Cass. crim., 28 février 2001, n° 00-83.365
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Palisse
Avocat général :
Mme Fromont
Avocat :
SCP Boré, Xavier et Boré
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 24 de la loi du 8 février 1995, 227-5 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Evelyne X... coupable de non-représentation d'enfants et l'a condamnée à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 francs d'amende ;
" aux motifs qu'il résulte des éléments du dossier que le droit de visite et d'hébergement du père s'est heurté à de multiples difficultés dans son exercice compte tenu de la rigidité de la mère qui a multiplié les activités des deux filles mineures afin de faire échec aux droits du père ; que cela s'est même trouvé précisé dans une ordonnance du juge aux affaires familiales sur incident du 13 novembre 1995, précisant que "la mère devra concilier la pluralité des activités des enfants avec le droit légitime du père", le magistrat y rajoutant ce qui est rare le rappel de la loi pénale ; que le père s'est heurté dans l'exercice de ses droits, déjà confrontés à un problème de disponibilité sur le plan professionnel, compte tenu de ses périodes de permanence, à des réactions de la mère, rendant impossible tout assouplissement des horaires ; que la mère ne répondait plus aux fax qui lui étaient adressés et n'allait plus chercher les lettres recommandées avec accusé de réception ; que si le père a déposé plainte le 1er juillet 1998 pour non-représentation d'enfant, la mère a aussitôt déposé plainte à la gendarmerie pour "abandon d'enfant, utilisation abusive du droit de visite .... ; "que le rapport du centre de médiation familiale du 22 décembre 1998 a relevé "l'attitude manipulatrice de la mère, incompatible avec un processus de médiation" ; que sur la matérialité des faits, il est incontestable que le refus de remettre les enfants au père, notamment le 20 juin 1998, alors que les vacances scolaires débutaient officiellement le 30 juin 1998, s'agissant d'un droit de visite de week-end normal, constitue l'infraction poursuivie ; que c'est à bon droit que le premier juge a retenu la culpabilité de la prévenue, qui d'ailleurs, aux notes d'audience de première instance a déclaré "pendant un an et demi, je les ai obligées à voir leur père. Ensuite, j'ai voulu ma tranquillité" ;
" 1° alors que le délit de non-représentation exige pour être constitué, que soit constaté le refus délibéré de remettre l'enfant à la personne qui a le droit de le réclamer ; qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier ni d'aucune constatation de la cour d'appel que Evelyne X... ait refusé de remettre ses filles à Gérard Y... ; qu'en déclarant cependant la demanderesse coupable de non-représentation d'enfants, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" 2° alors que, ainsi que le démontrait Evelyne X... dans ses écritures d'appel et ainsi qu'en attestait le directeur de l'établissement scolaire fréquenté par ses filles, les vacances scolaires d'été 1998 avaient été fixées pour Virginie le 10 juin s'agissant d'un établissement privé ne pratiquant pas les mêmes dates que celles de l'Education nationale ; qu'ainsi l'absence de Virginie le 20 juin 1998 à la sortie de son établissement scolaire était parfaitement justifiée et ne pouvait en toute hypothèse résulter d'un refus délibéré d'Evelyne X... de remettre la jeune fille à son père ; qu'en estimant que le "refus de remettre les enfants au père notamment le 20 juin 1998 alors que les vacances scolaires débutaient officiellement le 30 juin 1998 constituait l'infraction poursuivie" sans répondre au moyen pertinent développé par Evelyne X... sur la date effective des vacances scolaires de sa fille, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" 3° alors que le jugement prononçant le divorce des époux a précisé que le droit de visite du père devait impérativement s'exercer hors des horaires réservés aux activités pratiquées par les enfants, le magistrat constatant que ces activités étaient exercées depuis longtemps et bien avant la séparation du couple ; qu'en se fondant pour motiver sa décision retenant la culpabilité d'Evelyne X... sur le fait que le droit de visite du père se serait heurté à de multiples difficultés compte tenu de la rigidité de la mère qui aurait multiplié les activités des deux filles pour faire échec aux droits du père ainsi que cela aurait été précisé dans une ordonnance du 13 novembre 1995 quand une telle ordonnance s'est trouvée privée d'effet et contredite en fait par le jugement de divorce, la cour d'appel qui a statué par des motifs erronés et inopérants n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" 4° alors que les constatations du médiateur ne peuvent être ni produites ni invoquées sans l'accord des parties et ne peuvent être utilisées dans une autre instance ; qu'en se fondant en l'espèce sur les conclusions du médiateur intervenues dans la procédure de divorce pour justifier sa décision de culpabilité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 5° alors que les déclarations de la demanderesse relatives à sa "tranquillité" étaient motivées par le fait que, dès le début de la procédure de divorce, Evelyne X... avait obligé ses filles, alors plus jeunes, à aller voir leur père, puis, avait sollicité, pour sa "tranquillité", la transformation du droit de visite à date fixe en visite libre s'organisant d'un commun accord entre le père et les enfants sans que la mère intervienne ; que ce droit de visite libre avait d'ailleurs été obtenu une première fois par ordonnance du 13 novembre 1995 dans le cadre des mesures provisoires ; qu'en se fondant sur les propos d'Evelyne X... pour considérer que celle-ci s'était délibérément refusée à "représenter" ses enfants pour sa "tranquillité", la cour d'appel a dénaturé les déclarations en question et entaché sa décision d'une contradiction de motifs " ;
Vu l'article 24 de la loi du 8 février 1995 ;
Attendu que, selon ce texte, les constatations du médiateur et les déclarations qu'il recueille ne peuvent être évoquées devant le juge saisi du litige qu'avec l'accord des parties ;
Attendu que, pour déclarer Evelyne X... coupable de non-représentation d'enfant, l'arrêt attaqué énonce notamment que le centre de médiation familiale, saisi par le procureur de la République à la suite d'une plainte déposée par le père des enfants, a relevé dans son rapport que la mère avait une attitude manipulatrice incompatible avec un processus de médiation ;
Mais attendu qu'en statuant par ce motif, sans avoir constaté l'accord des parties pour que ce document soit produit, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nancy, en date du 13 avril 2000, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz.