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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 11 mai 2000

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Primavera (SARL)

Défendeur :

Ascencao Da Trinidade (Epoux)

CA Versailles

10 mai 2000

Par acte sous seing privé en date du 21 octobre 1987, la société UAP VIE a donné à bail à la société PRIMAVERA divers locaux commerciaux sis 24 avenue Guy de Maupassant à Châtou (78), à effet du 1er janvier 1986.

La société PRIMAVERA a cédé son fonds le 25 mars 1988 aux époux ASCENÇAO DA TRINIDADE, tout en restant tenue solidairement avec eux du paiement des loyers et charges.

Ceux-ci n'étant pas payés, la société UAP-VIE a fait délivrer le 6 juillet 1995 un commandement visant la clause résolutoire, puis, les causes de celui-ci n'étant pas réglées, a saisi le juge des référés.

Par ordonnance en date du 4 janvier 1996, le président du tribunal de grande instance de Versailles a suspendu les effets de la clause résolutoire et accordé des délais aux preneurs pour acquitter leur dette.

Le 5 août 1996, un protocole d'accord a été signé, aux termes duquel la dette locative, fixée au 1er juillet 1996 à la somme de 96.158,97 F, devait être remboursée par versements hebdomadaires de 2.500 F.

L'accord n'ayant pas été respecté, la société UAP-VIE a assigné les époux ASCENÇAO DA TRINIDADE et la société PRIMAVERA le 25 février 1997 devant le tribunal d'instance de Saint-Germain en Laye, lequel, par jugement en date du 6 novembre 1997, a :

-  prononcé la résiliation du bail à compter du 25 février 1997,

-  ordonné l'expulsion des époux ASCENÇAO DA TRINIDADE et la séquestration de leurs meubles,

-  fixé l'indemnité d'occupation à 12.158,14 F par trimestre jusqu'à la fin du trimestre au cours duquel le jugement aura été signifié, puis à 6.000 F par mois jusqu'à la libération des lieux loués,

-  condamné solidairement les époux ASCENÇAO DA TRINIDADE et la société PRIMAVERA au paiement de la somme de 92.556,31 F au titre des loyers dus au 25 février 1997,

-  condamné les époux ASCENÇAO DA TRINIDADE au paiement de la somme de 19.938,38 F au titre des indemnités d'occupation dues au 1er juillet 1997,

-  dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement,

-  débouté les parties du surplus de leurs demandes,

-  condamné les époux ASCENÇAO DA TRINIDADE aux dépens.

Par un jugement rectificatif en date du 8 janvier 1998, le tribunal a, en outre, ordonné l'exécution provisoire de son précédent jugement.

La société PRIMAVERA a régulièrement interjeté appel de ces deux jugements le 4 mars 1998.

Elle a contesté sa condamnation solidaire au paiement de l'arriéré de loyers, en faisant valoir que sa garantie s'analysait en un cautionnement, que par conséquent elle ne saurait tenue au paiement des loyers au-delà du terme du bail intervenu le 1er janvier 1995, qu'en tout état de cause avait commencé à cette date un nouveau bail auquel elle n'avait pas été appelée et que, même si sa garantie devait s'étendre à la période de tacite reconduction, elle ne serait tenue que jusqu'au loyer de mars 1996, date d'acquisition de la clause résolutoire, ou éventuellement d'octobre 1996, date de la première échéance impayée prévue au protocole.

Elle a donc demandé à être déchargée de toute condamnation ou subsidiairement de n'être condamnée que dans les limites ci-dessus précisées.

Elle a sollicité, en tout état de cause, la garantie des époux ASCENÇAO DA TRINIDADE et le paiement d'une somme de 5.000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

La société UGIPAR, venant aux droits de la société UAP-VIE, a répliqué que la garantie du cédant du droit au bail n'était pas un cautionnement, que faute de congé le bail s'était tacitement prolongé au-delà de son terme pour une durée indéterminée, que dès lors la société PRIMAVERA était tenue de l'intégralité de l'arriéré locatif jusqu'à la résiliation du bail, que celle-ci n'avait pris effet qu'au jour du jugement la prononçant et qu'enfin, elle avait renoncé au bénéfice de l'ordonnance du 4 janvier 1996.

Elle a formé appel incident pour voir fixer la date de résiliation du bail au 6 novembre 1997, condamner la société PRIMAVERA à lui payer la somme de 112.494,69 F, outre 15.000 F au titre de l'article 700 du NCPC, et fixer sa créance à la liquidation judiciaire de M. ASCENÇAO DA TRINIDADE à la somme de 155.536,84 F.

Mme ASCENÇAO DA TRINIDADE et Maître DUMOULIN ès qualités de liquidateur de M. ASCENÇAO DA TRINIDADE ont été régulièrement cités et recités, la première selon actes d'huissier des 9 juillet 1998, 18 février 1999 et 19 janvier 2000 délivrés les deux derniers en mairie, le second selon actes d'huissiers des 17 février 1999 et 2 août 1999 délivrés à domicile.

Ils n'ont pas comparu ; le présent arrêt sera en conséquence réputé contradictoire.

SUR CE

Considérant qu'il est dit au bail que le preneur "ne pourra céder son droit au présent bail, si ce n'est à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise, à charge, en ce cas, de demeurer garant et répondant solidaire du paiement des loyers et de l'exécution des charges et conditions du bail" ;

Considérant que cette garantie ne peut pas s'analyser en un cautionnement, puisqu'elle n'est pas souscrite par une personne étrangère à l'obligation principale, mais qu'elle confère au contraire au cédant la qualité de codébiteur solidaire, partie à l'acte de bail, puis à l'acte de caution ;

Considérant qu'il est de principe qu'à défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail initial se poursuit par tacite reconduction au-delà du terme fixé par le contrat et pour une durée indéterminée à laquelle chaque partie peut mettre fin à tout moment, et ce conformément aux dispositions de l'article 1738 du Code civil auquel l'article 5 du décret du 30 septembre 1953 renvoie expressément, sous les réservés prévues en son alinéa 1 dérogatoire au droit commun ;

Qu'en l'espèce, le bail initial s'est donc poursuivi au-delà du 1er janvier 1995 ;

Considérant qu'en l'absence de stipulation expresse limitant sa garantie à la durée contractuelle du bail, la société PRIMAVERA est tenue pendant toute la durée effective du bail prolongé de satisfaire aux obligations de ses cessionnaires défaillants ;

Considérant que la société UAP-VIE, qui seule pourrait invoquer le bénéfice de l'ordonnance de référé du 4 janvier 1996, n'entend pas s'en prévaloir ;

Que, de toute manière, en signant avec les époux ASCENÇAO DA TRINIDADE un protocole d'accord, puis, après sa violation par ceux-ci, en les assignant en résiliation judiciaire du bail sur le fondement des articles 1728, 1741 et 1184 du Code civil, la société UAP-VIE a implicitement, mais nécessairement renoncé au bénéfice de l'ordonnance ;

Considérant que dès lors que les premiers juges ont prononcé et non pas constaté la résiliation du bail, la date de celle-ci ne peut être que la date de leur décision, soit le 6 novembre 1997 ;

Qu'il y a donc lieu à infirmation de ce chef ;

Considérant que le montant des loyers et charges dus au 6 novembre 1997 s'établit à la somme de 112.494,69 F ;

Que la société PRIMAVERA sera, en conséquence, condamnée au paiement de cette somme ;

Considérant que Mme ASCENÇAO DA TRINIDADE devra le garantir de ladite condamnation ;

Qu'en revanche, les sociétés UGIPAR et PRIMAVERA ne sont pas recevables à solliciter la condamnation de M. ASCENÇAO DA TRINIDADE, dès lors que celui-ci a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée le 30 mars 1999 pour insuffisance d'actif ;

Qu'il convient, en conséquence, de mettre Me DUMOULIN ès qualités hors de cause ;

Considérant que la société PRIMAVERA, qui succombe en son appel, paiera à la société UGIPAR une somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du NCPC ainsi que les dépens, sans possibilité de recours contre les cessionnaires ;

Par ces motifs :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, et en dernier ressort :

MET Me DUMOULIN, ès qualités de liquidateur de M. ASCENÇAO DA TRINIDADE hors de cause.

Confirme le jugement en date du 8 janvier 1998,

RÉFORME le jugement en date du 6 novembre 1997 en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail à compter du 25 février 1997, condamné M. ASCENÇAO DA TRINIDADE et la société PRIMAVERA au paiement de 19.938,38 F au titre d'indemnités d'occupation dues au 1er juillet 1997,

STATUANT A NOUVEAU de ces chefs,

Prononce la résiliation du bail à compter du 6 novembre 1997,

CONDAMNE Mme M. ASCENÇAO DA TRINIDADE à payer à la société UGIPAR la somme de 19.938,38 F au titre des loyers dus entre le 26 février 1997 et le 1er juillet 1997,

CONDAMNE la société PRIMAVERA à payer à la société UGIPAR la somme de 112.494,69 F (CENT DOUZE MILLE QUATRE CENT QUATRE-VINGT QUATORZE FRANCS ET SOIXANTE-NEUF CENTIMES),

CONFIRME les dispositions non contraires du jugement,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE Mme ASCENÇAO DA TRINIDADE à garantir la société PRIMAVERA de la condamnation ci-dessus prononcée contre elle,

CONDAMNE la société PRIMAVERA à payer à la société UGIPAR la somme de 10.000 F (DIX MILLE FRANCS) au titre de l'article 700 du NCPC,

LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP LAMBERT-DEBRAY-CHEMIN, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.

REJETTE toutes autres demandes comme étant irrecevables, non fondées ou sans objet.