Cass. com., 8 novembre 2023, n° 22-10.686
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Lefeuvre
Avocats :
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Piwnica et Molinié
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 13 décembre 2021), les 4 et 6 décembre 1984, la Société de développement régional Antilles-Guyane (la Soderag), aux droits de laquelle est venue la Société de crédit pour le développement de la Guadeloupe (la Sodega), a consenti un prêt à M. et Mme [J].
2. Le 23 décembre 2004, la Sodega a fait l'objet d'une fusion-absorption par la Société financière des Antilles-Guyane (la Sofiag), devenue la Soredom.
3. Le 14 juin 2018, la Sofiag a fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière à M. et Mme [J] puis les assignés devant un juge de l'exécution.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
5. La Soredom fait grief à l'arrêt de dire que la Sofiag ne justifie pas de sa qualité à agir contre M. et Mme [J], de prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 14 juin 2018 et d'ordonner la radiation de sa publication au service de la publicité foncière de [Localité 2] en date du 9 août 2018, alors « qu'en cas de fusion sans création d'une société nouvelle, la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante implique que cette dernière a, de plein droit, dès la date de l'assemblée générale approuvant l'opération, qualité pour agir en paiement contre les débiteurs des créances de la société absorbée ; qu'en retenant, pour écarter la qualité à agir de la Sofiag devenue Soredom, que la Sofiag "ne justifie pas davantage en cause d'appel qu'en première instance du dépôt au greffe du registre du commerce du projet de fusion imposé l'article L. 236-6 du code de commerce", quand la Sofiag avait, dès l'assemblée générale approuvant la fusion-absorption et la transmission universelle du patrimoine de la Sodega, qualité pour agir en paiement contre les époux [J], la cour d'appel a violé les articles L. 236-3 et L. 236-4 2° du code de commerce, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 236-3, I, et L. 236-4, 2°, du code de commerce :
6. Selon le premier de ces textes, la fusion entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération.
7. Il résulte du second qu'en cas de fusion sans création d'une société nouvelle, l'opération prend effet à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé la fusion, sauf si le contrat prévoit que la fusion prend effet à une autre date.
8. Pour dire que la Sofiag ne justifie pas de sa qualité à agir contre M. et Mme [J], l'arrêt retient qu'il résulte des dispositions des articles L. 236-3, L. 123-9 et L. 237-2 du code de commerce qu'en cas de fusion-absorption, la dissolution de la société absorbée n'est opposable aux tiers que par sa mention au registre du commerce et des sociétés avec l'indication de sa cause, ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, de la forme juridique, du siège des personnes morales ayant participé à l'opération. Il retient encore que la Sofiag ne justifie ni en première instance ni en appel du dépôt au greffe du registre du commerce et des sociétés du projet de fusion prévu à l'article L. 236-6 du code de commerce, ce dont il déduit que la Sofiag ne justifie pas de sa qualité de prêteur à l'encontre de M. et Mme [J].
9. En statuant ainsi, alors que la Sofiag ayant, par l'effet de la fusion-absorption réalisée le 23 décembre 2004, recueilli l'intégralité du patrimoine de la Sodega, elle avait qualité pour agir en exécution forcée contre M. et Mme [J], indépendamment de l'accomplissement des formalités de publicité applicables à cette opération, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande tendant à l'irrecevabilité des conclusions de M. et Mme [J] déposées le 22 mars 2020, l'arrêt rendu le 13 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France.