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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 30 novembre 2023, n° 21/04598

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Jofred (SARL)

Défendeur :

Kerbea France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Clement, Mme Jeorger-Le Gac

Avocats :

Me Le Couls Bouvet, Me Croix, Me Bellet, Me Grassin

T. com. Rennes, du 8 juill. 2021

8 juillet 2021

FAITS ET PROCEDURE :

La société Kerbéa France (la société Kerbéa) était titulaire de la marque Kerbéa. Elle était spécialisée dans la construction, la vente et la livraison de maisons individuelles et était à la tête d'un réseau national de franchisés spécialisé dans la construction de maisons individuelles.

Le 30 juin 2014, un contrat de franchise a été signé entre, d'une part, M. [Z] agissant pour son compte et pour celui d'une société en cours de formation, et, d'autre part, la société Kerbea.

Le contrat de franchise a été conclu pour une durée de 5 ans renouvelable par tacite reconduction sans formalité. M. [Z] s'est substitué la société Jofred dont il était le gérant. Il n'est pas justifié que cette fusion ait eu lieu.

Des avenants ont par la suite été régularisés les 28 avril 2015 et 16 juillet 2016.

Dans ce dernier avenant la société Kerbea a autorisé la fusion entre la société Jofred et la société Jaspy Construction qui exploitait pour sa part une autre franchise Kerbea.

En décembre 2017, M. [Z] a cédé ses parts de la société Jofred à M. [U].

Le 9 avril 2018, la société Kerbea a été absorbée par la société Lafobi, détenue par M. [V] [G], par transmission universelle de patrimoine. La société Lafobi a repris le nom de Kerbea par décision de l'assemblée générale du 12 avril 2018.

A compter d'avril 2019, les franchisés ont proposé à M. [N] [G] de lui racheter les titres de la société Kerbea, ce que ce dernier a refusé.

Par lettre du 20 février 2020, la société Jofred a résilié le contrat de franchise avec effet au 30 mars 2020.

Estimant que la société Kerbea avait manqué à ses obligations, la société Jofred et M. [U] l'ont assignée en résiliation de la franchise à effet au 30 mars 2020 et paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 8 juillet 2021, le tribunal de commerce de Rennes a :

- Décerné acte aux parties qu'elles ont donné compétence au tribunal de commerce de Rennes pour traiter des affaires numérotées de 2020F00207 à 2020F00215,

- Ecarté des débats les pièces de la société Jofred numérotées de A1 à A45,

- Débouté la société Jofred et M. [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Condamné la société Jofred à payer à la société Kerbea la somme de 5.280 euros TTC au titre des redevances échues au 30 mars 2020,

- Condamné la société Jofred à payer à la société Kerbea la somme de 65.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Condamné la société Jofred à payer à la société Kerbea la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la société Kerbea du surplus de ses demandes,

- Condamné la société Jofred aux entiers dépens.

M. [U] et la société Jofred ont interjeté appel le 21 juillet 2021.

La société Jofred a été placée en liquidation judiciaire le 21 septembre 2022, la société Angel [J] Duval, prise en la personne de M. [J], étant désignée liquidateur.

Devant la cour, la société Jofred est représentée par la société Angel [J] Duval.

Les dernières conclusions de M. [U] et la société Jofred sont en date du 26 juin 2023. Les dernières conclusions de la société Kerbea sont en date du 21 juin 2023.

Par note du 28 juin 2023 la société Kerbea a demandé le rejet des conclusions déposées par la société Jofred et M. [U] le 26 juin 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 juin 2023.

Sur le rejet des conclusions déposées par la société Jofred et M. [U] le 26 juin 2023 :

Les parties ont été avisées de la date de clôture, prévue au 15 juin 2023, le 3 mars 2023. A la demande des parties, cette clôture a été repoussée au 29 juin 2023.

La société Jofred et M. [U] avaient conclu pour la dernière fois le 14 juin 2023.

La société Jofred et M. [U] ont déposé le 26 juin 2023 un nouveau jeu de conclusions comportant 108 pages.

Les ajouts que comportent ces conclusions par rapport aux précédentes sont identifiés par un trait vertical dans la marge. L'ajout de la page 42, près d'une page, ne vient qu'en réponse à des conclusions de la société Kerbea.

Les ajouts des pages 97 et 98 comportent de nouvelles analyses et renvoient à la production des pièces C2, A38 à A40 datant de septembre, octobre et novembre 2020 et octobre 2021 qui avaient déjà été communiquées auparavant devant la cour. Cette analyse porte sur une demande de compensation entre les dommages-intérêts réclamés par la société Jofred et M. [U] et le montant des redevances réclamé par la société Kerbea. Elle porte également sur la lecture de certaines décisions de justice qui avaient déjà été produites.

Le dispositif de ces conclusions comporte en page 105 deux nouveaux chefs de demandes. Il s'agit de demandes de 'Juger' qui relèvent d'une argumentation et non pas de demandes en justice. Seule la demande d'ordonner une compensation est un véritable demande.

La demande de compensation formulée dans ses dernières écritures n'est pas un moyen mais une prétention. Elle n'a pas été présentée dans les premières conclusions de la société Jofred et de M. [U] comme le prévoient les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile. Cette demande de compensation présentée dans ces circonstances appelait donc une réponse de la part de la société Kerbéa.

Il apparait ainsi qu'à l'exception de la demande de compensation nouvellement présentée, les dernières conclusions de la société Jofred et de M. [U] n'appelaient pas de réponse particulière. En outre, la société Kerbéa disposait de trois jours avant la date de la clôture pour répondre le cas échéant sur les quelques ajouts des conclusions.

Seule la présentation d'une prétention nouvelle, non exposée dans les premières conclusions, nécessitait une réponse que la société Kerbéa n'a pas été en mesure d'apporter dans ce délai de trois jours. Le dépôt de ces conclusions a porté atteinte au principe de la contradiction en ce qu'il a présenté une demande de compensation.

Les dernières conclusions de la société Jofred et de M. [U] à prendre en compte sont celles du 26 juin 2023, étant précisé que la demande de compensation qu'elle comportent sera déclarée irrecevable.

PRETENTIONS ET MOYENS :

M. [U] et la société Jofred demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Kerbea « du surplus de ses demandes », dont sa demande tendant à voir la société Jofred être condamnée à lui verser des dommages-intérêts correspondant aux redevances restant à courir jusqu'au terme du contrat de franchise initialement prévu,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- Ecarté des débats les pièces de la société Jofred numérotées A1 à A45,

- Débouté la société Jofred et M. [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Condamné la société Jofred à payer à la société Kerbea la somme de 5.280 euros TTC au titre des redevances échues au 30 mars 2020,

- Condamné la société Jofred à payer à la société Kerbea la somme de 65.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- Condamné la société Jofred à payer à la société Kerbea la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

Et, statuer à nouveau :

- Juger que les demandes indemnitaires formées par la société Kerbea au titre de la prétendue violation de la clause de non-concurrence contractuelle et de la clause de non-affiliation post-contractuelle sont irrecevables en raison de leur tardiveté et de leur nouveauté,

- Juger que la société Kerbea a gravement manqué à ses obligations contractuelles,

- Juger que ces manquements sont à l'origine de préjudices subis personnellement tant par la société Jofred que par M. [U] lui-même,

- Juger que les concluants n'ont pu méconnaître la clause de non-concurrence contractuelle stipulée au contrat de franchise dès lors qu'ils n'ont exploité aucune activité concurrente à celle prévue à leur contrat de franchise avant leur sortie du réseau « Maisons Kerbéa » le 30 mars 2020, ce que la société Kerbea n'offre pas même pas de contester,

- Juger que la clause de non-affiliation post-contractuelle stipulée au contrat de franchise est sans objet dès lors que les concluants ne se sont affiliés à aucune enseigne régionale ou nationale et que la société Kerbea est sans activité depuis que ses neuf derniers franchisés sont sortis du réseau « Maisons Kerbéa » le 30 mars 2020,

- Juger que la clause de non-affiliation post-contractuelle stipulée au contrat de franchise est dépourvue de validité, et donc nulle et de nul effet, comme n'étant pas nécessaire à la protection du savoir-faire de la société Kerbea ,

En conséquence :

- Prononcer la résiliation du contrat de franchise conclu le 30 juin 2014 aux torts et griefs exclusifs de la société Kerbea , à effet du 30 mars 2020,

- Condamner la société Kerbea à payer la somme de 134.012,50 euros à titre de dommages-intérêts à la société Jofred, outre les intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation, sauf à parfaire,

- Condamner la société Kerbea à payer la somme de 60.000 euros à titre de dommages-intérêts à M. [U], outre les intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation, sauf à parfaire,

- Débouter la société Kerbea de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions, en ce compris son appel incident,

- Juger que la société Jofred ne peut en toute hypothèse être tenue, au titre des redevances réclamées par la société Kerbea, à une somme supérieure à 7.920 euros TTC, et qu'elle est fondée à obtenir restitution de toute somme consignée allant au-delà de ce montant,

- Juger en tout état de cause que les sommes réclamées par la société Kerbea au titre des redevances, consignées ou non, ont vocation à se compenser de plein droit avec les dommages-intérêts qui seront mis à la charge de cette dernière au profit des Concluants par la décision à intervenir, et en toute hypothèse ordonner une telle compensation,

- Réduire subsidiairement à la somme d'un euro le montant de l'indemnité contractuelle réclamée par la société Kerbea ,

- Réduire subsidiairement à la somme d'un euro le montant de la peine convenue sous la clause de non-concurrence contractuelle et sous la clause de non-affiliation post-contractuelle stipulées dans le contrat de franchise,

- Condamner la société Kerbea aux entiers dépens de l'instance,

- Condamner la société Kerbea à payer la somme de 15.000 euros à la société Jofred au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Kerbea demande à la cour de :

- Recevoir la société Jofred, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, et M. [U] en leur appel comme régulier,

- Les débouter de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

' Ecarté des débats les pièces de la société Jofred numérotées A1 à A45,

' Condamné la société Jofred à payer à la société Kerbea la somme de 9.758,72 euros TTC correspondant aux redevances échues au 30 mars 2020,

' Condamné la société Jofred à payer à la société Kerbea la somme de 65.000 euros en réparation du trouble causé par la rupture injustifiée du contrat de franchise et du préjudice moral,

' Condamné la société Jofred à payer à la société Kerba la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Et ainsi :

A titre principal :

- Prononcer la libération des fonds séquestrés par la société Jofred au profit de la société Kerbea à hauteur de 10.000 euros,

- Puis fixer la créance de la société Kerbea au passif de la société Jofred, prise en la personne de son liquidateur judiciaire pour la somme de 70.280 euros correspondant au delta,

Subsidiairement :

- Fixer la créance de la société Kerbea au passif de la société Jofred prise en la personne de son liquidateur judiciaire pour la somme de 80.280 euros,

- Recevoir la société Kerbea en son appel incident, ses demandes, fins et prétentions, et l'en déclarer bien fondée,

Et par conséquent :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Kerbea du surplus de ses demandes,

Et, statuant à nouveau :

- Fixer la créance complémentaire de la société Kerbéa au passif de la société Jofred, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, aux sommes de :

- 243.210 euros HT, soit 291,852 TTC correspondant aux redevances restant à courir jusqu'à la fin du contrat initialement prévu le 30 octobre 2024, résultant de la rupture abusive du fait du franchisé en date du 20 février 2020, prenant effet au 30 mars 2020,

- Fixer la créance complémentaire de la société Kerbé au passif de la société Jofred, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, à la somme de 150.000 euros, solidairement avec son gérant M. [U], correspondant à l'indemnité due à la suite de son engagement de non concurrence tel que prévu à l'article 14 du contrat de franchise,

- Fixer la créance complémentaire de la société Kerbea au passif de la société Jofred, prise en la personne de son liquidateur judiciaire à la somme de 30.000 euros résultant de la violation de son obligation de non-affiliation post-contractuelle telle que prévue à l'article 15 du contrat de franchise,

En tout état de cause,

- Fixer la créance complémentaire de la société Kerbea au passif de la société Jofred, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, à la somme de 25.000 euros au bénéfice de la société Kerbea en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en cause d'appel.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur le rejet des pièces A 31 à A 45 de la société Jofred et de M. [U] :

Le tribunal a rejeté ces pièces comme ayant été produites tardivement devant lui.

S'il a pu, à juste titre, rejeter des pièces produites en violation du principe de la contradiction, ce rejet n'est plus d'actualité aujourd'hui les parties ayant eu le temps depuis de les analyser et de faire valoir leurs observations correspondantes.

Le jugement sera infirmé sur ce point pour permettre à la cour de prendre ces pièces en compte.

Sur la rupture du contrat de franchise :

Par lettre du 20 février 2020, la société Jofred a notifié à la société Kerbea la rupture du contrat de franchise avec effet au 30 mars 2020. Cette rupture a été confirmée par lettre du 23 mars 2020.

La cour n'a donc pas à rechercher s'il y a lieu ou non à rupture du contrat de franchise mais à rechercher si cette rupture était ou non justifiée.

La société Jofred invoque des manquements de la société Kerbea à ses obligations de franchiseur, à savoir manquements graves et répétés aux obligations contractuelles, rupture totale et définitive du lien de confiance du fait du franchiseur et refus réitéré de rencontrer les franchisés lors d'une réunion aux fins de tenter de régler amiablement le litige.

Le contrat de franchise prévoyait les obligations du franchiseur :

4 - OBLIGATIONS DU FRANCHISEUR ET DU FRANCHISE

Le Franchiseur s'engage envers le Franchisé :

- A lui assurer la paisible jouissance de la marque 'Maisons KERBEA', pendant toute la durée du présent contrat ainsi que d'en assurer le renouvellement,

- A lui assurer la paisible jouissance du nom de domaine ainsi que de l'image graphique du site Internet,

- A établir des notes d'information pour tout ce qui concerne l'activité du Franchisé,

- A améliorer constamment les différents types de maisons qu'il conçoit, par ailleurs, ll aura la faculté d'interrompre la commercialisation de certains modèles de maisons sans que le Franchisépuisse exiger une indemnité de ce chef,

- A préparer, rédiger et mettre à jour de façon permanente l'organisation originale de son concept visant à favoriser l'expansion de l'entreprise du Franchisé,

- A organiser des sessions d'information et de formation au profit du Franchisé,

- A référencer des matériaux et matériels,

- A assurer, à ses frais exclusifs et si besoin, la présence a intervalles réguliers, d'une équipe de conseillers au siége de l'entreprise du Franchisé qui pourra notamment bénéficier d'une assistance commerciale et technique,

- A s'efforcer de tout faire d'une maniere générale pour promouvoir la marque 'Maisons Kerbéa',

- A mettre à sa disposition un organisme de caution et fournisseurs de matériaux avec lesquels il devra contracter directement ou indirectement selon les besoins du référencement produit pour le réseau.

Le nombre décroissant de franchisés ne constitue pas une atteinte à une jouissance paisible de la marque. Ce n'est pas non plus, en soi, la preuve de ce que le franchiseur ne ferait pas tout pour promouvoir la marque.

La société Jofred fait valoir que la société Kerbea n'aurait pas entrepris les démarches et actions utiles pour améliorer et actualiser son concept, en s'abstenant notamment de proposer de nouveaux modèles de maisons.

La société Kerbea justifie avoir notamment proposé dans le cadre de la gamme Koncept 2019, 9 modèles de maisons représentant 58 versions de plans différents. Elle a également proposé la gamme Tendance USA 2020 avec 4 modèles. Tous ces modèles, outre d'autres gammes, ont été notamment présentés dans une annexe du 20 février 2020.

La société Kerbea justifie ainsi avoir continué à présenter de nouveaux modèles de maisons pour s'adapter aux évolutions du marché.

La société Jofred ne justifie pas que les plans de ces modèles aient été insuffisants et que cette insuffisance ait rendu obligatoire le recours à un prestataire extérieur.

Si la société Kerbéa a indiqué dans une note qu'il était parfois impossible de ne pas modifier un plan, il n'est pas justifié que ces modifications indispensables aient été fréquentes.

En outre, seul un devis pour modification hors catalogue Kerbéa de la société Plan Habitat Permis est produit. Il n'est pas justifié que cette société ait du intervenir, ni à quelle fréquence, et pour quelles facturations.

Le fait que la société Kerbéa ait validé de telles modifications ne permet pas d'en déduire qu'elles étaient indispensables. Il est au contraire justifié que la société Kerbéa accompagnait les franchisés lors de telles modifications.

La société Jofred reproche à la société Kerbea de ne plus envoyer que 20 notes par an alors qu'elle en envoyait 80 par an entre 2014 et 2016 et de ce que ces 20 notes ne seraient qu'un copier coller d'un texte ou d'une réglementation sans comporter les explications théoriques ou pratiques permettant aux franchisés de les comprendre ou d'en saisir la portée.

La société Kerbea justifie avoir envoyé près de 20 notes par an au cours des années ayant précédé la rupture du contrat.

Au regard des quelques notes produites devant la cour, il apparait que la société Jofred ne justifie pas que ces notes n'aient pas été complètes ou aient été insuffisantes ou erronées.

Comme il sera vu infra, la société Kerbea a en outre mis en place d'autres vecteurs d'information des franchisés.

La société Jofred reproche à la société Kerbea de persister à indiquer sur son site internet l'existence de certaines agences de franchisés comme étant encore membres du réseau alors que cela n'était plus le cas.

La société Kerbea reconnait qu'à la suite de la refonte de son site internet, certaines agences qui ne faisaient plus partie du réseau ont pu continuer à être présentées comme en faisant encore partie.

Il apparait qu'il s'agit plus d'erreur ou d'absence de mise à jour de données publicitaires sur un site internet. Il n'est pas justifié que la société Kerbea ait utilisé ces données erronées volontairement ou que cette absence de mise à jour ait eu des conséquences sur la renommée de la marque.

La société Jofred ne justifie d'ailleurs pas que l'un des franchisés en ait, à l'époque, fait la remarque à la société Kerbea.

En outre le fait que postérieurement à la résolution du contrat de franchise la société Kerbea ait commis de nouveaux manquements, notamment en se prévalant des agences qui avaient ainsi quitté le réseau, ne peut être retenu comme fondement de la décision de résolution qui avait déjà été prise.

La société Jofred reproche à la société Kerbea un nombre anormalement élevé de sociétés franchisées placées en liquidation judiciaire, soit 20 depuis 2010, 6 autres ayant quitté le réseau pour exploiter une autre enseigne.

Le franchiseur ne peut pas, en soi, être tenu pour responsable de la santé financière de ses franchisés.

Il résulte au contraire de l'évolution des chiffres d'affaires des franchisés en cause en l'espèce que leur situtation restait bonne et que leur activité a continué de se développer au cours des trois premiers trimestres 2019. Si la présentation de l'évolution de ces chiffres d'affaires peut être discutée quant à son aspect partiel, il n'en demeure pas moins que les activités des franchisés se développaient.

La société Jofred fait grief à la société Kerbea de l'avoir contrainte à prendre en charge les factures non réglées de certains prestataires comme les sociétés Metamorphoses (formation commerciale) et Vitaweb (site internet de l'enseigne).

Il apparait que les factures en question concernent la période du 1er octobre 2019 au 31 mars 2020. Ces difficultés sont survenues en novembre 2019, époque à laquelle les franchisés ne payaient plus leurs redevances en totalié.

Selon la société Jofred, les franchisés auraient été à jour de leurs redevances à fin 2019.

La société Kerbea conteste ce point et justifie d'une mise en demeure de payer adressée à cette époque. La société Jofred ne justifie pas des paiements dont elle se prévaut et a reconnu devant le juge des référés devoir certaines sommes au titre des redevances échues au 30 mars 2020.

Il n'est donc pas établi que la société Jofred ait été à jour de ses paiements. Les retards de paiement concertés par les franchisés en cause ont occasionné d'importantes difficultés de trésorerie à la société Kerbea et il ne peut lui être reproché d'avoir eu alors elle-même des difficultés à payer ses fournisseurs.

Selon la société Jofred, la société Kerbea aurait mis fin à l'utilisation du logiciel de gestion administrative fourni gratuitement aux franchisés, Batman, jusqu'à 2015, leur imposant depuis de payer chaque mois la somme de 350 euros pour avoir accès au logiciel de remplacement, Batib.

La société Kerbea justifie que le logiciel Batib a été mis au point par un ancien franchisé. Elle indique avoir présenté aux franchisés les avantages de ce nouveau logiciel, selon elle gestion idéale de leur projet de construction : une gestion des tarifs de leurs sous-traitants, édition automatique des marchés de travaux et des pièces administratives etc.

Elle indique qu'elle assure les frais d'installation et de mise en place mais que les franchisés ont ensuite le choix de souscrire ou non à la solution.

La société Jofred ne justifie pas avoir été forcée par la société Kerbea de souscrire cette solution de logiciel ni qu'elle ait été moins performante que la précédente qui était gratuite.

La société Jofred fait valoir que le franchiseur n'aurait pas mis en place une équipe suffisante et compétente pour répondre à ses obligations et engagements vis à vis des franchisés et une absence de formations proposées.

Elle produit en ce sens une lettre d'un ancien directeur technique de la société Kerbea en date du 2 février 2018 faisant état de ses difficultés à développer et entretenir le reseau et la réponse que lui a faite le franchisé Poillot faisant état de sa crainte sur le devenir et la santé du réseau. Elle se prévaut également d'une attestation de M. [W], ancien directeur du réseau Kerbea, en date du 26 février 2020.

Il apparait que M. [W] fait état d'un dépouillement du potentiel humain de l'entreprise et des conséquences qui avaient du en résulter pour les franchisés. Il ne date cependant pas les faits qu'il relate et il n'est pas possible d'en apprécier la véracité et la portée sur les relations contractuelles.

La société Kerbea justifie qu'au 31 décembre 2018 elle employaitsix salariés, dont un directeur technique d'expérience engagé en juin 2018 et qui a animé des formations dispensées aux franchisés dans le courant de l'année 2019.

Elle justifie également de près de 30 formations proposées aux franchisés au cours de l'année 2019 pour lesquelles la société Métamorphose a établi des factures à la société Kerbéa. Neuf de ces formations étaient commerciales.

Les échanges de courriels entre les franchisés MM. [P] et [Z], d'une part, et M. [N] [G], d'autre part, des 24 et 26 mai 2016 témoignent des inquiétudes des premiers à cette époque. Ils ne peuvent cependant pas être utilement retenus comme fondement d'une décision de résolution des contrats de franchises intervenue près de quatre années plus tard. Il en est de même des messages de cette époque faisant état des difficultés du réseau.

Dans un courriel du 12 janvier 2017, M. [Z] indiquait à M. [N] [G] qu'il avait rencontré de nombreux problèmes, manque d'accompagnement du franchiseur, transmission d'informations générales et abstraites totalement inadaptés aux territoires des différentes agences, simple copie des débours de la Bretagne pour les appliquer en Picardie ce qui avait entraîné des offres des prix inadaptées à cette dernière région les pondérations de matériaux et prix marchés étant spécifiques à chaque région.

M. [Z] a cependant renouvelé le contrat de franchise en 2014 et a cédé son entreprise en 2017. Par courriel du 17 février 2017 il manifestait sa satisfaction des services apportés par la société Kerbea.

Son attestation du 12 avril 2022 s'en trouve peu pertinente.

La société Kerbea justifie avoir proposé 27 formations entre août 2018 et septembre 2019. Entre 2014 et 2018 la société Kerbea justifie avoir proposé 574 journées de formations sur 221 sessions.

La société Jofred fait valoir que les franchisés auraient décidé en 2019 de faire appel à un prestataire extérieur, la société Acorthex, afin d'obtenir l'assistance technique dont ils avaient besoin alors que les outils de gestion et de communication internes ne seraient plus mis à jour.

La société Kerbéa justifie avoir passé un contrat cadre avec la société Acorthex le 7 février 2019 pour que la seconde puisse assister un franchisé accompagné par son franchiseur dans le cadre de création de formations, rédaction de rapports. La société Kerbéa a signé un autre contrat le 15 février 2019 permettant aux franchisés de poser des questions afin de maîtriser les risques induits par l'évolution de la réglementation et l'accompagnement technique. Les réponses apportées étaient facturées à la société Kerbea.

A travers ces contrats, la société Kerbea a assuré une assistance et une aide technique à ses franchisés, même si elle a en quelque sorte externalisé cette mission. Elle a ainsi assuré l'adaptation de ses réponses à l'évolution des normes et du marché, complétant les notes qu'elle envoyait à ses franchises. Elle justifie avoir satisfait à ses obligations sur ce point.

La société Jofred fait valoir qu'en janvier 2020 la boite mail du franchisé aurait été coupée et les messages qui y avaient été envoyés perdus.

Il apparait que le 15 janvier 2020 la société Kerbea a averti ses franchisés qu'il semblait y avoir un problème avec les adresses mail @kerbeaXX.fr. Elle leur a indiqué que le problème se situait chez le fournisseur et qu'elle avait lancé une demande d'assistance. Le 17 janvier 2020, la société Kerbea a averti ses franchisés que le problème était réglé.

