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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 28 novembre 2023, n° 21/04538

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Les Demeures de la Marne (Sasu)

Défendeur :

Kerbea France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Clement, Mme Jeorger-Le Gac

Avocats :

Me Le Couls Bouvet, Me Croix, Me Bellet, Me Grassin

T. com. Rennes, du 8 juill. 2021

8 juillet 2021

FAITS ET PROCÉDURE :

La société [J] France (la société [J]) était titulaire de la marque [J]. Elle était spécialisée dans la construction, la vente et la livraison de maisons individuelles et était à la tête d'un réseau national de franchisés spécialisé dans la construction de maisons individuelles.

Le 18 juin 2015, un contrat de franchise a été signé entre, d'une part, M. [U] agissant pour son compte et pour celui d'une société en cours de formation, et, d'autre part, la société [J].

Le contrat de franchise a été conclu pour une durée de 7 ans renouvelable par tacite reconduction sans formalité par périodes de 5 ans.

M. [U] s'est substitué la société Les Demeures de la Marne (la société Les Demeures) dont il était le gérant.

Un avenant a par la suite été régularisé.

Le 9 avril 2018, la société [J] a été absorbée par la société Lafobi, détenue par M.[V], par transmission universelle de patrimoine. La sociéte Lafobi a repris le nom de [J] par décision de l'assemblée générale du 12 avril 2018.

A compter d'avril 2019, les franchisés ont proposé à M. [R] [V] de lui racheter les titres de la société [J], ce que ce dernier a refusé.

Par lettre du 20 février 2020, la société Les Demeures a résilié le contrat de franchise avec effet au 30 mars 2020.

Estimant que la société [J] avait manqué à ses obligations, la société Les Demeures et M. [U] l'ont assignée en résiliation de la franchise à effet au 30 mars 2020 et paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 8 juillet 2021, le tribunal de commerce de Rennes a :

- Décerné acte aux parties qu'elles ont donné compétence au tribunal de commerce de Rennes pour traiter des affaires numérotées de 2020F00207 à 2020F00215,

- Ecarté des débats les pièces de la société Les Demeures numérotées de A1 à A45,

- Débouté la société Les Demeures et M. [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Condamné la société Les Demeures à payer à la société [J] la somme de 28.674 euros TTC au titre des redevances échues au 30 mars 2020,

- Condamné la société Les Demeures à payer à la société [J] la somme de 65.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Condamné la société Les Demeures à payer à la société [J] la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la société [J] du surplus de ses demandes,

- Condamné la société Les Demeures aux entiers dépens.

M. [U] et la société Les Demeures ont interjeté appel le 20 juillet 2021.

Les dernières conclusions de M. [U] et la société Les Demeures sont en date du 26 juin 2023. Les dernières conclusions de la société [J] sont en date du 21 juin 2023.

Par note du 28 juin 2023 la société [J] a demandé le rejet des conclusions déposées par la société Les Demeures et M. [U] le 26 juin 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 juin 2023.

Sur le rejet des conclusions et pièce déposées par la société Les Demeures et M. [U] le 26 juin 2023 :

Les parties ont été avisées de la date de clôture, prévue au 15 juin 2023, le 3 mars 2023. A la demande des parties, cette clôture a été repoussée au 29 juin 2023.

La société Les Demeures et M. [U] avaient conclu pour la dernière fois le 14 juin 2023.

La société Les Demeures et M. [U] ont déposé le 26 juin 2023 un nouveau jeu de conclusions comportant 98 pages.

Les ajouts que comportent ces conclusions par rapport aux précédentes sont identifiés par un trait vertical dans la marge. L'ajout de la page 42, près d'une page, ne vient qu'en réponse à des conclusions de la société [J].

Les ajouts des pages 89 à 91 portent sur une demande de compensation entre les dommages-intérêts réclamés par la société Les Demeures et M. [U] et le montant des redevances réclamé par la société [J]. Elle porte également sur la lecture de certaines décisions de justice qui avaient déjà été produites.

Le dispositif de ces conclusions comporte en page 98 deux nouveaux chefs de demandes. Il s'agit de demandes de 'Juger' qui relèvent d'une argumentation et non pas de demandes en justice.

La demande de compensation formulée dans ses dernières écritures n'est pas un moyen mais une prétention. Elle n'a pas été présentée dans les premières conclusions de la société Les Demeures et de M. [U] comme le prévoient les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile. Cette demande de compensation présentée dans ces circonstances appelait donc une réponse de la part de la société [J].

Il apparaît ainsi qu'à l'exception de la demande de compensation nouvellement présentée, les dernières conclusions de la société Les Demeures et M. [U] n'appelaient pas de réponse particulière. En outre, la société [J] disposait de trois jours avant la date de la clôture pour répondre le cas échéant sur les quelques ajouts des conclusions.

Seule la présentation d'une prétention nouvelle, non exposée dans les premières conclusions, nécessitait une réponse que la société [J] n'a pas été en mesure d'apporter dans ce délai de trois jours. Le dépôt de ces conclusions a porté atteinte au principe de la contradiction en ce qu'il a présenté une demande de compensation.

Les dernières conclusions de la société Les Demeures et de M. [U] à prendre en compte sont celles du 26 juin 2023, étant précisé que la demande de compensation qu'elle comportent sera déclarée irrecevable.

PAREMENTIONS ET MOYENS :

M. [U] et la société Les Demeures demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société [J] « du surplus de ses demandes », dont sa demande tendant à voir la société Les Demeures être condamnée à lui verser des dommages-intérêts correspondant aux redevances restant à courir jusqu'au terme du contrat de franchise initialement prévu,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- Ecarté des débats les pièces de la société Les Demeures numérotées A1 à A45,

- Débouté la société Les Demeures et M. [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Condamné la société Les Demeures à payer à la société [J] la somme de 28.674 euros TTC au titre des redevances échues au 30 mars 2020,

- Condamné la société Les Demeures à payer à la société [J] la somme de 65.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- Condamné la société Les Demeures à payer à la société [J] la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

Et, statuer à nouveau :

- Juger que la société [J] a gravement manqué à ses obligations contractuelles,

- Juger que ces manquements sont à l'origine de préjudices subis personnellement tant par la société Les Demeures que par M. [U] lui-même,

En conséquence :

- Prononcer la résiliation du contrat de franchise conclu le 18 juin 2015 aux torts et griefs exclusifs de la société [J] , à effet du 30 mars 2020,

- Condamner la société [J] à payer la somme de 177.610,24 euros à titre de dommages-intérêts à la société Les Demeures , outre les intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation, sauf à parfaire,

- Condamner la société [J] à payer la somme de 35.000 euros à titre de dommages-intérêts à M. [U], outre les intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation, sauf à parfaire,

- Juger que la société Les Demeures ne peut être tenue que d'une somme de 9.967,77 euros TTC au titre des redevances dues sur les contrats conclus antérieurement à la résiliation du contrat de franchise,

- Constater et donner acte à la société Les Demeures de ce qu'elle s'est acquittée d'une somme supérieure entre les mains de la Carpa d'[Localité 8],

- Débouter la société [J] de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions, en ce compris son appel incident,

- Juger que la société Les Demeures ne peut en toute hypothèse être tenue, au titre des redevances réclamées par la société [J] , à une somme supérieure à 9.967,77 euros TTC, et qu'elle est fondée à obtenir restitution de toute somme consignée allant au-delà de ce montant,

- Juger en tout état de cause que les sommes réclamées par la société [J] au titre des redevances, consignées ou non, ont vocation à se compenser de plein droit avec les dommages-intérêts qui seront mis à la charge de cette dernière au profit des Concluants par la décision à intervenir, et en toute hypothèse ordonner une telle compensation,

- Réduire subsidiairement à la somme d'un euro le montant de l'indemnité contractuelle réclamée par la société [J] ,

- Condamner la société [J] aux entiers dépens de l'instance,

- Condamner la société [J] à payer la somme de 15.000 euros à la société Les Demeures au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société [J] demande à la cour de :

- Recevoir la société Les Demeures et M. [U] en leur appel comme régulier,

- Les débouter de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

' Ecarté des débats les pièces de la société Les Demeures numérotées A1 à A45,

' Condamné la société Les Demeures à payer à la société [J] la somme de 28.674 euros TTC correspondant aux redevances échues au 30 mars 2020,

' Condamné la société Les Demeures à payer à la société [J] la somme de 65.000 euros en réparation du trouble causé par la rupture injustifiée du contrat de franchise et du préjudice moral,

' Condamné la société Les Demeures à payer à la société [J] la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Recevoir la société [J] en son appel incident, ses demandes, fins et prétentions, et l'en déclarer bien fondée,

- Recevoir la société [J] en son appel incident, ses demandes, fins et prétentions, et l'en déclarer bien fondée,

Et par conséquent :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société [J] du surplus de ses demandes,

Et, statuant à nouveau :

- Condamner la société Les Demeures à verser les sommes de :

' 175.500 euros H.T., soit 210.600 T.T.C. correspondant aux redevances restant à courir jusqu'à la fin du contrat initialement prévu le 18 juin 2022, résultant de la rupture abusive du fait du franchisé en date du 20 février 2020, prenant effet le 30 mars 2020,

- Condamner la société Les Demeures à communiquer à la société [J] l'ensemble des contrats et avenants relatifs aux 15 chantiers à ouvrir et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du 8 ème jour suivant le prononcé de la décision à intervenir,

En tout état de cause :

- Condamner la société Les Demeures à verser à la société [J] la somme de 25.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en cause d'appel.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Les demandes de constat et de donner acte ne sont pas des demandes en justice. Elles ne seront examinées que comme moyens.

Sur le rejet des pièces A 31 à A 45 de la société Les Demeures et de M. [U] :

Le tribunal a rejeté ces pièces comme ayant été produites tardivement devant lui.

S'il a pu, à juste titre, rejeter des pièces produites en violation du principe de la contradiction, ce rejet n'est plus d'actualité aujourd'hui les parties ayant eu le temps depuis de les analyser et de faire valoir leurs observations correspondantes.

Le jugement sera infirmé sur ce point pour permettre à la cour de prendre ces pièces en compte.

Sur la rupture du contrat de franchise :

Par lettre du 20 février 2020, la société Les Demeures a notifié à la société [J] la rupture du contrat de franchise avec effet au 30 mars 2020. Cette rupture a été confirmée par lettre du 23 mars 2020.

La cour n'a donc pas à rechercher s'il y a lieu ou non à rupture du contrat de franchise mais à rechercher si cette rupture était ou non justifiée.

La société Les Demeures invoque des manquements de la société [J] à ses obligations de franchiseur, à savoir manquements graves et répétés aux obligations contractuelles, rupture totale et définitive du lien de confiance du fait du franchiseur et refus réitéré de rencontrer les franchisés lors d'une réunion aux fins de tenter de régler amiablement le litige.

Le contrat de franchise prévoyait les obligations du franchiseur :

4 - OBLIGATIONS DU FRANCHISEUR ET DU FRANCHISE

Le Franchiseur s'engage envers le Franchisé :

- A lui assurer la paisible jouissance de la marque 'Maisons [J]', pendant toute la durée du présent contrat ainsi que d'en assurer le renouvellement,

- A lui assurer la paisible jouissance du nom de domaine ainsi que de l'image graphique du site Internet,

- A établir des notes d'information pour tout ce qui concerne l'activité du Franchisé,

- A améliorer constamment les différents types de maisons qu'il conçoit, par ailleurs, il aura la faculté d'interrompre la commercialisation de certains modèles de maisons sans que le Franchisé puisse exiger une indemnité de ce chef,

- A préparer, rédiger et mettre à jour de façon permanente l'organisation originale de son concept visant à favoriser l'expansion de l'entreprise du Franchisé,

- A organiser des sessions d'information et de formation au profit du Franchisé,

- A référencer des matériaux et matériels,

- A assurer, à ses frais exclusifs et si besoin, la présence à intervalles réguliers, d'une équipe de conseillers au siège de l'entreprise du Franchisé

qui pourra notamment bénéficier d'une assistance commerciale et

technique,

- A s'efforcer de tout faire d'une manière générale pour promouvoir la marque 'Maisons [J]',

- A mettre à sa disposition un organisme de caution et fournisseurs de matériaux avec lesquels il devra contracter directement ou indirectement selon les besoins du référencement produit pour le réseau.

Le nombre décroissant de franchisés ne constitue pas une atteinte à une jouissance paisible de la marque. Ce n'est pas non plus, en soi, la preuve de ce que le franchiseur ne ferait pas tout pour promouvoir la marque.

La société Les Demeures fait valoir que la société [J] n'aurait pas entrepris les démarches et actions utiles pour améliorer et actualiser son concept, en s'abstenant notamment de proposer de nouveaux modèles de maisons.

La société [J] justifie avoir notamment proposé dans le cadre de la gamme Koncept 2019, 9 modèles de maisons représentant 58 versions de plans différents. Elle a également proposé la gamme Tendance USA 2020 avec 4 modèles. Tous ces modèles, outre d'autres gammes, ont été notamment présentés dans une annexe du 20 février 2020.

La société [J] justifie ainsi avoir continué à présenter de nouveaux modèles de maisons pour s'adapter aux évolutions du marché.

La société Les Demeures ne justifie pas que les plans de ces modèles aient été insuffisants et que cette insuffisance ait rendu obligatoire le recours à un prestataire extérieur.

Si la société [J] a indiqué dans une note qu'il était parfois impossible de ne pas modifier un plan, il n'est pas justifié que ces modifications indispensables aient été fréquentes.

En outre, seul un devis pour modification hors catalogue [J] de la société Plan Habitat Permis est produit. Il n'est pas justifié que cette société ait du intervenir, ni à quelle fréquence, et pour quelles facturations.

Le fait que la société [J] ait validé de telles modifications ne permet pas d'en déduire qu'elles étaient indispensables. Il est au contraire justifié que la société [J] accompagnait les franchisés lors de telles modifications.

La société Les Demeures reproche à la société [J] de ne plus envoyer que 20 notes par an alors qu'elle en envoyait 80 par an entre 2014 et 2016 et de ce que ces 20 notes ne seraient qu'un copier coller d'un texte ou d'une réglementation sans comporter les explications théorique ou pratique permettant aux franchisés de les comprendre ou en saisir la portée.

La société [J] justifie avoir envoyé près de 20 notes par an au cours des années ayant précédé la rupture du contrat.

Au regard des quelques notes produites devant la cour, il apparaît que la société Les Demeures ne justifie pas que ces notes n'aient pas été complètes ou aient été insuffisantes ou erronées.

Comme il sera vu infra, la société [J] a en outre mis en place d'autres vecteurs d'information des franchisés.

La société Les Demeures reproche à la société [J] de persister à indiquer sur son site internet l'existence de certaines agences de franchisés comme étant encore membres du réseau alors que cela n'était plus le cas.

La société [J] reconnaît qu'à la suite de la refonte de son site internet, certaines agences qui ne faisaient plus partie du réseau ont pu continuer à être présentées comme en faisant encore partie.

Il apparaît qu'il s'agit plus d'erreur ou d'absence de mise à jour de données publicitaires sur un site internet. Il n'est pas justifié que la société [J] ait utilisé ces données erronées volontairement ou que cette absence de mise à jour ait eu des conséquences sur la renommée de la marque.

La société Les Demeures ne justifie d'ailleurs pas que l'un des franchisés en ait fait la remarque à la société [J] à l'époque.

En outre le fait que postérieurement à la résolution du contrat de franchise la société [J] ait commis de nouveaux manquements, notamment en se prévalant des agences qui avaient ainsi quitté le réseau, ne peut être retenu comme fondement de la décision de résolution qui avait déjà été prise.

La société Les Demeures reproche à la société [J] un nombre anormalement élevé de sociétés franchisées placées en liquidation judiciaire, soit 20 depuis 2010, 6 autres ayant quitté le réseau pour exploiter une autre enseigne.

Le franchiseur ne peut pas, en soi, être tenu pour responsable de la santé financière de ses franchisés.

Il résulte au contraire de l'évolution des chiffres d'affaires des franchisés en cause en l'espèce

que leur situation restait bonne et que leur activité a continué de se développer au cours des trois premiers trimestres 2019. Si la présentation de l'évolution de ces chiffres d'affaires peut être discutée quant à son aspect partiel, il n'en demeure pas moins que les activités des franchisés se développaient.

La société Les Demeures fait grief à la société [J] de l'avoir contrainte à prendre en charge les factures non réglées de certains prestataires comme les sociétés Metamorphoses (formation commerciale) et Vitaweb (site internet de l'enseigne).

Il apparaît que les factures en question concernent la période du 1er octobre 2019 au 31 mars 2020. Ces difficultés sont survenues en novembre 2019, époque à laquelle les franchisés ne payaient plus leurs redevances.

Selon la société Les Demeures, les franchisés auraient été à jour de leurs redevances à fin 2019.

La société [J] conteste ce point et justifie d'une mise en demeure de payer adressée à cette époque. La société Les Demeures ne justifie pas des paiements dont elle se prévaut et a reconnu devant le juge des référés devoir certaines sommes au titre des redevances échues au 30 mars 2020.

Il n'est donc pas établi que la société Les Demeures ait été à jour de ses paiements. Les retards de paiement concertés par les franchisés en cause ont occasionné d'importantes difficultés de trésorerie à la société [J] et il ne peut lui être reproché d'avoir eu alors elle-même des difficultés à payer ses fournisseurs.

Selon la société Les Demeures, la société [J] aurait mis fin à l'utilisation du logiciel de gestion administrative fourni gratuitement aux franchisés, Batman, jusqu'à 2015, leur imposant depuis de payer chaque mois la somme de 350 euros pour avoir accès au logiciel de remplacement, Batib.

La société [J] justifie que le logiciel Batib a été mis au point par un ancien franchisé. Elle indique avoir présenté aux franchisés les avantages de ce nouveau logiciel, selon elle gestion idéale de leur projet de construction : une gestion des tarifs de leurs sous-traitants, édition automatique des marchés de travaux et des pièces administratives etc.

Elle indique qu'elle assure les frais d'installation et de mise en place mais que les franchisés ont ensuite le choix de souscrire ou non à la solution.

La société Les Demeures ne justifie pas avoir été forcée par la société [J] de souscrire cette solution de logiciel ni qu'elle ait été moins performante que la précédente qui était gratuite.

La société Les Demeures fait valoir que le franchiseur n'aurait pas mis en place une équipe suffisante et compétente pour répondre à ses obligations et engagements vis à vis des franchisés et une absence de formations proposées.

Elle produit en ce sens une lettre d'un ancien directeur technique de la société [J] en date du 2 février 2018 faisant état de ses difficultés à développer et entretenir le réseau et la réponse que lui a faite le franchisé [U] faisant état de sa crainte sur le devenir et la santé du réseau. Elle se prévaut également d'une attestation de M. [S], ancien directeur du réseau [J], en date du 26 février 2020. M. [S] fait état d'un dépouillement du potentiel humain de l'entreprise et des conséquences qui avaient du en résulter pour les franchisés. Il ne date cependant pas les faits qu'il relate et il n'est pas possible d'en apprécier la véracité et la portée sur les relations contractuelles.

La société [J] justifie cependant qu'au 31 décembre 2018 elle employait six salariés, dont un directeur technique d'expérience engagé en juin 2018 et qui a animé des formations dispensées aux franchisés dans le courant de l'année 2019.

Elle justifie également de près de 30 formations proposées aux franchisés au cours de l'année 2019 pour lesquelles la société Métamorphose a établi des factures à la société [J]. Neuf de ces formations étaient commerciales.

Les échanges de courriels entre les franchisés MM. [A] et [N] d'une part et M. [R] [V], d'autre part, des 24 et 26 mai 2016 témoignent des inquiétudes des premiers à cette époque. Ils ne peuvent cependant pas être utilement retenus comme fondement d'une décision de résolution des contrats de franchises intervenue près de quatre années plus tard. Il en est de même des messages de cette époque faisant état des difficultés du réseau.

Dans un courriel du 12 janvier 2017, M. [N] indiquait à M. [R] [V] qu'il avait rencontré de nombreux problèmes , manque d'accompagnement du franchiseur, transmission d'informations générales et abstraites totalement inadaptées aux territoires des différentes agences, simple copie des débours de la Bretagne pour les appliquer en Picardie ce qui avait entraîné des offres de prix inadaptées à cette dernière région, les pondérations de matériaux et prix marchés étant spécifiques à chaque région.

M. [N] a cependant renouvelé le contrat de franchise en 2014 et a cédé son entreprise en 2017. Par courriel du 17 février 2017 il manifestait sa satisfaction des services apportés par la société [J].

Son attestation du 12 avril 2022 s'en trouve peu pertinente.

La société [J] justifie avoir proposé 27 formations entre août 2018 et septembre 2019. Entre 2014 et 2018 la société [J] justifie avoir proposé 574 journées de formations sur 221 sessions.

La société Les Demeures fait valoir que les franchisés auraient décidé en 2019 de faire appel à un prestataire extérieur, la société Acorthex, afin d'obtenir l'assistance technique dont ils avaient besoin alors que les outils de gestion et de communication internes ne seraient plus mis à jour.

La société [J] justifie avoir passé un contrat cadre avec la société Acorthex le 7 février 2019 pour que la seconde assiste un franchisé accompagné par son franchiseur, création de formations, rédaction de rapports. La société [J] a signé un autre contrat le 15 février 2019 permettant aux franchisés de poser des questions afin de maîtriser les risques induits par l'évolution de la réglementation et l'accompagnement technique. Les réponses apportées étaient facturées à la société [J].

A travers ces contrats, la société [J] a assuré une assistance et une aide technique à ses franchisés, même si elle a en quelque sorte externalisé cette mission. Elle justifie avoir satisfait à ses obligations sur ce point.

La société Arcothex a attesté le 26 février 2020 ne pas avoir adressé de facture aux franchisés, à l'exception d'une mission d'expertise que l'un d'eux lui avait confié. Elle a également indiqué que ce n'est qu'à la suite de l'absence de paiement des factures fin 2019 qu'elle avait suspendu ses prestations.

La société Les Demeures fait valoir qu'en janvier 2020 la boîte mail du franchisé aurait été coupée et les messages qui y avaient été envoyés perdus.

Il apparaît que le 15 janvier 2020 la société [J] a averti ses franchisés qu'il semblait y avoir un problème avec les adresses mail @KerbéaXX.fr. Elle leur a indiqué que le problème se situait chez le fournisseur et qu'elle avait lancé une demande d'assistance. Le 17 janvier 2020, la société [J] a averti ses franchisés que le problème était réglé.

Il n'est pas justifié que le problème technique ait été imputable directement à la société [J] et elle justifie être intervenue rapidement pour permettre la fin du dysfonctionnement. Aucun manquement ne peut utilement lui être imputé.

La société Les Demeures fait valoir que son contrat aurait été transmis à un nouveau franchiseur par effet d'une opération de fusion avec transmission universelle du patrimoine, sans son accord. Elle en déduit que le contrat passé avec le franchiseur s'en serait trouvé rompu.

Il apparaît qu'en principe, le contrat de franchise, conclu en considération de la personne du franchiseur, ne peut être transmis par fusion-absorption à une société tierce, qu'avec l'accord du franchisé.

Les parties peuvent cependant conventionnellement opter pour sa transmissibilité en cas d'opération de restructuration concernant celui-ci. Une telle clause de transmissibilité ne fait que recueillir par anticipation l'accord du franchisé à ce que le franchieur fasse l'objet d'une opération de restructuration du type fusion, apport partiel d'actif ou scission.

Le contrat de franchise prévoyait la liberté pour le franchiseur de modifier sa structure financière :

21 ' SUBSTITUTION DU FRANCHISEUR

Le Franchiseur conserve à tout moment sa liberté d'organiser comme il l'entend ses structures juridiques et financières. En cas de modification dans la structure juridique de la société Franchiseur, la nouvelle entitité se substituera à l'ancienne pour tous les droits et obligations stipulés aux présentes. Les changements intervenus seront opposables de plein droit au Franchisé.

Il est à noter, au contraire, que les clauses contractuelles restreignaient la liberté du franchisé en matière de restructuration. Cette différence voulue par les parties entre l'intuitu personae attaché à la personnalité du franchiseur et celui attaché à la personnalité du franchisé caractérise, si besoin était, leur volonté de laisser une grande liberté de restructuration au premier mais pas au second.

Il en résulte que le fait que la société franchiseur ait été restructurée à travers une opération de fusion avec transmission universelle du patrimoine ne constitue pas un manquement aux obligations de sa part.

En tout état de cause, M. [S], ancien directeur de la société [J], mentionne dans son attestation du 26 février 2020 que cette cession serait intervenue au profit de personnes n'ayant aucun rapport ni compétence en matière de franchise ou de maisons individuelles. Il ajoute que les franchisés ont du en partir et ont du rencontrer des difficultés économiques.

Outre le fait que cette attestation ne date pas les faits qu'elle relate, elle n'est que prospective et montre, par les termes choisis, que son auteur n'a aucune certitude quant aux conséquences du changement capitalistique sur les franchisés.

Dans la lettre des franchisés du 3 décembre 2019, dont se prévaut la société Les Demeures, les franchisés faisaient valoir que la transmission universelle était de nature à entraîner l'extinction des contrats de franchise. Ils ne sont donc pas prévalu de la fin des contrats du fait de l'opération financière mais d'une possibilité de rupture. Or, à défaut d'accord du franchisé, une telle opération non autorisée entraîne la fin du contrat à la date de l'opération en question.

Il apparaît que postérieurement à l'opération financière litigieuse, la société Les Demeures a poursuivi ses relations commerciales avec la société Kerbea, même après avoir eu connaissance de cette opération.

Même la lettre de résiliation du 20 février 2020 mentionne une rupture avec effet au 30 mars 2020, ce qui montre que la société Les Demeures s'estimait tenue par le contrat jusqu'à cette dernière date.

La société Les Demeures a ainsi en tout état de cause tacitement accepté de poursuivre le contrat sans en demander la fin à la date de l'opération financière qu'elle dénonce.

La société Les Demeures fait valoir qu'elle aurait perdu confiance dans la société [J] cette dernière se trouvant en cessation des paiements.

La société Les Demeures ne précise pas en quoi la société [J] aurait été dans l'incapacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

La société [J] produit un tableau faisant apparaître que le 10 décembre 2019 elle restait créancière de près de 35.000 euros au titre des redevances de franchises dues mais impayées par les franchiseurs, dont la société Les Demeures. Elle justifie avoir relancé la société Les Demeures le 19 décembre 2019 pour lui réclamer le paiement de factures restant dues soit 36.960,53 euros. Le 20 janvier 2019, la société Kerbea a mis en demeure la société Les Demeures de lui payer la somme de 18.984,91 euros au titre d'une facture à échéance au 10 décembre 2019.

La société Les Demeures ne peut utilement reprocher à la société [J] des difficultés de trésorerie alors qu'elle même, dans le cadre d'une action concertée avec les autres franchisés, avait cessé de payer les factures de franchise depuis plusieurs mois.

Par ailleurs, le fait que la société [V] Patrimoine ait rencontré des difficultés financières ne permet pas d'établir que cette situation ait mis en danger la société [J] elle-même.

La société Les Demeures fait valoir que les poursuites pénales engagées contre les dirigeants de la société [J] France aurait porté atteinte à la réputation de la marque.

Il apparaît que [D] [V] et son fils, M. [R] [V], ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel pour escroquerie et abus de confiance. M. [R] [V] a comparu le 12 décembre 2019 devant le tribunal correctionnel, [D] [V] étant absent pour raisons médicales.

Ces poursuites ont été relatées dans la presse et ont connu une publicité certaine.

L'affaire a été examinée par le tribunal correctionnel à son audience du 12 décembre 2019, puis renvoyée à plusieurs reprises. Les débats ont été rouverts en avril 2020 à la suite du décès de [D] [V], le délibéré étant prorogé au 20 mai 2020. A la suite de décès de [D] [V] en cours de délibéré, il a été renvoyé des fins de la poursuite.

Aucune condamnation n'est intervenue antérieurement à la rupture du contrat de franchise.

Ainsi, la condamnation de M. [R] [V] par la cour d'appel d'Orléans le 12 avril 2023 a fait l'objet d'un article dans le journal La République du Centre. Cet article précise que M. [R] [V] était poursuivi pour les agissements commis alors qu'il était gérant des sociétés Demeure terre et tradition et Habitat loisir construction qui appartenaient à la société holding [V] construction dirigée à l'époque par [D] [V]. L'article relate que M. [R] [V] a été relaxé du chef d'escroquerie et condamné à une amende de 18.000 euros pour abus de confiance ainsi qu'à indemniser les victimes.

Aucune référence à la marque [J] n'est mentionnée dans cet article de presse, en tout état de cause postérieur à la date de rupture du contrat.

Dans certains articles du journal La Voix du Nord de fin 2018 et début 2019, il est fait référence aux manquements d'un franchisé à [Localité 7]. La société [J] y est mise en cause comme étant un franchiseur qui ne viendrait pas en garantie des manquements de ses franchisés, ajoutant que cinq sociétés détenues par la famille aux manettes de [J] avaient été mises en liquidation judiciaire et que par ailleurs, dans le cadre d'un dossier relatif à l'US [Localité 8] Football, mais en lien avec leurs entreprises, [D] [V], son ancien président, et son fils, [R], avaient été condamnés pour abus de biens sociaux et faux en écriture et qu'ils avaient fait appel.

L'article du 12 février 2019 mettaient toutefois en avant le comportement préjudiciable d'un franchisé. La référence qu'il faisait à la situation personnelle de [D] et [R] [V], partiellement exacte, n'était pas associée directement à un comportement répréhensible au titre de leur gestion de la société [J].

Il résulte notamment d'un courriel du 'Comité France [J] A J [V]' en date du 1er juin 2016 que certains franchisés se sont plaints à l'époque de l'atteinte à la réputation de l'enseigne [J] résultant des agissements reprochés aux consorts [V].

Les reproches de franchisés ainsi rapportés datent pour l'essentiel de 2016 ou début 2017.

Par courriel du 25 mars 2019, un client a ainsi indiqué qu'il renonçait à recourir aux services d'un franchisé [J] pour ne pas prendre de risque d'ordre financier.

La société Les Demeures produit des copies de messages facebook d'avis sur [J]. Il n'est cependant pas établi que ces messages comportent des critiques directes du franchiseur lui-même, même si les titres des critiques indiquent qu'il ne faut pas recommander [J] France. Ce sont la réalisation des travaux et leur suivi qui font l'objet des critiques des auteurs des messages. Ces messages prennent le plus souvent soin de préciser qu'il visent une agence [J] qu'ils désignent avec précision. A plusieurs reprises, la société [J] France invite les rédacteurs des critiques à la contacter directement ou indique qu'elle va elle-même contacter l'agence incriminée afin de rechercher une solution.

Il apparaît ainsi que la publicité négative faite à la marque [J] n'était qu'indirecte et qu'elle était peu, voire pas, diffusée dans le public.

En outre, les franchisés ont réagi pour l'essentiel en 2016 mais sans en tirer de conséquences quant à la poursuite des contrats de franchise.

Le 9 mai 2017 la société [J] a diffusé à ses franchisés une note sur les réseaux sociaux et sur l'attitude à adopter pour éviter les mécontentements des clients, y répondre le cas échéant et améliorer les avis émis par les clients sur les réseaux sociaux. Il apparaît qu'elle n'a pas laissé les franchisés seuls face à ces difficultés de communication.

Courant 2019 et début 2020 les franchisés, dont la société Les Demeures, ont proposé de racheter la société [J] ou du moins la marque [J]. Ils font le reproche à M. [R] [V] d'avoir refusé de les leur vendre à des conditions selon eux raisonnables.

Il parait difficile dans ces conditions de retenir que la société et la marque en question aient été dévalorisées à leurs yeux au point de justifier une résolution du contrat de franchise.

Il apparaît ainsi qu'aucune atteinte à la réputation de la marque [J] pouvant fonder une rupture du contrat de franchise à la date à laquelle il est intervenu n'est caractérisée.

La société Les Demeures fait valoir que la société [J] n'aurait plus été en mesure de lui offrir de garanties et qu'elle aurait du obtenir des lignes d'encours par ses propres moyens.

La société [J] produit un engagement de caution solidaire au profit de la société Les Demeures pour la somme de 150.000 euros en date du 11 janvier 2019. Cet engagement est valable pour une durée de trois années. Elle justifie avoir apporté sa garantie comme prévu au contrat.

La société Les Demeures fait valoir que la société [J] facturerait une commission de 3,5% pour obtenir l'assurance nécessaire à son activité alors que sans l'intervention de la société [J] elle pourrait obtenir un taux de 2,2%.

La société [J] reconnaît que les franchisés les plus expérimentés peuvent obtenir un taux de 2,2% mais que les nouveaux franchisés ne peuvent parfois pas obtenir mieux que 2,80%. Elle indique avoir fixé un taux de 3,5% pour tenir compte de ses propres frais, de caution, administratifs, juridiques.

La société [J] était libre de négocier avec chaque franchisé des conditions de rémunération spécifiques. Il n'est pas justifié qu'elle ait abusé de cette possibilité ni demandé une commission excessive.

La société Les Demeures fait valoir que la société [J] aurait violé le principe de transparence dans l'utilisation des redevances de communication. Ainsi, la redevance de communication de publicité nationale aurait été supprimée ce qui aurait entraîné l'arrêt des actions menées dans ce cadre.

La société [J] justifie avoir confié à la société Vitaweb la reprise de la gestion du site internet www.maisons-[J].fr. Cette prestation lui a été facturée le 31 mai 2018.

Par avenant du 27 janvier 2017 au contrat de franchise, la société Les Demeures a convenu que la redevance Pub Nat passait à 1% par maison au lieu de 2%.

Il apparaît ainsi que la redevance de publicité nationale n'a pas été supprimée, mais diminuée, et que la société Les Demeures a donné son accord pour cette diminution.

La société [J] justifie avoir refondu son site internet entre mai 2018 et février 2019. Il s'agit d'un outil de communication et de notoriété de la marque particulièrement important.

La société [J] justifie également avoir passé, au profit de ses franchisés, des contrats cadre avec des fournisseurs pour référencer des produits. Même si ces contrats ne permettent pas une fourniture de tous les produits, les franchisés ont pu en bénéficier notamment dans des secteurs spécifiques des armatures béton, plancher poutrelles bétons plancher chauffant, isolation nouvelle génération. Il n'est pas justifié que ces contrats aient porté sur des produits non compétitifs ou inadaptés.

La société Les Demeures fait valoir que ce serait le courtier Gritchen qui serait intervenu au lieu de celui qu'elle avait choisi, la société Ker Courtage.

La société [J] admet qu'elle ne disposait pas des mandats de gestion de la part des franchisés. Elle fait cependant valoir que ce seul grief ne saurait justifier à lui seul la résiliation du contrat de franchise.

La société Les Demeures fait valoir que les franchisés seraient traités de façon inégale, certains ne payant pas le même taux de redevance de franchise et de communication.

Il apparait que le franchiseur n'est pas tenu de pratiquer les mêmes taux de franchises avec chacun de ses franchisés. Chaque franchisé est libre d'accepter ou non les conditions fixées par son contrat de franchise et la société Les Demeures a signé un contrat prévoyant des taux de franchise qui ont été respectés par la société [J].

La société Les Demeures fait valoir que le gérant de la société [J], M. [R] [V], aurait refusé de rencontrer les franchisés pour régler amiablement le litige qui les opposait.

Il apparait que les franchisés ont proposé à la société [J] de racheter la marque Maisons [J]. Des négociations ont eu lieu mais n'ont pas pu aboutir.

Il n'est pas établi que la société [J] ait abusé de son droit de ne pas céder la marque ni qu'il ai rompu de façon abusive les pourparlers engagés. Les discussions sur l'éventuelle vente de la société [J] n'ont pas abouti à un accord précis auquel M. [V] aurait brutalement renoncé. Les quelques échanges informels par SMS ne permettent pas d'établir l'existence d'un engagement précis de M. [V] à une cession.

La société Les Demeures ne justifie pas avoir indiqué avec précision à la société [J], avant décembre 2019, quels étaient les points de litige nécessitant un réglement amiable du litige.

Au vu de la rupture du contrat du 20 février 2020, il ne peut être retenu que c'est à la suite d'un litige ayant perduré malgré des demandes de réglement amiable que cette rupture est intervenue.

En tout état de cause, même s'il est préférable que des co-contractants essayent de s'entendre pour régler leurs désaccords éventuels, l'absence de recherche d'un accord n'est pas en soi fautive. La société Les Demeures ne justifie pas non plus que la société [J] ait abusivement rompu des négociations tendant à la recherche d'un réglement amiable du litige.

Il est justifié que le nombre de maisons commercialisées par les franchisés du 1er janvier 2019 au 30 octobre 2019 a été en augmentation de près de 30% par rapport à la même période de l'année 2018.

Sans méconnaître le rôle des franchisés dans cette amélioration, il en ressort que la transmission du savoir par la société [J] était encore efficace et pertinente à cette époque.

Il apparait ainsi que la société Les Demeures ne justifie pas que les manquements de la société [J] qui ont été retenus comme tels supra, même pris dans leur ensemble, justifiaient une rupture du contrat de franchise par la première.

Il en résulte également que la société Les Demeures et M. [U] ne justifient pas des fautes qu'ils alléguent et leurs demandes de paiement de dommages-intérêts seront rejetées.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les redevances restant dues :

Devant le juge des référés, la société Les Demeures a reconnu devoir la somme totale de 28.674 euros TTC au titre des redevances au 30 mars 2020, précisant avoir effectué deux règlements de 996,77 euro en juin et juillet 2020. Par arrêt du 24 juin 2021, la cour d'appel d'Orléans a infirmé l'ordonnance de référé en ce qu'elle avait ordonné la consignation de cette somme et fixé à la somme de 9.677,77 euros la condamnation, à titre provisionnel. Pour ce faire elle a retenu que la créance faisait l'objet d'une contestation sérieuse à hauteur de 16.712,69 euros.

La société Les Demeures fait valoir que la demande initiale comportait des redevances au titre de mois sans déclaration d'ouverture de chantiers alors que le contrat de franchise prévoit que cette redevance minimum n'est pas due un mois au cours duquel un chantier est ouvert.

Elle en déduit que seules sont dues les factures afférentes aux dossiers [C] et [G] pour un total de 11.961,31 euros et que les indemnités de retard ne seraient pas non plus dues.

La société [J] ne s'explique pas sur ces objections et ne détaille pas les sommes qu'elle estime être dues au titre des stipulations contractuelles rappelées par la société Les Demeures.

De la somme de 11.961,31 euros il convient de déduire les deux échéances de 996,77 euros que le juge des référés a retenu comme ayant été payées, ce que la société [J] ne conteste pas.

Il y a lieu de fixer à la somme de 9.967,77 euros TTC la condamnation de la société Les Demeures. Le jugement sera infirmé sur ce point.

La cour d'appel ayant infirmé la décision de consignation de certaines sommes, il n'y a pas lieu de se prononcer sur une éventuelle restitution.

Il conviendra de préciser que la condamnation prononcée par la cour d'appel de Rennes se susbtituera à celle prononcée à titre provisionnel par la cour d'appel d'Orléans statuant sur appel de l'ordonnance de référé.

La société Les Demeures a indiqué le 4 mai 2020 qu'il existait 15 chantiers à ouvrir sur vente avant le 30 mars 2020.

La société [J] justifie avoir demandé à plusieurs reprises la communication des contrats et avenants relatifs aux 15 chantiers à ouvrir afin de lui permettre de procéder aux vérifications nécessaires et d'établir les factures correspondantes.

Le franchisé a l'obligation de produire ces contrats pour permettre au franchiseur de calculer le montant des redevances dues.

Il y a lieu de condamner la société Les Demeures a communiquer ces contrats, ainsi que leurs annexes, dans les deux mois de la signification de la présente décision et sous astreinte, pour chacun des sept contrats en cause, de 100 euros par jour de retard pendant 60 jours passé ce délai,.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de franchise sans motifs légitime :

Le contrat de franchise prévoit une indemnisation du franchiseur en cas de rupture du contrat par le franchisé :

15 - FIN OU RUPTURE DU CONTRAT' NON AFFILIATION

Le contrat prend fin, sauf rupture anticipée pour faute ou événement de nature à empêcher la poursuite du contrat (liquidation judiciaire, dissolution etc.), par survenance du terme défini à l'article 3.

Toutefois, en cas d'infraction grave et flagrante du Franchisé compromettant l'image de marque des 'Maisons [J]', du nom de domaine, de la charte graphique ou constituant un manquement grave aux obligations nées du présent contrat,(non-paiement des redevances, etc.) le Franchiseur pourra rompre le présent contrat.

En sus des dommages et intérêts que le Franchiseur sera en droit de réclamer, le Franchisé restera tenu de payer les redevances que le Franchiseur aura été en droit de percevoir jusqu'à l'expiration du présent contrat ou de ses avenants.

A l'expiration du présent contrat, quelle qu'en soit la cause (rupture, non renouvellement, etc....) et pendant une durée de (1) un an, le Franchisé, s'interdit - directement ou indirectement - de s'affilier directement ou indirectement à un réseau de dimension régionale ou nationale de vente de construction de maisons individuelles ou à un réseau de distribution ayant une activité très proche ou similaire, c'est-à-dire à un autre constructeur de maisons ou à un maître d'oeuvre du bâtiment, et ce sur le département de Seine et Marne (77) et les départements limitrophes.

Au cas de non-respect de cette obligation, le Franchisé devra verser, par mois calendaire d'infraction,tout mois commencé étant dû en entier, la redevance minimum prévue à l'article 6.

La société [J] fait valoir que la résiliation du contrat de franchise par la société Les Demeures s'est inscrite dans le cadre d'un mouvement concerté des franchisés qui a conduit à la résiliation de plusieurs contrats de franchise au même moment, aggravant pour elle les conséquences de ces ruptures.

Il apparait en effet que la rupture du contrat de franchise par la société Les Demeures est concomitante de celle prononcée par d'autres franchisés. Les huit franchisés en cause, exploitant neuf sociétés, ont agi de concert pour formuler différents reproches à la société [J]. Ils ont ainsi co-signé une lettre du 3 décembre 2019 exposant la plupart des griefs invoqués devant la cour par la société Les Demeures et analysés supra.

La résiliation anticipée du contrat de franchise par la société Les Demeures de façon non justifiée a ainsi occasionné à la société [J] un préjudice d'autant plus important qu'il s'est inscrit dans une action aboutissant à la résiliation simultanée des contrats la liant à huit franchisés.

La société Les Demeures avait signé un contrat de franchise pour une durée de 7 ans. Elle a ainsi rompu ce contrat près de deux années avant la date prévue.

Il est justifié que la société [J] a poursuivi son activité sous une forme différente.

Elle a cédé la marque Maisons [J] le 20 mai 2020 à la société MI Ingenierie. Cette dernière a par la suite signé des contrats de concession commerciale.

Il n'en demeure pas moins que la rupture abusive par la société Les Demeures a occasionné à la société [J] un préjudice constitué par la perte d'une chance de percevoir des redevances pendant la durée restant à courir du contrat et la nécessité de réorienter son activité et former un nouveau réseau.

Au vu de l'ensemble de ces éléments et du montant des redevances annuelles que la société Les Demeures avait payé au titre des années d'exercice de la franchise, et du montant qu'elle aurait payé si elle avait poursuivi le contrat comme prévu, il y a lieu d'infirmer le jugement et de fixer à la somme de 25.000 euros la condamnation au titre de l'indemnisation de ce préjudice.

Le départ simultané et brutal des franchisés de la société [J] a porté atteinte à sa réputation en tant que franchiseur auprès des entreprises susceptibles d'adhérer à ce réseau et auprès des clients et fournisseurs.

Cette atteinte à la réputation a occasionné à la société [J] un préjudice moral qu'il convient de fixer à la somme de 1.000 euros. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de rejeter les demandes formées en appel au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner chacune des parties à supporter pour moitié les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Rejette la demande de la société [J] tendant au rejet des conclusions déposées par la société Les Demeures de la Marne et M. [U] le 26 juin 2023,

- Déclare cependant irrecevable la demande formée par la société Les Demeures de la Marne et M. [U] tendant à faire juger que les sommes réclamées par la société [J] au titre des redevances, consignées ou non, ont vocation à se compenser de plein droit avec les dommages-intérêts qui seront mis à la charge de cette dernière au profit des Concluants par la décision à intervenir, et en toute hypothèse ordonner une telle compensation,

- Infirme le jugement en ce qu'il a :

- Ecarté des débats les pièces de la société Les Demeures de la Marne numérotées de Al à A45,

- Condamné la société Les Demeures de la Marne à payer à la société [J] la somme de 28.674 euros TTC au titre des redevances échues au 30 mars 2020,

- Condamné la société Les Demeures de la Marne à payer à la société [J] la somme de 65.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Confirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Condamne la société Les Demeures de la Marne à payer à la société [J] France la somme de 9.967,77 euros au titre des redevances dues au 30 mars 2020 et précise que cette décision au fond de condamnation se subsitue à la condamnation prononcée à titre provisionnel dans le cadre de l'instance de référé ayant conduit à l'ordonnance du 24 septembre 2020 du juge des référés du tribunal de commerce d'Orléans et à l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans du 24 juin 2021,

- Condamne la société Les Demeures de la Marne à payer à la société [J] France la somme de 25.000 euros au à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de franchise,

- Condamne la société Les Demeures de la Marne à payer à la société [J] France la somme de 1.000 euros au à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- Condamne la société Les Demeures de la Marne à communiquer à la société Kerbea France les contrats et avenants relatifs aux quinze chantiers à ouvrir au 30 mars 2020, dans les deux mois de la signification de la présente décision et sous astreinte, pour chacun des sept contrats en cause, de 100 euros par jour de retard pendant 60 jours passé ce délai,

- Rejette les autres demandes des parties,

- Condamne la société Les Demeures de la Marne et la société [J] France aux dépens d'appel qui seront partagés par moitié entre les parties.