Cass. crim., 7 novembre 1989, n° 88-84.058
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Morelli
Avocat général :
M. Robert
Avocat :
SCP Waquet et Farge
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de la loi du 24 janvier 1984, des articles 2, 85, 86, 575. 2°, 591 et 592 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance d'irrecevabilité de la constitution de partie civile de la société Reza-Gem ;
" aux motifs que les lois du 13 juin 1941 et du 24 janvier 1984 excluent toutes deux l'intervention de simples particuliers ; que, par ailleurs, le préjudice prétendument allégué par la société Reza-Gem, qui résulterait, selon elle, du risque que des complices de Messieurs X... ne viennent produire au redressement judiciaire leurs créances, n'est ni certain, ni actuel, mais n'est qu'hypothétique ; que ce préjudice ne serait d'ailleurs pas la conséquence directe d'une éventuelle " activité de la banque ", la perte de sa créance pour la société appelante ne pouvait découler que du délit de banqueroute et d'abus de confiance pour lesquels elle s'est constituée partie civile ;
" alors, d'une part, qu'aucune des dispositions de la loi du 24 janvier 1984 n'interdit à un simple particulier, pour les délits qu'elle prévoit, de se constituer partie civile ; que, dès lors, l'arrêt attaqué a statué par voie de dispositions générales et réglementaires en violation de l'article 5 du Code civil ;
" alors, d'autre part, qu'il suffit, pour que la constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possible l'existence d'un préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; que, dès lors, en l'espèce, l'arrêt attaqué ne pouvait se borner à affirmer que le préjudice allégué par la société Reza-Gem n'était ni certain, ni actuel, sans rechercher s'il était possible ;
" alors, enfin, que le préjudice était manifestement possible car il convenait notamment de rechercher si l'exercice " légal " de l'activité de banquier n'était pas à l'origine des délits de banqueroute " ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de la société Reza-Gem contre Pierre et Jacques X... du chef d'exercice illégal de la profession de banquier et complicité de ce délit, la chambre d'accusation relève notamment que le préjudice allégué par la plaignante, qui n'est que créancière des frères X..., n'est pas la conséquence directe de l'éventuelle activité illicite de ces derniers en matière bancaire ;
Attendu que, par ce seul motif, les juges ont justifié leur décision et que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1, 6, 85, 575. 1°, 575. 2°, 591 et 592 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué, confirmant l'ordonnance d'irrecevabilité de la constitution de partie civile, a refusé d'informer ;
" alors que le procureur de la République ne peut saisir le juge d'instruction de réquisition de refus d'informer, et le magistrat instructeur ne peut refuser d'informer que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite ; qu'en l'espèce, la mise en mouvement de l'action publique n'étant pas subordonnée au dépôt d'une plainte préalable, l'irrecevabilité de la constitution de partie civile ne pouvait, en tout état de cause, justifier un refus d'informer " ;
Attendu que, saisie de l'appel, par la société Reza-Gem, de l'ordonnance du juge d'instruction ayant déclaré sa constitution de partie civile irrecevable, la chambre d'accusation a confirmé cette décision, s'abstenant d'informer, à défaut de mise en mouvement de l'action publique par le ministère public ; que ce faisant, elle a fait l'exacte application de la loi ;
Qu'en effet, lorsqu'il n'y est pas tenu, en vertu des dispositions de l'article 86 du Code de procédure pénale, du fait du dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile recevable, le ministère public apprécie librement, en vertu de l'article 40 du même Code, la suite à donner aux faits qui pourraient être constitutifs d'une infraction à la loi pénale ; que lorsqu'il n'engage pas l'action publique, la juridiction d'instruction ne saurait, d'elle-même, s'en saisir ;
Que le moyen, dès lors, doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.