Décisions
CA Paris, Pôle 1 - ch. 2, 30 novembre 2023, n° 23/05740
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRET DU 30 NOVEMBRE 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/05740 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHLOC
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Février 2023 -Président du TC de PARIS - RG n°2023008511
APPELANTE
S.A.S. HAPPYDEMICS, RCS de Paris sous le n°810 129 478, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Arnaud PICARD de la SELEURL SELARLU ARP, avocat au barreau de PARIS, toque : B0776
Assistée à l'audience par Me Justine MASSARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0776
INTIMEE
S.A.R.L. NEXD OÜ, immatriculée au registre du commerce estonien sous le n°115 14601, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 1] (ESTONIE)
Représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
Assistée à l'audience par Me Pauline GARCIA, substituant Me Nicolas REMY-NERIS, avocats au barreau des HAUTS-DE-SEINE, toque : 771
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Octobre 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSE DU LITIGE
La société Happydemics a pour activité la création et le développement de logiciels permettant aux professionnels du marketing de mesurer la performance des publicités sur internet.
La société Nexd Oü, de droit estonien, développe des solutions graphiques nouvelles.
Le 3 juin 2021, la société Happydemics et la société Nexd Oü ont conclu un contrat de prestation de services prévoyant la création, la diffusion et la gestion de publicité numérique pour une durée d'un an.
La société Happydemics a cessé de régler ses factures.
Par exploit du 14 février 2023, la société Nexd Oü a fait assigner la société Happydemics devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir :
- condamner la société Happydemics à payer à la société Nexd Oü à titre de provision la somme de 105.000 euros, augmentée des intérêts de retard de droit à compter du 5 juillet 2022, date de la première mise en demeure de la société Nexd Oü, et ce, jusqu'à complet paiement du montant dû ;
- condamner la société Happydemics à payer à la société Nexd Oü la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Happydemics en tous les dépens.
Par ordonnance réputée contradictoire du 21 février 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, a :
- condamné la société Happydemics à payer à la société Nexd Oü à titre de provision la somme de 105.000 euros, augmentée des intérêts de retard de droit à compter du 5 juillet 2022, date de la première mise en demeure de la société Nexd Oü, et ce, jusqu'à complet paiement du montant dû ;
- condamné la société Happydemics à payer à la société Nexd Oü la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné en outre la société Happydemics aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 41,93 euros TTC dont 6,78 euros de TVA.
Par déclaration du 24 mars 2023, la société Happydemics a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 15 mai 2023, la société Happydemics demande à la cour de :
- déclarer la société Happydemics recevable et bien fondée en son appel ;
- infirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 21 février 2023, en ce qu'il a condamné la société Happydemics à payer à la société Nexd Oü à titre de provision la somme de 105.000 euros, augmentée des intérêts de retard de droit à compter du 5 juillet 2022, date de la première mise en demeure de la société Nexd Oü , et ce, jusqu'à complet paiement du montant dû et condamné la société Happydemics au paiement des frais irrépétibles ;
Et statuant à nouveau :
- constater que le contrat conclu entre la société Nexd Oü et la société Happydemics ne reflète pas la commune intention des parties ;
- constater que le mode de facturation appliqué par la société Nexd Oü est manifestement disproportionné ;
- constater que la société Nexd Oü s'est injustement enrichie ;
- constater que la société Nexd Oü a gravement manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de société Happydemics ;
En conséquence,
- juger qu'il existe des contestations sérieuses relatives au paiement des factures litigieuses ;
En tout état de cause :
- condamner la société Nexd Oü aux entiers dépens ;
- condamner la société Nexd Oü à verser à la société Happydemics la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle expose notamment que :
- le premier juge a refusé d'appliquer une clause claire et précise dans la mesure où celle-ci semblait être le résultat d'une erreur manifeste et être en contradiction avec la commune intention des parties,
- l'annexe A ne reflète pas les conditions d'intervention discutées entre les parties préalablement à la signature du contrat, la société Happydemics ayant fait part de sa volonté de souscrire à l'option "pay as you go", alors que la société Nexd Oü a discrètement maintenu une phrase de sa fiche tarifaire prévoyant que la facturation basculerait vers une facturation à l'abonnement à compter du 1er août 2021,
- il est indéniable qu'une erreur manifeste s'est révélée lors de l'expression de la commune intention des parties qui ne parlaient pas la même langue et échangeaient en anglais, l'interprétation des termes du contrat signé constituant une contestation sérieuse,
- la facturation est manifestement disproportionnée, de sorte qu'elle était fondée à suspendre son obligation de paiement, la disproportion de la facturation étant de plus une pratique restrictive de concurrence,
- elle s'est toutefois acquittée de la somme totale de 75.220, 30 euros, assurant à l'intimée une importante marge, ce qui est constitutif d'un enrichissement sans cause,
- les demandes de créatifs n'ont jamais pu être effectuées au travers de la plate-forme Nexd et la fonctionnalité permettant de faire remonter les indicateurs clés de performance n'a fonctionné que durant une semaine, ce qui constitue des manquements imputables à la société Nexd Oü.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 11 août 2023 la société Nexd Oü demande à la cour de :
- juger la société Happydemics irrecevable et mal fondée dans ses demandes devant la Cour ;
en conséquence,
- la débouter de son appel et de l'intégralité de ses demandes ;
- confirmer en tous points et dans son intégralité l'ordonnance rendue par le Tribunal de commerce de Paris le 21 février 2023 ;
Y ajoutant,
- condamner la société Happydemics à payer à la société Nexd Oü la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Happydemics en tous les dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué par la selarl JRF & associés représentée par Maître Stéphane Fertier conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle expose notamment que :
- les éléments que la société Happydemics entend dénoncer ne sont pas de nature à remettre en cause le contrat des parties, ni le principe même de l'obligation de l'appelante,
- elle ne peut remettre en cause le cas échéant que le quantum de ces obligations et ne sont pas des contestations sérieuses,
- la société Happydemics a bénéficié de la solution Nexd jusqu'au 2 juin 2022, alors qu'elle avait cessé de payer ses factures,
-la commune intention des parties était de rendre la collaboration possible, ce qui a été fait par les développements informatiques proposés et engagés par la société Nexd Oü,
- à titre surabondant, la société Happydemics ne publie pas ses comptes, ce qui constitue une infraction pénale, alors que les comptes publiés en 2019 affichaient un résultat de -1.692.319 euros, ce qui rendrait l'infirmation de la décision rendue particulièrement inéquitable.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
'
SUR CE,
L'article 873 du code de procédure civile dispose que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
A titre de contestations sérieuses, la société Happydemics invoque la commune intention des parties qui n'aurait pas été respectée, l'exception d'inexécution, l'enrichissement sans cause et les manquements de la société Nexd Oü.
En premier lieu, l'article 1188 du code civil dispose que le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.
En l'espèce, les stipulations litigieuses figurent à la clause de prix de l'annexe A du contrat signé par les parties avec la mention suivante: "Nexd et la société ont convenu d'utiliser le système de paiement à l'utilisation jusqu'au 31 juillet 2021 et à partir du 1er août 2021, nous passerons au modèle de tarification par abonnement".
Les termes de cette clause sont clairs et précis, et dès lors, la cour statuant en matière de référés ne peut, sans excéder ses pouvoirs et sans dénaturer l'obligation de paiement de la société Happydemics qui en résulte, les interpréter dans le sens revendiqué par celle-ci, en recherchant la commune intention des parties alléguée par la société Happydemics et contestée par la société Nexd Oü.
Alors même que cette demande ne se heurte à aucune contestation sérieuse comme étant conforme à l'obligation de paiement de la société Happydemics résultant du sens littéral de la clause susvisée, la société Happydemics conteste en réalité la tarification pratiquée en estimant que la tarification contractuelle n'est pas celle convenue. Toutefois, il doit être observé que la société Happydemics ne conteste pas que l'intimée a exécuté pour sa part les obligations contractuelles qui lui étaient imparties et fourni les prestations indiquées, alors qu'elle-même a cessé tout paiement dès le mois de décembre 2021. Par ailleurs, il sera d'ailleurs précisé que la société Happydemics, après avoir accepté les termes du contrat, a bénéficié des prestations de la société Nexd Oü jusqu'au 2 juin 2022, date à laquelle la résiliation par ses soins du contrat a pris effet soit durant plus d'une année, étant précisé que par courriel du 18 mars 2022, en notifiant la résiliation de ce contrat, elle a tenu à remercier sa cocontractante d'avoir "fourni des services de qualité" et demandé à bénéficier du contrat jusqu'au terme, ce qui inclus nécessairement la clause de prix.
