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Décisions

Cass. crim., 14 mai 2002, n° 01-85.999

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Desportes

Avocat général :

M. Chemithe

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Rouen, ch. corr., du 28 juin 2001

28 juin 2001

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 392-1, 2 et 593 du Code de procédure pénale, 1236 du Code civil, 6, 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la citation directe délivrée par Jean-Marc X..., du chef de faux témoignages, à l'encontre de Jean-Pierre et Monique Y... ayant témoigné lors de l'affaire d'assises ayant abouti à sa condamnation à 20 ans de réclusion criminelle ;

" aux motifs que la consignation mise à la charge de la partie civile, dans le délai qui lui est imparti, qui est aussi un temps de réflexion, ne peut être que l'expression de la manifestation de sa volonté et, dès lors, ne peut être effectuée que par la partie civile, son avocat, ou par un fondé de pouvoir spécial, le pouvoir étant alors annexé à l'acte de dépôt ; que le comité de soutien de Jean-Marc X... qui a déposé le montant de la consignation demandée l'aurait fait en vertu d'un mandat ou d'un pouvoir spécial donné par Jean-Marc X... ; que les fonds doivent être déposés nécessairement par la partie civile ou en son nom pour constituer la garantie de paiement de l'amende civile exigée par l'article 392-1 du Code de procédure pénale ; qu'en l'espèce, les fonds déposés par le comité de soutien agissant en son propre nom appartenant à ce comité, une telle garantie n'existe pas ; que la citation directe était donc irrecevable ;

" alors, d'une part, qu'aucune irrecevabilité ne peut être invoquée sans texte exprès ; qu'il ne résulte d'aucune disposition de procédure pénale que la consignation effectuée pour le compte de la partie civile doit être obligatoirement remise soit par elle, soit par un avocat, soit par un fondé de pouvoir justifiant d'un pouvoir écrit annexé à l'acte de dépôt ; que la cour d'appel a violé la loi en y ajoutant une condition qu'elle ne comporte pas ;

" alors, d'autre part, que, aux termes de l'article 1236 du Code civil, le paiement fait par un tiers est libératoire, même s'il n'a pas intérêt à ce paiement, pourvu, soit que le tiers agisse en l'acquit du débiteur, soit qu'il ne soit pas subrogé aux droits de créanciers ; que ces dispositions générales étaient applicables en l'espèce ; que les fonds versés étant affectés, en vertu des dispositions spécifiques de l'article 392-1 du Code de procédure pénale, au paiement de l'amende, peu importe leur "propriété", dès lors que l'affectation prévue par la loi au profit du Trésor public prime toute autre considération, y compris les droits du prétendu "propriétaire" de la somme, qui ne dispose d'aucune subrogation ;

" alors, au demeurant, que, dans une attestation établie dès le 14 septembre 2000, c'est-à-dire dès avant le jugement de première instance, et dûment invoquée par Jean-Marc X... dans ses conclusions, le président du comité de soutien avait confirmé avoir consigné la somme demandée "au nom et pour le compte de Jean-Marc X..." ; qu'ainsi, aucun texte n'exigeant que cette reconnaissance écrite soit concomitante au paiement, ce paiement de la consignation effectué pour le compte de la partie civile était libératoire pour elle ;

" alors, enfin, qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé Jean-Marc X... d'un accès réel et efficace au juge, en ajoutant aux conditions légales de son action des conditions que ne prévoit pas la loi, qui, au demeurant, n'étaient justifiées par aucune considération relevant des principes généraux du droit ou des nécessités d'un procès équitable, et qui, au contraire, ont placé Jean-Marc X..., condamné définitif, dans des conditions insusceptibles de lui assurer un procès équitable ; que les droits de la défense ont ainsi été violés " ;

Vu l'article 392-1 du Code de procédure pénale ;

Attendu que la citation directe délivrée par la partie civile ne peut être déclarée irrecevable en application du texte susvisé, lorsque, dans le délai fixé par le tribunal, le montant de la consignation mise à la charge de la partie civile a été déposé au greffe, par celle-ci ou toute autre personne agissant pour son compte ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Jean-Marc X... a fait citer les époux Y... devant le tribunal correctionnel pour faux témoignages ; que, par jugement en date du 2 juin 2000, le tribunal a ordonné le versement, par la partie civile, avant le 1er juillet suivant, d'une somme de 10 000 francs à titre de consignation ; que cette somme a été versée le 27 juin 2000 au régisseur d'avances et de recettes par le "comité de soutien" de Jean-Marc X... ; qu'à l'audience de renvoi tenue par le tribunal, les époux Y... ont soutenu que la consignation n'avait pas été régulièrement déposée et invoqué, en conséquence, l'irrecevabilité de la citation sur le fondement de l'article 392-1 du Code de procédure pénale ; que le tribunal a fait droit à cette exception ;

Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris sur l'appel de la partie civile, les juges du second degré énoncent qu'il n'est pas établi que, lors du versement de la consignation, le comité de soutien ait été titulaire d'un mandat ou d'un pouvoir spécial l'autorisant à agir au nom de Jean-Marc X... ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, les juges, qui ont ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, ont méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rouen, en date du 28 juin 2001, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles.