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Décisions

Cass. soc., 6 décembre 2023, n° 22-15.580

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mariette

Rapporteur :

M. Pietton

Riom, du 18 janv. 2022

18 janvier 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 18 janvier 2022), M. [E] a été engagé en qualité de directeur administratif sans contrat écrit par l'Association régionale pour l'expansion de la musique et de la culture (l'association), à compter du 28 juin 1998.

2. Par jugement du 11 mai 2015, le tribunal de grande instance a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de l'association, convertie en liquidation judiciaire le 3 janvier 2017, la société [J] [X] étant désignée en qualité de liquidateur.

3. Le 1er septembre 2015, un avenant au contrat de travail a été signé entre l'association et l'intéressé mentionnant l'exercice de la fonction de directeur général et lui confiant une mission complémentaire de développer le chiffre d'affaires de l'association, moyennant une prime de 6 % du chiffre d'affaires annuel.

4. Par lettre du 16 janvier 2017, le liquidateur a licencié l'intéressé pour motif économique, sous réserve de la reconnaissance d'un lien de subordination. Le 27 janvier 2017, l'intéressé a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé.

5. N'ayant pas reçu du liquidateur les documents de fin de contrat et le solde de tout compte, l'intéressé a saisi la juridiction prud'homale pour voir fixer au passif de l'association une créance de rappel de salaire au titre de la prime sur le chiffre d'affaires et diverses indemnités liées à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les moyens du pourvoi incident

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais, sur le moyen relevé d'office

7. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 631-8 et L. 632-1 I 2°du code de commerce :

8. Aux termes des alinéas 1er et 2 du premier de ces textes, le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure.

9. Elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure.

10. Selon le second, est nul, lorsqu'il est intervenu depuis la date de cessation des paiements, tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie.

11. Il résulte de la combinaison de ces textes que la nullité encourue en application de l'article L. 632-1 I 2°du code de commerce ne peut atteindre que les actes accomplis au cours de la période suspecte entre la date de cessation des paiements telle que fixée par le tribunal et la date de ce jugement d'ouverture, et non ceux que le débiteur soumis à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires aurait passés postérieurement au jugement d'ouverture de celles-ci.

12. Pour débouter le salarié de sa demande de fixation au passif de l'association d'une somme au titre de la prime sur le chiffre d'affaires, l'arrêt retient, après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 632-1 I 1° et 2° du code de commerce, que le salarié réclame en application de l'avenant du 1er septembre 2015 le paiement d'une somme de plus de 70 000 euros alors que l'association connaissait des difficultés financières importantes, de nature à créer des obligations disproportionnées de l'association débitrice vis-à-vis d'un salarié et en déduit que cet acte est nul.

13. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'avenant du 1er septembre 2015 avait été signé plusieurs mois après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen relevé d'office

14. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 631-21 du code de commerce :

15. Lorsqu'aucun administrateur n'a été désigné par le jugement de redressement judiciaire, le débiteur poursuit seul l'activité de l'entreprise et exerce les fonctions dévolues à celui-ci, ce dont il se déduit qu'il a le pouvoir d'embaucher un salarié ou de conclure avec ce dernier un avenant au contrat de travail, sans l'autorisation ni du juge-commissaire, ni de quiconque, de tels actes ne constituant pas un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise.

16. Pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre de la prime sur le chiffre d'affaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient qu'il est constant que le mandataire judiciaire n'a pas autorisé la signature de l'avenant du 1er septembre 2015. Il en déduit que cet acte, signé plusieurs mois après l'ouverture de la procédure de redressement de l'association et sans l'autorisation du mandataire judiciaire, est nul.

17. En statuant ainsi, en soumettant la validité de la conclusion de l'avenant litigieux à une autorisation du mandataire judiciaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi principal, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [E] de sa demande de fixation au passif de l'Association régionale pour l'expansion de la musique et de la culture de la somme de 70 278,10 euros au titre d'un rappel de salaire sur la prime sur le chiffre d'affaires, l'arrêt rendu le 18 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges.