Cass. 1re civ., 29 novembre 2023, n° 21-19.697
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Delta Dragon Import (SA)
Défendeur :
BYD Auto Industry Co Ltd (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Champalaune
Rapporteur :
M. Hascher
Avocats :
SARL Ortscheidt, SARL Delvolvé et Trichet
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 mai 2021), la société suisse Delta Dragon Import (Delta) a conclu avec la société chinoise BYD Auto Industry (BYD) un contrat de distribution exclusive en France et en Suisse de véhicules électriques et hybrides soumis au droit néerlandais et stipulant une convention d'arbitrage à Paris sous l'égide la Chambre de commerce internationale (CCI).
2. La société Delta a formé un recours en annulation de la sentence rendue par l'arbitre unique dans le litige opposant les parties.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième à cinquième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
4. La société Delta fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en annulation contre la sentence rendue par l'arbitre unique le 20 juillet 2018, alors :
« 1°/ qu'il appartient à l'arbitre, avant d'accepter sa mission, de révéler toute circonstance susceptible d'affecter son indépendance ou son impartialité, qu'elle soit ou non notoire ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris que "l'obligation de révélation qui pèse sur l'arbitre doit s'apprécier au regard de la notoriété des faits ou situations le concernant, étant précisé que seules des informations publiques aisément accessibles que les parties ne pouvaient manquer de consulter avant le début de l'arbitrage, sont de nature à caractériser la notoriété d'une situation susceptible de tempérer le contenu de l'obligation de révélation incombant à l'arbitre", "que compte tenu de l'accès très aisé à toutes les informations concernant les liens entre l'arbitre et le groupe Star, y compris l'accès au rapport annuel contenant des éléments sur le secteur automobile impliquant le groupe Star, et notamment ses liens avec le client Daimler, ces informations peuvent être considérées comme notoires, à la date à laquelle elles ont été publiées, date antérieure à la nomination de l'arbitre, permettant ainsi aux parties, si elles estimaient que lesdites informations pouvaient créer un doute dans leur esprit sur l'indépendance de l'arbitre, d'introduire un recours en récusation dans les trente jours de la nomination de l'arbitre, en indiquant en quoi ces faits pouvaient influer sur la décision de l'arbitre, ce qu'elles n'ont pas fait" et que "la notoriété desdites informations justifie d'une part que l'arbitre ne soit pas tenu de les révéler, les parties devant faire preuve d'un minimum de curiosité, et d'autre part que le délai au-delà duquel la forclusion pour contester l'indépendance ou l'impartialité de l'arbitre sur les mêmes motifs est acquise, commençait à courir à compter de la nomination de l'arbitre", pour en déduire que c'est "dès lors en connaissance de cause et sans motif légitime, que la société Delta Dragon s'est abstenue d'invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral qu'elle ne peut plus soutenir devant la cour pour demander l'annulation de la sentence, étant présumée y avoir renoncé en application de l'article 1466 du code de procédure civile", la cour d'appel a violé les articles 1456, alinéa 2, 1466, 1506, 2°, 1506,3° et 1520,2°, du code de procédure civile ;
2°/ qu'il appartient à l'arbitre, avant d'accepter sa mission, de révéler toute circonstance susceptible d'affecter son indépendance ou son impartialité ; que seules des circonstances notoires, connues d'un grand nombre de personnes, n'ont pas à être révélées par l'arbitre avant d'accepter sa mission ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait motifs pris que "seules des informations publiques aisément accessibles que les parties ne pouvaient manquer de consulter avant le début de l'arbitrage, sont de nature à caractériser la notoriété d'une situation susceptible de tempérer le contenu de l'obligation de révélation incombant à l'arbitre", « qu'avec un seul clic, un lien vers Star Cooperation a permis d'ouvrir une page puis en cliquant sur ctrl F et en tapant "[H]", l'huissier a ouvert un article contenant une interview du Prof. Dr [H], dont il est immédiatement apparu qu'il était président du Beirat du groupe Star, puis l'huissier a, avec un seul clic sur le document pdf. figurant en haut de la page, téléchargé le rapport annuel datant de 2011, publié par Star Cooperation", "que compte tenu de l'accès très aisé à toutes les informations concernant les liens entre l'arbitre et le groupe Star, y compris l'accès au rapport annuel contenant des éléments sur ls secteur automobile impliquant le groupe Star, et notamment ses liens avec le client Daimler, ces informations peuvent être considérées comme notoires, à la date à laquelle elles ont été publiées, date antérieure à la nomination de l'arbitre, permettant ainsi aux parties, si elles estimaient que lesdites informations pouvaient créer un doute dans leur esprit sur l'indépendance de l'arbitre, d'introduire un recours en récusation dans les trente jours de la nomination de l'arbitre, en indiquant en quoi ces faits pouvaient influer sur la décision de l'arbitre, ce qu'elles n'ont pas fait" et que "la notoriété desdites informations justifie d'une part que l'arbitre ne soit pas tenu de les révéler, les parties devant faire preuve d'un minimum de curiosité, et d'autre part que le délai au-delà duquel la forclusion pour contester l'indépendance ou l'impartialité de l'arbitre sur les mêmes motifs est acquise, commençait à courir à compter de la nomination de l'arbitre", ce dont il ne résulte pas que les circonstances en cause étaient notoires, mais uniquement qu'elles étaient accessibles grâce à des diligences des parties, la cour d'appel a violé les articles 1456, alinéa 2, 1466, 1506, 2°, 1506, 3° et 1520, 2° du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5.La cour d'appel, ayant retenu que la société Delta, qui s'était, en connaissance de cause et sans motif légitime, abstenue d'invoquer en temps utile l'irrégularité de la composition du tribunal arbitral, dont elle ne démontrait pas qu'elle n'avait pu la découvrir qu'après la reddition de la sentence n'était plus recevable à s'en prévaloir au soutien de son recours en annulation, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.