En second lieu, l'article 1219 du code civil dispose qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre partie n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. Sur ce point, alors que son obligation de paiement est incontestable, la société Happydemics se contente d'affirmer que la prestation de service fournie par la société Nexd Oü serait constitutive d'une pratique restrictive de concurrence au sens de l'article L 442-1 du code de commerce en ce qu'elle aurait un caractère manifestement disproportionnée. Outre que la société Happydemics n'étaye pas ce moyen en fait, force est de constater que la facturation a été établie conformément à la clause contractuelle de prix, ce qui n'est pas contesté, de sorte qu'il ne peut être sérieusement prétendu que la société Nexd Oü n'aurait pas exécuté ledit contrat et qu'elle ne peut pas non plus être qualifiée de disproportionnée. L'exception d'inexécution ainsi invoquée ne peut donc constituer une contestation sérieuse.
Ensuite, l'article 1303-1 du code civil prévoit que l'enrichissement est injustifié lorsqu'il ne procède ni de l'accomplissement d'une obligation par l'appauvri ni de son intention libérale. A ce titre, la société Happydemics indique que l'intimée n'a pas accompli de prestations justifiant que lui soit accordée la somme totale de 180.220, 30 euros HT. Ce moyen ne reposant, ici encore, que sur la critique de la facturation pratiquée, sans aucun autre élément, il y a lieu de considérer cette contestation comme n'étant pas sérieuse.
Il n'est pas plus démontré que la société Nexd Oü aurait failli à ses obligations, la société Happydemics alléguant des dysfonctionnements sans les établir.
Dans ces conditions, son obligation de paiement ne se heurte à aucune contestation sérieuse, de sorte qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
Le sort des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile a été exactement tranché par le premier juge.
La société Happydemics qui succombe sera condamnée aux dépens de l'appel ainsi qu'à payer à la société Nexd Oü une somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Happydemics aux dépens de l'appel, dont distraction au profit de la selarl JRF&Fertier conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société Happydemics à payer à la société Nexd Oü la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRET DU 30 NOVEMBRE 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/05740 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHLOC
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Février 2023 -Président du TC de PARIS - RG n°2023008511
APPELANTE
S.A.S. HAPPYDEMICS, RCS de Paris sous le n°810 129 478, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Arnaud PICARD de la SELEURL SELARLU ARP, avocat au barreau de PARIS, toque : B0776
Assistée à l'audience par Me Justine MASSARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0776
INTIMEE
S.A.R.L. NEXD OÜ, immatriculée au registre du commerce estonien sous le n°115 14601, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 1] (ESTONIE)
Représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
Assistée à l'audience par Me Pauline GARCIA, substituant Me Nicolas REMY-NERIS, avocats au barreau des HAUTS-DE-SEINE, toque : 771
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Octobre 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSE DU LITIGE
La société Happydemics a pour activité la création et le développement de logiciels permettant aux professionnels du marketing de mesurer la performance des publicités sur internet.
La société Nexd Oü, de droit estonien, développe des solutions graphiques nouvelles.
Le 3 juin 2021, la société Happydemics et la société Nexd Oü ont conclu un contrat de prestation de services prévoyant la création, la diffusion et la gestion de publicité numérique pour une durée d'un an.
La société Happydemics a cessé de régler ses factures.
Par exploit du 14 février 2023, la société Nexd Oü a fait assigner la société Happydemics devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir :
- condamner la société Happydemics à payer à la société Nexd Oü à titre de provision la somme de 105.000 euros, augmentée des intérêts de retard de droit à compter du 5 juillet 2022, date de la première mise en demeure de la société Nexd Oü, et ce, jusqu'à complet paiement du montant dû ;
- condamner la société Happydemics à payer à la société Nexd Oü la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Happydemics en tous les dépens.
Par ordonnance réputée contradictoire du 21 février 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, a :
- condamné la société Happydemics à payer à la société Nexd Oü à titre de provision la somme de 105.000 euros, augmentée des intérêts de retard de droit à compter du 5 juillet 2022, date de la première mise en demeure de la société Nexd Oü, et ce, jusqu'à complet paiement du montant dû ;
- condamné la société Happydemics à payer à la société Nexd Oü la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné en outre la société Happydemics aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 41,93 euros TTC dont 6,78 euros de TVA.
