice de sa branche d'activité de fabrication et de commercialisation de véhicules spéciaux.
La société Sofim a fait assigner la société Morice Constructeur devant le tribunal de grande instance de Coutances aux fins de dire parfaite la vente à la société Morice de sa branche d'activité de négoce de véhicules spéciaux et la condamner à lui payer la somme de 400 000 euros correspondant au titre de cette branche d'activité.
Par acte du 22 octobre 2013, la société Morice a fait assigner devant le même tribunal Me [S] de la Scp Jouanno-Houdan & Associés en leur qualité de rédacteur du projet d'acte de cession litigieux aux fins principalement de les voir condamner, dans l'hypothèse où la cession de la branche d'activité concernée serait constatée et qu'elle serait condamnée à en régler le prix, à lui verser la somme de 400 000 euros correspondant au prix de cession à verser à la société Sofim.
Par jugement du 20 février 2014, le tribunal de commerce de Rennes a, parallèlement ayant été saisi aux mêmes fins par la société Sofim, constaté la connexité existante entre les deux procédures et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de Coutances.
Par jugement du 7 décembre 2017 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal de grande instance de Coutances a :
- déclaré parfaite la cession de la branche d'activité de négoce de véhicules carrossés et de carrosseries attachés aux seuls véhicules utilitaires de 25m3 et 30m3 ;
- dit que le présent jugement vaudra acte de vente à la date à laquelle il sera définitif ;
- condamné la société Morice Constructeur au paiement de la somme de 400 000 euros correspondant au prix de vente sur lequel l'accord des parties est intervenu, cette somme étant assortie des intérêts de droit à compter de la délivrance de l'assignation, soit à compter du 8 août 2013 ;
- désigné en qualité de séquestre du prix de cession de la société Sofim, soit Me Salmon, avocat au barreau de Caen, à charge pour lui en cette qualité de déposer et de conserver les fonds correspondants en compte Carpa séquestre, sous sa responsabilité pendant un délai de 5 mois, le temps de l'accomplissement de l'ensemble des formalités et de recevoir les oppositions d'éventuels créanciers de la société Sofim, qui disposent d'un délai de 10 jours après publication au Bodacc pour s'opposer à la vente ;
- enjoint à la société Morice Constructeur d'accomplir l'ensemble des formalités légales relatives à la cession du fonds de commerce (enregistrement à l'administration fiscale et paiement des droits afférents, publication dans un journal d'annonces légales et au Bodacc, immatriculation au Cfe et au Rcs ... etc), et ce dans un délai maximum de 180 jours, à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, et ce sous astreinte provisoire d'un montant de 500 euros par jour de retard ;
- débouté la société Morice Constructeur de sa demande en annulation de la cession de fonds de commerce au titre d'une omission des mentions obligatoires prévues à l'article L141-1 du code de commerce ;
- débouté la société Morice Constructeur de sa demande en condamnation de la société Sofim à lui payer une somme de 50 000 euros pour préjudices causés ;
- condamné la société Morice Constructeur à verser à la société Sofim une somme de 50 000 euros en indemnisation de son préjudice résultant d'une part du retard dans l'exécution de la cession réalisée et d'autre part de son préjudice d'exploitation et du manque à gagner qui en a résulté ;
- débouté la société Morice Constructeur de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de Me [S] et de la Scp Jouanno-Houdan ;
- débouté la société Morice Constructeur de l'ensemble de ses demandes contraires aux présentes ;
- débouté la société Sofim de sa demande en versement d'une provision, de celle visant à ce qu'il soit donné injonction à la société Morice Constructeur d'avoir à communiquer la pièce comptable justificative du nombre de véhicules et du chiffre d'affaires réalisé de carrosserie 'grand volume' et de sa demande de sursis à statuer sur le préjudice subi pour fait de concurrence déloyale dirigée à l'encontre de la société Morice Constructeur ;
- débouté la société Sofim de sa demande de condamnation de la société Morice Constructeur à cesser tout acte de commercialisation et de production de ce nouveau véhicule sous astreinte ;
- condamné la société Morice Constructeur à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
* une somme de 2 500 euros à la société Sofim,
* une somme unique de 2 500 euros à Me [S] et à la Scp Jouanno-Houdan ;
- débouté la société Morice Constructeur de l'ensemble de ses demandes formées à ce même titre ;
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;
- condamné la société Morice Constructeur aux entiers dépens de la présente instance, avec droit de recouvrement directe au profit des avocats de la cause.
