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Décisions

ADLC, 7 décembre 2023, n° 23-D-11

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la gestion déléguée des réseaux de chaleur

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Mme Alice Delavergne, rapporteure, et l’intervention de Mme Laure Gauthier, rapporteure générale adjointe, par Mme Irène Luc, vice-présidente, présidente de séance, Mme Laurence Borrel-Prat, Mme Cécile Cabanis, M. Savinien Grignon-Dumoulin, M. Jérôme Pouyet et M. Fabien Raynaud, membres

ADLC n° 23-D-11

6 décembre 2023

L’Autorité de la concurrence (section V),

Vu la décision n° 19-SO-24 du 4 novembre 2019, enregistrée sous le numéro 19/0073 F, par laquelle l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office de pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la gestion déléguée des réseaux de chaleur ;

Vu le livre IV du code de commerce, et notamment son article L. 420-1 ;

Vu les observations présentées par les sociétés Dalkia, Électricité de Strasbourg, ÉS Services Énergétiques, EDF Développement Environnement, EDF S.A., Réseau Gaz de Strasbourg, Réseaux de Chaleur Urbains d’Alsace, Primeo Wärmeholding AG, Réseaux de Chaleur Urbains de l’Est et le commissaire du Gouvernement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Les représentants de l’Eurométropole de Strasbourg entendus sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 463-7 du code de commerce ;

La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, les représentants des sociétés Dalkia, Électricité de Strasbourg, ÉS Services Énergétiques, EDF Développement Environnement, EDF S.A., Réseau Gaz de Strasbourg, Réseaux de Chaleur Urbains d’Alsace, Primeo Wärmeholding AG, Réseaux de Chaleur Urbains de l’Est, et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 19 septembre 2023 ;

Adopte la décision suivante :

Résumé1

Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») prononce un non-lieu pour des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la gestion déléguée des réseaux de chaleur.

Les acteurs concernés par ces pratiques étaient :

− plusieurs entités du groupe EDF : Dalkia, Électricité de Strasbourg, ÉS Services Énergétiques (en tant qu’auteures), EDF Développement Environnement (en tant que société mère d’Électricité de Strasbourg) et EDF (en tant que société mère de Dalkia, Électricité de Strasbourg et ÉS Services Énergétiques) ;

− Réseaux de Chaleur Urbains d’Alsace (ci-après « RCUA ») et Réseaux de Chaleur Urbains de l’Est (ci-après « RCUE »), filiales à actionnariat croisé, détenues à hauteur de 51 % par Réseau Gaz de Strasbourg et de 49 % par Primeo Wärmeholding AG et inversement, actives dans le domaine des réseaux de chaleur (en tant qu’auteures) ;

− Réseau Gaz de Strasbourg (ci-après « R-GDS »), société anonyme détenue majoritairement par la ville de Strasbourg, gestionnaire de réseau de distribution de gaz naturel et active notamment dans le domaine des réseaux de chaleur (en tant qu’auteure et société mère de l’ensemble RCUA/RCUE) ;

− Primeo Wärmeholding AG (ci-après « Primeo »), en tant que société mère de l’ensemble RCUA/RCUE.

Les services d’instruction reprochaient à ces acteurs d’avoir pris part à une entente visant une répartition de marchés, en mettant en oeuvre un ensemble d’accords et de pratiques concertées contraires à l’article L. 420-1 du code de commerce lors de deux appels d’offres concernant trois réseaux de chaleur entrant dans le champ de compétence de l’Eurométropole de Strasbourg.

Ces pratiques consistaient, d’une part, en une réponse groupée constituée de R-GDS/RCUA et Dalkia/Électricité de Strasbourg à un appel d’offres concernant le réseau de chaleur de Hautepierre et, d’autre part, en des échanges d’informations préalables à un appel d’offres concernant les réseaux de chaleur de l’Elsau et de l’Esplanade.

En ce qui concerne la réponse groupée, l’Autorité a estimé que les éléments du dossier ne permettaient pas d’établir que le groupement litigieux était dépourvu de justification économique ou technique. L’Autorité a notamment relevé qu’à la date de la remise des candidatures, R-GDS ne disposait pas d’expérience dans l’exploitation d’un réseau de chaleur et RCUA était, quant à elle, dépourvue de moyens humains permettant de prendre en charge l’exploitation du réseau. L’Autorité a par ailleurs souligné qu’à supposer même le groupement non justifié, en raison de la prétendue capacité de RCUA à soumissionner seule, l’acquiescement de cette entreprise à une stratégie anticoncurrentielle de ses partenaires n’était pas démontré.

En ce qui concerne les échanges d’informations, l’Autorité a considéré que la restriction de concurrence n’était pas établie. Elle a relevé à cet égard que les caractéristiques des offres déposées individuellement par les entités mises en cause étaient très différentes du point de vue des solutions technologiques proposées. En outre, elle a estimé que les éléments du dossier faisaient apparaître que les parties avaient mis en place des mesures internes pour prévenir l’utilisation des informations éventuellement échangées préalablement pour la préparation de leur offre individuelle.

I. Constatations

A. LA PROCEDURE 

1. Par une décision n° 19-SO-24 du 4 novembre 2019, enregistrée sous le numéro 19/0073 F, l’Autorité de la concurrence (ci-après l’« Autorité ») s’est saisie d’office de pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la gestion déléguée des réseaux de chaleur2.

2. Après autorisation du juge des libertés et de la détention du 17 novembre 2016, prise sur le fondement de l’article L. 450-4 du code de commerce, des opérations de visite et saisie ont été menées le 22 novembre 2016 dans les locaux des sociétés EDF, Domofinance, EDF Optimal Solution et Dalkia France. La licéité des opérations et des saisies subséquentes a été confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 10 janvier 2019.

3. Le 26 avril 2021, le rapporteur général a adressé une notification de griefs portant sur des pratiques prohibées au titre de l’article L. 420-1 du code de commerce aux sociétés ÉS Services Énergétiques (ci-après « ÉS-SE »), Électricité de Strasbourg, Dalkia, EDF S.A., EDF Développement Environnement, Réseaux de Chaleur Urbains d’Alsace (ci-après « RCUA ») et Réseau GDS (ci-après « R-GDS »).

4. Le 8 juillet 2022, le rapporteur général a adressé une notification de griefs rectificative aux sociétés précitées, ainsi qu’à Primeo Wärmeholding AG (ci-après « Primeo ») et Réseaux de Chaleur Urbains de l’Est (ci-après « RCUE »).

5. Le rapport des services d’instruction a été notifié le 10 février 2023 aux parties. La séance s’est tenue le 19 septembre 2023.

B. LE SECTEUR CONCERNE

6. Les réseaux de chaleur sont des équipements collectifs de distribution de chaleur, produite sous forme de vapeur ou d’eau chaude par des unités centralisées de production, permettant d’alimenter des bâtiments en chauffage et en eau chaude sanitaire. Ils représentent un type de services énergétiques, qui ont fait l’objet d’un examen récent de l’Autorité dans le cadre de sa fonction consultative3.

7. Un réseau de chaleur comprend (i) une ou plusieurs unités de production de chaleur (chaufferies) pouvant utiliser plusieurs sources d’énergies (renouvelables, de récupération, fossiles) et (ii) un réseau de canalisations, dit « réseau primaire », empruntant la voirie publique ou privée et aboutissant à des postes de livraison de la chaleur aux utilisateurs (sous-stations). Le réseau de canalisation, dit « réseau secondaire », distribuant la chaleur aux usagers en aval de ces postes de livraison, ne fait pas partie du « réseau » proprement dit 4.

8. En 2022, le Syndicat National du Chauffage Urbain et de la Climatisation Urbaine a recensé 898 réseaux de chaleur en France, s’étendant sur 6 529 kilomètres. Au niveau local, la région Grand Est apparaît comme la deuxième région la plus importante en termes de nombre de réseaux de chaleur, avec 130 réseaux5.

9. Afin d’assurer un service public local de distribution de chaleur, une collectivité territoriale peut décider de créer un réseau de chaleur6. En 2022, près de 80 % des réseaux étaient sous maîtrise d’ouvrage publique. Les collectivités territoriales peuvent alors soit assurer elles-mêmes la gestion complète du réseau (en général en régie), soit déléguer cette gestion à un opérateur public ou privé dans le cadre d'une délégation de service public (ci-après « DSP »)7.

10. Une DSP prend la forme d’une « concession » lorsqu’un opérateur économique indépendant réalise les investissements et l’exploitation, et d’« affermage » lorsque la collectivité finance les installations et un opérateur économique indépendant les exploite. Les concessions et affermages se caractérisent donc tous deux par un transfert de risque à l’opérateur économique, mais se distinguent quant à la possibilité pour ce dernier de réaliser ou non des investissements.

11. Les DSP sont soumises à la directive 2014/23/UE du 26 février 2014, transposée en droit interne par l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016. Elles doivent être limitées dans leur durée, celle-ci étant déterminée en fonction de la nature et du montant des prestations ou des investissements demandés. Cette limitation de durée était déjà prévue par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (ci-après « loi Sapin »). En pratique, la durée des contrats de DSP de réseaux de chaleur varie entre 5 et 30 ans. Néanmoins, un certain nombre de contrats actuellement en vigueur ont été conclus antérieurement à l’adoption de la loi Sapin et ont une durée pouvant aller jusqu’à 60 ans.

12. Pour une collectivité, le choix entre une régie, un affermage et une concession dépend notamment de la taille du réseau de chaleur. Sur l’ensemble des réseaux de chaleur en France, la concession est le mode de gestion le plus souvent retenu par les collectivités pour les réseaux de taille importante : si seulement 37 % des réseaux sont gérés en concession, ceux-ci représentent 74 % en énergie livrée8.

13. La collectivité est également en mesure de choisir les sources d’énergie primaire. Si ce choix dépend souvent de contraintes géographiques, il est également guidé par une volonté de verdissement du mix énergétique. Entre 2009 et 2022, la part des énergies renouvelables et de récupération dans les sources d'énergie utilisées par les réseaux de chaleur a été multipliée par deux,9 passant de 31 % à 62 %. Les réseaux de chaleur favorisent donc la production de chaleur verte10, 87 % des réseaux urbains ayant livré une chaleur verte, dont 82 % avec un taux d’énergies renouvelables et de récupération supérieur à 50 %11.

14. Le choix de la source primaire d’énergie a un impact sur la durée de la concession et sur la durée des engagements de fourniture, plus longues pour les énergies renouvelables et de récupération.

15. En France, comme indiqué par l’Autorité dans l’avis n° 20-A-0512, quatre opérateurs principaux interviennent dans le secteur de la gestion déléguée des réseaux de chaleur : les groupes Dalkia, Engie, Idex et Coriance, qui représentent ensemble plus de [60-80] % du marché en nombre d’appels d’offres et [80-100] % du marché en nombre de réseaux ou en volume de ventes de chaleur13. En particulier, l’Autorité a relevé « la part prépondérante de deux acteurs sur les quatre principaux du marché », Dalkia et Engie représentant à eux deux plus de [40-60] % du marché en nombre d’appels d’offres et jusqu’à [75-90] % du marché en volume de ventes de chaleur14.

C. LES ENTREPRISES CONCERNEES

1. LES GROUPES R-GDS ET PRIMEO ET LEURS FILIALES RCUA ET RCUE

16. R-GDS est une société d’économie mixte, détenue à hauteur de 51 % par la ville de Strasbourg, de 24 % par la Caisse des dépôts et des consignations, et de 25 % par Engie15. R-GDS se présente comme le « premier distributeur de gaz naturel dans le Bas-Rhin » desservant 122 communes16. Outre cette activité historique de gestionnaire de réseau de distribution de gaz naturel, le groupe R-GDS intervient également dans les domaines des réseaux de chaleur, du génie climatique et des services de gestion énergétique. En 2021/2022, R-GDS a réalisé un chiffre d’affaires de 53,2 millions d’euros17.

17. Primeo (anciennement dénommée EBM Wärmeholding) est une société holding de droit suisse créée en 2012, qui gère des participations dans des filiales actives dans le secteur de la gestion de réseaux de chaleur.

18. En 2013 et 2014, Primeo et R-GDS ont créé deux filiales, afin de rendre opérationnel un partenariat pour le développement d’une activité dans le secteur des réseaux de chaleur en France :

− RCUA, société par actions simplifiée détenue à hauteur de 51 % par R-GDS et de 49 % par Primeo ; et

− RCUE, société par actions simplifiée détenue à hauteur de 51 % par Primeo et de 49 % par R-GDS18.

2. LE GROUPE EDF ET SES FILIALES DALKIA, ÉLECTRICITE DE STRASBOURG ET ÉS-SE

19. EDF est l’opérateur historique de l’électricité en France, présent sur l’ensemble des métiers de l’électricité : la production, le transport, la distribution et la fourniture d’électricité. EDF commercialise depuis 1946 des offres de fourniture d’électricité sur environ 95 % du territoire métropolitain continental (zone Enedis), ainsi que sur le territoire de certaines entreprises locales de distribution. Le groupe EDF comporte également de nombreuses filiales actives dans l’ensemble du secteur de l’énergie, en France et à l’international.

20. En 2022, le groupe EDF a réalisé un chiffre d’affaires mondial de 143,5 milliards d’euros.

21. EDF a notamment pour filiales Dalkia SA et Électricité de Strasbourg SA.

22. Dalkia19, société anonyme détenue à plus de 99 % par EDF20, se présente comme « un acteur de premier plan sur le marché européen des services énergétiques »21. Le premier métier de Dalkia est la valorisation des énergies locales dans les réseaux de chaleur et de froid. Dalkia utilise les sources d’énergie qui existent sur le territoire pour proposer des solutions énergétiques à ses clients, entreprises et collectivités. À ce titre, Dalkia est active dans le secteur de la gestion de réseaux de chauffage et de climatisation urbains, en exploitant plus de 330 réseaux de chauffage ou de froid urbains, et en fournissant de la chaleur à plus de 2 millions de logements. En ce qui concerne précisément les réseaux de chaleur, Dalkia en gère environ 200, dont une trentaine sur la région Est22.

23. Électricité de Strasbourg23, société anonyme détenue à hauteur de 88,6 % par EDF Développement Environnement24 (société anonyme détenue à 100 % par EDF SA)25, est la maison mère du groupe éponyme, qui se décrit comme le « premier énergéticien régional multi-énergies (…) fortement ancré en Alsace depuis 120 ans »26. En 2022, Électricité de Strasbourg a réalisé un chiffre d’affaires de 1,29 milliard d’euros au travers de quatre grandes activités : la production d’énergies renouvelables, les services énergétiques, la fourniture d’électricité et de gaz naturel, et la distribution d’électricité27. En matière de services énergétiques, Électricité de Strasbourg intervient principalement via sa filiale ÉS-SE, détenue à hauteur de 50 % par Fipares SA (filiale à 100 % d’Électricité de Strasbourg) et à hauteur de 50 % par Dalkia28.

24. ÉS-SE29 est née « de l’association entre Écotral, filiale de services énergétiques d’ÉS, et Dalkia Bas-Rhin, au 1er janvier 2016 »30 en raison de la prise de contrôle de Dalkia par EDF31. ÉS-SE est active dans la conception/exploitation des réseaux de chaleur, la rénovation énergétique des bâtiments, la gestion technique et l’optimisation des installations énergétiques ; elle réalise également des activités de conception, réalisation et exploitation en génie électrique, éclairage industriel et public, ainsi que des activités d’ingénierie de restauration collective32. En 2022, ÉS-SE a réalisé un chiffre d’affaires de 62,4 millions d’euros33. En matière de réseaux de chaleur, ÉS-SE intervient uniquement dans le Bas-Rhin34.

D. LES PRATIQUES CONSTATEES

1. SUR L’APPEL D’OFFRES CONCERNANT LE RESEAU DE CHALEUR DE WACKEN REMPORTE PAR R-GDS ET PRIMEO

25. Le 10 décembre 2012, la ville de Strasbourg, actionnaire majoritaire de R-GDS, a présenté un plan stratégique en matière de gestion de réseaux de chaleur, qui prévoyait une « reprise en main » de ses réseaux de chaleur, à savoir ceux de Hautepierre, l’Elsau et l’Esplanade. À cette fin, l’Eurométropole de Strasbourg a choisi de créer un nouvel acteur local, par l’entremise d’une filiale de R-GDS, pour concurrencer les prestataires des réseaux de chaleur avec l’appui d’un partenaire privé. À cette fin, R-GDS s’est rapprochée d’une filiale du groupe Primeo en 2013, dénommée à l’époque EBM Thermique35.

26. Ce rapprochement a d’abord pris la forme d’une candidature conjointe d’EBM Thermique et R-GDS à l’appel d’offres lancé par l’Eurométropole de Strasbourg concernant le réseau de chaleur du Wacken. R-GDS et EBM Thermique ont remporté cet appel d’offres face à trois candidats : Cofely, Électricité de Strasbourg et Idex36.

27. Après avoir remporté cet appel d’offres, R-GDS et EBM Thermique ont créé RCUA en 2013 pour assurer la gestion du réseau de chaleur du Wacken, ainsi que cinq autres réseaux de chaleur apportés à RCUA par EBM Thermique37.

28. Le 29 avril 2013, EBM Thermique s’était en effet engagée à céder ou apporter à RCUA cinq réseaux de chaleur, dès lors qu’un appel d’offres était remporté38. Cet engagement prévoyait également qu’EBM Thermique constitue une société miroir, la société RCUE, exerçant les mêmes activités que RCUA dans les régions Alsace, Lorraine, Franche-Comté et Bourgogne mais en dehors du territoire de RCUA39.

29. Dès le début de sa diversification, R-GDS a affiché l’ambition d’être un acteur important des réseaux de chaleur strasbourgeois, comme cela ressort de plusieurs déclarations :

− selon le procès-verbal du conseil d’administration de RGDS du 29 janvier 2014, « la participation à l’appel d’offre concernant la Délégation de Service Public du Wacken est un premier exemple de la volonté de Réseau GDS de conquérir de solides positions dans cette nouvelle activité »40 ;

− selon le directeur du développement et de la prospective chez RCUA et RCUE, « RCUA a été créée pour répondre entre autres à tous les appels d’offres de la ville de Strasbourg concernant les réseaux de chaleur »41.

2. SUR LE PARTENARIAT DE R-GDS, RCUA, ÉLECTRICITE DE STRASBOURG ET DALKIA CONCERNANT LES APPELS D’OFFRES DES RESEAUX DE CHALEUR DE HAUTEPIERRE, L’ELSAU ET L’ESPLANADE

30. S’agissant des autres réseaux de chaleur existant à Strasbourg, un document de Dalkia précise qu’elle était titulaire de trois concessions de chauffage urbain en 2013 :

− « la ZUP de Hautepierre (DSP non concessive 100 % Dalkia) fin de contrat novembre 2014. Renouvellement pour un an supplémentaire jusqu’en 2015 actuellement en négociation.

− l’Elsau (via SE contrôlée à 100 % par Dalkia France) fin de contrat juin 2022

− l’Esplanade (via SETE contrôlée à 68,36% par Dalkia France et à 31,64% par GDF Suez Energies Services) fin de contrat juin 2022 »42.

31. En mars 2014, RCUA a envisagé de s’allier avec Électricité de Strasbourg pour répondre à certaines DSP, notamment celle de Hautepierre. Sur ce point, le procès-verbal du conseil d’administration de RCUA du 13 mars 2014 précise « [qu’il] n’est pas exclu, pour la DSP d’Hautepierre (et d'autres gros réseaux de chaleur), que RCUA décide de s’allier avec Électricité de Strasbourg. En effet, ce genre de DSP mobilise énormément de capitaux pour un maximum de risque et une rentabilité aléatoire. »43.