Il n'est pas justifié que le problème technique ait été imputable directement à la société Kerbea. Cette dernière justifie être intervenue rapidement pour permettre la fin du dysfonctionnement. Aucun manquement ne peut utilement lui être imputé.

La société Jofred fait valoir que son contrat aurait été transmis à un nouveau franchiseur par effet d'une opération de fusion avec transmission universelle du patrimoine, sans son accord. Elle en déduit que le contrat passé avec le franchiseur s'en serait trouvé rompu.

Il apparait qu'en principe, le contrat de franchise, conclu en considération de la personne du franchiseur, ne peut être transmis par fusion-absorption à une société tierce, qu'avec l'accord du franchisé.

Les parties peuvent cependant conventionnellement opter pour sa transmissibilité en cas d'opération de restructuration concernant celui-ci. Une telle clause de transmissibilité ne fait que recueillir par anticipation l'accord du franchisé à ce que le franchieur fasse l'objet d'une opération de restructuration du type fusion, apport partiel d'actif ou scission.

Le contrat de franchise prévoyait la liberté pour le franchiseur de modifier sa structure financière :

21 ' SUBSTITUTION DU FRANCHISEUR

Le Franchiseur conserve à tout moment sa liberté d'organiser comme il l'entend ses structures juridiques et financières. En cas de modification dans la structure juridique de la société Franchiseur, la nouvelle entitité se sustituera à l'ancienne pour tous les droits et obligations stipulés aux présentes. Les changements intervenus seront opposables de plein droit au Franchisé.

Il est à noter, au contraire, que les clauses contractuelles restreignaient la liberté du franchisé en matière de restructuration. Cette différence voulue par les parties entre l'intuitu personae attaché à la personnalité du franchiseur et celui attaché à la personnalité du franchisé caractérise, si besoin était, leur volonté de laisser une grande liberté de restructuration au premier mais pas au second.

Il en résulte que le fait que la société franchiseur ait été restructurée à travers une opération de fusion avec transmission universelle du patrimoine ne constitue pas un manquement aux obligations de sa part.

En tout état de cause, M. [W], ancien directeur de la société Kerbéa, mentionne dans son attestation du 26 février 2020 que cette cession serait intervenue au profit de personnes n'ayant aucun rapport ni compétence en matière de franchise ou de maisons individuelles. Il ajoute que les franchisés ont du en partir et ont du rencontrer des difficultés économiques.

Outre le fait que cette attestation ne date pas les faits qu'elle relate, elle n'est que prospective et montre, par les termes choisis, que son auteur n'a aucune certitude quant aux conséquences du changement capitalistique sur les franchisés.

Dans la lettre des franchisés du 3 décembre 2019, dont se prévaut la société Jofred, les franchisés faisaient valoir que la transmission universelle était de nature à entraîner l'extinction des contrats de franchise. Ils ne sont donc pas prévalu de la fin des contrats du fait de l'opération financière mais d'une possibilité de rupture. Or, à défaut d'accord du franchisé, une telle opération non autorisée entraîne la fin du contrat à la date de l'opération en question.

Il apparait que postérieurement à l'opération financière litigieuse, la société Jofred à poursuivi ses relations commerciales avec la société Kerbea, même après avoir eu connaissance de cette opération.

Même la lettre de résiliation du 20 février 2020 mentionne une rupture avec effet au 30 mars 2020, ce qui montre que la société Jofred s'estimait tenue par le contrat jusqu'à cette dernière date.

La société Jofred a ainsi en tout état de cause tacitement accepté de poursuivre le contrat sans en demander la fin à la date de l'opération financière qu'elle dénonce.

La société Jofred fait valoir qu'elle aurait perdu confiance dans la société Kerbea cette dernière se trouvant en cessation des paiements.

La société Jofred ne précise pas en quoi la société Kerbea aurait été dans l'incapacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

La société Kerbea indique dans ses conclusions d'appel qu'au 10 décembre 2019 elle restait créancière de près de 35.000 euros au titre des redevances de franchises dues mais impayées par les franchisés, dont la société Jofred. Elle justifie avoir relancé la société Jofred le 20 janvier 2020 pour lui réclamer le paiement de factures à échéances du 10 novembre 2019 au 10 janvier 2020 pour un total de 12.741,06 euros.

La société Jofred ne peut utilement reprocher à la société Kerbea des difficultés de trésorerie alors qu'elle même, dans le cadre d'une action concertée avec les autres franchisés, avait cessé de payer les factures de franchise depuis plusieurs mois.

Par ailleurs, le fait que la société [G] Patrimoine ait rencontré des difficultés financières ne permet pas d'établir que cette situation ait mis en danger la société Kerbea elle-même.

La société Jofred fait valoir que les poursuites pénales engagées contre les dirigeants de la société Kerbea France aurait porté atteinte à la réputation de la marque.

Il apparait que [V] [G] et son fils, M. [N] [G], ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel pour escroquerie et abus de confiance. M. [N] [G] a comparu le 12 décembre 2019 devant le tribunal correctionnel, [V] [G] étant absent pour raisons médicales.

Ces poursuites ont été relatées dans la presse et ont connu une publicité certaine.

L'affaire a été examinée par le tribunal correctionnel à son audience du 12 décembre 2019, puis renvoyée à plusieurs reprises. Les débats ont été rouvert en avril 2020 à la suite du décès de [V] [G], le délibéré étant prorogé au 20 mai 2020. A la suite de décès de [V] [G] en cours de délibéré, il a été renvoyé des fins de la poursuite.

Aucune condamnation n'est intervenue antérieurement à la rupture du contrat de franchise.

Ainsi, la condamnation de M. [N] [G] par la cour d'appel d'Orléans le 12 avril 2023 a fait l'objet d'un article dans le journal La République du Centre. Cet article précise que M. [N] [G] était poursuivi pour les agissements commis alors qu'il était gérant des sociétés Demeure terre et tradition et Habitat loisir construction qui appartenaient à la société holding [G] construction dirigée à l'époque par [V] [G]. L'article relate que M. [N] [G] a été relaxé du chef d'escroquerie et condamné à une amende de 18.000 euros pour abus de confiance ainsi qu'à indemniser les victimes.

Aucune référence à la marque Kerbea n'est mentionnée dans cet article de presse, en tout état de cause postérieur à la date de rupture du contrat.

Dans certains articles du journal La Voix du Nord de fin 2018 et début 2019, il est fait référence aux manquements d'un franchisé à [Localité 7]. La société Kerbea y est mise en cause comme étant un franchiseur qui ne viendrait pas en garantie des manquements de ses franchisés, ajoutant que cinq sociétés détenues par la famille aux manettes de Kerbéa avaient été mises en liquidation judiciaire et que par ailleurs, dans le cadre d'un dossier relatif à l'US [Localité 8] Football, mais en lien avec leurs entreprises, [V] [G], son ancien président, et son fils, [N], avaient été condamnés pour abus de biens sociaux et faux en écriture et qu'ils avaient fait appel.

L'article du 12 février 2019 mettaient toutefois en avant le comportement préjudiciable d'un franchisé. La référence qu'il faisait à la situation personnelles de [V] et [N] [G], partiellement exacte, n'était pas associée direcement à un comportement répréhensible au titre de leur gestion de la société Kerbéa.

Il résulte notamment d'un courriel du 'Comité France Kerbea A J [G]' en date du 1er juin 2016 que certains franchisés se sont plaints à l'époque de l'atteinte à la réputation de l'enseigne Kerbea résultant de agissements reprochés aux consorts [G].

Les reproches de franchisés ainsi rapportés datent pour l'essentiel de 2016 ou début 2017.

Par courriel du 25 mars 2019, un client a indiqué qu'il renonçait à recourir aux services d'un franchisé Kerbea pour ne pas prendre de risque d'ordre financier.

La société Jofred produit des copies de messages facebook d'avis sur Kerbea. Il n'est cependant pas établi que ces messages comportent des critiques directes du franchiseur lui même, même si les titres des critiques indiquent qu'il ne faut pas recommander Kerbea France. Ce sont la réalisation des travaux et leur suivi qui font l'objet des critiques des auteurs des messages. Ces messages prennent le plus souvent soin de préciser qu'il visent une agence Kerbea qu'ils désignent avec précision. A plusieurs reprises, la société Kerbéa France invite les rédacteurs des critiques à la contacter directement ou indique qu'elle va elle-même contacter l'agence incriminée afin de rechercher une solution.

Il apparait ainsi que la publicité négative faite à la marque Kerbea n'était qu'indirecte et qu'elle était peu, voire pas, diffusée dans le public.

En outre, les franchisés ont réagi pour l'essentiel en 2016 mais sans en tirer de conséquences quant à la poursuite des contrats de franchise.

Le 9 mai 2017 la société Kerbea a diffusé à ses franchisés une note sur les réseaux sociaux et sur l'attitude à adopter pour éviter les mécontentements des clients, y répondre le cas échéant et améliorer les avis émis par les clients sur les réseaux sociaux. Il apparait qu'elle n'a pas laissé les franchisés seuls face à ces difficultés de communication.

Courant 2019 et début 2020 les franchisés, dont la société Jofred, ont proposé de racheter la société Kerbea ou du moins de la marque Kerbea. Ils font le reproche à M. [N] [G] d'avoir refusé de les leur vendre à des conditions selon eux raisonnables.

Il parait difficile dans ces conditions de retenir que la société et la marque en question aient été dévalorisées à leurs yeux au point de justifier une résolution du contrat de franchise.

Il apparait ainsi qu'aucune atteinte à la réputation de la marque Kerbea pouvant fonder une rupture du contrat de franchise à la date à laquelle il est intervenu n'est caractérisée.

La société Jofred fait valoir que la société Kerbea n'aurait plus été en mesure de lui offrir de garanties et qu'elle aurait du obtenir des lignes d'encours par ses propres moyens.

La société Kerbea fait valoir qu'en ce qui concerne spécifiquement la société Jofred, elle ne s'était pas portée caution. La société Jofred ne justifie pas qu'une telle garantie lui aurait été apportée par la société Kerbea avant de cesser.

La société Jofred fait valoir que la société Kerbea facturerait une commission de 3,5% pour obtenir l'assurance nécessaire à son activité alors que sans l'intervention de la société Kerbea elle pourrait obtenir un taux de 2,2%.

La société Kerbea reconnait que les franchisés les plus expérimentés peuvent obtenir un taux de 2,2% mais que les nouveaux franchisés ne peuvent parfois pas obtenir mieux que 2,80%. Elle indique avoir fixé un taux de 3,5% pour tenir compte de ses propres frais, de caution, administratifs, juridiques.

La société Kerbea était libre de négocier avec chaque franchisé des conditions de rémunération spécifiques. Il n'est pas justifié qu'elle ait abusé de cette possibilité ni demandé une commission excessive.

La société Jofred fait valoir que la société Kerbea aurait violé le principe de transparence dans l'utilisation des redevances de communication. Ainsi, la redevance de communication de publicité nationale aurait été supprimée ce qui aurait entraîné l'arrêt des actions menées dans ce cadre.

La société Kerbea justifie avoir confié à la société Vitaweb la reprise de la gestion du site internet www.maisons-kerbea.fr. Cette prestation lui a été facturée le 31 mai 2018.

Dans la lettre officielle du 20 février 2020, la société Jofred a toutefois indiqué que la redevance était passée à 1% au lieu de 2%. Elle ne peut prétendre utilement que cette redevance avait été supprimée.

Il apparait ainsi que la redevance de publicité nationale n'a pas été supprimée, mais diminuée, et que la société Jofred en avait été informée. Il est justifié que la société Kerbea a poursuivi ses opérations de communication.

La société Kerbéa justifie avoir refondu son site internet entre mai 2018 et février 2019. Il s'agit d'un outil de communication et de notorité de la marque particulièrement important.

La société Kerbéa justifie également avoir passé, au profit de ses franchisés, des contrats cadre avec des fournisseurs pour référencer des produits. Même si ces contrats ne permettent pas une fourniture de tous les produits, les franchisés ont pu en bénéficier notamment dans des secteurs spécifiques des armatures béton, plancher poutrelles bétons plancher chauffant, isolation nouvelle génération. Il n'est pas justifié que ces contrats aient porté sur des produits non compétitifs ou inadaptés.

La société Jofred fait valoir que ce serait le courtier Gritchen qui serait intervenu au lieu de celui qu'elle avait choisi, la société Ker Courtage.

