Cass. 3e civ., 30 novembre 1988, n° 87-13.905
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Francon
Rapporteur :
M. Garban
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 janvier 1987) que la société Sofriga , locataire, suivant bail du 1er novembre 1975, de locaux commerciaux à usage de garage devenus la propriété de la société civile immobilière 76 rue de Groussay à Rambouillet (SCI) a, après avoir, en 1981, transféré son activité dans d'autres lieux, cédé son droit au bail, le matériel et les objets servant à l'exploitation du fonds à la société Soravia suivant acte reçu le 27 avril 1982 par M. Barbier, notaire ; que la SCI a poursuivi la résiliation de la location en alléguant la violation de la clause du contrat stipulant que le bail ne pouvait être cédé par la locataire "si ce n'est en totalité à son successeur dans son fonds de commerce" ;
Attendu que la société Sofriga fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résiliation de la location
alors, selon le moyen, que 1°) dans le cadre d'un contrat de concession exclusive, le concessionnaire ne dispose pas nécessairement des éléments composant traditionnellement un fonds de commerce, certains d'entre eux, tels que l'enseigne et la clientèle, pouvant demeurer la propriété du concédant ;
qu'en ne recherchant pas, comme l'y invitaient les conclusions de la société Sofriga , si les éléments cédés lors de la cession litigieuse n'étaient pas en réalité les seuls éléments que la société Sofriga , concessionnaire des marques Audi et Volswagen, pouvait céder à la société Soravia, concessionnaire de la marque BMW, de sorte que la cession était en réalité régulière au regard de l'article 9 du contrat du bail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l' article 1134 du Code civil , 2°) alors que la société Sofriga avait fait valoir, dans ses conclusions laissées sans réponse, que la société civile immobilière 76 rue de Groussay avait été informée en son temps de la cession, qu'elle ne s'y était nullement opposée et qu'elle avait encaissé les loyers versés par la société Soravia sans faire de réserves ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions faisant état de faits non contestés et qui étaient de nature à établir l'acceptation de la cession par le bailleur et à lui interdire toute action ultérieure en contestation de cette cession, la cour d'appel a violé l' article 455 du nouveau Code de procédure civile " ;
Mais
attendu, d'une part, qu'après avoir relevé que la société Sofriga ne produisait pas l'inventaire du matériel mentionné comme annexé à l'acte de cession, la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, a pu en déduire que la cession n'avait porté que
sur partie des éléments que la société Sofriga pouvait céder ; Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a répondu aux conclusions en retenant qu'il ne résultait pas des éléments de la cause que la bailleresse ait ratifié la cession même si après l'avoir connue, elle a tenté d'obtenir du cessionnaire un contrat de bail à un prix plus avantageux en contrepartie d'une renonciation à son action en résiliation, la tentative de transaction n'ayant pu modifier ses droits ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Sofriga fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de son appel en garantie contre M. Barbier,
alors, selon le moyen, que "les notaires sont tenus professionnellement d'assurer l'efficacité des actes
qu'ils dressent ; qu'il leur incombe notamment d'avertir les parties des obligations qui pèsent sur elles ainsi que des conséquences juridiques qui résultent de l'acte ;
qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que le notaire, M. Barbier, rédacteur de la cession du droit au bail litigieuse, n'avait pas averti ses clients, les sociétés Sofriga et Soravia, des conséquences prévisibles de la cession au regard des dispositions de l'article 9 du bail ; qu'en refusant néanmoins de retenir sa responsabilité pour manquement à ce devoir de conseil vis-à-vis de la société anonyme Sofriga dont elle n'a pas relevé les connaissances juridiques nécessaires à l'appréciation de la portée de ladite clause, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1991 et 1992 du Code civil " ;
Mais
attendu qu'après avoir souverainement retenu qu'en cédant sciemment au mépris des stipulations du contrat, le seul droit au bail à la société Soravia, la société Sofriga avait agi en fraude des droits du bailleur, la cour d'appel en a exactement déduit que celle-ci n'était pas fondée à réclamer à M. Barbier la réparation d'un préjudice résultant de la perte du prix de cession du droit au bail dont elle savait ne pas avoir la libre disposition ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la recevabilité du pourvoi incident de M. Barbier, contestée par la société civile immobilière : Attendu que nul ne peut se pourvoir deux fois contre la même décision ; Attendu que M. Barbier ayant déjà formé, le 20 mai 1987, contre le même arrêt un pourvoi (M 87 13 905) dont il s'est désisté le 13 octobre 1987, son pourvoi incident du 7 décembre 1987 est irrecevable ; Sur la recevabilité du pourvoi incident de la société Soravia, contestée par la société civile immobilière :
Attendu que le défendeur au pourvoi dispose d'un délai de deux mois à compter de la signification du mémoire du demandeur pour former un pourvoi incident ; Attendu que la société Soravia ayant reçu, le 8 octobre 1987, signification du mémoire ampliatif de la société Sofriga , son pourvoi incident, formé le 23 décembre 1987, est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal.
Déclare les pourvois incidents IRRECEVABLES.
Laisse à la charge de chacune des parties, les dépens par elles respectivement exposés.