32. Ces critères de risques et de rentabilité aléatoire s’expliquent par la volonté initiale de l’Eurométropole de Strasbourg de créer une DSP englobant trois réseaux de chaleur. Le procès-verbal du conseil d’administration de R-GDS du 18 juin 2014 indique ainsi que « [l]’objectif du groupement qui pourrait être constitué (ou d’une autre modalité de coopération) serait de répondre à une très grande DSP englobant les réseaux de chaleur des quartiers d’Hautepierre, de l’Elsau et de l’Esplanade »44.

33. Compte tenu du projet d’acquisition en cours de Dalkia par EDF, le conseil d’administration anticipait l’inclusion de Dalkia dans un possible partenariat avec Électricité de Strasbourg. Par ailleurs, R-GDS envisageait également un partenariat avec Cofely, filiale d’Engie pour répondre à ces appels d’offres. Ainsi, dans le compte-rendu du conseil d’administration de R-GDS du 18 juin 2014, il est indiqué que R-GDS étudie « les conditions d’un partenariat liant RCUA à l’un, au moins, des opérateurs de réseaux que sont ES [Électricité de Strasbourg] (et donc, selon toutes probabilités, Dalkia) et Cofely »45.

34. La mise en place d’un appel d’offres unique englobant les trois DSP impliquait la résiliation anticipée des concessions de l’Elsau et l’Esplanade, ce qui constituait un risque pour Dalkia, qui craignait la naissance d’un compétiteur issu de l’alliance entre R-GDS et Priméo (anciennement EBM). Dans un document interne du 14 mars 2014 concernant « [l’]avenir des réseaux de chaleur de Strasbourg »46, Dalkia indique que « [f]ace à la volonté déterminée de la CUS47 de faire bouger les lignes, deux risques majeurs sont identifiés : (i) La naissance confirmée d’un compétiteur local fort, constitué de RGDS et d’un partenaire privé, EBM, qui pourra participer aux prochains appels d’offres (Wacken, Hautepierre,…), (ii) La résiliation anticipée des contrats existants de SE [l’Elsau] et SETE [l’Esplanade] à partir de mars 2015 (préavis d’un an) par l’autorité concédante »48.

35. Un autre document interne de Dalkia et d’Électricité de Strasbourg du 25 novembre 2014 indique que Dalkia a souhaité définir une stratégie de partenariat avec R-GDS, afin d’éviter de perdre les concessions de réseaux de chaleur dont elle était titulaire dans la région de Strasbourg49.

36. Ce document précise qu’à défaut d’un tel partenariat, R-GDS serait en mesure de remporter les appels d’offres sur les réseaux de chaleur de Strasbourg gérés par EDF en s’alliant avec un autre opérateur. Selon ce même document, la mise en place prévoyait la création d’un partenariat entre R-GDS et Dalkia, qui aurait notamment pour objectif de remporter l’appel d’offres de la DSP de Hautepierre et d’éviter une remise en concurrence anticipée des DSP de l’Elsau et l’Esplanade50.

37. Le schéma envisagé initialement par Dalkia consistait à répondre en groupement avec R-GDS à l’appel d’offres de Hautepierre et de faire rentrer R-GDS au capital des sociétés d’exploitation des concessions de l’Elsau et l’Esplanade, à condition que celles-ci ne soient pas résiliées de manière anticipée, voire soient prolongées51.

38. Dans un courriel du 14 novembre 2014, le directeur de Dalkia Est indique en ce sens : « rappelant que nous avons une participation minoritaire de COFELY dans SETE [L’Esplanade], et que COFELY souhaite en sortir, il m'est venue l'idée de faire la part du feu et de voir si RGDS pourrait être intéressé à remplacer Cofely … et en allant plus loin de voir comment partager plus tôt que prévu le gâteau Alsacien en faisant une opération croisée sur SE [l’Elsau] où on pourrait introduire RGDS également… tout ceci à la condition que ces deux DSP soient menées jusqu’à leur terme de 2022… voire plus si on trouve un consensus… et que le trio RGDS, ES, Dalkia répondent en 2015 sur la DSP de Hautepierre en consortium »52.

39. Ce schéma a ensuite évolué vers la mise en place d’un partenariat dans le cadre duquel ÉS-SE et Dalkia, d’une part, et, R-GDS, d’autre part, s’engageaient à répondre de manière groupée aux appels d’offres de l’agglomération strasbourgeoise. Toutefois, Dalkia a, dans un premier temps, souhaité exclure EBM Thermique de ces discussions, percevant cette société comme un concurrent. La première version de memorandum of understanding (ci-après « MoU ») figurant au dossier, datée du 1er décembre 2014 ne mentionnait pas RCUA et envisageait uniquement un partenariat entre R-GDS, d’une part, et ÉS-SE et Dalkia, d’autre part.

40. Dans le cadre d’un échange interne du 20 février 2015, le directeur de Dalkia Est a émis des réserves sur la création de sociétés communes avec R-GDS, dans la mesure où R-GDS n’avait pas souhaité prendre de participations directes dans ces sociétés, mais a voulu faire intervenir sa filiale RCUA, dont le capital était détenu à 49% par EBM Thermique, concurrent direct de Dalkia53 :

« Au lieu d’avoir en direct RGDS au capital, permettre RCUA (Réseaux de Chaleur Urbains d’Alsace) d’être actionnaire. RCUA est filiale à 51% de RGDS et 49% d’EBM !....parce que RGDS ne dispose pas des ressources pour faire contrepoids à la JV ES-Dalkia, et que c’est une façon de rééquilibrer les choses…autre argument, pouvoir partager sa part des investissements avec EBM. Ce dernier point est un prétexte. Il doit y avoir des accords avec EBM et il veut trouver un « mobile » pour les réintroduire dans le schéma. (…)

Sur ce troisième point, j’ai fait savoir que cela me paraissait « compliqué » et difficilement acceptable dans la mesure où il s’agit de s’associer avec un concurrent qui à notre sens n’apporterait pas grand-chose. (tout en disant cela, j'avais en arrière pensée que nous étions jusqu'à présent associés à COFELY .... et que malgré nous, nous perdons des affaires au profit d’EBM qui propose des solutions moins coûteuses, au moins en apparence.) (…)

Pour ma part, je trouverais un peu curieux d’accepter ce genre de montage où le Groupe EDF (ES Dalkia) devrait se mettre en coupe réglée par EBM dont nous ne partageons pas du tout les mêmes modes de pensée et de fonctionnement, et qui, s’il est associé au projet d’une manière ou d’une autre, n’arrêtera pas de contester ou de mettre en doute notre travail…»54.

41. Toutefois, dans le cadre de cet échange, le directeur de Dalkia Est n’a pas exclu de continuer les négociations avec R-GDS, et cela afin d’éviter la « concurrence frontale » de R-GDS lors du renouvellement des appels d’offres des DSP de la région de Strasbourg55.

42. Le 1er mars 2015, le directeur général d’Écotral (devenue ÉS-SE) a tenté de rassurer le directeur général de Dalkia Est en avançant que « le deal proposé par [Électricité de Strasbourg] permet d’imposer à SW [R-GDS] de museler EBM au sein de l’assetco et quelque part d’inhiber leur volonté d’agression sur SE [l’Elsau] et SETE [l’Esplanade] »56.

43. Dans un courriel du 1er mars 2015, le directeur de Dalkia Est a indiqué que les conditions de ce partenariat impliquaient d’exclure EBM de ce montage « les conditions à cette alliance : réalisation du projet CRE57, prolongation des DSP jusqu’à leur terme, absence d’EBM dans le montage »58.

44. Le 5 mars 2015, le directeur de Dalkia Est n’excluait plus la présence de RCUA, et donc indirectement d’EBM, au sein du groupement pour notamment « ne pas perdre notre présence sur les réseaux qui représentera 40% de l’activité de notre future JV ES SE, laquelle conditionne aussi notre image de marque d’opérateur performant sur Strasbourg avec des conséquences sur tout le reste du portefeuille, avalons cette couleuvre… »59.

45. Le 28 avril 2015, se tenait une « réunion de préparation pour l’acte de candidature de la DSP Hautepierre » réunissant les représentants de Dalkia, d’Électricité de Strasbourg et de R-GDS/RCUA60.

46. Le procès-verbal du conseil d’administration de R-GDS du 22 avril 2015 confirme que R-GDS et RCUA ont mené des discussions parallèles avec Cofely et Électricité de Strasbourg en vue d’un possible partenariat et ont présenté en ouverture les 3 options qui s’ouvraient à RCUA pour répondre aux appels d’offres afférents aux DSP des réseaux de chaleur de Hautepierre, l’Elsau et l’Esplanade :

« Les prochains objectifs commerciaux de grande envergure sont constitués par les Délégations de Service Public de Hautepierre (en 2015), de l’Esplanade et de l’Elsau (en 2017). Pour ce faire trois options s’ouvrent à RCUA :

− répondre seul, ce qui est parfaitement envisageable,

− répondre en partenariat avec Cofely,

− répondre en partenariat avec ES associé à Dalkia. »61.

47. Dans le cadre de ce conseil d’administration, la faculté de répondre seul n’a pas été développée, seuls ayant été présentés aux membres les avantages et inconvénients des deux partenariats, celui avec Cofely dans lequel « les rôles sont partagés en fonction des domaines d’excellence respectives », l’autre avec Électricité de Strasbourg et Dalkia où « les rôles sont également partagés en fonction des domaines d’excellence respectives ». R-GDS a exprimé une préférence pour un partenariat avec Électricité de Strasbourg et Dalkia, compte tenu de la « réelle complémentarité des partenaires et de leur domaine d’excellence », de « l’intérêt de répondre à l’appel d’offre avec le candidat sortant, ce qui est un avantage technique et financier considérable » et enfin de l’intérêt pour la ville de Strasbourg, actionnaire majoritaire de R-GDS, d’allier « deux acteurs locaux majoritairement détenus par des capitaux publics » et associant la Caisse des dépôts et consignations, le représentant de la ville se félicitant de l’émergence d’un « modèle inédit à l’échelle nationale qui est en cours d’élaboration à Strasbourg »62. Le procès-verbal du conseil d’administration précise aussi que c’est la circonstance que RCUA ait obtenu la DSP du Wacken qui a rendu possible le choix entre plusieurs partenariats, certains partenaires ayant en effet recommandé à R-GDS de « gagner un premier réseau de chaleur » avant de pouvoir s’allier : « Il (Monsieur X…) tient également à souligner que le fait pour le groupe Réseau GDS d’avoir emporté la Délégation de Service Publique (sic) du Wacken a totalement modifié la nature exacte des partenariats susceptibles d’être noués. RCUA et son groupe sont devenus des alternatives crédibles sur le marché de la gestion des réseaux de chaleur. »63.

48. Le procès-verbal du conseil d’administration de R-GDS du 22 avril 2015 montre aussi que R-GDS avait pris en compte les risques résultant du choix d’Électricité de Strasbourg et Dalkia comme partenaires, notamment la mauvaise image de Dalkia auprès de la collectivité, et la raréfaction de la concurrence résultant du groupement : « L’alliance entre ES et Réseau GDS fait disparaître une offre alternative spécifique émanant du dernier arrivé sur le marché »64 et « l’alliance de deux «champions régionaux» risque d’amener l’autorité de la concurrence à s’interroger sur la pertinence d’un tel accord »65. Il est toutefois souligné dans le procès-verbal que « l’alliance envisagée laisse sur le marché les deux principaux acteurs nationaux, de même que des entités plus petites, mais également de dimension nationale ou internationale », de sorte que « le fait de présenter la meilleure offre sera le garant d’un succès final ».

49. Malgré l’affirmation générale du directeur général de R-GDS, au début de la réunion du conseil d’administration, selon laquelle RCUA pouvait « répondre seul », les salariés de RCUA ont déclaré lors de leurs auditions que RCUA n’avait pas la capacité de répondre seule à l’appel d’offres de Hautepierre.

50. À cet égard le directeur développement et prospective de RCUA a déclaré :

« On ne remporte pas toujours les appels d’offres sur lesquels on candidate. […] sur l’exploitation pure on n’a pas forcément une taille critique qui sécurise les maîtres d’ouvrages. Nous sommes bons sur les solutions innovantes, or quand il y a un réseau existant, de telles solutions ne sont pas forcément envisageables. […] Nous n’aurions pas eu les capacités de répondre à Hautepierre seule. C’est M. Y… qui connait le détail du déroulé des négociations. Je sais simplement que nous avons beaucoup discuté en interne sur l’impossibilité de répondre seule pour ce réseau »66.

51. La présidente de RCUA a indiqué : « nous n’avions pas les moyens de gérer un réseau haute pression (nous connaissons les réseaux basse pression comme le Wacken mais nous ne gérons pas seul les réseaux haute pression comme celui de Hautepierre) »67.

52. Il convient de noter que si Dalkia et Électricité de Strasbourg ont entamé des négociations avec R-GDS et RCUA, elles ont, dans le même temps, poursuivi une stratégie individuelle. Ainsi, dans un courriel du 25 mars 2015, le directeur de Dalkia Est demandait à ses équipes de préparer une candidature Dalkia/Électricité de Strasbourg, anticipant un possible échec du projet de groupement avec R-GDS : « Compte tenu de la complexité des sujets Strasbourgeois, il faut préparer une candidature ES/Dalkia « prête à l’emploi », si les négociations avec RGDS/RCUA achoppent, ou si tout simplement l’EMS ne veut pas de ce type de candidature. Il ne faut pas se retrouver en culotte courte si pour des raisons floues RGDS nous claque dans les doigts la veille du dépôt de remise du dossier. »68.

53. Lors d’une audition le 11 juillet 2019, deux salariés de ÉS-SE ont d’ailleurs indiqué que Dalkia et d’Électricité de Strasbourg avaient la capacité de candidater individuellement sur les appels d’offres lancés sur les réseaux de chaleur, en particulier ceux sur lesquels le groupe EDF était un titulaire sortant. Le premier a déclaré « pour les réseaux de chaleur, c’est le métier de Dalkia donc d’office on va répondre »69, tandis que le second a précisé « on postule systématiquement pour les réseaux sortants »70.

3. SUR L’APPEL D’OFFRES DU RESEAU DE CHALEUR DE HAUTEPIERRE

54. Les discussions relatives à un partenariat entre R-GDS, RCUA, Dalkia et Électricité de Strasbourg (ci-après le « groupement ») en vue de répondre aux appels d’offres concernant les réseaux de Hautepierre, l’Elsau et l’Esplanade ont été formalisées par la signature d’un MoU le 12 mai 2015 qui précise :

« Les Parties souhaitent développer un partenariat pour mettre en commun leurs compétences en vue de se positionner sur les futurs appels d'offres qui seront lancés par l'Eurométropole de Strasbourg concernant les 3 réseaux de chaleur d'Hautepierre, de l'Elsau et de l'Esplanade à Strasbourg (ci-après, les « Réseaux »). Ce partenariat permettra de s'appuyer sur un opérateur unique favorisant une optimisation des infrastructures des Réseaux.

L'Eurométropole affiche pour ses réseaux de chaleur une double ambition. La première est d'en permettre l'interconnexion physique qui n'existe pas aujourd'hui : ce qui nécessite de traiter les 3 DSP de façon globale. La seconde est d'en porter le pourcentage d'alimentation en énergie renouvelable au-delà de 50%, ce qui est cohérent avec la volonté de la collectivité d'être un acteur majeur de la promotion en Alsace du développement durable.

Dans ce contexte, ÉS / Dalkia (via ÉS-XX) et RGDS ont pour volonté de constituer un partenariat industriel afin de se positionner pour tenter de gagner ensemble les trois appels d'offres précités en exploitant leurs complémentarités en termes de savoir-faire industriel.

En effet, ÉS / Dalkia dispose pour sa part d'un savoir-faire avéré et reconnu sur l'exploitation et la maintenance des chaufferies et des réseaux de chaleur associés. RGDS et sa filiale RCUA ont une activité très récente dans ce domaine et pour des réseaux de dimension nettement moindre.

De son côté RGDS, de par son coeur de métier d'opérateur de réseaux de distribution gaz, dispose d'un savoir-faire établi sur les travaux d'extension et de densification des canalisations, notamment en milieu urbain. Cette activité est importante dans le cadre du partenariat, dès lors que l'Eurométropole va devoir faire réaliser des travaux significatifs de réseaux en plus de l'exploitation - maintenance.

L'objet de ce partenariat est d'aboutir à terme à une organisation commune réunissant l'ensemble des activités et compétences des Partenaires sur les Réseaux. »71.

55. Conformément au MoU, les sociétés Dalkia, Électricité de Strasbourg, R-GDS et RCUA ont déposé un dossier de candidatures en groupement en vue de répondre à l’appel d’offres de la DSP du réseau de chaleur de Hautepierre.

56. Le 4 juin 2015, la Commission de délégation de service public a proposé d’admettre trois candidats : le groupement, Coriance et Idex72. Le dossier de consultation des entreprises a été envoyé aux trois candidats retenus le 24 juin 2015 pour une remise des offres le 13 octobre 2015. La société Idex n’a pas déposé d’offres.

57. Après analyse des offres reçues et des négociations engagées avec les deux candidats restants entre novembre 2015 et janvier 2016, l’Eurométropole de Strasbourg a choisi de retenir l’offre déposée par le groupement composé de R-GDS, RCUA, Dalkia France et ÉS-SE par une délibération du 24 mars 201673. Le 24 avril 2016, l’Eurométropole de Strasbourg a conclu une DSP relative au réseau de chaleur de Hautepierre pour une durée de cinq ans à compter du 1er juillet 201674.

58. L’offre groupée de R-GDS, RCUA, Dalkia France et ÉS-SE lors de l’appel d’offres de Hautepierre était mieux-disante que celle de son concurrent en termes de prix. Cette offre a également conduit à une baisse de prix par rapport au tarif antérieur de Dalkia (entre -14 % et -6,5 % selon les méthodes de comparaison).

4. SUR L’APPEL D’OFFRES DES RESEAUX DE CHALEUR DE L’ELSAU ET L’ESPLANADE

a) Le projet de concentration abandonné par les parties

59. Le 22 décembre 2017, l’Eurométropole de Strasbourg a décidé de résilier de manière anticipée les deux contrats de DSP des réseaux de chaleur de l’Esplanade et l’Elsau à la date prévisionnelle du 31 juin 2019 et de fusionner ces deux réseaux de chaleur dans une entité d’exploitation unique à l’occasion de la désignation du prochain exploitant75.

60. Le 20 avril 2018, l’Eurométropole de Strasbourg a validé le principe du lancement d’une procédure de mise en concurrence en vue de désigner le nouvel exploitant des réseaux de l’Esplanade et de l’Elsau pour une durée prévisionnelle de 20 ans à compter du 1er novembre 2019. S’agissant du montage juridique, l’Eurométropole a choisi de confier l’exploitation de ces deux réseaux à une société d’économie mixte à opération unique (ci-après « SEMOP »).

61. Une SEMOP est une société ayant pour vocation exclusive la conclusion et l’exécution d’un contrat passé entre une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités et au moins un actionnaire opérateur économique sélectionné après une mise en concurrence. La SEMOP est donc constituée a minima de deux actionnaires : une collectivité territoriale, qui détient entre 34 % et 85 % du capital et un opérateur économique. La SEMOP est constituée pour une durée limitée et est dissoute de plein droit au terme du contrat avec la collectivité territoriale ou le groupement concerné, ou dès que l’objet de ce contrat est réalisé ou a expiré.

62. Au cas d’espèce, la répartition du capital envisagée pour la SEMOP chargée de l’exploitation des réseaux de l’Esplanade et l’Elsau était de 34 % pour l’Eurométropole de Strasbourg, de 15 % pour la Caisse des Dépôts et Consignation et de 51 % pour l’opérateur économique76.

63. Le 4 juillet 2018, l’Eurométropole de Strasbourg a publié une procédure de mise en concurrence pour l’exploitation de ces réseaux de chaleur sur la base de ce montage juridique, la date de remise des offres étant fixée le 6 novembre 201877.

64. Le MoU signé le 12 mai 2015 n’étant plus adapté au montage juridique souhaité par l’Eurométropole de Strasbourg, R-GDS/RCUA et Dalkia/Électricité de Strasbourg l’ont résilié d’un commun accord le 26 juillet 201878 et ont conclu le même jour un nouveau MoU79 en vue de créer une entreprise commune de plein exercice pour répondre à l’appel d’offres de l’Elsau et de l’Esplanade et à tout autre appel d’offres pour lequel une offre conjointe présenterait une logique économique80.

65. Il ressort des procès-verbaux des conseils d’administration des 16 avril et 4 juin 2018 de RCUA que le choix de créer une entreprise commune de plein exercice avait vocation à se conformer avec le droit de la concurrence. Le procès-verbal du 16 avril 2018 : « présente le projet de DSP Elsau-Esplanade avec constitution d’une société d’économie mixte à opération unique. Pour respecter le droit de la concurrence, y répondre en partenariat avec ESSE nécessitera la constitution d'une Joint-Venture concentrative et de plein exercice. »81. Le procès-verbal du 4 juin 2018, qui comprend un point intitulé « Joint Venture concentrative avec ESSE », indique que la « répartition du capital entre R-CUA et ESSE s’explique par notre volonté de supprimer le risque d’entente. Nous avons donc fait le choix, sur recommandations de nos conseils, de créer une Joint-Venture concentrative et de plein exercice pour répondre à la consultation qui sera lancée par l’EMS pour les réseaux de « Strasbourg Centre ». Cette Joint-Venture concentrative sera notifiée à l’Autorité de la concurrence afin d’obtenir une décision d’autorisation avant la création de la Joint-Venture et la remise de l’offre et écarter ainsi le risque d’entente. »82.

66. Le 2 août 2018, ÉS-SE et RCUA ont pré-notifié leur projet de création d’une entreprise commune de plein exercice auprès de l’Autorité au titre du contrôle des concentrations sur la base du MoU signé le 26 mai 2018. La structure envisagée prévoyait une répartition des tâches assez identique à celle qui avait prévalu sur le marché de Hautepierre : l’exploitation des réseaux de chaleur étant confiée à ÉS-SE, l’ingénierie et les relations avec la collectivité et l’Eurométropole étant confiées à RCUA83.

67. Compte tenu de l’ouverture possible d’une phase d’examen approfondi par l’Autorité84, les parties ne pouvaient pas obtenir une autorisation de l’Autorité avant la date de clôture de l’appel d’offres initié par l’Eurométropole de Strasbourg. ÉS-SE et RCUA ont donc décidé de renoncer à ce projet de concentration le 12 octobre 201885.

68. Jusqu’au retrait de la pré-notification, les équipes de Dalkia/ÉS-SE et de RCUA ont échangé sur des aspects commerciaux et techniques en vue de répondre à l’appel d’offres des réseaux de l’Esplanade et l’Elsau.

b) Des réponses finalement séparées pour la DSP concernant les réseaux de l’Elsau et de l’Esplanade

69. Après avoir retiré la pré-notification le 12 octobre 2018, RCUA et ÉS-SE ont décidé de répondre individuellement à la DSP concernant les réseaux de l’Elsau et de l’Esplanade, ce qu’elles ont fait moins de quatre semaines plus tard, le 6 novembre 2018.

La réponse d’ÉS-SE

70. Dès le 11 octobre 2018, le directeur général d’ÉS-SE informait par courriel ses équipes qu’« ÉS Services Énergétiques, en accord avec ses actionnaires ÉS et Dalkia, et R-CUA ont été contraintes de mettre un terme à leur projet de partenariat » et qu’« ÉS Services Énergétiques a décidé de participer seule à la consultation relative au réseau de chaleur de Strasbourg Centre »86. Il précisait ensuite les conséquences de cette double décision : « nous vous invitons à cesser immédiatement toute communication avec les équipes de R-CUA et RGDS, tant, évidemment sur le contenu de la future réponse d’ÉS Services Énergétiques à la consultation que sur le principe même d’une participation d’ÉS Services Énergétiques à cette consultation. Il est également interdit, dans le cadre de l’élaboration de l’offre d’ÉS Services Énergétiques, d’utiliser toute information ou tout document reçu de R-CUA ou RGDS, que nous vous demandons par conséquent de bien vouloir supprimer »87.

71. Ces deux obligations, l’une positive (supprimer les documents), l’autre négative (ne pas les utiliser), ont été reprises dans une présentation sur les « règles à observer » accompagnant le courriel précité88. En effet, étaient prévues l’obligation de « détruire tout document ou toute information reçue de R-CUA ou de RGDS dans le cadre des discussions préliminaires intervenues avant la fin du projet de partenariat » et l’obligation de signer un engagement de confidentialité individuel en vertu duquel il était interdit aux signataires de faire un quelconque usage des informations confidentielles relatives aux réseaux de chaleur qu’ils auraient obtenues de l’autre partie89.

72. La présentation mentionnait également la nécessité de « porter à la connaissance de l’EMS le fait que des échanges d’informations sont intervenus avec R-CUA et RGDS, préalablement à la remise d’une offre seule, dans le cadre du projet de partenariat (communication faite par la direction générale d’ÉSSE/ÉS) »90.

73. Enfin, la présentation soulignait que « De manière générale, ÉSSE et R-CUA doivent désormais être considérés comme potentiellement concurrents et rester dans l’incertitude quant à la stratégie à venir de l’autre »91.

La réponse de RCUA

74. Le 12 octobre 2018, RCUA a décidé, lors d’une réunion interne, de mobiliser des ressources complémentaires pour répondre à l’appel d’offres de manière individuelle, comme en témoigne un courriel interne du 15 octobre 2018 faisant référence à cette réunion :

« Comme évoqué en réunion vendredi, la réponse à l’appel d’offres de Strasbourg va désormais mobiliser des ressources complémentaires.

Vous êtes tous les 3 concernés pour cette nouvelle organisation :

-[…] : pour terminer le volet réseau de chaleur (investissement initial + P3) – A priori, cela consiste à finaliser ce que tu as déjà commencé.

-[…] : pour l’automatisme + système informatique

-Maxime : pour épauler l’équipe sur des sujets spécifiques (…) »92.

75. Lors de son audition, la directrice générale de R-GDS et présidente de RCUA a expliqué que RCUA s’était adossée à une autre société afin de gérer le réseau de chaleur haute pression, dans la mesure où RCUA ne disposait pas de ces compétences en interne (voir paragraphe 51 ci-avant)93.

Sur les suites de l’appel d’offres

76. Après le dépôt de leurs offres le 6 novembre 2018 et un premier tour de négociations, les candidats ont déposé des offres modifiées le 22 février 201994.

77. Le 3 juin 2019, le Président de l’Eurométropole de Strasbourg a informé les candidats qu’il envisageait de ne pas donner suite à la procédure en raison d’une nouvelle hypothèse de source de chaleur95. Plus précisément, l’Eurométropole souhaitait désormais importer de la chaleur depuis l’aciérie BSW de Kehl.

78. Le 20 octobre 2020, l’Eurométropole a relancé une procédure de désignation d'un exploitant pour le réseau de chaleur Strasbourg Centre dans le cadre d'une SEMOP.

79. Le 25 mars 2022, l’Eurométropole de Strasbourg a approuvé la création d’une SEMOP, en désignant RCUA comme opérateur économique à hauteur de 51 % pour une durée de 20 ans.

E. LE GRIEF NOTIFIE

80. Le 25 janvier 2021, les services d’instruction ont notifié le grief suivant :

« Il est fait grief :

- à la société Dalkia (RCS Lille Métropole n° 456 500 537), en tant qu’auteure, pour la période du 12 mai 2015 à la date d’envoi de la notification de griefs,

- à la société Électricité de Strasbourg (RCS Strasbourg n° 558 501 912), en tant qu’auteure, pour la période du 12 mai 2015 à la date d’envoi de la notification de griefs,

- à la société ÉS Services Énergétiques (RCS Strasbourg n° 322 791 393), en tant qu’auteure, pour la période du 1er janvier 2016 à la date d’envoi de la notification de griefs,

- à la société Réseau GDS (RCS Strasbourg n° 548 501 113), en tant qu’auteure, pour la période du 12 mai 2015 à la date d’envoi de la notification de griefs,

- à la société Réseaux de Chaleur Urbains d’Alsace (RCS Strasbourg n° 801 012 774), en tant qu’auteure, pour la période du 12 mai 2015 au à la date d’envoi de la notification de griefs,

- à la société EDF Développement Environnement (RCS Nanterre n° 380 414 482), en tant que société mère d’Électricité de Strasbourg, pour la période du 12 mai 2015 à la date d’envoi de la notification de griefs,

- à la société EDF (RCS Paris n° 552 081 317), en tant que société mère de Dalkia, d’Électricité de Strasbourg et d’ÉS Services Énergétiques, pour la période du 12 mai 2015 à la date d’envoi de la notification de griefs, d’avoir pris part à une entente dans le secteur de la gestion déléguée des réseaux de chaleur visant une répartition de marchés. Les participants à cette entente ont mis en oeuvre un ensemble d’accords et de pratiques concertées consistant en des réponses conjointes et des échanges d’informations lors des appels d’offres concernant les réseaux de Hautepierre, de l’Elsau et de l’Esplanade. De tels comportements revêtent un objet anticoncurrentiel et sont prohibés par l’article L.420-1 du code de commerce.

Cette entente a été mise en oeuvre au moins entre le 12 mai 2015 et le 4 octobre 2018. Elle a produit des effets et est susceptible de continuer à en produire jusqu'au 30 juin 2021, date d'échéance de la DSP de Hautepierre en cours d'exécution ».

En outre, ce grief a également été notifié, par la notification de griefs rectificative du 30 juin 2022 :

− à la société Réseaux de Chaleur Urbains de l’Est (RCS Strasbourg n° 508 084 605), en tant qu’auteure,

− et aux sociétés Réseau GDS et Primeo Wärmeholding AG (CHE-219.159.419, Suisse), en tant que sociétés mères de RCUA et de RCUE.

II. Discussion

81. Dès lors que le grief notifié n’est pas établi, il n’y a pas lieu de se prononcer sur les moyens de procédure, invoqués par les sociétés du groupe EDF, ainsi que par R-GDS et RCUA, relatifs à la précision du grief et à l’accès au dossier.

82. Seront successivement examinés l’inapplicabilité du droit de l’Union (A), le marché pertinent (B) et le bien-fondé du grief notifié (C).

A. SUR L’INAPPLICABILITE DU DROIT DE L’UNION

83. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et la communication de la Commission européenne portant lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 101 et 102 du TFUE96, trois éléments doivent être réunis pour que des pratiques soient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres : l’existence d’échanges entre États membres portant sur les produits ou les services en cause, l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges et le caractère sensible de cette possible affectation.

84. S’agissant du troisième élément, aux termes d’un arrêt du 31 janvier 2012, la Cour de cassation a en outre jugé que « le caractère sensible de l’affectation directe ou indirecte, potentielle ou actuelle, du commerce intracommunautaire résulte d’un ensemble de critères, parmi lesquels la nature des pratiques, la nature des produits concernés et la position de marché des entreprises en cause »97.

85. Les lignes directrices précitées expliquent, au point 90, la manière dont ce critère est apprécié dans le cas d’ententes ne couvrant qu'une partie d'un État membre : « Si un accord interdit l'accès à un marché régional, le volume de ventes affecté doit être significatif par rapport au volume de ventes global des produits en cause à l'intérieur de l'État membre en cause pour que le commerce soit affecté de manière sensible. Cette appréciation ne saurait reposer sur la seule couverture géographique: il faut aussi accorder un certain poids à la part de marché des parties à l'accord. Même si les parties détiennent une forte part d'un marché régional parfaitement défini, la taille de ce marché en termes de volume peuvent (sic) encore être insignifiants par rapport aux ventes totales des produits en cause dans l'État membre en cause. C'est pourquoi il est généralement considéré que le meilleur indicateur de la capacité de l'accord d'affecter (sensiblement) le commerce entre États membres est la part du marché national en volume à laquelle l'accès est interdit. Par conséquent, les accords couvrant des régions présentant une forte concentration de la demande auront plus de poids que les accords couvrant des régions où la demande est moins concentrée. Pour établir l'applicabilité du droit communautaire, la part du marché national à laquelle l'accès est interdit doit être importante » (soulignement ajouté).

86. Au cas d’espèce, les pratiques en cause ont concerné seulement 3 réseaux de chaleur, alors qu’il en existait 611 en France en 201498. Compte tenu du fait que la pratique est géographiquement limitée à un territoire local et qu’elle ne concerne qu’une part infime du marché national des réseaux de chaleur (inférieure à 1 %), le commerce entre États membres ne peut pas être affecté de façon sensible.

87. Il s’ensuit que les pratiques constatées doivent être examinées au regard du seul droit national applicable et, en particulier, de l’article L. 420-1 du code de commerce.

B. SUR LES MARCHES PERTINENTS

88. Conformément à la pratique décisionnelle de l’Autorité, chaque marché public passé selon la procédure d’appel d’offres constitue un marché pertinent. Ce marché résulte de la confrontation d’une demande du maître d’ouvrage et des propositions faites par les candidats qui répondent à l’appel d’offres99.

89. Il ressort également de la pratique décisionnelle de l’Autorité et de la jurisprudence que lorsque les pratiques en cause sont examinées au titre de la prohibition des ententes ou des pratiques concertées, comme c’est le cas en l’espèce, « il n’est alors pas nécessaire de définir le marché avec précision, comme en matière d’abus de position dominante, dès lors que le secteur et les marchés ont été suffisamment identifiés pour permettre de qualifier les pratiques qui y ont été constatées et de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en oeuvre »100.

90. En l’espèce, les pratiques relevées concernent les deux marchés pertinents suivants :

− l’appel d’offres lancé par l’Eurométropole de Strasbourg pour la DSP du réseau de chaleur de Hautepierre le 19 mai 2015 ;

− l’appel d’offres lancé par l’Eurométropole de Strasbourg pour la DSP des réseaux de chaleur de l’Esplanade et l’Elsau.

C. SUR LE BIEN-FONDE DU GRIEF NOTIFIE

1. SUR LA REPONSE GROUPEE A L’APPEL D’OFFRES DE HAUTEPIERRE ET LE PROJET DE GROUPEMENT A L’APPEL D’OFFRES DE L’ELSAU ET L’ESPLANADE

91. Conformément à une pratique décisionnelle constante, la constitution, par des entreprises indépendantes et concurrentes, d'un groupement en vue de répondre à un appel d'offres n'est pas, en soi, illicite. En effet, de tels groupements peuvent avoir un effet pro-concurrentiel s'ils permettent à des entreprises ainsi regroupées de concourir alors qu'elles n'auraient pas été en état de le faire isolément ou de concourir sur la base d'une offre plus compétitive101.

92. La cour d’appel de Paris a rappelé, dans un arrêt du 18 février 2003102, que la formule du groupement pouvait avoir plusieurs justifications pour une entreprise : l’aider à acquérir une compétence lui faisant défaut, s’assurer de meilleures chances de succès, répartir la charge de travail afin de gagner en souplesse, la mettre en situation de réaliser des travaux qu’il lui aurait été difficile de réaliser seule compte tenu de leur importance. La pertinence de ces justifications techniques est appréciée au cas par cas, en évaluant leur effet sur l’intensité de la concurrence résiduelle une fois le groupement formé.

93. Toutefois, les groupements peuvent avoir un caractère anticoncurrentiel, s’ils provoquent une diminution artificielle du nombre des entreprises candidates, dissimulant une entente anticoncurrentielle de prix ou de répartition de marché. Si l’absence de nécessité technique et économique de nature à justifier ces groupements peut faire présumer leur caractère anticoncurrentiel, elle ne suffit pas à en apporter la preuve103. Le groupement est ainsi condamné lorsqu’il est formé dans le seul but de restreindre la concurrence et qu’il est sans justification économique ou technique104, deux conditions qu’il appartient à l’Autorité de démontrer.

94. Les nouvelles lignes directrices de la Commission relatives aux accords en matière de coopération horizontale précisent que « la question de savoir si les parties sont en mesure de participer individuellement à une procédure d’appel d’offres, et si elles sont donc concurrentes, dépend en premier lieu des exigences énoncées dans les règles de l’appel d’offres. La possibilité purement théorique pour une partie d’exercer à elle seule l’activité contractuelle ne rend pas automatiquement les parties concurrentes : il est nécessaire de procéder à une appréciation pour déterminer si chaque partie est raisonnablement en mesure d’exécuter le marché seule, en tenant compte des circonstances précises de l'espèce, telles que la taille et les compétences de l’entreprise, le niveau de risque financier induit par le projet ainsi que le niveau d’investissement qu’exige le projet, ou encore les capacités actuelles et futures de l’entreprise appréciées à la lumière des exigences contractuelles » 105.

95. Ainsi, dans sa décision n° 04-D-50 du 3 novembre 2004 relative à des pratiques mises en oeuvre lors d’appels d’offres organisés par le Syndicat intercommunal d’assainissement de la Vallée des Lacs, le Conseil de la concurrence a considéré que l’offre présentée en groupement ne comportait aucune justification économique ou technique sérieuse dans la mesure où les deux sociétés mises en cause avaient la même envergure et la même spécialisation et que chaque marché avait une dimension compatible avec la taille de chacune des entreprises.

96. En l’espèce, il n’est pas établi que R-GDS et RCUA disposaient d’une expérience en matière de gestion de ce type de réseau haute pression et haute température en 2015.

97. L’Autorité relève qu’à la date de la remise des candidatures, le 19 mai 2015, le groupe R-GDS ne disposait d’aucune expérience pratique de l’exploitation d’un réseau de chaleur. Afin de pénétrer le marché des réseaux de chaleur, le groupe R-GDS s’est en effet rapproché d’EBM Thermique, un opérateur suisse principalement actif dans le domaine de la production d’électricité mais disposant également d’une activité dans la gestion des réseaux de chaleur et plus particulièrement dans la construction de centrales de production de chaleur à partir de biomasse.

98. Or, il n’est pas démontré que EBM Thermique, actionnaire de RCUA, disposait des compétences requises pour contrebalancer le manque d’expertise de R-GDS en matière d’exploitation de réseaux de chaleur « haute pression », dans la mesure où EBM Thermique n’exploitait à l’époque que six réseaux de chaleur « basse pression » de petite taille en France.

99. Si la DSP du réseau du Wacken a été remportée par R-GDS et EBM Thermique le 21 février 2014, ce réseau de chaleur n’était pas encore entré en exploitation au moment de l’appel d’offres de la DSP de Hautepierre. La mise en exploitation effective du réseau de chaleur du Wacken, n’a en effet débuté qu’en juin 2016, soit deux ans après son attribution. R-GDS et RCUA ne pouvaient donc pas afficher le réseau de Wacken comme une référence de gestion réussie d’exploitation d’un réseau de chaleur, lorsqu’elles ont candidaté à l’appel d’offres de Hautepierre. En revanche, il est exact que la dévolution de ce marché leur a permis de trouver des partenaires pour constituer un groupement (Cofely ou Électricité de Strasbourg et Dalkia), ainsi qu’il a été vu supra au paragraphe 47.

100. Au demeurant, le réseau du Wacken était un réseau « basse pression » de taille limitée à construire, ce qui supposait des compétences différentes de la reprise du réseau de chaleur de Hautepierre, qui est un réseau haute pression de taille beaucoup plus importante106. Les réseaux haute pression, comme celui de Hautepierre, sont en effet soumis à de nombreuses obligations réglementaires, les techniciens intervenant sur ce type de réseau devant notamment justifier d’une formation et d’une habilitation spécifiques pour des raisons de sécurité. En outre, le réseau de chaleur de Hautepierre étant un réseau déjà existant, les candidats devaient démontrer leur capacité immédiate à gérer sa reprise en prémunissant l’autorité délégante des risques d’interruption ou de dégradation de service.

101. Le fait que R-GDS et RCUA aient négocié avec un autre partenaire privé pour répondre à l’appel d’offres de Hautepierre en 2015, en l’occurrence Cofely, interroge d’ailleurs sur la capacité réelle de ces acteurs à présenter seuls une offre crédible pour répondre à l’appel d’offres de Hautepierre. L’Autorité souligne, à cet égard, que cette possibilité n’a pas été développée lors du conseil d’administration de R-GDS du 22 avril 2015 (voir paragraphe 47).

102. En tout état de cause, la constitution d’un groupement entre deux entreprises capables de soumissionner individuellement à un appel d’offres demeure licite, lorsque ce groupement permet aux entreprises de déposer une offre conjointe plus compétitive ou de meilleure qualité. Par conséquent, à supposer même que l’entité R-GDS/RCUA ait disposé des compétences internes pour répondre séparément à l’appel d’offres de Hautepierre, ce qui n’est pas établi, cette circonstance ne serait pas suffisante à elle seule pour démontrer son adhésion à une entente anticoncurrentielle.

103. Si les échanges mentionnés aux paragraphes 38 à 42 attestent de l’existence d’un plan potentiellement anticoncurrentiel envisagé par Dalkia/ÉS-SE (constitution d’un groupement avec R-GDS sur l’appel d’offres de Hautepierre en contrepartie d’une neutralisation de la concurrence de son partenaire RCUA sur les appels d’offres de l’Elsau et l’Esplanade), aucun élément du dossier ne permet de démontrer que R-GDS/RCUA ait adhéré à un quelconque plan de répartition de marchés ou visant à répondre en groupement en tant que partenaire fictif, choisi uniquement pour sa qualité de favori de la collectivité délégante. D’une part, ces échanges, qui sont tous antérieurs à la conclusion du MoU du 12 mai 2015, sont internes à Dalkia/ÉS-SE et n’impliquent pas R-GDS/RCUA. D’autre part, R-GDS avait envisagé dès mars 2014 de répondre en groupement à l’appel d’offres de Hautepierre, compte tenu de la rentabilité aléatoire de ce marché et des capitaux importants qu’il mobilisait (voir paragraphe 31 ci-dessus).

104. Aucun élément du dossier ne vient par ailleurs démontrer le caractère artificiel du groupement, tel que le sous-dimensionnement des marchés par rapport à la taille des entreprises en cause, ou l’exécution du marché par un seul partenaire, ou encore l’absence de concurrence subsistant sur le marché en dehors du groupement, deux entreprises concurrentes ayant été candidates, Coriance et Idex, et Coriance ayant remis une offre (voir paragraphe 57 ci-dessus).

105. L’Autorité observe au surplus que l’offre groupée remise par R-GDS/RCUA et Dalkia/ÉS-SE pour l’exploitation du réseau de chaleur de Hautepierre a conduit à une baisse de prix significative par rapport aux tarifs pratiqués par Dalkia pendant la précédente DSP, ce qui apparaît peu compatible avec la mise en oeuvre d’une entente anticoncurrentielle.

106. En outre, il n’est pas établi que le projet de groupement entre R-GDS/RCUA et Dalkia/Électricité de Strasbourg en vue de répondre à l’appel d’offres des réseaux de l’Elsau et l’Esplanade en novembre 2018 était dépourvu de justifications techniques. En effet, les éléments du dossier attestent que R-GDS et RCUA ne disposaient pas à cette période de la capacité de répondre seules à cet appel offres, qui concernait également des réseaux de chaleur « haute pression ». L’Autorité observe sur ce point qu’après l’abandon de son projet de groupement avec Dalkia/ÉS-SE en octobre 2018, R-GDS et RCUA se sont adossées à une autre société afin de gérer le réseau de chaleur haute pression, dans la mesure où elle ne disposait pas de ces compétences en interne (voir paragraphe 75 ci-avant)107.

107. Au vu de ce qui précède, il n’est pas établi que la réponse en groupement de R-GDS/ RCUA et Dalkia/Électricité de Strasbourg à l’appel d’offres de Hautepierre en mai 2015 et le projet de groupement à l’appel d’offres de L’Elsau et l’Esplanade présentent un caractère anticoncurrentiel.

2. SUR LES ECHANGES D’INFORMATIONS PREALABLES A L’APPEL D’OFFRES DE L’ELSAU ET L’ESPLANADE

108. En matière de marchés publics ou privés sur appel d’offres, une concertation entre entreprises concurrentes, contraire à l’article L. 420-1 du code de commerce, est établie dès lors que la preuve est rapportée, soit qu’elles sont convenues de coordonner leurs offres, soit qu’elles ont échangé des informations antérieurement à la date où le résultat de l’appel d’offres est connu ou peut l’être108.

109. En effet, tout échange d’informations préalablement au dépôt des offres est anticoncurrentiel s’il est de nature à diminuer l’incertitude dans laquelle toutes les entreprises doivent se trouver placées, relativement au comportement de leurs concurrentes. Cette incertitude est la seule contrainte de nature à pousser des opérateurs concurrents à faire le maximum d’efforts en termes de qualité et de prix pour obtenir le marché. À l’inverse, toute limitation de cette incertitude affaiblit la concurrence entre les offreurs et pénalise l’acheteur public109.

110. Dans la décision n° 10-D-10 du 10 mars 2010, l’Autorité a indiqué :

« S’il n’est pas exclu que des entreprises étant entrées en contact en vue d’établir un groupement pour répondre à un appel d’offres présentent ensuite, en cas d’échec de cette tentative, des offres individuelles, c’est à la condition que les informations précédemment échangées entre elles n’altèrent pas l’indépendance de ces offres individuelles, ce qu’il leur appartient de démontrer en présence d’indices laissant au contraire supposer l’absence d’indépendance de leurs offres »110.

111. Au cas d’espèce, l’Eurométropole de Strasbourg a indiqué que les caractéristiques des offres, déposées par RCUA et ÉS-SE étaient très différentes, notamment du point de vue des solutions technologiques proposées. Dans son offre, RCUA a proposé deux sources énergétiques renouvelables que seules RCUA et R-GDS pouvaient offrir.

112. Ainsi, s’il apparaît que les parties ont échangé des informations, aucun élément du dossier ne permet de supposer qu’elles auraient influencé leurs offres respectives.

113. Par ailleurs, plusieurs éléments du dossier font apparaître que des mesures ont été adoptées afin de prévenir les interférences éventuelles entre les échanges d’informations entre RCUA et Dalkia dans le cadre de leur projet de groupement et les offres présentées une fois la décision de soumissionner séparément prise. Dès la fin du projet de partenariat, les parties ont donné des instructions à leurs équipes de ne pas exploiter les informations sensibles échangées entre elles pour la préparation de leur offre individuelle. RCUA et Dalkia indiquent ainsi avoir coupé les accès aux informations communes et demandé aux équipes d’en faire abstraction afin de réfléchir à la construction d’une offre autonome.

114. Au vu de ce qui précède, il n’est pas établi que les informations échangées dans le cadre du projet de groupement entre R-GDS/RCUA et ÉS/Dalkia aient été de nature à affecter l’indépendance de leurs offres dans le cadre de la réponse à l’appel d’offres des réseaux de l’Elsau et l’Esplanade le 6 novembre 2018. En conséquence, l’existence d’un échange d’informations susceptible de caractériser une restriction de concurrence contraire à l’article L. 420-1 du code de commerce n’est pas établie.

DÉCISION

Article unique : L’Autorité de la concurrence considère, sur la base des informations dont elle dispose, en ce qui concerne l’entente dans le secteur de la gestion déléguée des réseaux de chaleur, que les conditions d’une condamnation au titre de l’article L. 420-1 du code de commerce ne sont pas réunies. Il n’y a donc pas lieu de poursuivre la procédure.

NOTES DE BAS DE PAGE :

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

2 Cote 6474.

3 Voir, en ce sens, l’avis n° 22-A-02 du 9 février 2022 concernant un projet de décret relatif au classement des réseaux de chaleur et de froid par lequel l’Autorité a pu analyser le secteur des réseaux de chaleur.

4 Enquête nationale sur les réseaux de chaleur diligentée par le Syndicat National du Chauffage Urbain et de la Climatisation Urbaine (SNCU), édition 2022.

5 Figure 53 de l’enquête nationale sur les réseaux de chaleur précitée, édition 2022.

6 Plus précisément, un réseau de chaleur est un service public local industriel et commercial (SPIC) lorsqu’au moins un client est différent du maître d’ouvrage.

7 Page 24 de l’enquête nationale sur les réseaux de chaleur précitée, édition 2022.

8 Page 24 de l’enquête nationale sur les réseaux de chaleur précitée, édition 2022.

9 Tableau 4B de l’enquête nationale sur les réseaux de chaleur précitée, édition 2009 et tableau 1 de l’enquête nationale sur les réseaux de chaleur précitée, édition 2022.

10 Chaleur issue d’énergies renouvelables et de récupération.

11 Page 25 de l’enquête nationale sur les réseaux de chaleur précitée, édition 2022.

12 Avis n° 20-A-05 du 2 juillet 2020 concernant la situation de la concurrence dans le secteur des réseaux de chaleur.

13 Voir les paragraphes 56 et 58 de l’avis précité.

14 Voir les paragraphes 56 et 58 de l’avis précité.

15 Procès-verbal d’audition de M. Arnaud Boyer, Directeur du développement et de la prospective de RCUA, du 10 juillet 2019 : « Réseau GDS est un distributeur de gaz naturel sur les différentes collectivités autour de Strasbourg, c’est une société d’économie mixte (SEM) détenue par la ville de Strasbourg (51%), avec la CDC (24%) et Engie (25%). » (cote 1119).

16 https://r-gds.fr/notre-entreprise/

17 https://r-gds.fr/notre-entreprise/

18 RCUE était, à sa création, en 2014, détenue à 51 % par Primeo (par l’intermédiaire de sa filiale EBM Thermique SAS, détenue à 100 %) et à 49 % par R-GDS. En 2017, RCUE a fait l’objet d’une transmission universelle de patrimoine à EBM Thermique SAS, R-GDS est entrée au capital d’EBM Thermique SAS à hauteur de 49 % et EBM Thermique SAS a été renommée RCUE.

19 RCS Lille Métropole n° 456 500 537.

20 Par décision 25 juin 2014, la Commission européenne a autorisé la prise de contrôle exclusif de Dalkia par EDF (voir la décision n° COMP/M.7137, EDF/Dalkia en France).

21 Document de référence d’EDF pour 2018, page 79 : https://www.edf.fr/sites/default/files/contrib/groupe-edf/espaces-dedies/espace-finance-fr/informations-financieres/informations-reglementees/document-de-reference/edf-ddr-2018-fr.pdf

22 Voir les cotes 5871 à 5874.

23 RCS de Strasbourg n° 558 501 912.

24 RCS de Nanterre n° 380 414 482.

25 Voir les documents de référence d’EDF pour 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021.

26 Rapport d’activité d’Électricité de Strasbourg pour 2022.

27 Rapport d’activité d’Électricité de Strasbourg pour 2022.

28 Rapport d’activité d’Électricité de Strasbourg pour 2022.

29 RCS Strasbourg n° 322 791 393.

30 Rapport d’activité d’Électricité de Strasbourg pour 2022.

31 Cote 2040.

32 Rapport d’activité d’Électricité de Strasbourg pour 2018, page 15.

33 Rapport d’activité d’Électricité de Strasbourg pour 2022, page 14.

34 Cote 2040.

35 Cote 10332.

36 Cote 10352.

37 Cotes 1118 et 1119.

38 Cotes 128 et 10350. L’apport de réseaux de chaleur par EBM Thermique à RCUA a été réalisé par un contrat de cession et d’apport du 30 juin 2015 (cote 358).

39 Cote 128.

40 Cote 10348.

41 Procès-verbal d’audition du 10 juillet 2019, cote 1124.

42 Cote 7171.

43 Cote 10344.

44 Cote 10354.

45 Cote 10354.

46 Cotes 7171, 10332 et 7173 à 7176.

47 Communauté urbaine de Strasbourg.

48 Cote 7174.

49 Cote 7214.

50 Cotes 7225 et 7226.

51 Cotes 7187 et 7188.

52 Cotes 7187 et 7188.

53 Cotes 7200 et 7201.

54 Cotes 7200 et 7201.

55 Cote 7201.

56 Cote 10096.

57 Les pouvoirs publics français ont mis en place un dispositif de soutien pour le développement de centrales de production d’électricité et de chaleur alimentées à partir de biomasse, qui s’est matérialisé, pour ce qui concerne la production d’électricité, par un tarif d’achat et quatre appels d’offres conduits par la Commission de Régulation de l’Énergie (« CRE ») entre 2003 et 2010. Dans le cadre du troisième appel d’offres lancé par la CRE, Dalkia a soumis une offre pour la réalisation d’une centrale de cogénération d’électricité située dans le domaine de la Communauté Urbaine de Strasbourg (le projet « CRE 3 »), qui a été retenu en janvier 2010 par la CRE.

58 Cote 10096.

59 Cote 7205.

60 Cotes 6425 à 6428 ou 10100 à 10103.

61 Cote 10356.

62 Ce modèle a été institutionnalisé par le législateur sous la forme de SEMOP.

63 Cote 688.

64 Cote 689.

65 Cote 688.

66 Cotes 1123 et 1124.

67 Cote 68.

68 Cote 6423 ou cote 10099.

69 Cote 2039.

70 Cote 2039.

71 Cote 5976.

72 https://storage.creacast.com/strasbourg-vod/documents/20160324_EM_delib.pdf, pages 445 et 451.

73 Cote 242.

74 Cote 10095.

75 https://storage.creacast.com/strasbourg-vod/documents/20171222_EM_CR.pdf.

76 Cote 68.

77 https://centraledesmarches.com/marches-publics/Strasbourg-Cedex-Ville-Eurometropole-de-Strasbourg-Concession-de-service-public-a-attribuer-a-une-SEMOP-pour-l-exploitation-du-reseau-de-chaleur-de-Strasbourg-Centre-Selection-du-ou-des-actionnaires-operateurs-economiques-de-la-SEMOP/3811236.

78 Cote 5808.

79 Cote 10202.

80 Cote 68.

81 Cote 10338.

82 Cote 10346.

83 Voir par exemple la cote 1428.

84 Cote 68.

85 Cote 6451.

86 Cote 10135.

87 Cote 10135.

88 Cotes 10137 à 10142.

89 Plus précisément, selon l’engagement de confidentialité, les signataires doivent se conforment à l’article 3 de l’avenant de fin anticipée du MoU de 2018 qui interdit aux parties de faire un quelconque usage des informations confidentielles relatives aux réseaux de chaleur qu’elles auraient obtenu de l’autre partie (cote 10132).

90 Cote 10140.

91 Cote 10138.

92 Cote 6434.

93 Cote 68.

94 Cote 301.

95 Cotes 303 et 304.

96 Voir la Communication de la Commission européenne portant lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, JOCE n° C 101 du 27 avril 2004, pages 81 à 96.

97 Voir l’arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe e.a. n° 10-25.772, page 6 ; voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 mars 2013, Société des pétroles Shell e. a., n° 2011/18 245, et l’arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2015, Société Chevron Products Company e. a., n° 13-16.745.

98 https://reseaux-chaleur.cerema.fr/sites/reseaux-chaleur-v2/files/fichiers/2022/01/2014-2015-donnees2014-final-160926122109.pdf.

99 Voir notamment la décision n° 22-D-08 du 3 mars 2022 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la collecte et de la gestion des déchets en Haute-Savoie. Voir également les décisions n° 10-D-10 du 10 mars 2010 relative à des pratiques relevées à l’occasion d’un appel d’offres du conseil général des Alpes- Maritimes pour des travaux paysagers, n° 06-D-25 du 28 juillet 2006 relative à des pratiques relevées à l’occasion de la restauration du patrimoine campanaire de la cathédrale de Rouen et n° 18-D-19 du 24 septembre 2018 relative aux pratiques mises en oeuvre dans le secteur des travaux d’éclairage public en Ardèche.

100 Voir notamment la décision n° 22-D-08 du 3 mars 2022 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la collecte et de la gestion des déchets en Haute-Savoie.

101 Décisions n° 22-D-04 du 2 février 2022 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du transport sanitaire hospitalier intercommunal du Val d’Ariège et du Pays d’Olmes ; n° 16-D-02 du 27 janvier 2016 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du transport scolaire par autocar dans le Bas-Rhin ; n° 04-D-57 du 16 novembre 2004 relative aux marchés publics de travaux de revêtement de chaussées dans le département des Pyrénées-Orientales ; n° 03-D-19 du 15 avril 2003 relative à des pratiques relevées sur le marché des granulats dans le département de l'Ardèche.

102 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 18 février 2003, SA Lyonnaise des eaux France e.a., n° 2002/13076, concernant la décision n° 02-D-43 du 2 juillet 2002 relative à des pratiques relevées lors de marchés de travaux sur réseaux de distribution d’eau passés par le Syndicat intercommunal d’alimentation en eau de la région de Dunkerque (SIAERD).

103 Décision n° 09-D-18 du 2 juin 2019 relative aux pratiques mises en oeuvre à l’occasion de la constitution du groupement momentané d’entreprises RTM-Veolia en vue de sa candidature à la délégation de service public de la CUMPM pour l’exploitation du réseau de tramway de la ville de Marseille, paragraphe 91.

104 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, Royer Holding SAS e.a., n° 16/06962, p. 9, confirmant la décision n° 16-D-02 du 27 janvier 2016 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du transport scolaire par autocar dans le Bas-Rhin.

105 Lignes directrices sur l’applicabilité de l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux accords de coopération horizontale, 21 juillet 2023, JOUE C-259/1, point 353.

106 Le réseau de Hautepierre présente une taille de 21 km desservant 17 000 logements, alors que celui du Wacken représente une taille de 6 km desservant l’équivalent de 3 500 logements.

107 Cote 68.

108 Voir la décision n° 18-D-19 du 24 septembre 2018 relative aux pratiques mises en oeuvre dans le secteur des travaux d’éclairage public en Ardèche, paragraphe 74.

109 Voir la décision n° 09-D-03 du 21 janvier 2009 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du transport scolaire et interurbain par autocar dans le département des Pyrénées-Orientales, paragraphe 94.

110 Décision n° 05-D-17 du 27 avril 2005 relative à la situation de la concurrence dans le secteur des marchés de travaux de voirie en Côte d’Or, paragraphe 61.