La société Kerbea admet qu'elle ne disposait pas des mandats de gestion de la part des franchisés. Elle fait cependant valoir que ce seul grief ne saurait justifier à lui seul la résiliation du contrat de franchise.

La société Jofred fait valoir que les franchisés seraient traités de façon inégale, certains ne payant pas le même taux de redevance de franchise et de communication.

Il apparait que le franchiseur n'est pas tenu de pratiquer les mêmes taux de franchises avec chacun de ses franchisés. Chaque franchisé est libre d'accepter ou non les conditions fixées par son contrat de franchise et la société Jofred a signé un contrat prévoyant des taux de franchise qui ont été respectés par la société Kerbea.

La société Jofred fait valoir que le gérant de la société Kerbea, M. [N] [G], aurait refusé de rencontrer les franchisés pour régler amiablement le litige qui les opposait.

Il apparait que les franchisés ont proposé à la société Kerbea de racheter la marque Maisons Kerbea. Des négociations ont eu lieu mais n'ont pas pu aboutir.

Il n'est pas établi que la société Kerbéa ait abusé de son droit de ne pas céder la marque ni qu'il ait rompu de façon abusive les pourparlers engagés. Les discussions sur l'éventuelle vente de la société Kerbea n'ont pas abouti à un accord précis auquel M. [G] aurait brutalement renoncé. Les quelques échanges informels par SMS ne permettent pas d'établir l'existence d'un engagement précis de M. [G] à une cession.

La société Jofred ne justifie pas avoir indiqué avec précision à la société Kerbea, avant décembre 2019, quels étaient les points de litige nécessitant un réglement amiable du litige.

Au vu de la rupture du contrat du 20 février 2020, il ne peut être retenu que c'est à la suite d'un litige ayant perduré malgré des demandes de réglement amiable que cette rupture est intervenue.

En tout état de cause, même s'il est préférable que des co-contractants essayent de s'entendre pour régler leurs désaccords éventuels, l'absence de recherche d'un accord n'est pas en soi fautive. La société Jofred ne justifie pas non plus que la société Kerbea ait abusivement rompu des négociations tendant à la recherche d'un réglement amiable du litige.

Il est justifié que le nombre de maisons commercialisées par les franchisés du 1er janvier 2019 au 30 octobre 2019 a été en augmentation de près de 30% par rapport à la même période de l'année 2018.

Sans méconnaître le rôle des franchisés dans cette amélioration, il en ressort que la transmission du savoir par la société Kerbéa était encore efficace et pertinente à cette époque.

Il apparait ainsi que la société Jofred ne justifie pas que les quelques manquements de la société Kerbea qui ont été retenus comme tels supra, même pris dans leur ensemble, justifiaient une rupture du contrat de franchise par la première.

Il en résulte également que la société Jofred et M. [U] ne justifient pas des fautes qu'ils alléguent et leurs demandes de paiement de dommages-intérêts seront rejetées.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les redevances restant dues :

La société Jofred reconnait qu'elle devait la somme de 7.920 euros au titre des redevances échues avant le 30 mars 2020.

Par ordonnance du 24 septembre 2020, le juge des référés du tribunal de commerce d'Orléans a condamné la société Jofred à payer la somme de 7.920 euros soit 2.640 euros par chèque déjà versé du 12 août 2020, 2.640 euros à payer le 15 septembre 2020 et 2.640 euros à payer le 15 octobre 2020.

Par arrêt du 24 juin 2021, la cour d'appel d'Orléans a infirmé cette ordonnance en ce qu'elle avait ordonné la consignation de cette somme.

Dans ces décisions, les juges des référés ont omis de préciser dans le dispositif de l'ordonnance qu'il s'agissait d'une condamnation à titre provisionnel.

Il conviendra de préciser que la condamnation prononcée par la cour d'appel de Rennes se susbtituera à celle prononcée à titre nécessairement provisionnel par le juge des référés d'Orléans.

Il y aura lieu de fixer la créance de la société Kerbea sur la société Jofred au titre des redevances restant dues au 30 mars 2020 à la somme de 7.920 euros TTC.

Sur la rupture du contrat de franchise sans motif légitime :

Le contrat de franchise prévoit une indemnisation du franchiseur en cas de rupture du contrat par le franchisé :

15 - FIN OU RUPTURE DU CONTRAT' NON AFFILIATION

Le contrat prend fin, sauf rupture anticlpée pour faute ou événement de nature a empécher la

poursuite du contrat (liquidation judiciaire, dissolution etc.), par survenance du terme défini à l'article 3.

En cas de rupture anticlpée, sauf maladie grave et durable, et sauf cas de force majeure, a titre

exceptionnel, les indemnités dues par le franchisé seront plafonnées :

- en montant : à 75.000 euros HT (soixante quinze mille euros HT)

- en durée : la durée nécessaire à l'installation d'un nouveau franchisé sur ce territoire.

Toutefois, en cas d'infraction grave et flagrante du Franchisé compromettant l'image de marque des 'Maisons KERBEA', du nom de domaine, de la charte graphique ou constituent un manquement grave aux obligations nées du présent contrat,(non-paiement des redevances, etc.) le Franchiseur pourra rompre le présent contrat.

En sus des dommages et intéréts que le Franchiseur sera en droit de réclamer, le Franchisé restera tenu de payer les redevances que le Franchiseur aura été en droit de percevoir jusqu'à l'expiration du présent contrat ou de ses avenants.

A l'expiration du présent contrat, quelle qu'en soit la cause (rupture, non renouvellement, etc....) et pendant une durée de (1) un an, le Franchisé, s'interdit - directement ou indirectement - de s'affilier directement ou indirectement à un réseau de dimension régionale ou nationale de vente de construction de maisons individuelles ou à un réseau de distribution ayant une activité trés proche ou similaire, c'est-é-dire é un autre constructeur de maisons ou é un maître d'oeuvre du bâtiment, et ce sur le département du Loir et Cher (41) et les départements limitrophes sur lesquels sont présents d'autres franchisés.

Au cas de non-respect de cette obligation, le Franchise devra verser, par mois calendaire d'infraction,tout mois commencé étant dû en entier, la redevance minimum prévue à l'article 6.

Il apparait ainsi que les parties ont prévu que les indemnités dues au titre des conséquences d'une rupture anticipée sont plafonnées à 75.000 euros HT, sans compter le paiement des redevances que le franchiseur aura été en droit de percevoir jusqu'à l'expiration du contrat.

La société Kerbea fait valoir que la résiliation du contrat de franchise par la société Jofred s'est inscrite dans le cadre d'un mouvement concerté des franchisés qui à conduit à la résiliation de plusieurs contrats de franchise au même moment, aggravant pour elle les conséquences de ces ruptures.

Il apparait en effet que la rupture du contrat de franchise par la société Jofred est concomitante de celle prononcée par d'autres franchisés. Les huit franchisés en cause, exploitant neuf sociétés, ont agi de concert pour formuler différents reproches à la société Kerbea. Ils ont ainsi co-signé une lettre du 3 décembre 2019 exposant la plupart des griefs invoqués devant la cour par la société Jofred et analysés supra.

La résiliation anticipée du contrat de franchise par la société Jofred de façon non justifiée a ainsi occasionné à la société Kerbea un préjudice d'autant plus important qu'il s'est inscrit dans une action aboutissant à la résiliation simultanée des contrats la liant à huit franchisés.

La société Jofred avait signé le 30 juin 2014 un contrat de franchise pour une durée de 5 ans renouvelable par tacite reconduction. Elle a ainsi rompu ce contrat avec près de quatre années avant la date prévue.

Il est justifié que la société Kerbea a poursuivi son activité sous une forme différente.

Elle a cédé la marque Maisons Kerbea le 20 mai 2020 à la société MI Ingenierie. Cette dernière a par la suite signé des contrats de concession commerciale.

Il n'en demeure pas moins que la rupture abusive par la société Jofred a occasionné à la société Kerbea un préjudice constitué par la perte d'une chance de percevoir des redevances pendant la durée restant à courir du contrat et la nécessité de réorienter son activité et former un nouveau réseau.

Au vu de l'ensemble de ces éléments et du montant des redevances annuelles que la société Jofred avait payé au titre des années d'exercice de la franchise, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé à la somme de 50.000 euros ce préjudice.

Le départ simultané et brutal des franchisés de la société Kerbea a porté atteinte à sa réputation en tant que franchiseur auprès des entreprises susceptibles d'adhérer à ce réseau et auprès des clients et fournisseurs.

Cette atteinte à la réputation a occasionné à la société Kerbea un préjudice moral qu'il convient de fixer à la somme de 1.000 euros. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a prononcé une condamnation globale à la somme de 65 000 euros.

Sur l'obligation de non concurrence et l'obligation de non affiliation :

La société Kerbéa demande la condamnation de la société Jofred et de M. [U] à lui payer certaines sommes au titre de la violation de l'engagement de non-concurrence et de celle de non-affiliation post-contractuelle telles que prévues au contrat de franchise.

Il apparait que ces prétentions n'ont pas été présentées par la société Kerbéa dans ses premières conclusions. Elles sont donc irrecevables au vu des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile.

La société Kerbea fait valoir que la société Jofred a consigné à son profit la somme de 10.000 euros.

La société Jofred étant en liquidation judiciaire, il appartient aux organes de la procédure collective et non pas au juge du fond de statuer sur les attributions de sommes qui ont pu être consignées par la société bénéficiant d'une telle procédure. La demande de la société Kerbea de libérer les fonds séquestrés est irrecevable devant le juge saisi au fond.

En outre, la cour d'appel d'Orléans a infirmé l'ordonnance de référé en ce qu'elle avait ordonné ladite consignation.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de rejeter les demandes formées en appel au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de dire que chacune des parties supportera les dépens d'appel qu'elle a engagés.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Rejette la demande de la société Kerbea tendant au rejet des conclusions déposées le 26 juin 2023 par la société Jofred, représentée par la société Angel [J] Duval, prise en la personne de M. [J], liquidateur judiciaire, et M. [U],

- Déclare cependant irrecevable la demande formée par la société Jofred, représentée par la société Angel [J] Duval, prise en la personne de M. [J], liquidateur judiciaire, et M. [U] tendant à faire juger que les sommes réclamées par la société Kerbéa au titre des redevances, consignées ou non, ont vocation à se compenser de plein droit avec les dommages-intérêts qui seront mis à la charge de cette dernière au profit des Concluants par la décision à intervenir, et en toute hypothèse ordonner une telle compensation,

- Déclare irrecevables les demandes de la société Kerbéa France tendant la fixation de la la créance complémentaire de la société Kerbéa France au passif de la société Jofred, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, à la somme de 150.000 euros, solidairement avec son gérant M. [U], correspondant à l'indemnité due à la suite de son engagement de non concurrence tel que prévu à l'article 14 du contrat de franchise, et à la fixation de la créance complémentaire de la société Kerbea France au passif de la société Jofred, prise en la personne de son liquidateur judiciaire à la somme de 30.000 euros résultant de la violation de son obligation de non-affiliation post-contractuelle telle que prévue à l'article 15 du contrat de franchise,

- Infirme le jugement en ce qu'il a :

- Ecarté des débats les pièces de la société Jofred numérotées de Al à A45,

- Débouté la société Jofred et M. [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Condamné la société Jofred à payer à la société Kerbea la somme de 5.280 euros TTC au titre des redevances échues au 30 mars 2020,

- Condamné la société Jofred à payer à la société Kerbea la somme de 65.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Condamné la société Jofred à payer à la société Kerbea la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Confirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Fixe la créance de la société Kerbea France sur la société Jofred, représentée par la société Angel [J] Duval, prise en la personne de M. [J], au titre des redevances échues au 30 mars 2020 à la somme de 7.920 euros TTC,

- Dit que la décision au fond de fixation de la créance de la société Kerbea France sur la société Jofred, représentée par la société Angel [J] Duval, prise en la personne de M. [J], à la somme de 7.920 euros TTC au titre des redevances échues au 30 mars 2020 se subsitue à la condamnation prononcée à titre nécessairement provisoire dans le cadre de l'instance de référé ayant conduit à l'ordonnance du 24 septembre 2020 du juge des référés du tribunal de commerce d'Orléans,

- Fixe la créance de la société Kerbea France sur la société Jofred, représentée par la société Angel [J] Duval, prise en la personne de M. [J], à la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de franchise,

- Fixe la créance de la société Kerbea France sur la société Jofred, représentée par la société Angel [J] Duval, prise en la personne de M. [J], à la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- Déclare irrecevable la demande formée par la société Kerbea France tendant à la libération des fonds séquestrés par la société Jofred à son profit,

- Rejette les autres demandes des parties,

- Dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens d'appel par elle engagés.