Par déclaration du 24 mars 2023, la société Happydemics a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 15 mai 2023, la société Happydemics demande à la cour de :
- déclarer la société Happydemics recevable et bien fondée en son appel ;
- infirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 21 février 2023, en ce qu'il a condamné la société Happydemics à payer à la société Nexd Oü à titre de provision la somme de 105.000 euros, augmentée des intérêts de retard de droit à compter du 5 juillet 2022, date de la première mise en demeure de la société Nexd Oü , et ce, jusqu'à complet paiement du montant dû et condamné la société Happydemics au paiement des frais irrépétibles ;
Et statuant à nouveau :
- constater que le contrat conclu entre la société Nexd Oü et la société Happydemics ne reflète pas la commune intention des parties ;
- constater que le mode de facturation appliqué par la société Nexd Oü est manifestement disproportionné ;
- constater que la société Nexd Oü s'est injustement enrichie ;
- constater que la société Nexd Oü a gravement manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de société Happydemics ;
En conséquence,
- juger qu'il existe des contestations sérieuses relatives au paiement des factures litigieuses ;
En tout état de cause :
- condamner la société Nexd Oü aux entiers dépens ;
- condamner la société Nexd Oü à verser à la société Happydemics la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle expose notamment que :
- le premier juge a refusé d'appliquer une clause claire et précise dans la mesure où celle-ci semblait être le résultat d'une erreur manifeste et être en contradiction avec la commune intention des parties,
- l'annexe A ne reflète pas les conditions d'intervention discutées entre les parties préalablement à la signature du contrat, la société Happydemics ayant fait part de sa volonté de souscrire à l'option "pay as you go", alors que la société Nexd Oü a discrètement maintenu une phrase de sa fiche tarifaire prévoyant que la facturation basculerait vers une facturation à l'abonnement à compter du 1er août 2021,
- il est indéniable qu'une erreur manifeste s'est révélée lors de l'expression de la commune intention des parties qui ne parlaient pas la même langue et échangeaient en anglais, l'interprétation des termes du contrat signé constituant une contestation sérieuse,
- la facturation est manifestement disproportionnée, de sorte qu'elle était fondée à suspendre son obligation de paiement, la disproportion de la facturation étant de plus une pratique restrictive de concurrence,
- elle s'est toutefois acquittée de la somme totale de 75.220, 30 euros, assurant à l'intimée une importante marge, ce qui est constitutif d'un enrichissement sans cause,
- les demandes de créatifs n'ont jamais pu être effectuées au travers de la plate-forme Nexd et la fonctionnalité permettant de faire remonter les indicateurs clés de performance n'a fonctionné que durant une semaine, ce qui constitue des manquements imputables à la société Nexd Oü.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 11 août 2023 la société Nexd Oü demande à la cour de :
- juger la société Happydemics irrecevable et mal fondée dans ses demandes devant la Cour ;
en conséquence,
- la débouter de son appel et de l'intégralité de ses demandes ;
- confirmer en tous points et dans son intégralité l'ordonnance rendue par le Tribunal de commerce de Paris le 21 février 2023 ;
Y ajoutant,
- condamner la société Happydemics à payer à la société Nexd Oü la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Happydemics en tous les dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué par la selarl JRF & associés représentée par Maître Stéphane Fertier conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle expose notamment que :
- les éléments que la société Happydemics entend dénoncer ne sont pas de nature à remettre en cause le contrat des parties, ni le principe même de l'obligation de l'appelante,
- elle ne peut remettre en cause le cas échéant que le quantum de ces obligations et ne sont pas des contestations sérieuses,
- la société Happydemics a bénéficié de la solution Nexd jusqu'au 2 juin 2022, alors qu'elle avait cessé de payer ses factures,
-la commune intention des parties était de rendre la collaboration possible, ce qui a été fait par les développements informatiques proposés et engagés par la société Nexd Oü,
- à titre surabondant, la société Happydemics ne publie pas ses comptes, ce qui constitue une infraction pénale, alors que les comptes publiés en 2019 affichaient un résultat de -1.692.319 euros, ce qui rendrait l'infirmation de la décision rendue particulièrement inéquitable.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
'
SUR CE,
L'article 873 du code de procédure civile dispose que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
A titre de contestations sérieuses, la société Happydemics invoque la commune intention des parties qui n'aurait pas été respectée, l'exception d'inexécution, l'enrichissement sans cause et les manquements de la société Nexd Oü.
En premier lieu, l'article 1188 du code civil dispose que le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.
En l'espèce, les stipulations litigieuses figurent à la clause de prix de l'annexe A du contrat signé par les parties avec la mention suivante: "Nexd et la société ont convenu d'utiliser le système de paiement à l'utilisation jusqu'au 31 juillet 2021 et à partir du 1er août 2021, nous passerons au modèle de tarification par abonnement".
Les termes de cette clause sont clairs et précis, et dès lors, la cour statuant en matière de référés ne peut, sans excéder ses pouvoirs et sans dénaturer l'obligation de paiement de la société Happydemics qui en résulte, les interpréter dans le sens revendiqué par celle-ci, en recherchant la commune intention des parties alléguée par la société Happydemics et contestée par la société Nexd Oü.
Alors même que cette demande ne se heurte à aucune contestation sérieuse comme étant conforme à l'obligation de paiement de la société Happydemics résultant du sens littéral de la clause susvisée, la société Happydemics conteste en réalité la tarification pratiquée en estimant que la tarification contractuelle n'est pas celle convenue. Toutefois, il doit être observé que la société Happydemics ne conteste pas que l'intimée a exécuté pour sa part les obligations contractuelles qui lui étaient imparties et fourni les prestations indiquées, alors qu'elle-même a cessé tout paiement dès le mois de décembre 2021. Par ailleurs, il sera d'ailleurs précisé que la société Happydemics, après avoir accepté les termes du contrat, a bénéficié des prestations de la société Nexd Oü jusqu'au 2 juin 2022, date à laquelle la résiliation par ses soins du contrat a pris effet soit durant plus d'une année, étant précisé que par courriel du 18 mars 2022, en notifiant la résiliation de ce contrat, elle a tenu à remercier sa cocontractante d'avoir "fourni des services de qualité" et demandé à bénéficier du contrat jusqu'au terme, ce qui inclus nécessairement la clause de prix.
En second lieu, l'article 1219 du code civil dispose qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre partie n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. Sur ce point, alors que son obligation de paiement est incontestable, la société Happydemics se contente d'affirmer que la prestation de service fournie par la société Nexd Oü serait constitutive d'une pratique restrictive de concurrence au sens de l'article L 442-1 du code de commerce en ce qu'elle aurait un caractère manifestement disproportionnée. Outre que la société Happydemics n'étaye pas ce moyen en fait, force est de constater que la facturation a été établie conformément à la clause contractuelle de prix, ce qui n'est pas contesté, de sorte qu'il ne peut être sérieusement prétendu que la société Nexd Oü n'aurait pas exécuté ledit contrat et qu'elle ne peut pas non plus être qualifiée de disproportionnée. L'exception d'inexécution ainsi invoquée ne peut donc constituer une contestation sérieuse.
Ensuite, l'article 1303-1 du code civil prévoit que l'enrichissement est injustifié lorsqu'il ne procède ni de l'accomplissement d'une obligation par l'appauvri ni de son intention libérale. A ce titre, la société Happydemics indique que l'intimée n'a pas accompli de prestations justifiant que lui soit accordée la somme totale de 180.220, 30 euros HT. Ce moyen ne reposant, ici encore, que sur la critique de la facturation pratiquée, sans aucun autre élément, il y a lieu de considérer cette contestation comme n'étant pas sérieuse.
Il n'est pas plus démontré que la société Nexd Oü aurait failli à ses obligations, la société Happydemics alléguant des dysfonctionnements sans les établir.
Dans ces conditions, son obligation de paiement ne se heurte à aucune contestation sérieuse, de sorte qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
Le sort des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile a été exactement tranché par le premier juge.
La société Happydemics qui succombe sera condamnée aux dépens de l'appel ainsi qu'à payer à la société Nexd Oü une somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Happydemics aux dépens de l'appel, dont distraction au profit de la selarl JRF&Fertier conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société Happydemics à payer à la société Nexd Oü la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE