CA Toulouse, 2e ch., 6 décembre 2023, n° 21/03368
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Green Energy 3000 France (SARL), Green Energy 3000 GMBH (Sté)
Défendeur :
Société [V] Campsoleil (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Salmeron
Conseillers :
Mme Moulayes, Mme Penavayre
Avocats :
Me Dessart, Me Eskinazi, Me Palaffre, Me Laurent
Faits et procédure
La société Green Energy 3000 GMBH et sa filiale française la société Green Energy 3000 France ont pour activité la mise en oeuvre de projets d'énergies renouvelables.
Monsieur [L] [K] a été recruté à compter du 15 janvier 2018 en contrat à durée déterminée par la société Green Energy 3000 GMBH.
Selon contrat en date du 20 décembre 2018, Monsieur [L] [K] a rejoint la filiale française à compter du 15 janvier 2019.
Le 24 janvier 2019, la SARL Green Energy 3000 France a mis fin à la période d'essai de Monsieur [L] [K], rompant ainsi son contrat de travail.
Lorsque Monsieur [L] [K] exerçait au sein de la société Green Energy 3000 GMBH, il a été chargé par cette dernière de rechercher une emprise foncière à proximité de [Localité 7], dans le Tarn, afin d'y construire un parc photovoltaïque.
Dans ce cadre, Monsieur [L] [K] a contacté Monsieur [X] [N] [T] [V], propriétaire de parcelles sur la commune recherchée.
Monsieur [X] [N] [T] [V] a constitué la Sci [V] Campsoleil, immatriculée le 21 janvier 2019 au RCS de Castres.
Les discussions entre la société Green Energy 3000 GMBH et Monsieur [X] [N] [T] [V] ont débuté à compter du mois de mai 2018.
Elles ont pris fin le 16 avril 2019, Monsieur [N] [T] [V] indiquant avoir contracté avec une autre entreprise.
Par courrier en date du 4 janvier 2019, la société VSB énergies nouvelles, officiant dans le secteur des énergies renouvelables, a été contactée par Monsieur [L] [K] agissant désormais pour son propre compte.
Une promesse de bail emphytéotique en vue de l'implantation de panneaux photovoltaïques entre la société VSB énergies nouvelles et la Sci [V] Campsoleil a été conclue le 8 avril 2019.
Par ordonnance sur requête du 3 octobre 2019, à la demande du groupe Green Energy, le Président du Tribunal Judiciaire de Saverne a désigné la SCP Irion & Bourrel aux fins de se rendre au domicile de Monsieur [L] [K] et de procéder à l'extraction de ses emails échangés avec Monsieur [X] [N] [T] [V] au sujet du « projet de [Localité 7] », entre le 24 janvier 2019, et le 16 avril 2019.
Par courrier en date du 28 janvier 2020, les sociétés Green Energy 3000 GMBH et Green Energy 3000 France ont mis en demeure la société VSB énergies nouvelles de lui allouer la somme de 3 100 347 €, au motif que la promesse de bail emphytéotique conclue avec la Sci [V] Campsoleil constituerait un acte de concurrence déloyale.
Par courrier en date du 9 mars 2020, VSB énergies nouvelles a indiqué aux sociétés Green Energy 3000 GMBH et Green Energy 3000 France qu'elle ignorait la qualité d'ancien salarié de Monsieur [K], ainsi que les discussions ayant eu lieu entre la Sci [V] Campsoleil et le groupe Green Energy.
Par acte en date du 11 mai 2020, la société Green Energy 3000 GMBH et la Sarl Green Energy 3000 France ont assigné VSB énergies nouvelles, la Sci [V] Campsoleil, Monsieur [X] [N] [T] [V], et Monsieur [L] [K] devant le tribunal judiciaire de Castres, afin d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice résultant de la perte de chance de réaliser le projet entrepris.
Par jugement du 24 juin 2021, le tribunal judiciaire de Castres a :
- rejeté l'ensemble des demandes de la société Green Energy 3000 GMBH et de la Sarl Green Energy 3000 France ;
- condamné les sociétés Green Energy 3000 GMBH et Green Energy 3000 France a payer les sommes suivantes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
- 2.000 euros à Monsieur [N] [T] [V]
- 2.000 euros à Monsieur [L] [K]
- 2.000 euros à la Sarl VSB énergies nouvelles
- rejeté les autres demandes des parties,
- condamné les sociétés Green Energy 3000 GMBH et la Green Energy 3000 France aux entiers dépens.
Par déclaration du 26 juillet 2021, la société Green Energy 3000 GMBH et la Sarl Green Energy 3000 France ont relevé appel de ce jugement, en ce qu'il a :
- rejeté l'ensemble des demandes de la société Green Energy 3000 GMBH et de la Sarl Green Energy 3000 France présentées à l'encontre de Monsieur [L] [K] et Monsieur [N] [T] [V] ;
- condamné les sociétés Green Energy 3000 GMBH et Green Energy 3000 France a payer les sommes suivantes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
- 2.000 euros à Monsieur [N] [T] [V]
- 2.000 euros à Monsieur [L] [K]
- condamné les sociétés Green Energy 3000 GMBH et la Green Energy 3000 France aux entiers dépens.
La clôture de la procédure est intervenue le 10 octobre 2023.
Prétentions et moyens
Vu les conclusions notifiées le 4 septembre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société Green Energy 3000 GMBH et de la Sarl Green Energy 3000 France demandant, au visa des articles 1112 et 1240 et suivants du Code civil, de :
Infirmer le jugement du 24 juin 2021 du tribunal judiciaire de Castres en ce qu'il a :
- rejeté l'ensemble des demandes de la société Green Energy 3000 GMBH et de la Sarl Green Energy 3000 France ;
- condamné les sociétés Green Energy 3000 GMBH et Green Energy 3000 France a payer les sommes suivantes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
- 2.000 euros à Monsieur [N] [T] [V]
- 2.000 euros à Monsieur [L] [K]
- 2.000 euros à la Sarl VSB énergies nouvelles
- condamné les sociétés Green Energy 3000 GMBH et la Green Energy 3000 France aux entiers dépens.
Statuant à nouveau :
- juger les sociétés Green Energy 3000 GMBH et Green Energy FRANCE recevables et bien fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- condamner in solidum Monsieur [N] [T] [V], la Sci [V] Campsoleil et Monsieur [K] à payer la somme de 5 542,04 euros à la société GE 3000 France et la somme de 49 878,3S euros à la société GE 3000 GMBH en réparation du préjudice lié à la période de négociation ;
- condamner Monsieur [K] à payer la somme de 310 034,70 euros à la société GE 3000 France et la somme de 2 790 312,30 euros à la société GE 3000 GMBH en réparation du préjudice subi par elles au titre de la perte de chance de réaliser les gains escomptés ;
- condamner in solidum Monsieur [N] [T] [V], la Sci [V] Campsoleil et Monsieur [K] au paiement de la somme de 30 000 €, soit 15 000 € à la société Green Energy 3000 GMBH et 15 000 € à la société Green Energy 3000 FRANCE au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamner in solidum Monsieur [N] [T] [V], la Sci [V] Campsoleil et Monsieur [K] aux entiers dépens ainsi qu'aux dépens de première instance.
Au soutien de leurs prétentions dirigées contre la Sci [V] Campsoleil et Monsieur [X] [N] [T] [V], elles invoquent une rupture abusive des pourparlers.
Elles affirment avoir mené des négociations longues et abouties, alors que dans le même temps Monsieur [N] de Pelisser [V] discutait déjà avec une autre société ; il leur a ainsi laissé croire que la signature d'un contrat était possible, tandis qu'il menait avec Monsieur [K] des négociations secrètes avec un concurrent direct.
Elles sollicitent en conséquence réparation des frais engagés au titre des négociations pré contractuelles brutalement rompues.
Les sociétés Green Energy reprochent par ailleurs à Monsieur [K] un acte de concurrence déloyale, celui-ci ayant utilisé des informations confidentielles obtenues lorsqu'il travaillait pour le groupe, pour procéder à un dénigrement de la proposition faite à Monsieur [N] [T] [V], et ainsi prospecter auprès de concurrents directs pour le compte de ce dernier avant même la rupture de son contrat avec Green Energy.
Elles ajoutent que les contacts pris avec une société concurrente alors même qu'il était toujours sous contrat avec Green Energy France constituent également un acte de concurrence déloyale.
Elle demandent ainsi la condamnation de Monsieur [K] à l'indemniser de son préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir des gains en lien avec la réalisation de ce projet.
Vu les conclusions notifiées le 10 octobre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Monsieur [L] [K] demandant, au visa des articles 1240 et suivants du Code Civil, de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Castres le 24 juin 2021
- débouter les Sociétés Green Energy 3000 GMBH et Green Energy 3000 France de l'intégralité des demandes qu'elles formulent à l'encontre de Monsieur [K]
- débouter en toute hypothèse les Sociétés Green Energy 3000 GMBH et Green Energy 3000 France des demandes financières présentées, celles-ci ne justifiant pas de l'existence du moindre préjudice
- les condamner solidairement au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, au titre de la procédure devant la Cour, outre l'intégralité des dépens.
Monsieur [K] conteste la mise en œuvre de la clause de non-concurrence figurant dans son contrat dans la mesure où il n'a jamais perçu d'indemnité de ce chef lors de la rupture de ses relations contractuelles avec Green Energy.
S'agissant de la concurrence déloyale qui lui est reprochée, il rappelle que le démarchage de la clientèle d'autrui, même par un ancien salarié, est libre dès lors que ce démarchage ne s'accompagne pas d'un acte déloyal ; or, les sociétés Green Energy ne rapportent pas la preuve du dénigrement invoqué, ou d'un quelconque autre acte de nature à caractériser la concurrence déloyale.
Enfin à titre subsidiaire, il affirme que les appelantes ne démontrent pas l'existence du préjudice dont elles demandent réparation.
Vu les conclusions n°2 notifiées le 29 septembre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sci [V] Campsoleil et Monsieur [X] [N] [T] [V] demandant de :
- débouter les appelantes de toutes leurs demandes.
- confirmer intégralement le jugement dont appel sauf à y rajouter :
- de condamner in solidum les appelantes à payer :
- à Monsieur [N] [T] [V] une indemnité de 15 000 euros au titre de l'article de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de défense exposés en cause d'appel
- à la Sci [V] Campsoleil une indemnité de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de défense exposés en cause d'appel ;
- de condamner in solidum les appelantes aux dépens d'appel.
Ils soutiennent qu'après plusieurs mois de pourparlers avec la société Green Energy, cette dernière n'a pas été en capacité de présenter un projet sérieux, précis et adapté à la configuration du terrain.
Ils contestent avoir donné mandat à Monsieur [K] pour démarcher d'autres sociétés concurrentes de Green Energy, et rappellent le principe de la liberté contractuelle. Ainsi, ils ont finalement contracté avec une société qui leur proposait une étude plus sérieuse et un meilleur prix.
Ils affirment ainsi que la rupture des pourparlers n'a été ni brutale, ni abusive, la société Green Energy n'ayant pas été en mesure de présenter un projet sérieux, et n'ayant pas répondu à plusieurs de leurs sollicitations dans un délai raisonnable.
MOTIFS
Sur l'effet dévolutif de l'appel
Il ressort des dispositions de l'article 901 4° du code de procédure civile que la déclaration d'appel doit comporter, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Selon l'article 562 de ce même code, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
La Cour constate que si dans leurs dernières écritures les sociétés Green Energy sollicitent l'infirmation de l'intégralité du dispositif du jugement rendu le du 24 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Castres, la déclaration d'appel du 26 juillet 2021 ne visait qu'une partie de ces dispositions.
En application des dispositions ci-dessus visées, la Cour n'est saisie que des chefs de jugement expressément visés dans la déclaration d'appel.
Ainsi il ne sera pas statué sur les demandes des sociétés Green Energy à l'égard de la société VSB énergies nouvelles, non visées dans la déclaration d'appel.
Sur la rupture abusive des pourparlers
Il ressort des dispositions de l'article 1112 du code civil que l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.
En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages.
Il était de jurisprudence constante, avant même l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions applicables au présent litige, que si la rupture des pourparlers est libre, elle ne doit pas pour autant être fautive ou déloyale.
Les sociétés Green Energy affirment que le caractère abusif de la rupture imposée par Monsieur [N] [T] [V] réside d'une part dans la durée des négociations, et d'autre part dans le comportement de ce dernier qui leur a laissé croire que la conclusion du contrat était prochaine.
Il a toutefois été jugé que la seule référence à l'état d'avancement de la négociation et à l'élaboration de divers documents durant cette phase, ne suffit pas à caractériser une faute dans l'exercice du droit de ne pas contracter.
En outre, le fait de mettre fin à des négociations, même bien avancées, ne présente pas un caractère fautif si la rupture est justifiée par un motif légitime.
En l'espèce, la Cour relève que Monsieur [N] [T] [V] a été approché par la société Green Energy au mois de mai 2018 pour la mise en place d'une installation photovoltaïque sur son terrain ; les discussions se sont poursuivies jusqu'au mois d'avril 2019, lorsque Monsieur [N] [T] [V] a finalement informé Green Energy de son engagement avec une autre société.
Les éléments de la procédure ne permettent pas de caractériser une rupture brutale et fautive des pourparlers par Monsieur [N] [T] [V] ; en effet, si la société Green Energy avait d'ores et déjà présenté une projet écrit nommé « [Localité 7] » force est de constater que celui-ci se limitait à compiler les échanges intervenus avec Monsieur [N] [T] [V], des pièces administratives, et des éléments généraux de stratégie de la société.
De la même manière, le projet de promesse de bail emphytéotique présenté à l'intimé se limitait pour l'essentiel à des clauses types contenant des espaces vides à remplir en fonction des spécificités du projet.
Or il ressort des éléments de la procédure que les spécificités topographiques du terrain, et l'exploitation toujours en cours d'une partie de celui-ci, donnaient au projet une technicité particulière ; il n'était notamment pas envisageable d'établir les installations photovoltaïques sur certaines parcelles, et d'autres nécessitaient un aménagement préalable.
Il est en conséquence erroné d'affirmer que Monsieur [N] [T] [V] aurait mis fin à un projet déjà bien avancé ; le seul fait que des documents essentiellement génériques aient été édités ne permet pas, en dépit de la visite sur site du responsable de Green Energy et des mois passés à discuter, de démontrer le caractère sérieux et avancé du projet.
Au contraire, il ne peut qu'être relevé qu'après plusieurs mois d'échanges, les parties n'avaient toujours pas trouvé d'accord ne serait ce que sur les parcelles de terrain à retenir pour le projet ; par ailleurs, le projet de bail emphytéotique annoncé à Monsieur [N] [T] [V] sous trois semaines au début du mois de septembre 2018, ne lui a finalement été communiqué qu'à la fin du mois de février 2019.
Ainsi, à ce stade des négociations, Monsieur [N] [T] [V] n'a pas commis de faute en engageant des discussions avec une autre société ; en effet la conduite de négociations parallèles n'est pas en soi fautive.
Le fait qu'il ait accepté de remettre des documents administratifs à Green Energy, de discuter notamment de ses conditions tarifaires et même de recevoir la visite d'un représentant de cette société, n'a pas eu pour effet de l'engager irrévocablement à conclure avec cette société.
Il a rompu les négociations avec Green Energy pour signer avec une autre société, présentant des conditions tarifaires plus avantageuses et un projet plus abouti ; la rupture n'est donc pas dépourvue de motif légitime.
C'est à bon droit que le premier juge a débouté les sociétés Green Energy de leurs prétentions dirigées contre la Sci [V] Campsoleil et à Monsieur [X] [N] [T] [V] sur le fondement de la rupture abusive des pourparlers.
Il conviendra de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Castres de ce chef.
Sur la concurrence déloyale
Les sociétés Green Energy affirment que leur ancien employé s'est livré à des actes de concurrence déloyale, par dénigrement, par détournement de clientèle, et en développant une activité concurrente avant même la fin de son contrat de travail.
Il ressort des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil que tout fait quelconque de l'homme qui cause un dommage à autrui, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
La libre concurrence supposant la licéité du dommage concurrentiel, l'action en concurrence déloyale repose sur une responsabilité pour faute prouvée et non sur une présomption de responsabilité ; c'est au demandeur de rapporter la preuve de la faute.
La jurisprudence reconnaît plusieurs fautes constitutives de concurrence déloyale, à savoir le dénigrement, les pratiques ayant désorganisé l'entreprise, un réseau de distribution ou un marché tout entier, la confusion par imitation ou par copie servile, et le parasitisme économique.
Sur le dénigrement
En l'espèce, Green Energy se prévaut d'un acte de concurrence déloyale de la part de Monsieur [K], qui aurait non seulement dévoilé les conditions tarifaires proposées à Monsieur [N] [T] [V], mais les aurait par ailleurs dénigrées, permettant ainsi à VSB énergies nouvelles de proposer un meilleur prix.
En matière de dénigrement, il est constant que même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l'une, d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l'information en cause ne se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure.
La chambre commerciale de la Cour de Cassation tempère cette jurisprudence en rappelant que le dénigrement doit résulter de la diffusion d'un message contenant des propos malveillants.
Ainsi, ne caractérise pas un dénigrement la diffusion d'une information objective, écartant le caractère mensonger et par là même dépréciatif qui était censé en résulter.
Le fait de dévoiler le prix proposé par Green Energy à Monsieur [N] [T] [V], sans qu'il soit démontré que cette information ait été accompagnée d'un quelconque propos dépréciatif, ne constitue en conséquence pas un dénigrement.
Les sociétés appelantes ne sont en conséquence pas fondées à invoquer le dénigrement comme élément constitutif d'une concurrence déloyale.
Sur le parasitisme économique
Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.
Si les sociétés Green Energy n'évoquent pas le terme de parasitisme, force est de constater que leurs reproches relatifs à la communication de données confidentielles, et à la création d'une activité concurrente alors même que Monsieur [K] était encore sous contrat, s'analyse de la sorte.
La Cour ne peut pas retenir un acte de concurrence déloyale sur le fondement de la communication des conditions tarifaires pratiquées par Green Energy, dans la mesure où le client avait reçu cette information, et qu'il n'est pas démontré que Monsieur [K] soit à l'origine de sa transmission à d'autres entreprises.
Par ailleurs, s'il n'est pas contesté que Monsier [K] a bien démarché d'autres sociétés au nom de Monsieur [N] [T] [V] pour la réalisation de son projet, il n'est pas démontré que dans le cadre de ses opérations de démarchage, Monsieur [K] ait révélé des données confidentielles, ou ait utilisé les efforts réalisés en amont par la société Green Energy qui, comme indiqué précédemment, avait essentiellement fourni un travail de recueil d'informations, exempt d'études techniques ou opérationnelles.
Les éléments de la procédure ne permettent pas en outre de rapporter la preuve d'un mandat ou d'une quelconque rémunération reçue par Monsieur [K] pour démarcher d'autres entreprises pour le compte de Monsieur [N] [T] [V].
Il n'est pas plus démontré qu'il ait développé une activité concurrente à celle de Green Energy, sa proposition formulée le 4 avril 2019 de s'associer avec le client pour monter une société de droit allemand n'ayant pas été suivie d'effet.
Or, il a été jugé que seul l'exercice effectif d'une activité concurrente de celle de leur employeur par des salariés encore dans les liens du contrat de travail constitue une faute de concurrence déloyale.
Le courrier adressé par Monsieur [K] à la société VSB énergies nouvelles le 4 janvier 2019, alors que son contrat avec Green Energy France n'avait pas débuté mais avait été signé, ne constitue pas un acte de concurrence déloyale, les informations contenues dans ce courrier étant trop insignifiantes et générales pour être qualifiées de parasitisme économique ; dans ce courrier Monsieur [K] se limite en effet à présenter le terrain de Monsieur [N] [T] [V] et à lui donner connaissance du projet de ce dernier sans davantage de détail, et sans donner d'information sur les négociations en cours avec Green Energy et sur les propositions de celle-ci.
Dans ces conditions, le parasitisme économique n'est pas établi.
Sur le détournement de clientèle
Enfin les sociétés Green Energy évoquent le détournement de clientèle comme acte de concurrence déloyale de leur ancien employé.
Il convient de rappeler qu'à l'expiration du contrat de travail, le salarié qui n'est pas lié par une clause de non-concurrence peut démarcher la clientèle de son ancien employeur dès lors qu'il use de procédés conformes aux usages du commerce, le démarchage ne devenant illicite que s'il s'accompagne de manoeuvres déloyales.
Il n'est pas contesté par les parties qu'aucune clause de non-concurrence valable n'est susceptible d'être opposée par les sociétés appelantes à Monsieur [K].
Il n'est pas démontré en l'espèce que les démarches réalisées par Monsieur [K] postérieurement à la fin de son contrat de travail, en vue de proposer Monsieur [N] [T] [V] comme client à d'autres entreprises relèvent de manœuvres déloyales.
Il a été jugé que le fait de proposer des prestations identiques à des conditions tarifaires plus avantageuses ne constitue pas une manoeuvre déloyale ; en l'espèce, Monsieur [K] a proposé d'autres prestataires à Monsieur [N] [T] [V] qui a finalement opté pour un meilleur prix.
Le détournement de clientèle n'est pas caractérisé.
Dans ces conditions aucune acte de concurrence déloyale n'est démontré ; il conviendra de confirmer la décision du premier juge de ce chef.
Sur les demandes accessoires,
La société Green Energy 3000 GMBH et la Sarl Green Energy 3000 France, qui succombent, seront condamnées solidairement aux entiers dépens d'appel.
Pour ces mêmes motifs, et pour des raisons d'équité, elles seront solidairement condamnées à payer à Monsieur [N] [T] [V] et à la Sci [V] Campsoleil la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité ne commande pas en revanche de faire application de ces dispositions en faveur de Monsieur [K], et des sociétés Green Energy, qui seront déboutés de leurs demandes.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant en dernier ressort, de manière contradictoire, et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne solidairement la société Green Energy 3000 GMBH et la Sarl Green Energy 3000 France à payer à la Sci [V] Campsoleil et Monsieur [X] [N] [T] [V] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société Green Energy 3000 GMBH, la Sarl Green Energy 3000 France, et Monsieur [L] [K], de leurs demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement la société Green Energy 3000 GMBH et la Sarl Green Energy 3000 France aux entiers dépens d'appel ;