Par déclaration du 27 décembre 2017, la société Morice Constructeur a formé appel de ce jugement.
Parallèlement, la société Morice Constructeur a saisi M. le premier président de la cour d'appel de Caen aux fins de l'arrêt de l'exécution provisoire. Par ordonnance du 6 février 2018, la société Morice Constructeur a été déboutée de sa demande.
Par ordonnance du 21 novembre 2018, le magistrat chargé de la mise en état de la première chambre civile de la cour d'appel de Caen a procédé à la radiation du rôle de l'affaire enregistrée sous le numéro RG N° 17/03934.
Par ordonnance du 16 février 2021, le premier président a considéré que la péremption n'était pas acquise.
Par ordonnance du 29 décembre 2021, le conseiller chargé de la mise en état a décidé qu'il n'y avait pas lieu à péremption de l'instance et que la cause ayant donné lieu à la radiation prononcée le 21 novembre 2018 avait disparu, de sorte que la réinscription de l'affaire au rôle de la première chambre de la cour était recevable.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 4 juillet 2023, la société Morice Constructeur demande à la cour de :
- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Coutances en date du 7 décembre 2017 en ce qu'il a :
* déclaré parfaite la cession de la branche d'activité de négoce de véhicules carrossés et de carrosseries attachées aux seuls véhicules utilitaires 25 m3 et 30 m3 ;
* dit que le présent jugement vaudra acte de vente à la date à laquelle il sera définitif ;
* l'a condamnée au paiement de la somme de 400 000 euros correspondant au prix de vente sur lequel l'accord des parties est intervenu, cette somme étant assortie des intérêts de droit à compter de la délivrance de l'assignation, soit à compter du 8 aout 2013 ;
* désigné en qualité de séquestre du prix de cession, le conseil de la société Sofim, soit Me Salmon, avocat au Barreau de Caen, à charge pour lui en cette qualité de déposer et de conserver les fonds correspondants en compte Carpa séquestre, sous sa responsabilité pendant un délai de 5 mois, le temps de l'accomplissement de l'ensemble des formalités et de recevoir les oppositions d'éventuels créanciers de la société Sofim, qui disposent d'un délai de 10 jours après publication au Bodacc pour s'opposer à la vente ;
* lui a enjoint d'accomplir l'ensemble des formalités légales relatives à la cession du fonds de commerce (enregistrement à l'administration fiscale et paiement des droits afférents, publication dans un journal d'annonces légales et au Bodacc, immatriculation au Cfe et au registre du commerce et des sociétés'etc), et ce dans un délai maximum de 180 jours, à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, et ce sous astreinte provisoire d'un montant de 500 euros par jour de retard ;
* l'a déboutée de sa demande en annulation de la cession de fonds de commerce au titre d'une omission des mentions obligatoires prévues à l'article L. 141-1 du code de commerce ;
* l'a déboutée de sa demande en condamnation de la société Sofim à lui payer une somme de 50 000 euros pour préjudices causés ;
* l'a condamnée à verser à la société Sofim une somme de 50 000 euros en indemnisation de son préjudice résultant d'une part du retard dans l'exécution de la cession réalisée et d'autre part de son préjudice d'exploitation et du manque à gagner qui en a résulté ;
* l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes contraires au jugement attaqué ;
* l'a condamnée à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
o une somme de 2 500 euros à la société Sofim,
o une somme unique de 2 500 euros à Me [S] et à la Scp Jouanno-Houdan;
* l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;
et statuant à nouveau,
à titre principal,
- constater l'absence d'accord des parties sur la chose et le prix du fonds de commerce ;
- rejeter toutes les demandes fins et conclusions de la société Sofim ;
à titre subsidiaire,
- constater l'omission des mentions obligatoires prévues par l'article L. 141-1 du code de commerce, et notamment le défaut de mentions relatives au chiffre d'affaires et aux résultats d'exploitation de la branche d'activité concernée ;
- constater son erreur quant à la réalité de la clientèle de la branche d'activité dont la cession était envisagée ;
- dire que cette omission ne lui a pas permis d'être informée sur la chose vendue et notamment sur les résultats de la société Sofim ;
- dire que la société Sofim a volontairement dissimulé les éléments comptables demandés et plus généralement ses difficultés économiques et la baisse de son chiffre d'affaires pour 2012 ;
- prononcer l'annulation de la cession de fonds de commerce qui serait intervenue ;
en outre et en tout état de cause,
- dire et juger que les demandes de la société Sofim sont irrecevables car contraires à la réglementation de la cession de fonds de commerce énoncées aux articles L. 141-1 et suivants du code de commerce ;
- condamner la société Sofim à lui verser la somme de 70 000 euros au titre des préjudices causés ;
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Sofim;
- condamner la société Sofim à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Sofim à payer l'intégralité des dépens, tant de première instance que d'appel conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 17 janvier 2022, la société Sofim demande à la cour de :
à titre principal,
- confirmer le jugement entrepris;
à titre subisidiaire,
et dans l'hypothèse où le jugement ne serait pas confirmé,
- constater les actes de concurrence déloyale de la société Morice Constructeur ;
- la condamner dès à présent au paiement d'une provision de 100 000 euros ;
- surseoir à statuer dans l'attente qu'il soit justifié du nombre de véhicules 'grand volume' vendus, et du chiffre d'affaires réalisé afin de déterminer le préjudice subi par elle ;
- dire que la société Morice Constucteur devra justifier du nombre de véhicules 'grand volume' vendus, et du chiffre d'affaires réalisé du 1er janvier 2015 à ce jour;
- condamner la société Morice Constructeur à cesser dès la signification de la décision à intervenir, tout acte de commercialisation et de production de ce nouveau véhicule sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
en toute hypothèse,
- condamner la société Morice Constructeur au paiement d'une somme de 15 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Morice Constructeur aux entiers dépens, dont distraction de ceux de première instance au profit de la Selarl Salmon & Associés.
L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 5 juillet 2023.
Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
- Sur le caractère de parfait de la vente :
La société Morice soutient qu'en l'espèce, il n'y a pas eu d'accord des parties sur la chose et sur le prix, car l'offre de contracter de l'acquéreur doit être précise et ferme et l'acceptation du vendeur doit être pure et simple, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ;
Que de plus, en matière de cession de bail commercial certaines mentions sont obligatoires, et que selon les termes de l'article L. 141-1 du code de commerce, la rédaction par un professionnel d’un compromis de cession doit intervenir ;
Qu'en l'espèce, aucun acte de cession ou même aucun avant contrat, compromis de cession, n'a été régularisé et qu'il n'y a jamais eu entre les parties d'échange de consentement sur la chose et sur le prix ;
Que cette absence d'accord sur la vente est caractérisée par le mail du 15 mars 2013, qu'il n'y a eu aucune offre ferme puisqu'il restait à préciser le contenu du fonds cédé, que l'accord intervenu l'a été sur l'exigence de la rédaction d'un compromis pour préciser le contenu du fonds cédé ;
Que deux conditions préalables avaient été posées, soit la rédaction d'un compromis et l'obtention d'un financement quand l'objet de la vente n'était pas défini ;
Que la proposition de la société Morice a correspondu à une simple proposition de négociation soumise à la régularisation d'un compromis, à la définition du fonds à vendre et des éléments accessoires à la vente et à l'obtention d'un concours bancaire, sachant de plus qu'il n'y a pas eu d'acceptation pure et simple de la société Sofim ;
La société Sofim répond que selon les mails échangés, elle établit que la cession envisagée l'a été avec les éléments utiles, comptables et financiers pour déterminer une valeur de cession, que les échanges dont il est justifié, confirment qu'il a été répondu à toutes les demandes d'investigation de la société Morice qui avait une connaissance parfaite du marché, du volume des affaires, de la situation comptable et financière de l'activité ;
Que par le mail du 15 mars 2013, il est avéré que la société Morice disposait de l'ensemble des éléments qu'elle avait pu solliciter et obtenir au cours des négociations réalisées, que le prix de la cession avait été âprement négocié et qu'il ne restait plus qu'à mettre en forme la cession dont s'agit ;
Qu'elle rapporte la preuve qu'il y a bien eu un accord sur la chose et sur le prix et que l'accord dont s'agit était ferme et définitif, avec une régularisation souhaitée sous un mois ;
Sur ce il est constant que la situation entre les deux parties à l'instance doit être envisagée selon les dispositions des articles 1582 et 1583 du code civil ;
Il résulte de ces dispositions légales que le préalable à la formation d'un contrat de vente est la rencontre des volontés des parties sur les conditions essentielles, soit l'objet et le prix, qu'il doit y avoir de plus la manifestation de la volonté des parties de s'engager, car à défaut les parties sont seulement en pourparlers ;
Cette situation exige au préalable une offre du vendeur qui s'exprime en une proposition suffisamment ferme et précise qui donne ainsi lieu à une acceptation, étant indiqué que l'offre doit contenir les éléments essentiels du contrat de vente envisagé ;
Il est ainsi nécessaire que les deux éléments du consentement se rencontrent et correspondent exactement sans condition ni réserve ;
Ces éléments rappelés, il doit être constaté que la cession dont il est fait état, portait sur une branche d'activité de la société Sofim relative à la distribution de véhicules utilitaires légers de type Maxi Cube 30M3 et 25M3, cette branche d'activité étant sous-traitée à la société Morice, préalablement et cela depuis des années, qui réalisait les véhicules Sofim 25M3 et les Sofim 30M3, selon les plans et instructions communiqués par la société Sofim ;
Ainsi comme les 1ers juges l'ont rappelé, les deux sociétés à la procédure entretenaient des relations commerciales, qui les ont conduites pour faire face à la concurrence à la recherche de nouveaux schémas de co-distribution, pour lesquels il fut évoqué entre les parties la solution d'un contrat de fourniture exclusive comme en atteste le projet de convention établi au 22 novembre 2011, ce qui n'a pas abouti ;
Ce projet ayant échoué, les parties se sont orientées vers l'hypothèse d'une cession par la société Sofim de sa branche d'activité dédiée à celle de négoce de véhicules spéciaux carrossés et de carosserie, le tout attaché aux seuls véhicules utilitaires de 25M3 et de 30M3 et cela à compter du mois de septembre 2012 ;
Cependant à ce stade, la cour doit constater qu'il n'y a eu strictement de la part de la société Sofim, aucune offre en bonne et due forme dûment formalisée exposant les éléments essentiels de la vente et un prix réclamé ;
Il doit être relevé que dans le cadre des discussions néanmoins engagées, la société Morice a effectué une demande de renseignements auprés de la Sofim le 19 septembre 2012, à laquelle il a été répondu le 23 octobre 2012, par le comptable de la société Sofim qui fera état notamment des éléments suivants :
- « les chiffres demandés par la société Morice concernant l'activité carrosserie de la société sont en votre possession compte tenu que vous êtes notre seul prestataire, car toutes nos ventes passent par vous et notre marge moyenne est de 5600€ ht brute par véhicule », et que le stock était nul ;
Il était précisé dans ce mail, que la solution souhaitée était celle de la vente de la branche d'activité « carrosserie » et qu'il serait préférable que la société Morice fasse une proposition, au motif :
- qu'elle connaissait parfaitement la société Sofim, son fonctionnement et son dirigeant,
- qu'il était également souhaité une évaluation tenant compte du travail continu d'une vingtaine d'années entre les parties et que le tout devait s'articuler sur une clause de non-concurrence autour de la négociation avec une intervention d'accompagnement pour la passation relationnelle qui « pourra être organisée sur les bases que nous définirons ensemble » ;
La société Sofim dans ce courriel mentionnait également qu'il conviendrait de prendre en compte le fait qu'elle avait dû abandonner le développement de nouveaux produits et perdre une part de chiffre d'affaires en raison de l'exclusivité qui la liait avec la société Morice ;
Il est manifeste que ces éléments devant constituer une offre ne mentionnait aucun prix, pas plus que les documents essentiels financiers et comptables indispensables à une cession ;
Par la suite, plusieurs réunions devaient avoir lieu entre les deux sociétés notamment les 6 décembre 2012 et 7 mars 2013 ;
Le 6 décembre 2012, un compte-rendu de réunion était dressé qui débutait par le constat d'une baisse de l'activité concernée, dans lequel il était noté que monsieur [T](Sofim) s'orientait vers l'idée de céder son activité car :
- il pense qu'on est dans une impasse quant à la commercialisation du produit ;
Il était fait état dans ce document de 2 solutions, ce qui permet à la cour, de constater que le choix et la décision d'une cession n'étaient toujours pas pris, ces solutions étant :
- cession, déterminer un montant et 2ème solution : contrat avec conditions de commissions 5600€ pour chaque dossier avec ou sans caisse ;
Le 30 janvier 2013, monsieur [B] pour la société Morice dans un courrier adressé à Sofim, précisait ce que suit :
- Si il y avait transfert à Morice Constructeur, cela impose une relance immédiate du concept tant auprès de vos clients loueurs qu'auprès des déménageurs, transporteurs du réseau automobile comme Renault et une action conjointe ;
Il y était fait une proposition financière de 100 000€ sur l'acte de cession du concept MaxiCube et d'un règlement fin 2013, par globalisation des commissions de 1500€, acquises sur chaque unité vendue en indemnité complémentaire et cette proposition était écartée par la société Sofim au motif :
- de la méthode de calcul du montant de la cession et de l'après-transaction pour laquelle aucune condition n'était évoquée ;
Puis le 15 mars 2013, la société Morice adressait à la société Sofim le mail suivant :
- Pour faire suite à nos diverses rencontres et échanges notamment celui du 15 mars courant, je vous confirme notre intention d'acquisition du Fond Sofim Carrosserie comprenant la distribution des véhicules utilitaires légers de type Maxicub 30M3 et 25M3... pour la somme proposée de 400 000€. Il nous reste à mettre au point un contrat de cession-acquisition entre nous par l'intermédiaire de nos conseils respectifs notamment sur la contenance du fond dans un souci de se doter des meilleurs critères de distribution du produit conçu et distribué par vous jusqu'alors : Fichiers clients base de travail prospect accompagnement de Anita Site web marques déposées ;
Il y était fait également état d'un rapprochement avec la banque pour élaborer un plan de financement et de l'attente du projet de contrat de cession ;
Le 18 mars 2013, la société Sofim répondait ce que suit :
- Nous avons bien reçu votre mail de proposition à 400 000€......................Nous allons travailler sur le projet de contrat de cession et vous tiendrons au courant de l'évolution de ce dernier ;
A l'aune de ces deux courriers électroniques la cour à la différence des 1ers juges, estime qu'il ne peut pas être affirmé et retenu qu'il y a eu à ce stade un accord des parties sur la chose et sur le prix et cela pour les motifs suivants :
- la société Sofim à aucun moment, n'a effectué en 1er lieu et préalablement une offre précise et ferme distinguant le prix qu'elle réclamait et la composition de ce qui était cédé ;
- dans son mail du 18 mars 2013, cette société prend acte d'une proposition et non pas d'un engagement de la société Morice, étant noté qu'une proposition n'est pas une acceptation et reste soumise à un refus ou à un rejet, et étant noté de plus que cette proposition ne pouvait pas être l'acceptation d'une offre du vendeur qui n'a jamais été émise ;
- de plus il est manifeste qu'en réalité la proposition faite demeurait soumise à la réserve du contenu du contrat de cession qui restait en projet, la société Sofim dans son mail se limitant à dire qu'elle avait bien reçu la proposition faite sans écrire qu'elle l'acceptait ;
- sachant que la société Sofim avait manifesté des conditions précédemment sur l'après-transaction qu'il convenait encore de négocier et de déterminer pour parvenir à un accord véritable, particulièrement sur la clause de non-concurrence, ce qui n'a absolument pas été évoqué dans les mails dont s'agit ;
- ce qui constituait cependant un élément essentiel de la transaction pour l'équilibre économique dans la relation des parties, qui n'avait fait l'objet d'aucun accord spécifique des parties au 15 et 18 mars, quand il s'agissait d'un aspect essentiel du contrat, comme clairement aménagé dans l'exemplaire de contrat de cession versé aux débats ;
- ainsi il ne peut pas être fait état au 18 mars 2013 d'une acceptation validant définitivement la proposition faite qui restait sous la condition du contrat de cession à définir qui n'était qu'en projet ;
- De la même manière, il ne peut pas être retenu de la part de la société Morice au 15 mars 2013, une proposition valant engagement car celle-ci s'est prévalue d'une intention d'acquisition, soit d'un projet, d'un souhait et non pas de l'acceptation ferme de l'offre faite puisqu'il n'y en a pas eu de la part de la société Sofim ;
- de plus l'intention d'acquérir a été exprimée sous condition, soit sous celle de la contenance du fond à vendre qui n'avait pas été précisément délimitée et ce que mentionne la société Morice dans son mail en écrivant qu'il reste à mettre au point le contrat de cession notamment sur la contenance du fond en listant ce qui doit être inclus comme restant en discussion :
- Fichiers clients, base de travail, prospect, accompagnement d'Anita soit de la responsable de la société Morice, site Web et marques déposées, tous éléments essentiels qui n'avaient pas fait l'objet de discussions et d'accords définitifs ;
- enfin la société Morice faisait état d'un financement de 400 000€ à obtenir et non pas d'une somme détenue pouvant être versée de manière certaine ;
Il s'en suit que la cour infirmera le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que les parties avaient effectivement donné leur accord quant à l'objet et au prix de la cession en litige et que celle-ci devait être regardée comme parfaite du fait de l'accord des parties quand la cour estime que cet accord sur le chose et sur le prix ne s'est pas matérialisé car il restait en discussion les conditions de l'après-transaction et des éléments essentiels de la chose cédée, formant le contenu du fond d'activité cédé sur lesquels les parties ne s'étaient pas entendues, ne serait-ce que les modalités de paiement du prix ;
Ces points excluent l'affirmation de la société Sofim qui prétend que les échanges intervenus après les 15 et 18 mars 2013 n'ont eu pour objectif que de préciser la formalisation de l'accord intervenu sans jamais remettre en cause celui sur l'objet de la cession et le prix puisque l'accord invoqué n'était pas intervenu pour le moins sur l'objet de la cession dont les éléments essentiels n'avaient pas donné lieu à un telle solution ;
Sachant de plus que l'attitude de la société Morice postérieure à l'échange des mails des 15 et 18 mars 2013, confirme les problématiques restées non résolues car la société Morice par des mails des 28 mars 2013, 23 et 25 avril 2013 13 mai et 4 juin 2013 a interrogé la société Sofim sur l'obtention à son profit de complément de chiffres, le détail de la répartition du prix de 400 000€ et la communication de garanties pour confirmer la valeur réelle du fond d'activité en litige ;
Le jugement étant ainsi infimé faute d'accord, il le sera en toutes ses dispositions subséquentes liées à une vente parfaite, et il n'y a pas lieu pour la cour de statuer sur la nullité de l'accord en cause que ce soit au sens des articles L. 141-1 et suivants du code de commerce, ou que cela soit au motif d'une erreur, présentée à titre subsidiaire ;
Dans ces conditions, il convient d'infirmer les mentions suivantes du dispositif en ce compris celles qui sont subséquentes à la déclaration de cession parfaite :
- déclare parfaite la cession de la branche d'activité de négoce de véhicules carrossés et de carrosseries attachés aux seuls véhicules utilitaires de 25m3 et 30m3 ;
- dit que le présent jugement vaudra acte de vente à la date à laquelle il sera définitif ;
- condamne la société Morice Constructeur au paiement de la somme de 400 000 euros correspondant au prix de vente sur lequel l'accord des parties est intervenu, cette somme étant assortie des intérêts de droit à compter de la délivrance de l'assignation, soit à compter du 8 août 2013 ;
- désigne en qualité de séquestre du prix de cession de la société Sofim, soit Me Salmon, avocat au barreau de Caen, à charge pour lui en cette qualité de déposer et de conserver les fonds correspondants en compte Carpa séquestre, sous sa responsabilité pendant un délai de 5 mois, le temps de l'accomplissement de l'ensemble des formalités et de recevoir les oppositions d'éventuels créanciers de la société Sofim, qui disposent d'un délai de 10 jours après publication au Bodacc pour s'opposer à la vente ;
- enjoint à la société Morice Constructeur d'accomplir l'ensemble des formalités légales relatives à la cession du fonds de commerce (enregistrement à l'administration fiscale et paiement des droits afférents, publication dans un journal d'annonces légales et au Bodacc, immatriculation au Cfe et au Rcs ... etc), et ce dans un délai maximum de 180 jours, à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, et ce sous astreinte provisoire d'un montant de 500 euros par jour de retard ;
- déboute la société Morice Constructeur de sa demande en annulation de la cession de fonds de commerce au titre d'une omission des mentions obligatoires prévues à l'article L. 141-1 du code de commerce ;
- Sur les autres demandes :
- Sur celles en dommages-intérêts :
S'agissant des demandes de dommages-intérêts du fait de la solution retenue par la cour, le jugement sera infirmé en ce qu'il a accordé à la société Sofim la somme de 50 000€ de dommages-intérêts puisqu'il ne peut pas être fait état du retard imputable à la société Morice dans l'exécution de la cession, à laquelle elle a été justifiée de s'opposer ainsi que du préjudice résultant de la perte d'exploitation et du manque à gagner qui en est résulté ;
S'agissant de la demande en dommages-intérêts formée par la société Morice à hauteur de 70 000€, en ce qu'elle a subi du fait du litige en cause, selon elle un préjudice d'image considérable ainsi qu'un préjudice moral avéré ;
La cour estime qu'il convient d'écarter ces réclamations au regard des circonstances de l'espèce, des relations commerciales qui ont perduré avec la société Sofim en dépit du présent litige et sachant qu'il n'est produit aucun document justificatif à l'appui des prétentions présentées de nature à caractériser les préjudices dont il est fait état et sachant également que la société Morice a maintenu son activité quasiment de fait en exclusivité avec la société Sofim ;
Il s'en suit que la société Morice sera déboutée de sa demande présentée à hauteur de la somme de 70 000€ de dommages-intérêts ;
- Sur la concurrence déloyale :
A titre subsidiaire, la société Sofim soutient qu'elle a découvert au début du mois de novembre 2015 la commercialisation par la société Morice d'un véhicule utilitaire de 3,5tonnes 30M3 concurrençant directement le modèle dont elle assurait jusqu'alors la commercialisation ;
Que de ce chef elle rapporte la preuve d'une faute constituée par la confusion créée par la vente de produits similaires à ceux commercialisés par elle, que tel est le cas en l'espèce comme elle le démontre, sachant qu'à compter du 3ème trimestre 2012, la société Morice a été totalement intégrée par Sofim dans son processus de fabrication compte tenu de la cession de l'activité qui était envisagée ;
Qu'elle démontre que de fait la société Morice a commercialisé sa production en la concurrençant directement, en vendant des camions par elle produits à ses propres clients ;
Qu'il résulte de ces éléments que les demandes qu'elle présente en règlement d'une provision, en cessation immédiate de tout acte de commercialisation et en communication de pièces sont justifiées ;
La société Morice répond qu'elle démontre que les produits Sofim ne sont pas des originaux, qu'elle ne s'est jamais engagée à une quelconque exclusivité, que le nouveau produit qu'elle commercialise relève d'une conception innovante, étant établi que les véhicules de la société Sofim et les siens sont totalement différents;
Sur ce, pour rapporter la preuve de ce que le modèle de véhicule utilitaire commercialisé par la société Morice présenté notamment au salon Solutrans mis en vente par Renault est l'exacte réplique du modèle fabriqué par elle , la société Sofim verse aux débats des photos de publicités, une attestation de monsieur [I] président du conseil de surveillance du Group Todd, un extrait du magazine Véhicules Utilitaires et fait état d'une attestation de monsieur [R] pour un fournisseur FGS, ce qui permettrait de démontrer que la société Morice commercialise effectivement des véhicules utilitaires identiques aux siens et en concurrence déloyale ;
Cependant ces éléments sont insuffisants pour caractériser des actes déloyaux de nature fautive en ce que comme le soutient justement la société Morice les véhicules utilitaires produits et commercialisés par la société Sofim ne sont pas des originaux par leur présentation et leur fabrication, puisque de nombreux constructeurs commercialisent des véhicules utilitaires, de grand volume, destinés à des loueurs, de mêmes dimension et présentation ;
Par ailleurs, sans que la société Sofim ne s'explique sur ce point et ne l'ait fait vérifier, il s'avère que le véhicule fabriqué par la société Sofim repose sur un châssis traditionnel commandé par ailleurs à la société Morice, soit un châssis en acier composé de 2 longerons reliés par 12 traverses en acier, avec un assemblage avec une caisse traditionnelle en panneaux Plywood blancs c'est à dire en contreplaqué montés sur le châssis en acier quand le véhicule fabriqué par la société Morice et contesté comme concurrent, repose sur un châssis en aluminium composé uniquement de 2 longerons et de 3 traverses, sur lequel est déposé une caisse composée d'un ensemble de panneaux de 50 mm ;
Or la société Sofim ne délivre aucun renseignement sur cette distinction de fabrication, ne l'ayant pas faite vérifier, comme elle le pouvait au moyen d'une ordonnance de constat rendue sur requête, les propos rapportés de monsieur [R] étant dénués d'effet comme relatant des discussions datant de 2008 et le recours à un châssis aluminium, qui cependant depuis cette date n'a pas été adopté par la société Sofim ;
Il résulte en conséquence de tout ce qui précède que la société Sofim sera déboutée de toutes ses demandes reposant sur la concurrence déloyale, en ce compris de celles subséquentes en versement d'une provision à hauteur de 100 000 €, de condamnation sous astreinte portant sur des actes de production et de commercialisation et en communication du nombre de véhicules vendus et de chiffres d'affaires, le jugement entrepris étant confirmé à ce titre;
- Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement entrepris étant principalement infirmé, il le sera s'agissant des dépens et des frais irrépétibles ;
Pour les frais irrépétibles il convient par équité d'accorder à la société Morice la somme de 8000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, d'écarter la demande formée à ce titre par la société Sofim qui partit perdante supportera les dépens de 1ère instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe.
Dans les limites de sa saisine, Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
- débouté la société Morice Constructeur de sa demande en condamnation de la société Sofim à lui payer une somme de dommages-intérêts pour préjudices causés ;
- débouté la société Morice Constructeur de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de Me [S] et de la Scp Jouanno-Houdan ;
- débouté la société Sofim de sa demande en versement d'une provision, de celle visant à ce qu'il soit donné injonction à la société Morice Constructeur d'avoir à communiquer la pièce comptable justificative du nombre de véhicules et du chiffre d'affaires réalisé de carrosserie 'grand volume' et de sa demande de sursis à statuer sur le préjudice subi pour fait de concurrence déloyale dirigée à l'encontre de la société Morice Constructeur ;
- débouté la société Sofim de sa demande de condamnation de la société Morice Constructeur à cesser tout acte de commercialisation et de production de ce nouveau véhicule sous astreinte ;
- condamné la société Morice Constructeur à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile une somme unique de 2 500 euros à Me [S] et à la Scp Jouanno-Houdan ;
Le confirme de ces seuls chefs ;
Pour le surplus statuant à nouveau et y ajoutant :
Constate l'absence d'accord des parties sur la chose et sur le prix et dit n'y avoir lieu entre elle à une vente parfaite ;
Déboute la société Sofim de toutes ses demandes en ce compris de celles formées en matière de concurrence déloyale et en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société Morice du surplus de ses demandes ;
Condamne la société Sofim à payer à la société Morice la somme de 8000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne la société Sofim en tous les dépens de 1ère instance et d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.